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Quant à la chapelle du Sang-de-Dieu, à Bruges,
elle est du style ogival fleuri de la dernière période,
de celle qui sert en quelque sorte de transition à la
Renaissance.
Quant à la cathédrale d’Anvers, la lanterne octo-
gone n’a jamais été destinée à recevoir une tour ; la
cathédrale d’Anvers a deux tours très-importantes
dont l’une, celle de gauche, a 122 mètres de hauteur
(elle ne peut donc passer inaperçue).
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Nous terminerons en disant que la Bibliographie
architecturale et archéologique belge est un peu plus
étendue que celle connue par M. E. Bosc.
Il y a : le Sanderus, donnant des vues d’ensemble
des abbayes, églises et châteaux du pays ; — le Bra-
bantia sacra ; le Flandria, et les Délices du Brabant ;
— puis encore les Collections des châteaux des Pays-
Bas, par Leroy, Cantillon et Butkens ; l'Album de
Bruges, par Delpierre ; — le Messager des sciences
historiques ; les Annales de la Société d'Archéologie ;
etc.
Mais nous clôturerons là une liste qui nous condui-
rait trop loin.
E. A.
L’exposition des Arts-Industriels
de Gand.
C’est dans les salles du Palais de l’Université que se trou-
vait disposée cette exposition des Arts-Industriels, organisée
par la Chambre syndicale de Gand et qui a obtenu un si grand,
un si légitime succès.
Les objets exposés étaient extrêmement nombreux et la
qualité ne le cédait pas à la quantité ; cependant, dans l’ex-
position des objets fabriqués de nos jours, nous n’avons pu
constater un progrès bien sensible effectué depuis l’Exposition
des Halles centrales à Bruxelles.
Il est juste d’ajouter qu’à cette époque un grand effort avait
été tenté, et que ce n’est pas en deux ans que l’on fait de ces
progrès qui marquent dans l’histoire des connaissances hu-
maines.
Quoi qu’il en soit, il faut donner aux exposants les éloges
qu’ils méritent: les objets d’ameublement et de décoration
intérieure, de divers styles, qu’ils ont exposés, sont toujours
élégants et riches de composition et leur exécution est irré-
prochable.
Mais à côté de cette exhibition toute contemporaine se trou-
vait l'exposition rétrospective des Arts-Industriels et ses
innombrables richesses ; ce qu’il y avait là de trésors de l’art-
industriel de nos ancêtres nuisait quelque peu au succès de
l’exposition des produits modernes.
C’est là que l’on pouvait se faire une idée de ce que furent
jadis les Flandres ; à quel degré de prospérité et de splendeur
était arrivée cette vaillante nation au temps des reines de
Bruges, à cette époque où un négociant anversois faisait
cadeau d’un million de florins au grand empereur.
L’on admirait à l’exposition des arts industriels de magni-
fiques spécimens des carrelages en terre cuite émaillée ; de
briquettes de foyer en terre cuite; d’autres en faïence de
Delft; d’autres encore émaillées portant le millésime 1632.
Plus loin des fragments de menuiserie du XVe et du
XVIIe siècle; de superbes objets en fer battu, fonte et cuivre,
tels que serrures, heurtoirs, marteaux, charnières, pentures,
etc. du XVe au XVIIIe siècle, d’un travail digne de Quentin
Metsys, et tous ces objets nombreux et admirablement conser-
vés,grâce au soin pieux des collectionneurs, heureux posses-
seurs de ces richesses archéologiques et artistiques.
Puis encore des armoires-buffets de style flamand, de toute
beauté; des cabinets flamands, allemands et italiens, en
chêne, en marquetterie ou ornés d’incrustations d’ivoire ; des
coffres gothiques magnifiques de style : une superbe crédence
gothique du XVe siècle; des meubles historiques tel que le
coffre de la Gilde des maçons et des tailleurs de pierre (1662)
et celui dans lequel la gilde des Weinseyghers enfermait
ses précieux priviléges.
Puis encore des tables, des fauteuils, des chaises, des cadres
et même deux calendriers en chêne sculpté du XVIIe siècle.
Plus loin, d’autres merveilles de ferronnerie tels que lumi-
naires du XVIe et du XVIIe siècles, chandeliers, plaques de
foyer, chenets dont quelques-uns du XIVe siècle ; une série de
coffrets allemands et flamands et tout cela en fer forgé à par-
ties lisses, damasquinées, gravées ou champlevées ou burinées
à l’eau forte.
De splendides Dinanderies, parmi lesquelles nous remar-
quons surtout quelques magnifiques plats en cuivre repoussé
du XVIIe siècle; des lustres, des pendules, des réchauds, des
chaufferettes, des aiguières, etc. etc.
Des ivoires parmi lesquels une crosse, des porte-paix, des
christ,dont l’un attribué à Duquesnoy,se font remarquer par la
beauté du dessin et l'extrême habileté de l’exécution.
