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LE CONGRES INTERNATIONAL
POUR LA
PROTECTION DES ŒUVRES D’ART ET DES MONUMENTS
tenu a Paris en 1889
Suite, voir la col. 149
II
our être complet, je suis obligé dans ce
compte rendu de signaler une commu-
nication que j’ai faite à ce congrès sur
la conservation des monuments en Belgique.
Tout d’abord, j’ai dû avouer que, comme
M. Challamel l’avait dit, nous n’avons pas de
législation spéciale, puis j’ai signalé les nom-
breuses restaurations qui s’exécutent en Belgique.
Il y a un grand effort, mais combien inférieur à
ceux qui s’observent en France, en Angleterre ou
en Allemagne!
Cet effort était d’ailleurs des plus nécessaires,
car dans le passé, comme il m’a été facile de le
prouver par quelques exemples, nos monuments
ont fort souffert.
Qu’il me soit permis de citer ici les dégrada-
tions faites aux monuments de Bruxelles en 1803,
lors de la visite de Bonaparte, alors premier con-
sul. Pour plaire au vainqueur de la bataille des
Pyramides, les monuments publics de Bruxelles,
furent badigeonnés en « couleur terre d'Egypte ».
C’était là, délicate allusion, paraît-il.
Le grand théâtre de la Monnaie et toutes les
maisons avoisinantes furent blanchis. Les chapi-
teaux et bases des colonnes, les divers ornements
du fronton en blanc, le reste en terre d’Egypte. Le
même parti décoratif fut adopté pour la Grand’-
Place. La « ci-devant rue Royale » fut peinte d’une
couleur uniforme en terre d’Egypte, et ainsi de suite
pour les autres parties de la ville.
Mais ce sont là choses du passé qui n’arrivent
plus de nos jours.
En effet, depuis lors, la Commission des monu-
ments a été instituée en 1835, mais son pouvoir
n’est pas assez étendu. La destruction de la Tour
bleu, des portes de Berchem et de Borgerhout à
Anvers, et de bien d’autres monuments est la
preuve de cet état de chose.
C’est ce que l’Académie d’Archéologie de Bel-
gique signalait dans son exposé des motifs de sa
proposition de loi sur la conservation des monu-
ments historiques :
Voici le début de cet exposé :
Un arrêté royal du 16 août 1824, dont la plupart des dis-
positions sont implicitement abrogées par la Constitution,
porte à son article 2 :
« L’on ne pourra élever ou bâtir de nouvelles églises ou de
« nouveaux édifices destinés à l’exercice du culte public,
« reconstruire ceux qui existent ou en changer l’ordonnance,
« sans avoir obtenu, préalablement, Notre consentement.
1889
« Les administrations des églises devront simplement se
« borner aux réparations d’entretien nécessaires à la conser-
« vation des bâtiments. »
Malgré la généralité de ces termes, cet article ne peut,
aujourd’hui du moins, s’entendre que des édifices appartenant
à une administration publique.
C’est pour l’exécuter, en ce qui concerne les fabriques
d’églises, et pour assurer, d’autre part « la conservation des
« monuments du pays, remarquables par leur antiquité, par
« les souvenirs qu’ils rappellent ou par leur importance sous
« le rapport de l’art », qu’un arrêté royal du 7 janvier 1835
institua la Commission royale des monuments, appelée à don-
ner son avis à la demande du ministre de l’intérieur :
1° Sur les réparations qu’exigent les monuments remar-
quables ci-dessus mentionnés ;
20 « Sur les plans relatifs aux constructions et réparations
« des édifices mentionnés dans l’article 2 de l’arrêté du
« 16 août 1824 et d’autres édifices publics ».
La loi communale du 3o mars 1836 exigea l’autorisation du
roi et l’avis de la députation permanente (article 76, 8°) pour
« la démolition des monuments de l’antiquité existants dans
« la commune et les réparations à y faire, lorsque ces répara-
it tions sont de nature à changer le style ou le caractère des
« monuments ».
Un arrêté royal postérieur, du 3o mai 1860, établit dans
chaque province des membres correspondants de la Commis-
sion des monuments, chargés de coopérer aux travaux de
celle-ci, et ordonna, entre autres, que tous les ans il y aurait
à Bruxelles une réunion générale de la Commission royale
des monuments et de ses membres correspondants.
Il n’y eut que six de ses réunions, et l’on ne sait pourquoi
cette disposition de l’arrêté organique, sans avoir été rappor-
tée, est depuis lors restée lettre morte.
Des commissions provinciales se sont occupées de dresser
un état des monuments remarquables, mais ces travaux sont
demeurés sans suite, et l’on en est toujours à se demander de
quels monuments les membres des Commissions centrale et
provinciale ont droit et devoir de s’occuper.
D’autre part, l’article 5 de l’arrêté de 1824 porte :
« L’on ne pourra également, sans Notre consentement, ou
« celui des autorités publiques que Nous trouverons bon de
« désigner à cet effet, détacher, emporter ou aliéner des
« objets d’art ou monuments historiques, placés dans les
« églises, de quelque nature qu’ils soient, ou en disposer en
« aucune manière, à moins qu’ils ne soient la propriété de
« particuliers ou de sociétés particulières. »
Jamais le Roi n’a, que nous sachions, désigné une autorité
pour se substituer à lui dans l’exécution de cet article. Rien
n’étant venu non plus limiter, ni classer les objets d’art ou
monuments historiques, on en a conclu que les fabriques
d’églises ne peuvent rien faire sans autorisation royale.
Il s’en est suivi qu’on lit fréquemment au Moniteur des
arrêtés royaux autorisant ou approuvant des travaux qui ne
dépassent pas la compétence d’un maçon de village et que
dans le bulletin de la Commission royale des monuments
fourmillent des approbatur pour des travaux qui ne méritent
pas d’occuper l’attention. Ainsi, dans le dernier cahier du
bulletin de la Commission royale des monuments, p. 345, on
ne compte pas moins de neuf approbations pour des travaux
de construction, d’agrandissement, d’amélioration ou de répa-
ration de presbytères ruraux. — Suivent alors des répara-
tions à la toiture d’églises parfaitement insignifiantes, des
constructions de sacristies, etc. Mais si, d’une part, l’on exa-
gère les écritures, les lenteurs et les frais pour des niaiseries
qui ne sont dignes ni de la Majesté Royale, ni d’une commis-
sion réunissant les hommes de talent les plus marquants du
pays, d’autre part, afin d’échapper à la paperasserie adminis-
trative, les fabriques et les communes font à la dérobée des
opérations qui mériteraient d’être contrôlées par des personnes
s’intéressant spécialement aux questions d’art.
Comme toujours le but de l’arrêté de 1824, pour avoir été
dépassé, est généralement manqué.
Je me suis attaché à démontrer ensuite l’impuis-
sance de nos lois, en ce qui concerne la protection
des monuments historiques, appartenant à des
particuliers.
Après ce tableau de nos desiderata, j’ai signalé
les efforts tentés pour arriver à un état de choses
meilleur.
Un nom s’imposait tout d’abord.
Celui de M. Schuermans, l’éminent premier
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L’EMULATION.
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