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L’ÉMULATION.
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Revue de l’Architecture en Belgique
(Voir col. 54, 76, 86, 105, 136 et 169.)
BRUXELLES
II
a Bourse de Commerce marque à peu près le
milieu de la ligne de nos boulevards intérieurs ;
elle occupe le centre du quartier le plus mouve-
menté de Bruxelles, du quartier des affaires.
C’est un monument auquel on n’accorde généralement, avec
raison, qu’un mérite médiocre ; c’est de l’architecture inspirée
des œuvres les moins bonnes de l’école française du second
empire; la richesse outrée de l’ornementation, la profusion
de sculptures ne parviennent pas à lui donner du caractère, ni
à dissimuler la pauvreté d’imagination dont l’auteur a fait
preuve tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
La situation centrale, exceptionnelle, de cet édifice du
XIXe siècle exigeait une œuvre originale et belle, exempte de
banalités, une de ces œuvres qui caractérisent une époque,
qui marquent un progrès ; on en a fait un bâtiment quel-
conque, d’un type très connu, dont la destination n’est nul-
lement indiquée, tant s’en faut.
Ici encore, le choix de la pierre blanche n’a pas été heureux;
malgré les mesures prises, il y a quelque temps, pour leur
conservation, les corniches et la plupart des parties saillantes
souffrent considérablement des inclémences d’un climat, pour
lequel cette pierre ne semble pas avoir été formée.
Autour de la Bourse, les terrains à bâtir sont restés long-
temps inoccupés, à cause de leur prix élevé : 1,000 et 1,200 fr.
le mètre carré; la Ville a consenti, dans ces dernières années,
à les réduire notablement au profit de spéculateurs qui s’en-
gageaient, en échange de cette faveur, à couvrir, à bref délai,
ces terrains de constructions, parmi lesquelles nous citerons :
des rangées de maisons très simples, par les architectes Gys,
rue de la Bourse, Chameau et Servais, rue Maus ; leur unifor-
mité, un peu ennuyeuse, n’exclut pas cependant certaines qua-
lités qui proviennent de leur grande simplicité même ; nous
leur trouvons en outre ce mérite, précieux à notre avis, que
la ligne architecturale résulte directement de la construction
et de la nature des matériaux employés ; tout cela n’est pas
riche, c’est vrai, mais c’est loin d’être mauvais.
Dans ce milieu monotone, rue Henri Maus, une maison
en briques et pierre bleue, de l’architecte Rieck, se fait remar-
quer tant par l’originalité de sa conception, la forme agréable
de sa loggia, que par la distribution judicieuse des matériaux;
cet ensemble dénote des qualités d’imagination que nous
regrettons de ne pas retrouver plus souvent dans les autres
œuvres de notre confrère Rieck, dont nous aurons à nous
occuper dans cette revue.
En face de la Bourse, signalons en passant une lanterne
en fer forgé d’un beau travail mais d’aspect très lourd, servant
d’enseigne à un café, et le café de l’Hôtel Central qui attire
l’attention bien plus par sa décoration intérieure brillante et
tapageuse que par son architecture insignifiante.
* *
Un peu plus loin, rue Orts, le théâtre de la Bourse étale
ses plates et hétérogènes façades pseudo-maurèsco-arabes,
dont les différentes parties, voulant accuser la salle et la
scène, ne sont nullement reliées entre elles, semblent étran-
gères l’une à l’autre et manquent complètement de proportion.
La salle, décorée d’innombrables sculptures, de minuscules
ornements dorés, peints en rouge, en bleu, en vert vifs, peut
plaire à la multitude; nous n’étonnerons personne dans le
monde artiste, en déclarant carrément que nous avons peine
à y reconnaître la main habile du décorateur de réputation qui
l’a conçue, et qu’à l’exception peut-être du couronnement de
l’escalier, dont l’ensemble est assez agréable à voir, l’intérieur,
pas plus que l’extérieur du théâtre de la Bourse, n’a avec
l’architecture que des rapports très éloignés.
Comme disposition et comme décoration, nous lui préfé-
rons de beaucoup l’Eden, dans lequel les lignes architectu-
rales sont au moins respectées ; . si l’on s’en est inspiré
ici, on l'a fait avec une insigne maladresse et sans aucun
souci des principes élémentaires esthétiques qu’on ne devrait
jamais transgresser.
L’escalier à jour, qui occupe à peu près le centre de la
construction et donne accès aux deux étages de la salle, est
un élément et un motif assez neuf de décoration, mais il
deviendrait, croyons-nous, en cas d’incendie, un danger très-
sérieux.
