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ï,*i PRÉCURSEUR , Mercredi & Décentre fi S40
événements. Mon gouvernement a pris sous sa responsabilité toutes |
les mesures qu’autorisaient les lois et que prescrivait cette situation
nouvelle. I
» La France qui continuelle souhaitorsincèremenl la paix, demeure
fidèle à la politique que vous avez plus d’uue l'ois appuyée par d’éclatants
suffrages.
n Jalouse d’assurer l’indépendance et l’intégrité del’empire ottoman,
elle les croit conciliables avec l’existence du vice-roid’Egyple, devenu
lui même un des éléments nécessaires de la force de cet empire. C’est
eu respectant tous les droits, en ménageant tous les intérêts, qu’on peut
jeter en Orient les bases d’un arrangement durable.
a Mais les événements qui se pressent pourraient mener des compli-
cations plus graves. Les mesures prises par mon gouvernement pour-
raient alors ne plus suffire: il importe donc de les compléter par des
mesures nouvelles, pour lesquelles le concours des deux chambres était
nécessaire. J’ai dû les convoquer.
» Elles penseront comme moi que la France, qui n’a pas été la pre-
mière à livrer le repos du monde à la fortune des armes, doit se tenir
prêle à agir le jour où elle croirait l’équilibre européen sérieusement
menacé.
» Messieurs, j’aime à compter plus que jamais sur votre patriotique
concours. Vous voulez comme moi la France forte et grande. Aucun sa-
criüce ne vous coûterait pour lui conserver dans le monde le rang qui
lui appartient. Elle n’en veut pas déchoir.
» La France est fortement attachée à la paix, mais elle ne l’achèterait I
pas d’un prix indigne d’elle, et votre roi qui a mis sa gloire à la mainte-
nir, veut laisser intactà son fils ce dépôt sacréd’indépendance etd’hon-
neur national que sa révolution française a mis dans ses mains. »
Voici le texte de l’adresse telle qu’elle a été votée par la Chambre des
Députés.
ii Sire, nous remercionsVotreMajeslé d’avoir convoqué les Chambres
avant l’époque ordinaire de leur réunion. C’est surtout dans les grandes
conjonctures, dans celles qui intéressent l’honneur ou le salut des peu-
ples, qu’il convient à un roi constitutionnel de s’entourer des repré-
sentants du pays, de leur exposer la situation des affaires, et de récla-
mer leur concours.
ii Sire, la France s’est vivement émue des événements qui viennent
de s’accomplir en Orient. Votre Majesté a dû armer Ces armements se-
ront maintenus. Des crédits extraordinaires ont été ouverts pour y faire
face. Nous en apprécierons l’emploi. La France, à l’état de paix armée
et pleine du sentiment de sa force, veillera au maintien de l’équilibre
européen et ne souffrira pas qu’il y soit porlé atteinte : elle le doit au
rang qu’elle occupe parmi les nations, et le repos du monde n’y est pas
moins intéressé que sa propre dignité. Si la défense de ses droits ou de
son influencé le demandé, parlez, Sire, les Français se lèveront à votre
voix. Le pays tout entier n’hésiterait devant aucun sacrifice. Le con-
cours national vous êtes assuré,
n Nous avons appelé de tous nos vœux la pacification de l’Espagne.
Intéressés à l’affermissement de son gouvernement constitutionnel, es-
pérons qu’il saura accomplir une œuvre si courageusement entreprise
au nom de la liberté.
ii La France rappelle de nouveau à l’Europe les droits de la nationa-
lité polonaise, si hautement stipulés par les traités.
ii Notre assentiment est acquis aux ordres qu’a donnés Votre Majesté
pour que de nouvelles forces, envoyées dans les parages de Buenos-
Ayres, obtiennent enfin du gouvernement de ce pays la réparation de
nos justes griefs.