Divers objets en étain et en plomb et,enfin, quelques objets
en bronze parmi lesquels sout surtout remarquables un petit
bénitier du XVe siècle, et toute une série de mortiers, avec
inscriptions et millésime, du XVIe et du XVIIe siècles.
Une magnifique collection de ces vitraux peints dont nos
monastères et nos églises étaient si riches,objets d’art devenus
si rares et si précieux aujourd’hui; nous remarquons surtout
un verre peint, de forme circulaire, orné d’un écusson et de
la devise mieux tard que jamais, portant le millésime 1536 ;
un autre avec l’écusson des Brasseurs et daté 1680.
La collection des tissus et tentures est, à elle seule, d’une
grande richesse ; il en est de même des spécimens de cette
industrie connue déjà à la fin du XVe siècle : les dentelles;
il y a encore les broderies religieuses de l’Allemagne dont l’une
datée de 1627.
Puis vient la magnifique exposition des objets d’orféverie
du XVIIe et du XVIIIe siècles; les cordonneries; les reliures,
parmi lesquelles de magnifiques spécimens du XVe et du
XVIe siècles, des reliures historiées d’Allemagne,de France et
d’Italie.
Enfin les tapisseries dont quelques-unes de la fin du
XVe siècle (sujets religieux) et d’autres du XVIIe siècle repré-
sentant des faits de l’histoire ancienne ou de la mythologie.
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Nous ne pouvons songer à nous arrêter même aux objets les
plus beaux, les plus précieux ; nous ne pouvons que citer
rapidement : il faudrait un volume pour décrire ces admi-
rables produits de l’industrie de nos ancêtres et déjà cet
article est bien long pour le cadre de l'Emulation.
Nous exprimerons cependant ce vœu de voir se renouveler
ces exhibitions rétrospectives, car elles sont riches d’indica-
tions précieuses pour l’art industriel moderne.
EXPOSITION TRIENNALE DES
BEAUX-ARTS DE GAND.
SALON D’ARCHITECTURE.
Comme toujours, le salon d’architecture n’a pas obtenu les
faveurs de MM. les disciples de Vitruve et de Palladio ; comme
toujours, aussi, le salon d’architecture est relégué dans le bon
petit coin, bien calme, bien modeste. Je dois cependant à la
vérité de dire qu’à Gand, les dessins d’architecture étaient
bien placés et bien éclairés, qu’ils ne subissaient pas surtout
les influences désastreuses des œuvres picturales.
Nous avons à citer un projet d'hôtel des postes parM. O.
Van Rysselberghe, qui en expose le plan, la coupe et la
façade principale. C’est une œuvre bien étudiée, dont la
distribution prouve la connaissance de toutes les nécessités
d’un édifice de cette importance. La façade emprunte au ca-
ractère des lignes grecques et à quelques combinaisons de la
Renaissance, une expression et une harmonie très-heureuses ;
c’est de la grande architecture, dont quelques parties nous
rappellent (nos souvenirs sont-ils bons ?) le Palais de Justice
de Bruxelles.
La façade d'hôtel privé, dont nous regrettons de ne pas voir
le plan, est d’un magnifique caractère, sévère et noble ; ce qui
plaît surtout dans cette composition c’est la sobriété dans les
moyens qui donne à l’ensemble ce caractère de pondération et
de grandeur si difficile à obtenir ; nous croyons que l’auteur
modifiera l’ensemble de la porte-cochère : il y a dans le cou-
ronnement un heurt de lignes qui contraste singulièrement
avec le reste de la composition.
Ces quatre dessins sont habilement et très-solidement
rendus.
M. C. J. Lüffin expose les plans et façades de l'hôtel-
de-ville de Rochefort (province de Namur), que nous avons
vu construit; c’est une œuvre très-intéressante, d'un beau
caractère, dont quelques parties seulement sont un peu
lourdes ; la masse est bonne de proportions et la silhouette
est très-heureuse.
Le Calvaire au cimetière d’Annevoie et la Chapelle à
Falaën, sont deux œuvres où nous retrouvons le même faire ;
le style n’est pas pur, c’est une sorte de roman fantaisiste,
qui ne manque pas cependant de caractère.
Le dessin, un peu mou et trop pâle, nuit un peu à l’effet
de ces compositions.
M. J. De Wael, expose un projet de maisons dans le style
flamand du 17° siècle. C’est un dessin perspectif des façades
d’un groupe de maisons, très-simples, très-sobres d’éléments,
mais dont le caractère est d’une grande vérité.
C’est une œuvre présentée, peut-être, d’une façon un peu
sobre, un peu froide; car elle a de sérieuses qualités d’étude et
d’observation.
M. D. Francken nous présente un projet de maison par-
ticulière, conçu dans ce genre d’architecture qui rappelle à la
fois le classique, le grec et le Louis XVI, qui a inspiré la
construction des deux tiers de nos habitations élevées depuis
trente ou quarante ans.
Je crois cependant que l’on peut faire autre chose quand on
arrive à composer un projet comme celui qui nous occupe.
