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N" 4.
isamss
ANVERS, VENDREDI 18 DÉCEMBRE 1833.
PREMIERE ANNEE.
LE PRECURSEUR
PAIX.
ZZttWàJk PCLIÏIQTJ^, COMMERCIAL, MARITIIæs
IiIBZBTÉ.
T,"
F^QC-RES.
METEOROLOGIE.
Thermomètre X1 °
Baromètre, pluie
Pleine mer , 2 1 ]2 h. de l'ap.-midi.
Lever du soleil, 7 h. 44. m.n
Lever de la lune, 8 h. 50 m. s.r
P. L. le 5 à 5 h. 45 m. matin.
N. L. le 19, à 9 h. 23 m. soir.
Vents Sud-Ouest
État du ciel Brumeux
Basse mer, 8 1|2 h. du matin.
Toucher du soleil, 4 h. 1 m.
Coucher de la lune,11 h. 47 m.
D. Q. le 13, à 4 h. 55 ni. matin.
P. Q. le 20, à 7 h. 45 m. soir.
ON S’ABONNE
A Anvers, au bureau du Précurseur, rue Aigre, N° 320, où se
trouve une boîte aux lettres et où doivent s’adresser tous les avis.
En Belgique et à l'étranger, chez les directeurs des postes.
La quatrième page consacrée aux annonces, est affichée à la
bourse d’Anvers, et à la bourse des principales villes de commerce.
Le prix des annonces est de 25 centimes par ligne d’impression ;
Un soin tout particulier sera porté à les rendre exactes, claires et
tèrs-visibles.
Portes de la Ville.
Ouverture: 0 heures du matin. - Fermeture 9 du soir.
PRIX DE L’ABONNEMENT.
Pour Anvers.
A l’année. . .
Par semestre.
Par trimestre.
fr. 00
. 30
* 15
Pour la Belgique.
A l’année. . .
Par semestre.
Par trimestre
fr. 72
» 36
» 18
Pour l’étranger 20 francs.
Le Journal paraît tous les Jours , et porte la date du
Jour de sa publication.
18 Décembre.
INDEMNITÉS RÉCLAMÉES PARLE COMMERCE D’ANVERS
( PREMIER ARTICLE )
Une brochure sortie de la plume de M. Depouhon est
toujours un heureux événement pour le pays.
S'il est une idée utile à faire germer , un projet national
à faire adopter , une injustice à réparer ou combattre, cet
honorable écrivain est sur la brèche et ceux que sa parole
incisive n’ont pii convaincre sont toujours séduits par la
pureté de l’intention qui préside à tous ses écrits. Hier,
c’était les avantages qui devaient résulter pour la Belgique
de l’établissement des chemins de fer qu’il déroulait à
nos yeux. Voyant dans l’adoption de son projet une source
de richesse publique, il demandait qu’on employait pour le
réaliser des fonds dont il aurait pù révendiquer une part
comme l’une des principales victimes de notre révolution ,
en réclamant pour lui et ses commettants une loi d’in-
ilemnité ; mais, non ; cette loi aurait peut-être privé son
pays d’une institution utile, entravé ses premiers pas dans
sa carrièrede nationalité; cette considération était puissante,
décisive à ses yeux; il a donc imposé silence à ses sentiments
d’intérêt privé , refoulé ses espérances, et attendu de meil-
leurs jours , pour demander justice.
Le jour de la justice est arrivé. Prenant en main les inté-
rêts de ses compagnons d’infortune M. Depouhon adjure les
représentans de la Belgique révolutionnaire d’acquitter les
dettes de la révolution, et de relever quelques fortunes dont
les débris ont encore servi à consolider notre indépendance.
Abordant franchement la question Monsieur Depouhon
pense, que d’après ce qui s’est passé à la représentation
nationale lors de la discussion des budgets de 1831 et 1832,
la consécration du droit d'indemnité pour les marchandises
brûlées dans l’entrepôt royal lors du bombardement de no-
tre ville , ne peut susciter la plus légère opposition : et il
ajoute :
« Il s’agit de consacrer une allocation annuelle au budget
« de près d’un million de francs, pour servir l’intérêt et
« l’amortissement du capital des indemnités , ou de dire
« aux victimes de la révolution « La Belgique est. enfin
parvenue à secouer la domination étrangère ; les vœux de
nationalité qui la travaillaient depuis des siècles sont satis-
faits ; elle jouit de Vindépendance et des libertés dont elle
s’est toujours montrée si jalouse. Notre affranchissement a
bien coûté quelques sacrifices ; dans lu lutte qui l’a amené
vos propriétés ont été détruites , mais nous ne reconnaissons
ptour nous que les avantages de la révolution , à vous seuls
la partie onéreuse.
