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se sont pas abstenus devant le lit de Procuste
imposé à leurs créations? La somme majorée, ils
ne demanderaient pas mieux d’entrer à leur tour
dans la lice. Eh bien! non. Quel que soit leur
talent, leur génie, ils se trouvent exclus du second
concours, justement parce qu’ils n’ont pas eu la
bonhommie et la naïve confiance de s’exposer au
résultat négatif du premier.
« Mais acceptons la position actuelle et dédui-
sons-en les conséquences naturelles.
« Les cinq ayants-droit à reconcourir recom-
mencent leur travail. Cependant, mis en éveil par
certains bruits courant les ruelles, — tout se sait
et d’ailleurs neuf mois et demi s’étaient écoulés
depuis la remise des plans et le rapport très-vague
et peu concluant du jury, — mis en éveil, dis-je,
les concurrents, s’attendant à un nouveau con-
cours, avaient en quelque sorte élu domicile dans
la salle où les plans étaient exposés. Ils ont pu
apprendre par cœur, sinon en consignant leurs
observations et leurs notes par écrit, les supério-
rités et les défectuosités des plans opposés au leur.
Ne résultera-t-il pas forcément de cette étude un
pillage général? Les concurrents privilégiés pour-
ront se dérober parfaitement les uns aux autres
leurs idées particulières en les modifiant et en les
perfectionnant. En pareil cas, la donnée est tout.
Qui nous répond que le plus heureux ne sera pas
précisément le plus adroit voleur?
“ Il nous suffit d’indiquer grosso-modo les vices
redhibitoire du second concours consenti à la légère
par le conseil Communal d’Anvers. Non-seulement
les concurrents méritants se trouvent par lui privés
du bénéfice de leurs travaux et de leurs recher-
ches, mais encore les plus dignes n’auront peut-
être prodigué leurs veilles et mis à contribution
leur imagination, que pour rendre la victoire plus
facile à ceux qui, dans aucun cas, n’auraient dû
leur être préférés.
“ Dans ces conditions, il est fort à craindre que
plus d’un privilégié ne retire son épingle du jeu,
plutôt que de voir une défaite imméritée succéder
à une distinction légitime.
“ Gustave Lagye. ,,
Le moment à la mémoire du roi Léopold I
Le monument que la reconnaissance nationale
va élever à S. M. Léopold Ier, l’illustre fondateur
de la dynastie belgè, sera sans contredit l’une des
œuvres architecturales,les plus remarquables élevées
pendant ce premier demi-siècle de notre indépen-
dance.
Il s’élèvera au centre d’une place circulaire de
80 mètres de diamètre, à laquelle on arrivera par
une magnifique avenue de GO métrés de largeur;
il occupera le point le plus élevé du nouveau parc
que l’on Construit en ce moment contre le domaine
royal de Laeken, lequel sera ainsi considérable-
ment agrandi,
Le plan du monument est un ennéagone parfait;
il se compose d'un plateau de 9 marches, dont le
grand diamètre est de 22 mètres; sur ce plateau
polygonal, dont les arêtes sont formées par des
socles; de 1m50 de hauteur, s’élève l’édifice pro-
prement dit, formé d’une galerie enveloppant une
sorte de sanctuaire au centre duquel s’élève la
statue du Roi.
L'édifice est traité dans un beau style gothique
secondaire très-pur.
Comme nous l’avons dit, la donnée du plan est
un polygone de 9 côtés ; la galerie est formée par
9 colonnes de grand module, supportant 9 arcades
ogivales à tiers-point et couronnées par des pina-
cles ornés de nicnes destinées à recevoir les statues
allégoriques des neuf provinces.
Ces neuf arcades indiquent les formerets de
voûtes en arêtes couvrant la galerie, s’appuyant
par leurs retombées sur les piles dessinant le sanc-
tuaire et supportant une terrassé avec balustrade
très-riche.