En effet, prise de peur à tort ou à raison, la masse des
spectateurs se précipiterait vers cet unique escalier, trop étroit
pour la contenir ; chacun voulant devancer son voisin, il y
aurait de nombreuses chutes inévitables dans ces bousculades;
l’escalier étant ouvert des quatre côtés, les plus hardis se
jetteraient certainement de la salle sur les paliers et les
marches, où se produirait un véritable entassement qui
obstruerait le passage ; alors, le poids considérable de cette
foule amoncelée pourrait peut-être avoir raison des quelques
boulons et des bracelets qui retiennent d’une façon trop
rudimentaire, à notre avis, ces marches et ces paliers aux
colonnes de fonte de la salle! Nous pouvons nous tromper,
mais nous croyons sincèrement ne rien exagérer dans cette
appréciation ; nous nous étonnons même que l’autorité com-
munale, si soucieuse ailleurs de la sécurité du public, ait ap-
prouvé pareille disposition et autorisé semblable construction.
* *
Signalons en passant, dans la rue Orts, le Café flamand,
pour sa salle assez pittoresquement décorée. Signalons aussi,
à l’angle de la rue Van Praet, le Café des Templiers, façade
en pierre bleue et pierre de Gobertange, de construction très
récente — il vient à peine d’être achevé — par notre confrère
Decubber. Cette façade, sans grandes prétentions, présente,
dans sa simplicité, quelques qualités d’ensemble, les propor-
tions en sont généralement bonnes, les profils raisonnablement
tracés, mais elle manque évidemment d’imagination.
L’hôtel des ventes, de l’architecte A. Dumont, dont l’Ému-
lation a publié la façade dans sa IXe année, pl. 25, occupe
presque totalement le quadrilatère formé par le bouvard, les
rues Van Praet, des Pierres et la place Saint-Géry ; nous en
avons apprécié les mérites dans cette même année, col. 64.
Le Marché, place Saint-Géry, est une œuvre réussie,
que l’on doit à l’architecte H. Vanderheggen. C’est de la
bonne architecture flamande, exempte de lourdeur ; les détails
peu nombreux, comme il convient du reste à un édifice exclu-
sivement utilitaire, sont bien étudiés ; nos lecteurs ont pu s’en
fendre compte par les planches 19 à 24 de notre VIIIe année.
Si l’aménagement des caves et de la glacière a été l’objet de
vives critiques, — l’eau y a fait irruption, paraît-il, — elles ne
sont pas imputables, à M. Vanderheggen, qui a dû céder, si
nos souvenirs sont exacts, aux exigences de la section des
travaux publics, dont un autre de nos confrères faisait alors
partie ; l’intervention autorisée de ce dernier fut néfaste dans
cette circonstance.
* *
Nous retrouvons au boulevard Anspach, entre la rue des
Pierres et la place Fontainas, de nouveaux spécimens de
l’architecture clichée de MM. Mosnier et consorts, dont quel-
ques-uns cependant, notamment l’habitation de M. Canler, à
l’angle de la rue des Pierres, qui fut primée d’ailleurs,
paraissent avoir été moins négligemment étudiées, et nombre
de façades insignifiantes, dues à divers, auxquelles nous ne
nous arrêterons pas.
Nous distinguons, disséminées parmi ces dernières : la
maison n° 97, par M. Verdussen (14e prime), façade un peu
banale, mais bien ordonnancée; celles nos 91 à 95, par l’ar-
chitecte Flanneau (6e prime), que nous avons reproduites
(IIIe année, planches 17 à 20), dont l’ensemble assez heureux,
le soin apporté à l’étude et à l’exécution de certaines parties
ne font pas oublier la faiblesse, la maigreur et la mauvaise
disposition, au point de vue perspectif, de certaines autres ;
celle n° 87, de notre confrère Van Mansfeld, dont l’ensemble
est satisfaisant, mais le motif avant-corps central fort étriqué
et le couronnement lourd; enfin, n° 83, le Café central, de
M. Hoste, remarquable, dans un autre ordre d’idées, par la
grossièreté de son architecture et la lourdeur excessive des
consoles des balcons ; on y reconnaît la même main que dans
la façade boulevard Anspach, en face du Grand-Hôtel, aux
balcons en forme de bénitier, que nous signalions dans notre
précédent article.
*
* *
Boulevard du Hainaut, citons, par ordre, à partir de la place
Fontainas : la maison nos 13 et 15 de feu l’architecte Abeels
que l’octroi de la I0eprime (!), à laquelle il ne s’attendait certai-
nement pas, a dû agréablement surprendre ; l’hôtel n° 55, par
l’architecte Rieck, façade tout entière en pierre blanche, assez
mouvementée, de proportions heureuses, aux détails étudiés,
mais sans recherche, sans aucune originalité ; l’école place
Joseph Lebeau, d’Emile Janlet, que nous avons fait connaître
à nos lecteurs (VIIe année, planches 37 à 47), œuvre de mérite
que sa situation à front de rues fort étroites, l’emploi de maté-
riaux apparents très sombres à l’intérieur ont privé en partie |