il Nos armées d’Afrique se sont encore illustrées par de brillants faits
d’armes. Vos fils, qui ne manquent aucune occasion de montrer leur
courage, ont partagé la gloire et les périls de ces expéditions. Ce que
nous demandons à votre gouvernement, Sire, c’est d’apporter un sé-
rieux examen à la conduite générale de nos affaires dans cette contrée,
afin que les triomphes de nos armes ne demeurent pas stériles, et pour
qu’une possession si glorieusement conquise, si chèrement achetée,de-
vienne pour la France un principe de force et non une cause d’affai-
blissement.
n La tentative de Boulogne n’était pas seulement insensée, elle était
criminelle. Réprimée, à son début, par le dévouement des citoyens, elle
a été condamnée par un arrêt solennel : la justice a eu son libre cours ;
l’offense commise envers la seciété n’est pas resiée sans réparation, et
l’espoir des factions a reçu de toutes parts un éclatant démenti.
a Nous examinerons avec soin la loi du budget. C'est parce que les
états sont exposés à subir des charges inattendues, qu’une sévère éco-
nomie est toujours nécessaire. En d’autres temps, la chambre, dans
l’impossibilité de diminuer les impôts qui pèsent sur le pays, avait du
moins recommandé de garder l’équilibre entre les recettes et les dépen-
ses. Puisque, de fait, cet équilibre est rompu, nous aviserons aux
moyens de le rétablir et de le conserver.
« Les autres lois qui nous seront présentées seront, de notre part,
l’objet d’une mûre attention. Dès à présent, nous nous félicitons d’avoir
pu répondre par un vote unanime , à la demande que nous a fait votre
Majesté,de venir au secours de nos départements, victimes du fleaudes
inondations.
» L’accord desgrands pouvoirs, nous le savons, est le plussûr garant
de la paix publique. L’ordre maintenu au dedans par l’action énergique
et persévérante du gouvernement est lepremier principe de la force au
dehors. Nous exprimons la volonté de la France en disant qu’elle veut
fermement l’un et l’autre.
» Ayez confiance dans la fortune de la France, Sire, comme nous l’a-
vons nous-mêmes dans la perpétuité de votre dynastie. Un nouveau fils
vous est né ; et la même Providence qui, naguère encore, vous a cou-
vert de sa protection, nous préservera des maux de l’anarchie.
» Sire, vos ministres sont les dépositaires de votre autorité, ils sont
responsables de son exercice; sur eux repose tout entière la garantie
de votre inviolabilité personnelle. Qu’ils s’appliquent, comme vous le
désirez, à confier les emplois publics au vrai mérite ; honorons la reli-
gion et. la morale! Prêtons force aux lois! Ranimons dans tous les cœurs
cet amour désintéressé du pays qui inspire les grands dévoûments et
commande les généreux sacrifices. Honneur et patrie ! Là se trouve le
erme de ces vertus civiques qui font la force des peuples et la durée
es états. »
Le Mémorial Bordelais annonçait, il y a quelques jours, que M.
Ferrer, ministre des affaires étrangères d’Espagne, avait adressé une
note au gouvernement français. Voici un extrait de cette note publié
par ce journal.
A S. Exc. M. Guizot, ministre des relations extérieures de France.
Le gouvernement de S. M. C. dona Isabelle II a reçu un manifeste que
l’ex-règente dona Marie-Christine de Bourbon a publié à Marseille le 8
novembre, dont le but (en dénaturant des circonstances notoires) est
d’exciter hypocritement des sympathies dont les conséquences seraient
sans doute de nouveaux troubles et la guerre civile.
Ce manifeste a été probablement suggéré par l’esprit de parti et sur
des conseils d’hommes dont l’amour-propre et l’égoïsme passent tou-
jours chez eux avant l’intérêt et la paix de leur partie; ils comptent
sans doute être secondés, au besoin, du moins sous main, pour encou-
rager la rébellion dans les provinces limitrophes.