Si nous tenions jamais un pareil langage ce serait renier
en un jour les traditions de nos ancêtres, abdiquer tout sen-
timent de justice et de moralité et donner à l’Europe le
spectacle d’une nation renfermant dans son sein une portion
d’individus exploitant àson profit les hommes et les choses.
Que des magistrats esclaves de la lettre de la loi aient rendu
des jugements, qui dépouillés de leurs textes et de leurs
citations, résument à peu près ce que nous venons de dire,
cela ne nous étonne pas; les hautes cours veulent souvent,
faire croire, à leur utilité; mais que des Réprésentans de la
nation le proclament à la tribune, nous ne le croyons pas;
et comme M. Depouhon, nous espérons qu’il n’y aura point
d’opposition pour l’adoption d’une loi que nous pourrons
appeler loi de justice.
Mais ce n’est pas tout que de proclamer l’opportunité de
cette loi, il faut aussi en reconnaître l’urgence; car M. De-
pouhon nous le déclare, les noms les plus opulents d’An-
vers , qui figurent parmi ses commettants, couvrent bien
des infortunes ; chaque année qui s’écoule voit emporter
dans la tombe la pensée d’un tort irréparé.
Entendez vous représentants de la nation ? Un tort irré-
paré et désormais irréparable ! ! Cette pensée seule fait
refluer notre sang et nous ne savons comment exprimer la
tristesse que fait passer dans nos cœurs le tableau déchirant
d’une infortune non méritée et d’un trépas occasionné peut
être par des espérances déçues ou des besoins réels !
M. Depouhon prétend que l’importance de la charge des
indemnités ne peut entrer en considération dès qu elle ne dé-
passe pas les moyens du royaume. Nous sommes de son avis;
bien plus, uons dirons que lors même que cette importance
dépasserait ces moyens elle ne devrait pas encore être prise
en considération, c’est-à-dire qu'on ne devrait pas s’arrêter
au chiffre, à l’importance de la somme pour reconnaître la
dette.
En effet; si nous sommes créanciers d’un homme qui ne
possède rien, du moins pour le moment , négligeons nous
pour cela de le faire déclarer notre débiteur ? non : seulement
nous attendons pour rentrer dans nos fonds des temps plus
heureux. Pourquoi n’en serait-il pas de même vis-à-vis d’un
gouvernement ? Pourquoi négligerions nous de faire consta-
ter notre droit et liquider notre créance sauf à la réaliser
lorsque l’état serait en mesure de le faire? On nous deman-
dera à quoi servirait cette liquidation, si elle dépassait les
moyens du royaume? Nous répondrons que l’importance de
ces moyens peut changer d’un jour à l’autre que c’est là une
probabilité et que par conséquent nous fesons acte de sagesse
en demandant la reconnaissance de notre créance.
Après avoir sous le rapport moral établi ses droits et celui
des ses co-associés à demander au gouvernement belge une
Indemnité des dommages souffert, M. Depouhon envisage la
question sous le rapport politique, combat lajurisprndence
de la Cour d’appel de Bruxelles et réfuté quelques objections
qui ponrraient être faites par des hommes habitués à traiter
judiciairement, même les affaires d’honneur national et de
moralité publique. Le temps et l’espace nous manquent pour
feuilleton du précurseur.
EPISODE D’UN VOYAGE AU BRÉSIL
Le brick !a Jeune Heloïse était parti de Marseille par une bonne
brise d’Est, qui le poussa en peu d’heures en face de Giblaltar. Il
louvoya quelque temps dans le canal, entre ce roc formidable et le
Mont-aux-Singes, qui lui est opposé sur la côte d’Afrique. Vainqueur
enfin des courants, il entra dans l’Océan Atlantique, toucha à Téné-
nffe, gagna les vents alisés, passa la ligne à l’aide des bouffées d’ora-
ges qui pèsent sans cesse sur cette zone brûlante, cingla joyeux vers
le Sud-ouest, et, au bout de cinquante quatre jours, vit poindre à
1 horizon les cimes chevelues des côtes Brésiliennes.
