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1882.
8e ANNEE.
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— DÉPOSÉ —
BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES
— DÉPOSÉ —
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SOMMAIRE
Hôlel central des Postes et Télégraphes de Bruxelles.
Œuvres publiées. — Société centrale d’Architecture. —
Bibliographie. — Faits divers.
Hôtel central des Postes et Télégraphes
DE BRUXELLES
La question de l’érection, à Bruxelles, d’un hôlel central
des postes et télégraphes, n’est pas nouvelle, tant s’en faut, et
à ce sujet nos lecteurs nous permettront de leur en présenter
l’historique.
Aussi loin que nos souvenirs remontent, c’est-à-dire à
environ trente ou quarante ans, nous voyons le bureau de la
poste établi rue de l’Évêque. Plus tard, il fut transféré au haut
de la rue de la Montagne, près de la rue de la Collégiale. Si
ce transfèrement fit la fortune des commerçants et tenanciers
d’estaminets avoisinants, il souleva un toile général dans le
monde des négociants, voyageurs, etc. En effet, l’étroitesse
des voies d’accès et leur forte déclivité, ainsi que l’éloignement
du centre commercial de la ville, qui était alors la place de la
Monnaie, n’étaient point de nature à satisfaire tous les deside-
rata du public.
Le développement du commerce et de l’industrie, qui ont
donné un si rapide essor aux services des chemins de ter, des
postes et télégraphes, força l’administration supérieure à
songer sérieusement à donner satisfaction aux légitimes récla-
mations du public et à transférer dans un local plus vaste le
bureau central des postes et télégraphes.
Si nous ne nous trompons, ce fut en 1868 ou 1869 qu’éclot
un premier projet de placer définitivement la poste au Marché-
aux-Herbes, presque en face des Galeries Saint-Hubert. Le
choix de cet emplacement, étant données les conditions où se
trouvait alors la ville de Bruxelles, paraissait assez judicieux,
et nous ne savons au juste pour quel motif l’Etat y renonça.
Toujours est-il qu’en 1870, on apprit par les organes de la
presse que l’honorable M. Jamar, ni ois ministie des travaux
publics, avait chargé M. l’architecte De Curte de l’élude du
projet d’un nouvel hôtel des postes et télégraphes à ériger à
Bruxelles.
La question de l’emplacement du nouvel hôtel fit l’objet
d’un examen sérieux de la part des hommes compétents, et
comme l’Etat avait déjà alors en vue la translation de son hôtel
des Monnaies, il fut décidé, en 1871, qu aussitôt celui-ci
évacué, on élèverait sur ce terrain et celui de propriétés privées
à exproprier, l’édifice si vivement réclamé par le commerce
bruxellois.
Sur ces entrefaites, les travaux d’assainissement de la Senne
amenèrent la rectification du cours et le voùtement de cette
rivière. De là à la création des nouveaux boulevards du centre,
il n’y eut qu’un pas.
En 1874, l’honorable M. Malou, alors ministre des finances,
frappé de la proximité des nouveaux boulevards du futur hôtel
des postes, passa avec la ville de Bruxelles une convention
par laquelle celle-ci cédait à l’Etat le terrain nécessaire pour
la création d’un passage, allant du nouveau boulevard dans la
cour intérieure de la nouvelle poste.
A ce moment, il était donc bien arrêté dans les idées de la
ville et du gouvernement que la poste centrale serait placée à
l’ancienne Monnaie et sur les terrains avoisinants.
Pendant les années 1872 et 1873, l’architecte n’était pas
resté inactif et avait élaboré plusieurs avant-projets pour le
nouvel édifice, dont la façade principale devait se trouver sur
la place de la Monnaie.
En 1875, au mois d’avril, eut lieu la translation du bureau
central des postes à l’ancienne église des Augustins. Cet édi-
fice, dont la façade seule présente quelque intérêt, offrit une
hospitalité provisoire au service des postes, car dans la pensée
des créateurs des nouveaux boulevards, il devait disparaître
pour dégager ces nouvelles artères à leur point de bifurcation.