La çella est encore ennéagonale; sept travées
sont ouvertes ; deux de ces travées forment paroi
et doivent recevoir le texte de la Constitution.
Nous avons dit que la galerie entourant le sanc-
tuaire forme terrasse ; au centre de cette terrasse
s’élève, encore sur le plan ennéagonal, une magni-
fique flèche ajourée que couronne le génie de la
Belgique.
La hauteur totale de cette œuvre magistrale est
d’environ 42 mètres.
C’est M. l’architecte De CUrte, l’habile restau-
rateur de l’ancienne église de Laeken et de l’église
de Sainte-Gudule, qui est l’auteur de ce monument
digne de la Belgique et du premier de ses rois.
C’est une œuvre de haut mérite, dans laquelle se
reconnaissent et une étude consciencieuse de l’ar-
chitecture ogivale et un sentiment profond de cet
art, auquel nous devons nos admirables cathédrales
et nos splendides hôtels de ville.
A nos abonnés et confrères
Nous avons dit à diverses reprises que nous
désirions vivement voir nos confrères de province
coopérer à l’œuvre à laquelle nous voulions consa-
crer nos efforts lorsque nous avons fondé I’Emu-
lation.
Nous voulions à tout prix éviter que l’on pût
dire que notre publication n’était l’organe que
d’une école, qu’elle était inspirée et dirigée dans
un esprit d’exclusivisme.
Notre vœu n’a pas été stérile; quelques-uns de
nos confrères sont devenus nos correspondants, ont
apporté leurs efforts à l’oeuvre commune; mais
nous devons dire que nous avons espéré plus de
succès quand nous avons fait appel aux idées de
tous, lorsque nous avons déclaré que I’Emulation
est une tribune libre, où chacun peut émettre son
opinion et la défendre.
L’Emulation n’est pas seulement l’organe de la
Société d’architecture dont le siége est à Bruxelles :
ce serait une publication bruxelloise.
L’Emulation est et doit être une publication
nationale.
Elle doit être l’organe de l’Ecole belge d’archi-
tecture, et non pas seulement de telle ou telle
académie, de telle ou telle association d’archi-
tectes.
Nous faisons donc un nouvel appel à nos con-
frères de province, et c’est avec instance que nous
leur demandons de confier à notre publication leurs
idées et leurs œuvres ; ce sera le moyen puissant
de réunir, de condenser les idées, les principes
amenés par l’expérience de chaque jour; ce sera le
moyen de donner une même direction aux efforts
tentés dans la voie de la rénovation, du progrès
architectural.
Aujourd’hui surtout, que l’Emulation a vu croître
considérablement son importance et qu’elle fait
connaître à l’étranger les œuvres des artistes belges,
n’est-il pas désirable, n’est-il pas nécessaire que
tous nous aident dans la tâche que nous avons
assumée : faire connaître les créations d’architectes
de talent, répandre les vrais principes de notre
art, détruire la routine et relever la profession à
laquelle nous avons l’honneur d’appartenir.
La Direction.
ANVERS
Concours pour la construction de Maisons d’Ouvriers. Compte-rendu
De nombreux projets (26 ou 27, croyons-nous) ont été
soumis à l’appréciation du jury, qui était composé de
MM. Dumont,, président de l’administration des hospices;
Lefebvre, échevin des travaux publics ; Bex, architecte et
conseiller communal, tous trois d’Anvers ; Pauli, archi-
tecte, professeur à l’Université de Gand ; Laureys, professeur
du cours supérieur d’achitecture à l’Académie de Bruxelles.
Une bonne moitié de ces projets ont des qualités remar-
quables, et nous y reconnaissons des études sérieuses; la
plupart sont accompagnés de mémoires explicatifs et justifi-
catifs, ainsi que de devis généralement très-détaillés.