Le gouvernement de S. M. C. ne peut, dans aucun cas, fermer les
yeux devant des intrigues aussi criminelles; il a jugé convenable de
faire publier dans la Gazette officielle le manifeste de S. M. tel qu’il l’a
reçu, dans la confiance que ce document n’aura d'autre influence sur
le pays que de convaincre même les plus passionnés de l’existence d’un
complot horrible qui envelopperait la nation (s’il pouvait réussir) dans
un abîme de malheurs.
La régence n’a pas attaché d’importance à cet écrit, et l’a considéré
comme l’effet d’une volonté impuissante d’hommes qui ne savent pas
cacher le venin de leur cœur et leur désir d’alarmer un pays que l'on
dit ingrat, mais qui a versé généreusement son sang pour soutenir le
trône constitutionnel de l’auguste fille de l’ex régente.
L’émigration qui s’accroît tous les jours de ces hommes habitués à
dominer l’Etat par la faveur de cour et de Ia camarilla; la réunion en
France de ces hommes avec les carlistes qui y ont pris refuge par suite
de leur soumission ; les intrigues que les cours absolutistes pourraient
ajouter dans le but d’attenter au système constitutionnel que l’Espagne
s’est donné : tout fait que la régence provisoire d’Espagne se croit dans
la nécessité de réclamer auprès des gouvernements, ses alliés, pour dé-
truire d’avance les effets désastreux de, semblables menées, car il serait
imprudent d’exposer de nouveau la nation à des chances de guerre
civile, quand elle a sur pied une armée aguerrie de 200 mille vétérans,
une garde nationale de 500 mille citoyens, fiers de leur honneur et de
leur indépendance, et un général en chef qui mérite la confiance natio-
nale, aussi bien que celle du soldat, par ses vertus civiques et militaires,
et par les services rendus dans la dernière époque que l’Europe admire
et ne peut que reconnaître.
Dans cette intention, le cabinet de S. M. C. s’adresse au gouverne-
ment français, plein de confiance, pour exiger les égards dus entre des
alliés pour la continuation de ces relations internationales qui, basées
sur la bonne foi et sur une équité réciproques, excluent tout machiavé-
lisme et tout acte de déloyauté, seuls moyens de maintenir une amitié
digne de grandes nations, et susceptibles de profits durables.
Le gouvernement espagnol ne prétend pas s’élever contre le séjour
en France de l’ex-régente dona Marie-Christine ; il n’exige pas non
plus que l’hospitalité soit refusée aux Espagnols qui vont à l’étranger
«hercher un asjle passager. La reipe Christine ne représente aujour-
d’hui qu’une puissance déchue et d’un retour impossible ; sa personne
n’est pas un principe, et elle ne peut prétendre, dans aucun cas, à au-
cun droit personnel, à d’autre prérogative qu’à celle de reine douai-
rière, pour s’assurer une existence digne de son passé;mais la régence
d’Espagne protestera toujours noblement contre toute intrigue secrète
ou avouée, qui serait tolérée ou encouragée sur les frontières ; car au
lieu d’y voir un désir de maintenir les bonnes relations que le droit des
gens exige, il y verrait une conduite déloyale et hostile, dont il saurait
se venger sans délai, de quelque côté qu’elle vînt, car on sait que les
nations ne vivent, dans le monde politique, que de leur honneur, de
leur prestige et de leur considération ; et plutôt succomber mille fois
dans une lutte honorable, que de courber devant des conditions hon-
teuses, que l’Espagnol a repoussées de tout temps.
Le soussigné a l’honneur de saisir cette occasion avec empressement,
etc.
Madrid, le 18 novembre 1840.
ex homme qui se xoiE. — Le 4,à onzè heures du soir, un homme était
sur le pont des Saints-Pères, se désespérant,se tordant les mains, disant
qu’un de ses amis, un deses camarades d’enfance, marchant sur le bord
du quai, était tombé dans la Seine. Il l’appelait Edouard !....Et une voix
sourde et gémissante semblait répondre à ses cris douloureux. En
peu d’instants , nombre des personnes entourèrent l’homme du pont.