Hélas! en Belgique, rien n’a la vie dure comme le provisoire,
et le service des postes, installé depuis bientôt huit ans aux
Augustins, y restera sans doute encore de nombreuses années,
si une prompte décision n’intervient pour la construction du
nouvel hôtel. On annonce du reste que prochainement on va
mettre en adjudication les travaux de conslruction d’une
annexe provisoire qui coûtera 20,000 francs et qui sera établie
derrière le chevet de l’église.
Pendant la session législative de 1879, les Chambres, en
prévision de l’évacuation imminente de l’ancienne Monnaie,
votèrent un premier crédit de 1,200,000 francs, destiné a
l’expropriation des immeubles à acquérir pour compléter le
terrain nécessaire à la nouvelle poste, et en même temps a
fournir à un commencement d’exécution du côté de la rue de
l’Evêque.,
Le 16 février 1880, parut un arrêté royal décrétant l’expro-
priation de cinq immeubles situés place de la Monnaie et rue
Fossé-aux-Loups.
Pendant cette même année, on procéda aux travaux de son-
dage du terrain, nécessaires pour établir avec exactitude les
plans et devis. Ceux-ci sont approuvés par la commission
royale des monuments, dans sa séance du 9 octobre 1880.
Jusqu’à présent, l’instruction et l’étude de cet important
travail avaient suivi un cours normal, étant données les lenteurs
administratives, et personne, ni dans le public, ni dans la
presse, ni dans les Chambres, ni dans les conseils de la com-
mune, n’avait trouvé un mot à redire contre le choix de l’em-
placement assigné depuis dix ans au nouvel hôtel central des
postes et télégraphes.
Tout d’un coup, au cours du mois d’octobre 1881, parvint
au ministère des. travaux publics une requête tendant à. trans-
porter la nouvelle poste dans le quartier Nuit-et-Jour. L’au-
teur de cette proposition faisait valoir les avantages de sa
combinaison, en se fondant sur la nécessité de transformer
un quartier malsain, de rapprocher la poste centrale des
ministères et des banques du haut de la ville, ainsi que de la
future gare centrale de la rue d’Isabelle; il prétendait égale-
ment que l’exécution de son projet réaliserait pour l’Etat une
économie de 1,810,000 francs, rien que sur la valeur du ter-
rain, et qa’il en résulterait des avantages immenses pour le
commerce bruxellois, ainsi que pour les finances communales,
dont le rendement d’impôts serait considérablement augmenté,
si l'ancienne Monnaie était convertie en cafés et magasins et si
un nouveau quartier était créé autour de l’Université. En outre,
ces travaux de transformation pouvaient se rattacher à l’exécu-
tion de la rue courbe devant partir du bas de la rue de la
Montagne et aboutissant à la place Royale, ainsi qu’au redres-
sement de la Montagne de la Cour.
Ces propositions avaient été sérieusement examinées par les
hommes compétents qui avaient conclu à leur non-acceptation,
pour des raisons motivées, quand, à la fin de la dernière
législation, une vive discussion s’engagea à la Chambre des
représentants à propos de la demande d’un second crédit de
un million, pour la mise à exécution des travaux de la nouvelle
poste.
L’honorable M. Malou, le signataire de la convention de
1874, et M. Beernaert, ancien ministre des travaux publics,
s’élevèrent vivement contre le projet d’établir la poste à la
place de la Monnaie; l’honorable M. Beernaert proposa même
de l’établir dans le vaste quadrilatère de terrain formé par les
rues Montagne-aux-Herbes-Potagères, d’Assaut, des Comé-
diens et de Berlaimont. La Chambre, indécise, vota l'ajourne-
ment du crédit jusqu’à plus ample instruction.
Quelque temps après, l’idée de M. Beernaert fut reprise au
conseil communal par M. l’ingénieur Finet, A la même
époque, deux journaux de la capitale, dont l’un organe spécial
du bâtiment, prirent fait et cause contre l’installation de la
poste à l’ancienne Monnaie, et rompirent force lances en
faveur de la transformation de l’un des quartiers prémen-
tionnés. Les autres organes de la presse restèrent favorables
à l’idée d’édifier la nouvelle poste à la place de la Monnaie.
Le 2 octobre dernier, le conseil communal émit, sur la
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proposition de l’un de ses membres, un vœu tendant à réta-
blissement de la poste dans le quartier Nuit-et-Jour.
Tel est l’état de la question, aujourd’hui que les Chambres
vont être appelées à statuer en dernier ressort sur remplace-
ment qu’occupera l’hôtel central des postes et télégraphes de
Bruxelles.