Ce qui frappe particulièrement dans un examen attentif
de; ces œuvres, c’est l’extrême variété qu’offrent les distribu-
tions intérieures et le style des compositions au point de vue
architectural. La plupart des concurrents se sont franche-
ment écartés du programme, dont l’une des clauses avait,
d’ailleurs, laissé aux auteurs de projets la faculté de le modi-
fier ou de l’interpréter en le complétant selon leurs inspira-
tions, leur initiative personnelle.
C’est ainsi que, pour les maisons ouvrières, le programme
demandait des bâtiments de cinq mètres de. largeur pouvant
être occupés par deux ménages. Quelques concurrents ont
fait des bâtiments doubles, de cinq mètres, à occuper par
quatre familles.
Cette disposition a pour avantage d’utiliser le terrain avec
plus d’économie par la suppression d’un couloir ; mais il
tombe précisément dans cet inconvénient que les auteurs du
programme nous paraissent surtout avoir voulu éviter : une
circulation difficile, un embarras continuel dans le mouve-
ment de la vie de ménage.
Cependant il est à remarquer que, dans les cités ouvrières
construites tant en Belgique qu’à l’étranger, le type de mai-
son double a été fréquemment employé ; il y a d’ailleurs un
moyen d’isoler les familles, et nous allons le trouver dans l’un
des projets primés.
Examinons ces projets en partant de la décision même du
jury, c’est-à-dire en nous occupant d’abord des lauréats dans
l’ordre des primés.
Premier : N° 26. Porte là devise : BenefiCeNtiA. L’œuvre
de M. Verecken, architecte à Anvers, n’est pas conforme aux
prescriptions du programme; les maisons ouvrières sont
doubles, c’est-à-dire que, pour deux maisons, il y a un vesti-
bule et un escalier communs, divisant chaque bâtiment en
deux parties exactement symétriques. Elles ont dix mètres
de façade et sont destinées à quatre ménages : deux au rez de
chaussée et deux à.l’étage.
L’auteur du projet fait valoir que, par la disposition qu’il
a adoptée : 1° les dégagements peuvent être plus spacieux par
suite de la suppression d’un couloir sur deux ; 2° que la con-
struction est rendue moins coûteuse par la suppression d’un
mur séparatif, d’un escalier, d’une pompe, etc. ; 3° que les
chambres sont aussi plus spacieuses.
Nous croyons que ces avantages, parfaitement fondés
d’ailleurs, ne donnent nullement la compensation des inconvé-
nients que présente cette disposition au point de vue de l’hy-
giène et, peut-être même, à celui de la moralité.
Il est, nous semble-t-il, indispensable dans les construc-
tions ouvrières de séparer autant que possible les ménages et
de donner a chaque famille le chez soi, dont l’on se préoccupe
tant lorsqu’il s’agit de maisons de rapport.
Nous remarquons en outre que quelques maisons de coin
n’ont pas de cour, ce qui est, encore une fois, contraire à
l’hygiène. Chaque ménage possède deux chambres, un gre-
nier, une cave et un w. c. séparés. Cela est bien ; mais pour
y arriver, il faut que ces quatre familles (ce qui peut repré-
senter vingt à vingt-cinq personnes) passent par un même
couloir, qu’une moitié se serve d’un même escalier. Étant
donnée l’aménité habituelle de la classe ouvrière, cela ne peut
manquer de donner lieu à des colloques plus Ou moins vifs
accompagnés de gestes d’une éloquence parfois trop frap-
pante.
Les façades présentent beaucoup de variété, — mais cette
variété n’est qu’apparente, — par l’emploi de bandeaux ou
chaînes horizontales de toutes couleurs; elles sont taillées
toutes sur le même patron, ont peu de caractère, et l’ensemble
est d’une monotonie des plus désagréables.
La somme allouée est de 950,000 francs. Le devis, joint au
projet que nous examinons, y arrive à fr. 5-63 près.
C’est bien exact ! ! !
*
* *
Second : N° 19. A pour devise : Bien-être et salubrité.