Mais comment arriver jusqu’à lui ? s’écriait-il, point de bateau , point
de passage, car l’eau couvre les quais... Si encore je pouvais avoir une
corde!... Edouard, Edouard,du courage !... Je suis là... Puis tout-à-
coup, prêtant l’oreille,il doit être arrêté aux arceaux de fer... Oh ! mon
Dieu, comment lui envoyer un moyen de se soutenir et de gagner le
quai.,. Ah ! quelle idée ! mon Dieu, je te remercie... n Et en disant ces
mots, le jeune homme prend son foulard dans sa poche, détache sa
cravatteet les attache l’un à l’autre à l’aide d’un nœud très fort.
On comprend son idée; et parmi ceux qui l’entourent, qui cherchaient
à savoir la fin de cette scène terrible, car on entendait toujours les gé-
missements de la victime, c’est à qui donnera son mouchoir, sa cravate
même. Une sorte de corde est formée; le jeune homme y attache une
grosse clé pour lui donner du poids, et la lance dans la direction indiquée
par les gémissements. Après quelques secondes d’attente, la clé est saisie,
la corde se tend, le malheureux se pend sans doute à cette dernière
ressource, mais, ô désespoir! elle échappe des mains du jeune homme
du pont... — Sans doute il a gagné le quai, s’écrie-t-il... Il court dans
la direction indiquée et disparaît dans l’ombre...On attend,on regarde...
personne ne revient, on s’inquiète, on cherche, on appelle, et le résultat
fut que d’honnêtes passants avaient été attrapés par deux adroits co-
quins. Trente-cinq foulards ou cravates avaient été volés.
Un gros Anglais à la figure rubiconde, entré dans la matinée d’hier
chez un marchand devin voisin du Palais-Royal, rue Saint-Honoré, 548,
s’était confortablement installé le dos au feu et le ventre à table, et s’é-
tait fait successivement servir une foule de mets et de bouteilles. La
carte se montait à une somme honnête, et le garçon en avait déjà récla-
mé par trois fois le paiement, lorsque le marchand de vin, craignant
que l’étranger n’eût pas bien compris ce qu’on réclamait de lui, se leva
de son comptoir pour lui expliquer qu’il s’agissait de solder le prix de
l’effrayante consommation qu’il venait de faire. — Je sais bien ce que
vous me demandez, répondit en assez passable français et sans se trou-
bler le moins du monde l’Anglais ; mais je ne vous paierai pas; je n’ai
pas d’argent; ainsi vous pouvez demeurer paisible et me laisser me re-
tirer sans troubler davantage ma digestion. — Comment ! vous n’avez
pas d’argent pour payer, et vous me dites cela quand vous avez mangé
comme un ogre et bu comme vingt tambours, répondit le marchand de
vin ; mais cela ne s’arrange pas ainsi dans notre pays et je vais de ce pas
requérir la garde. —' Faiteg, faites, boutiquier, répliqua l’Anglais ; et
s’étendant commodément sur sa chaise, il attendit le résultat de la me-
nace sans paraître s’en inquiéter; mais, quand, sur la réquisition du
marchand de vin, des gardes municipaux du poste du Chàteau-d’Eau se
présentèrent, sortant tout-à-coup deson calme réel ou simulé, l’Anglais
opposa une vive résistance aux gardes municipaux qui le sommaient
de les suivre en poste, les appela lâches Français ! se répandit en injures
contre les marchands et la population de Paris et nefittrèveàsesvocifé-
rations grossières que lorsquese futreferméesur lui une porte de violon.
Cette scène, qui se passait entre cinq et six heures du soir sur ce
point si fréquenté, avait, on le pense bien, occasionné un rassemble-
ment considérable. Interrogé ce matin par le commissaire de police,
l’Anglais arrêté a déclaré se nommer Moore Young. Il a prétendu n’ètre
arrivé de Londres que le matin même et qu’il traversait Paris pour se
rendre en Italie près de sa femme.