Pour nous qui n’avons pas de parti pris pour tel ou tel
emplacement proposé, nous allons examiner la valeur respec-
tive de chacun d’eux.
Commençons par celui qui a obtenu la faveur d’un vote du
conseil communal de Bruxelles. A priori, il nous paraît difficile
de faire un plus mauvais choix : tous nos lecteurs connaissent
celte gorge profonde qui s’étend entre la Montagne du Parc et
la Montagne de la Cour, et au fond de laquelle se trouve l’Uni-
versité. Coupé par des ruelles étroites, mal habitées générale-
ment, ce quartier n’a ni jour, ni air, et mérite certainement
les honneurs du coup de pioche des démolisseurs. Mais de là
à y établir l’hôtel central des postes et télégraphes, il nous
semble qu’il y a de la marge. Quoi que l’on fasse de ce quar-
tier, il sera impossible de l’approprier convenablement pour y
installer commodément un service public aussi important que
celui des postes et télégraphes. En effet, qu’exige ce service
avant tout? C’est une grande célérité dans les communications
avec les principales gares et la remise rapide des correspon-
dances à domicile. Ces desiderata essentiels d’un bon service
seraient-ils résolus, si les postes et télégraphes étaient établis au
quartier Nuit-et-Jour? Non, certes, car ce quartier est éloigné
des lignes de tramways, si utiles pour le transport des facteurs
et des télégrammes ; défaut plus grand encore, les voies d’accès
projetées présentent des rampes de 5 à 6 centimètres par
mètre. Que deviendrait ainsi la rapidité des communications
par les temps de brume, de neige et de verglas, si fréquents
dans notre pays? Puis, que diraient les négociants, les hommes
d’affaires, les voyageurs de commerce qui rayonnent dans le
quartier de la Bourse et du boulevard Anspacli, et qui seraient
obligés de franchir ce nouveau calvaire du quartier Nuit-et-
Jour, pour y déposer leur correspondance tardive ou y cher-
cher leurs lettres poste restante? Ils diraient sans doute que
le gouvernement a pris à tâche de ne pas faire à Bruxelles ce
qui s’est fait dans les autres capitales européennes où, comme
à Londres, à Paris, à Berlin, à Vienne, etc., le bureau central
des postes et télégraphes se trouve toujours dans le centre
commercial de la cité. Or, où est le véritable centre commer-
cial de Bruxelles? Si nous en croyons l’honorable M. Vauthier,
conseiller communal, d’après son discours du 2 octobre der-
nier, c’est à la place de la Monnaie qu’il se trouve. Nous ne
pouvons que partager cet avis et nous demander comment il
se fait que dans ces conditions, des hommes intelligents et
animés de l’esprit du bien public, aient pu errer au point de
faire une proposition aussi singulière que celle de mettre la
poste centrale dans le quartier Nuit-et-Jour.
D’autres personnes, non moins bien intentionnées que le
conseil communal pour les intérêts publics, ont proposé de
placer l’hôtel des postes et télégraphes dans le quadrilatère de
maisons qui s’étend au haut du Fossé-aux-Loups, rue Mon-
tagne-aux-Herbes-Potagères, et cela également sous le pré-
texte de transformer ce quartier. Cet emplacement est-il plus
avantageux que le précédent? Nullement, car ici comme dans
le quartier Nuit-et-Jour, on se trouve à mi-côte entre la haute
et la basse ville; enclavé entre des rues qui offrent des rampes
allant jusqu’à O"110 par mètre. De plus, les débouchés directs
vers les gares du Nord et du Midi font défaut ici comme dans le
quartier de la Putterie.
Ces deux emplacements présentent en outre le désavantage
de se trouver sur un terrain déclive; l’entrée des voitures pos-
tales se faisant latéralement, et au niveau de la cour centrale, le
public ne pourrait accéder au rez-de-chaussée qu’en montant
ou en descendant 3 ou 4 mètres d’escalier : c’est là un vice
suffisant pour rejeter ces projets à priori.
Si l’on admettait le point de vue préconisé par l’édilité
bruxelloise, il faudrait, chaque fois que l’Etat ou la pro
vince se propose de faire construire un monument d’utilité |