Le joli brick mouilla à deux encablures de la plage de Sables que
domine 1 église elegante de Notre-Dame-deGloire , et à quelques toises
du fort de Villegagnon, que Dugay-Trouin fit taire après quelques
heures d un combat formidable.
La mer était calme. Une nuit des Tropiques, nuits délicieuses où
Ion sent la vie, où nulle émotion n’échappe à l’ame, pas même celle
u sommeil, avait endormi tout le monde sur le brick la Jeune-He-
ols’’ -excepté un seul homme qui voyait, qui étudiait, qui se sentait
nu Brésil, le pays le plus beau, le plus poétique du monde. Un homme
ait mort dans la traversée. une quarantaine de trois jours était im-
posée au Brick ; le matelot Charles Raimbaud n’avait pas pu descendte
a terre.
Il regardait la plage silencieux.Tout à coup il voit poindre quel-
ques lignes courtes et noires : il regarde mieux, il plonge dans l’obs-
curité un œil exercé, et il distingue une Pirogue pagayée par deux
negres. La Pirogue s’arrête, la mer s’ouvre..., elle se ferme ; un léger
cri étouffé arrive jusqu,à lui la Pirogue regagne la plage... tout rede-
vient calme.
Charles Raimbaud est traversé par une pensée rapide ; il se jette à
l’eau, nage avec vigueur, arrive en quelques brasses à un grouille-
ment extraordinaire, saisit par ses vêtements un enfant presque mort,
le ramène sur la plage et cherche vainement à le rappeler à la vie.
Raimbaud va laisser le cadavre ensanglanté, quand il voit une
troupe d’esclaves , des torches à la main , qui parcourent la grève, pré-
cédés par une femme échevelée. Il appelle, on accourt— Un cadavre,
un Européen ; une mère au désespoir, des nègres furieux! Raimbaud
va mourir, l’Alcade arrive avec un docteur. Sa baguette maîtrise la
foule, sa voix commande le silence.
« Qui êtes-vous ? — Raimbaud, matelot sur le brick la Jeune-
Heloise. Ce navire est en quarantaine ; pourquoi l’avez-vous rompue ?
— J’ai vu deux nègres qui jetaient un enfant à l’eau , j’ai voulu le sau-
ver ; voilà tout. La boucle de dianians de cette jeune fille a disparu,
où l’avez-vous cachée ? — Je n’ai rien caché ; j’ai fait mon devoir,
plus que mon devoir , peut-être ; je besoin de force, donnez-moi un
verre d’eau-de-vie : c’est tout ce que je demande pour le service que
j’ai essayé de rendre à cette brave dame qui se lamente* «
La mère, en effet, avait pris son enfant sur ses genoux, et le con-
vrait des plus vives caresses. Bientôt la jeune fille put raconter son
aventure.
Sa mère se jeta au cou du matelot, et lui offrit une somme immense
en récompense de son dévouement j Raimbaud accepta un verre d’eau-
de-vie.
Mais l’Alcade avait un autre devoir à remplir. Raimbaud s’était
affranchi de la quarantaine ; la loi, toute sevère qu’elle est, doit être
respectée : Raimbaud fut conduit à la ville, emprisonné, jugé et con-
damné à mort.
Jean VI. , le monarque le plus humain et le plus stupide du monde,
commua sa peine ; et Raimbaud , malgré les larmes et les prières de la
dame dont il avait sauvé l’enfant, dût aller passer cinq ans aux prési-
présenter à cet égard quelques considérations, que nous ren-
voyons à un prochain numéro.
L’alliance commerciale de l’union Américaine avec l’union
Prussienne se confirme ; encore un pas de fait vers la liberté
du commerce !
gCf-Mfmin
ESPAGNE.
CORRESPONDANCE PARTICULIÈRE DU
PRÉCURSEUR.
Bayonne le 15 décembre.
Le siège de St-Sebastien vient d’ètre levé «à l'approcho
de Ü2,()()() hommes commandés par Espartero. Cependant
on s’attend à ce que les attaques contre cette place recom-
mencent avant peu. Elle a pu recevoir des secours de San-
tander qui la mettront plus à même de résister.
La postion des deux armées est du reste la même.