Cet individu a été provisoirement écroué sous la prévention d’escro-
querie et de tapage injurieux.
bulletin de la BOURSE. — La dépêche télégraphique affichée à la
bourse a produit fort peu d’effet parmi les spéculateurs, parce qu’on ne
l’a pas trouvée assez explicite Cependant la rente a ouvert avec une
légère hausse sur la côte d’hier, c’était aujourd’hui que l’on détachait le
coupon de semestre sur le 5 p. c. On était resté hier à 78 80. On faisait
aujourd’hui à l’ouverture 77 75 ce qui en ajoutant les 1 50 de semestre
revenait au cours de 79 25. Mais on a ensuite fléchi à 77 05. L’attente du
nouvel emprunt qui va être demandé aux chambres jette beaucoup
d’inquiétude parmi les spéculateurs.
Le 5 p. c. qui avait fermé samedi à 110 90 a ouvert aujourd'hui à 111
05. On a fléchi 110 70 et l’on reste 110 75.
Toutes les autres valeurs étaient fort calmes et sans affaires. Les cours
se maintiennent; mais il y a eu en général une tendance à la baisse.
Le 3 p. c. français était après la bourse à 76 75.
Physionomie de la presse française.
Pendant que les journaux conservateurs sont occupés à chanter leur
victoire dans le vote de l’adresse,et les méritesde M.Guizot, les organes
du 1" mars sont encore imprégnés de leur indignation que leur a causée
la rudesse peu commune du langage de M. Desmousseaux de Givré.
Le JOURNAL DES DÉBATS. Tout en parlant du vote de la chambre
comme une des plus grandes victoires que la cause de la raison, du bon
sens et de l’intérêt national ait remportées depuis dix ans sur les pas-
sions et les préjugés des partis, le Journal des Débats ne peut s’empê-
cher de montrer comme un épouvantail, à cette majorité qui a si noble-
ment vaincu, la gauche elle-même toute prête à envahir le pouvoir, si
elle ne songeait pas à marcher unie dans la voie qu’elle vient d’ouvrir si
heureusement.
« Le ministère du 29 octobre, dit-il, n’est pas le dernier possible ; à
Dieu ne plaise que nous désespérions à ce point de nos institutions et
de notre avenir constitutionel ! Mais après le ministère qui a donné la
paix à la France, nous ne lui voyons plus pour long-temps qu’un suc-
cesseur probable, c’est le ministère qui a voulu donner la guerre à la
France.
La gauche l’a dit : elle n’acceptera plus le pouvoir par procuration;
elle l’exercera pour elle-même. Que la Chambre y songe donc ! qu’elle
n’aille pas fournir l’apoint que la gauche espère , que le parti de la
guerre attend, que les mauvaises passions se partagent déjà au dehors
et au dedans. Si la dernière discussion contient un enseignement,c’est
celui-là : la gauche a été vaincue, mais elle a parlé trop haut pour ne pas
l montrer qu’elle espère ! Que le parti conservateur ne l’oublie donc pas !
Il est nombreux et puissant ; qu’il reste uni. Il a des guides énergi-
que et dévoués ; qu’il les suive avec confiance. Il a un drapeau sur le-
quel il vient d’écrire : Paix à 1 Europe, repos et prospérité à la France !
qu’il le soutienne elle défende ! n
Le CONSTITUTIONNEL, le TEMPS et le COURRIER FRANÇAIS, en-
core sous l’impression des accusations dont la tribune avait retenti à la
dernière séance, accusations qu’ils regardent comme le résultat d’un
parti pris de porter par tous les moyens possibles atteinte à l’honneur
de M. Thiers, sentent le besoin de passer en revue les actes du chef du
1" mars. Les réflexions dont ils accompagnent cette revue sont, com-
me de raison, tout à l’avantage de M. Thiers.