Architectes MM. Flemal et Schaeps d’Anvers. Pas plus que
le premier, ce projet n’est conforme au programme; les
maisons sont doubles, c’est-à-dire qu’elles sont destinées à
quatre ménages. Mais la disposition, originale, en est très-
heureuse et de beaucoup préférable à celle du projet n° 26.
Au centre se trouve un vestibule conduisant à deux esca-
liers desservant les, étages ; à droite et à gauche une entrée
spéciale pour les deux logements du rez-de-chaussée.
Il est fâcheux que ces maisons n’aient pas de grenier et
que, pour quatre ménages, il n’y ait que deux latrines.
Chaque ménage se trouverait ainsi indépendant des autres, et
les conditions d’hygiène, seraient satisfaites.
Au centre de la cour est placée une pompe commune.
Les façades, dans leur ensemble, ne manquent pas de
caractère ; cependant les maisons-boutiques et le dispensaire
sont d’un style beaucoup plus heureux que les maisons
d’ouvriers. A une sage simplicité, imposée d’ailleurs par la
somme fixée pour ces constructions, ces compositions
joignent une ordonnance raisonnée et une heureuse har-
monie de proportions. Le devis est très-étudié.
En somme les qualités de ce projet sont nombreuses et il
nous a paru des mieux étudiés.
(A continuer.)
CORRESPONDANCE
Nous avons reçu, à propos du Parc de Bruxelles, un
article qui ne manque pas d’intérêt, mais dont l’auteur
ne s’est pas fait connaître. .
Nous avons résolu de ne donner suite qu’aux notices,
études ou communications qui nous seront envoyées avec la
signature de leurs auteurs; ce qui ne peut être mal interprêté,
car ces signatures ne sont connues que par la Direction.
Nous publions toujours les communications que l’on veut
bien nous faire, en ne donnant que des initiales, quand on
nous le demande, et sans signature lorsque l’anonymat nous
est réclamé.
Nous engageons donc vivement l’auteur de l’article cité
ci-dessus à se faire connaître à la Direction.
FAITS DIVERS
BRUXELLES. Académie royale des Beaux-Arts. —
Un fait sans précédent se passe en ce moment à l’école des
Beoux-Arts de, Bruxelles : les' élèves qui ont pris part au
grand concours pour le prix de mille francs sont sortis
de la loge depuis le 12 mai dernier et le jugement est . fixé
au ...... 21 juillet prochain.
Aurait-on songé, par hasard, à faire de cette opération
l’une des festivités de la kermesse de Bruxelles.
LAEKEN. — Un bâtiment en construction vient de
s’écrouler dans cette commune, qui a été mise en émoi il ya
environ un an par deux accidents analogues. Cette fois, mal-
heureusement; cinq ouvriers ont été tués et un sixième griè-
vement blessé.
Il y a deux mois, une construction s’effondrait rue de la
Loi et l’on devait renverser un bâtiment rue Scarron, à
Ixelles.
Il y a cependant, dans toutes les communes de l’agglomé-
ration bruxelloise, un service de, surveillance dont le per-
sonnel paraît suffisant, et l’on ne peut s’empêcher de faire de
sévères réflexions chaque fois que se produit un accident
dans les constructions. Une certaine part de responsabilité
semble incomber, moralement, à ces agents qui ont pour
mission d’assurer la sécurité publique dans les constructions.
Ces agents ont, surtout en ce moment-ci, plus de temps
qu’il n’en faut pour surveiller les bâtisses et appliquer les
règlements communaux.
Il est vrai qu’une bonne partie du temps qu’achète l’admi-
nistration à ses agents est indispensable à ces messieurs ;
pour s’occuper d’affaires particulières, telles que confection
de plans ou commerce de matériaux de construction.
C’est ainsi que, malgré l’ordre de service leur interdisant
de s’occuper d’affaires pour les particuliers, nous connaissons
des inspecteurs ou des surveillants qui se chargent de faire
les plans et de conduire les travaux de construction de mai-
sons particulières. |