Madrid, 9 décembre. — La double députation des cham-
bres a présenté, le 7 , à S. M. les adresses votées par les
proeérès et les proouradores : parmi les membres de cette
dernière chambre on remarquait, outre M. Isturiz, qui
avait revêtu son grand costume, MM. Félix, Galiano, Ouis,
Montes de Oea, marquis de Falces, Puche, etc. Auprès de
la reine siégeait M. Mendizabal, au moment où l’adresse
a été présentée, et dans la salle du trône. On voyait M.
Rayneval qui avait eu l’honneur d’être reçu en audience
particulière. L’ambassadeur de France portait les insignes
de la légion d’Honneur et de la décoration de Charles III.
Un conseil s’est tenu , après oette cérémonie , à l’hôtel de
M. Mendizabal. Les délibérations se sont prolongées assez
avant dans la soirée. M. Villatto, secrétaire de la junte de
Cadix, et qui vient d’être nommé gouverneur civil d'une
province, a été reçu, dans la soirée, par M. Mendizabal.
—La Gazette du 8 , a publié la nominatiou officielle du
général Alava à l’ambassade de Paris.
— M. le duc de Bassano, secrétaire de l’ambassade de
France, est ici depuis quelques jours : M. E. Pcrier rem-
placé par le duc, doit partir demain pour Paris. Son voy-
age sera long, il doit passer par Cadix, Lisbonne et Lon-
dres.
— Le comte d’Almodovar, ministre de la guerre, est
parti ce soir, pour l’armée du Nord ; son absence laisse
le portefeuille de la guerre entre les mains de M. Mendi-
zabal , qui déjà chargé d’administrer trois départe-
mens de l’état, suffit cependant à tout, par son incompa-
rable activité.
Le général Alava qui accompagne notre ministre de la
guerre doit se rendre à Paris, où il est envoyé en mis-
sion spéciale : Cette ambassade parait ne lui être que mo-
mentanément dévolue , aucune nomination n’étant faite
à celle de Londres qui lui est réservée, lorsqu’il aura rempli
auprèsdu gouvernement français la mission extraordinaire
confiée à ces soins et à son patriotisme.
des de Minas-Géraes, renommées par l’abondance et la beauté des pier-
res précieuses.
Le gouverneur de ce lieu de déportation , en apprenant le motif de
la condamnation de Baimbaud , l’affranchit des travaux pénibles des
convicts , et lui donna bientôt la direction des ruissaux et des filons le
plus productifs. Mais Raimbaud était à 5,000 lieues de sa patrie, seuls
pauvre , délaissé , sans confident de sa belle âme , au milieu des mal-
faiteurs qui peuplaient ces vastes solitudes ; Raimbaud, sous un ciel
calcinateur, voyait s’épuiser ses forces viriles de matelot ; et cinq belles
années retranchées de sa vie le dévoraient au cœur, car il avait laissé
là-bas , à Marseille, dans une petite chambre , sa vieille mère qui at-
tendait son retour, et qui tous les soirs s’agenouillait pour son fils bien-
aimé. C’est pour elle qu’il s’était fait matelot, c’est pour elle qu’il était
venu au Brésil, qu’il s’était condamné à ce dur apprentissage , et c’est
pour elle aussi qu’il amassait les faibles économies qu’il faisait à Minast
Geraes. — Raimbaud, je vous l’ai dit, surveillait une partie des tra-
vailleurs. Chaque soir, les produits de la journée lui étaient remis , et
lui , plus tard , la portait au gouverneur. Un seul des caillous noirs
roulés par les eaux aurait parfois suffi à la fortune d’une famille ; Raim-
baud s’arrêta à cette pensée.
Les hommes à émotion violentes sont superstitieux. Raimbaud était
là, déporté pour une action généreuse. Les juges l’y avaient envoyé
dans leur justice. Dieu devait l’en arracher dans sa bonté.
Pauvre jeune homme ,îqui pleura de joie à mon arrivée et de déses-
poir à mou départ ! Il m’a dit à moi toutes ses pensées. — « Puisque
je suis ici par la volonté du ciel, se dit-il un jour en s’éveillant, c’est
que le ciel a eu pitié delà pauvreté et de la vieillesse de ma bonne mère.
— Je veux devenir riche. — Quelques pierres dérobées à l’état ne fe-
ront aucun tort à l’état, et ma mère mourra heureuse, car elle verra
6ans effroi l’avenir de son fils. »
Dès ce jour , Raimbaud travailla à l’exécution de son projet. Mai» où |