Le COURRIER parle ensuite de la jactance poussée jusqu'à la folie avec
laquelle les journaux anglais exaltent les lauriers de St.-Jean d’Acre. Il
en tire de sinistres pronostics pour la France. Que Méhémet-Ali se sou-
mette ou résiste il n’en croit pas moins que la paix ne sera pas de lon-
gue durée; il conseille donc de se préparer avec énergie.
Le COMMERCE prétend que toute la question consiste à savoir s’il
vaut mieux faire la guerre, qu’on ne pourra éviter dans aucun cas, à
toute l’Europe, pour sauver Constantinople au profit de l’Angleterre,
que l’accepter, afin de gagner nos iimiles du Rhin, avec la Prusse et la
Russie pour alliées, et Constantinople pour prix de cette alliance. Nous
ne désirons pas, dit-il, que la France uiile jouer le rôle de solliciteur à
St-Pétersbourg; mais nous désirons qu’on s’organise et qu’on se pré-
pare pour ce système et dans ce but.
Le COURRIER DE BORDEAUX contient un second article de M. Fon-
frède sur la question d’Orient.
U commence par prévenir ses lecteurs qu’ils n’ont point à l’accuser
de prophétiser après les événements ; attendu qu’en janvier 1856 il a
publié une longue discussion sur les rapports de la France avec l’Angle-
terre et la Russie, relativement à la question d’Orient, et qu’on peut y
voir l’exposition du système qu’il précise aujourd’hui.
Il continue ensuite à démontrer que le point capital de cette question,
consisté dans l’intervention de la Russie, et que la politique de l’Angle-
terre, intéressée la première à ce que cette intervention n’eût pas lieu,
a toujours eu pour but de pousser la France en première ligne, pour
mettre obstacle aux intentions envahissantes de la Russie.
Il reproche donc vivement au ministèredu 12 mai,fruit delà coalition,
de n’avoir pas compris que, délivrer l’Angleterre de la crainte l’inter-
vention russe.acte en opposition avec la politique de ses prédécesseurs,
c’était travailler à réunir contre la France ces deuxfpuissances jusqu’a-
lors rivales.
« Oh! je comprends, dit-il, et je l’expliquerai incessamment, que si la
coalition parlementaire n’avait pas eu lieu, si M. le comte Molé,à la tête
d’un ministère monarchique, eût dirigé nos affaires, ilaurait pu suivre
une politique différente; il aurait pu, moyennant certaines clauses que
j’indiquerai, arrêter la marche d'Ibrahim-Pacha. Mais le cabinet du 12
mai! le cabinet parlementaire, ou prétendu tel, venu aux affaires sur les
ruines et après la défaite de la royauté par la coalition ! un cabinet qui
n’avait plus aucun appui,aucunesympathiedans l’Europe monarchique,
aurait dû comprendre que l’alliance de l’Angleterre, fragile, épuisée,
défiante, était sa seule ressource, et qu’il perdrait cette ressource der-
nière, précaire et honteuse, s’il rassurait l’Angleterre contre les projets
de la Russie. Insensés, qui croyaient s’attacher l’Angleterre par la recon-
naissance!... C’est par la crainte qu’il fallait agir sur elle, et la perspec-
tive des Russes à Constantinople était le seul moyen d’obliger l’Angle-
terre à rester fidèle à la France.
M. Thiers, aveuglé par son incompréhensible idolâtrie pour l’alliance
anglaise, — et je dis incompréhensible, car n’est-il pas inouï que l’histo-
rien sagace et profond de la révolution française, l’admirateur de l’em-
pire et du génie de Napoléon, ne connaisse pas le caractère anglais î
Comment est-il possible qu’il ait cru à la candeur, à la fidélité de la po-
litique anglaise! Comment n’a t-il pas compris que plus il se livrait à
elle plus il serait trompé par elle ?... un tel vertige est inexplicable !
— M. Thiers, dis-je, aveuglé par son idolâtrie pour l’alliance anglaise,
n’a pas saisi d’abord la question d’Orient dans sa vérité; — mais il y est
venu ensuite, malheureusement trop tard.
Je trouve la preuve de cette assertion dans deux faits qui lui ont été
reprochés, et dont je le loue : l°la mission de M. Eugène Périer ; 2° l’in-
vitation qu’on l’accuse d’avoir fait porter à Ibrahim-pacha, par M. Wa-
lesky, pour l’engager à franchir le Taurus.
Oui, ces deux actes sont dans le véritable intérêt de la France. Ou l’ar-
rangement direct, qui faisait avorter le traitéde Londres, en supprimant
le procès lui-même qu’il devait juger, ou la marche d’ibrahim sur Con-
stantinople, pour obliger les Russes à se montrer : iln’y avait que deux
moyens de salut pour la France: car aussitôt que les Russes auraient
paru en force vers Constantinople l’Angleterre se serait indignée, et la
position de lord Palmerston n’aurait pas été tenable.—Son triomphe, sa
gloire, sa grandeur politique, dans son pays et dans le parlement, sont
surtout baséssur l’absence complète des Russes dans la solution actuelle
de la question d’Orient, et c’est vous, grands hommes de la coalition
doctrinaire qui avez élevé le piédestal de sa grandeur!
Malheureusement M. Thiers a compris trop tard la vérité.—Plus
malheureusement encore, sa détestable position politique, ses alliances
révolutionnaires, les espérances que les factions ont placées en lui, lui
rendaient les bonnes combinaisonsaussi impossibles que les mauvaises,
et la France s’estaffaissée dans un abîme d’humiliation dont nous n'a-
percevons pas encore toute la profondeur. »
Cliainltre de» Députés.
Séance du 7 décembre. — (Présidence deM. Sauzet).
Le ministre présente à la chambre un projet de crédit pour 1840. II
expose que le traité du 15 juillet a mis le gouvernement dans la néces-
sité de fournir à des dépenses extraordinaires, de sorte que l’équilibre
de nos finances se trouve complètement rompu.
M. Humann examine les créditsqui sont demandés par chaqueminis-
tère. Le ministère de la guerre a seul plus de 145 millions de crédits
supplémentaires pour augmentation du matériel et du personnel de
l’armée, pour travaux de fortifications de Paris, etc.
Nous remarquons que le ministère de l’intérieura une augmentation
de plus de 2 millions, par suite du grand nombre de réfugiés espagnols
qui ont été accueillis snr le territoire da la France;
Le ministre de la marine a pour sa part plus de 6 millions de crédits.
En ajoutant aux divers crédits des ministères spéciaux les crédits de-
mandés pour les inondations etautres, M. le ministre trouve une insuf-
fisance (il ne prononce pas le mot déficit) oùle découvert du trésor pour
pour l’année 1841, sera de 280 millions. (Mouvement prolongé.)
M. le ministre des finances fait observer que si les circonstances ne
changent pas en 1842, les dépenses ordinaires se trouveront dépasser
les recettes de 832 millions. (Nouveau mouvement.) Cependant en comp-
tant sur des ressources extraordinaires des voies et moyens l’insuffi-
sance pourrait être ramenée à 640 millions.
M. le ministre des finances donne lecture ensuite d’un projet ouvrant
des crédits supplémentaires sur l’exercice de 1840, s’élevant à 200 mil-
lions environ.
Ce projet de loi sera imprimé et distribué.
M. Pleyel du Loiret demande que vu l’importance du projetde loi qui
a été présenté, la commission chargée de l’examiner soit composée de
18 membres.
Cette proposition est mise aux voix et rejetée.
BEfiGIQÏJE.
Bruxeei.es, 9 décembre. — Un Te Deum solennel sera célébré en l’é-
glise collégiale de SS. Michel et Gudule, le 16 de ce mois, à l'occasion du
50e anniversaire de la naissance du roi. (Le roi Léopold est né à Cobourg
le 16 décembre 1790.)
Des places seront réservées aux autorités civiles et militaires. — De
semblables actions de grâcesauront lieu en l’église consistoriale protes-
tante et évangélique et dans le temple du culte israélite.
Le mardi 15, une sonnerie des cloches de toutes les églises annoncera,
à8 heures du soir, la solennité du lendemain. Le mercredi 16, les cloches
sonneront à trois reprises. Les édifices publics, seront pavoisés des cou-
leurs nationales et illuminés dans la soirée.
— Sa Majesté le roi de Sardaigne vient de faire remettre à M. Aug.
Wahlen, une médaille en or avec son effigie, d’un très grand modèle,
portant cette inscription :
De Lillevis benemerilo typographo Augusto Wahlen.
Comme un témoignage de bienveillance et de son estime pour les vues
élevées et infiniment louables gui lui ont fait rechercher avant tout un
but moral et d’utilité générale dans les nombreux ouvrages qui ont été
publiés par lui et par l’esprit de sagesse qui a toujours présidé à leur
choix.
Cette faveur est d’autant plus honorable pour M. Wahlen, que la
Sardaigne est, comme on sait, le pays de l’Europe où la censure litté-
raire est exercée avec le plus de rigueur. De pareilles distinctions n’y
sont jamais accordés qu’à des artistes du plus grand mérite ou pour deA
services rendus à l’Etat.
— La première pu blication du prochain mariage de M. H. deBrouckère,
gouverneur delà province d’Anvers, membre dé là chambre des repré-
sentants, avec Mlle la baronne Eugénie de Waha, est affichée à l’hôtel de-
ville de Bruxelles depuis dimanche.
— On cite comme un phénomène de vitesse en fait de construction,
le nouveau magasin de matériel de la station centrale de Malines. Cet
édifice qui a un développement de 500 mètres sur 90, a été commencé
et entièrement terminé dans l’espace de trois mois et demi. Aussi, l’in-
génieur-directeur de l’exploitation du chemin de fer a été vivement
surpris de ce prodigieux résultat à son retour d’Allemagne ; et il en a
manifesté toute sa satisfaction à l’entrepreneur, M. Deffaux de Bruxel-
les. Il est heureux, dans l’intérêt des travaux, que par ce tour de force,
tout ait été achevé quelque temps avant les précoces et assez rudes gê-
lées que nous avons.
CliEEiibre «les Bepré*ent»nts.
Séance du 8 décembre.
( PRÉSIDENCE DE M. BALLON. )
Sommaire. — Suite de la discussion du budget de la dette publique et dés
dotations.
La séance est ouverte à deux heures un quart par l’appel nominal et
la lecture du procès-verbal.
m. de henes.se. Les pétitions suivantes sont adressées à la chambre.
Des commerçants de la ville de Tournay, réclament contre la pétition
du conseil communal de cette ville tendant à abroger le dernier § de
l’art. 5 de la loi du 27 mai 1839.
Des négociants en denrées coloniales de Tournay, adressent des ob-
servations sur l’augmentation de droit d’entrée proposée sur certaines
denrées coloniales.
Le sieur Janssen, capitaine de navire, demande la naturalisation.
Des brasseurs de Termonde, adressent des observations contre le
projet d’augmentation de l’impôt sur les bierres et sur les vinaigres.
Le sieur Hoomaert, saunier à Courtrai, propose des modifications à
la loi sur le sel.
La chambre de commerce et des fabriques de Louvain, adresse des
observations sur le projet d’augmentation des droits sur la bierre et
les huiles.
Le sieur Bactilla, à Bruxelles, demande le paiement de l’indemnité
qu’il prétend lui revenir par suite de pertes essuyées par la révolution.
Les conseils communaux de diverses communes flamandes, deman- |