M. J. Haché a exposé 3 dessins (plans, coupe et façade prin-
cipale) d'un projet de salle d'opéra, qui nous prouve immé-
diatement chez cet artiste une étude sérieuse des salles de
spectacles existantes et des améliorations indiquées par l’expé-
rience. Le plan est bien dans sa composition ; la façade est
moins heureuse, car dans cet ensemble nous cherchons vaine-
ment la grande pensée architecturale, la grande ligne, la
vérité dans les combinaisons. La justesse et la valeur des
objets, des éléments n’est pas suffisamment raisonnée.
L’auteur de ce projet a beaucoup vu, beaucoup retenu :
l’œuvre qu’il nous présente est une œuvre de mémoire, pres-
qu’autant qu’une œuvre d’imagination.
Nous sommes peut-être sévère pour ce projet ; mais il nous
promet beaucoup, beaucoup mieux ; M. Haché n’a qu’à le
vouloir pour que cela soit à la première exposition prochaine.
Nous citerons pour mémoire, de M. Marchand, un projet
de monument funéraire, pour en arriver à son projet de
maison de maître.
Ce dernier projet où nous trouvons toutes les grandes qua-
lités des œuvres vraiment architecturales, serait digne de
tous les éloges s’il n’était pas encore une de ces inspirations
des palais italiens, si nombreux à Rome, si dépaysés chez
nous.
Cependant l’auteur a su donner à l’ensemble une allure
Louis XVI, qui rachète un peu ce défaut ou cette erreur.
M. Minne expose différents projets : une église de village,
dans laquelle nous reconnaissons beaucoup d’intelligence et
d’excellentes intentions ; l’auteur ne cherche pas la vérité de
style, mais bien plutôt la vérité de caractère et la correction
de la silhouette ; nous ne pouvons que l’en féliciter et consta-
ter qu’il approche du but proposé.
Nous aimons moins les maisons curiales. Cela a l’inten-
tion d’être gothique, mais nous n’y trouvons pas le sentiment.
En somme, les projets sont peu nombreux, mais il y a de
bonnes choses, peu il est vrai; il y a des œuvres intéressantes,
beaucoup. Cette exposition est cependant instructive et la com-
paraison aura sans doute inspiré à tous cette réflexion qu’en
architecture il n’est rien d’aussi difficile que de faire simple et
vrai ; que la logique est aussi indispensable à cet art, que la
justesse des proportions, l’unité et la variété. Il est impossible
de ne pas reconnaître ces principes.
Lettres sur l’Académie royale des
Beaux-Arts de Bruxelles.
III.
Dans mes deux précédentes lettres, j’ai montré aux
lecteurs de Y Emulation la mauvaise organisation des
concours de la classe de composition architecturale
et la réglementation vicieuse des cours spéciaux; pour
me soulager complètement, il me reste (médicalement
parlant) un dernier flot de bile à expectorer.
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J’étonnerai sans doute beaucoup de satisfaits ou
d'indifférents en déclarant que la méthode d'enseigne-
ment est absolument défectueuse dans la classe de
composition architecturale ; cependant cela est, et il
n’est pas difficile d’en fournir la preuve.
Du 1er octobre au 1er mars, le professeur donne à
ses élèves, de 3 en 3 semaines, un programme de
justice de paix, de château, de cirque ou de maison
communale, etc...; les premiers soirs, les jeunes
architectes, pleins de fougue courageuse et de juvéniles
inspirations, s’escriment à qui mieux mieux, croquent
force plans et esquissent des façades et des coupes qui
par leur variété montrent le goût et les aptitudes
divers des concurrents ; ces projets sont souvent loin
d’être parfaits, mais il est rare que l’on ne trouve pas
dans plusieurs d’entre eux, soit une combinaison heu-
reuse d’une partie du plan, soit un emmanchement
original des façades ou un détail qui ne manque pas
de patte. — Au bout de quelques jours, le professeur
fait sa tournée, examine les projets et ne tarde pas à
dire aux élèves; « Ce n’est pas cela que j’ai rêvé ! Voilà
comme le plan doit être. » — Et, appliquant son idée
à chaque projet, il bouleverse tous les croquis ; les
élèves se remettent à la besogne en suivant les indi-
cations du professeur, et lorsqu’ils ont acccouché de
leur nouvelle esquisse, ils constatent avec stupeur
qu’ils ont tous le même plan, résultat fatal de l'idée
imposée par le professeur.
C’est cette façon d’agir qui décourage les élèves, et
les dégoûte de la besogne ; aussi ne se passe-t-il pas
d’année que le nombre des élèves est réduit à la moitié
ou au tiers à la fin de la période d’études.
A mon avis, cette méthode d’enseignement, que
préconise le règlement académique, a l’immense défaut
de niveler tous les talents et d’annihiler l’originalité :
pourquoi ne pas prendre chaque projet, le discuter,
montrer les points faibles, et chercher ce qu’il y a
moyen de faire de l'idée de l'élève : voilà la marche à
suivre.
Je crois même que l’on pourrait tenter autre chose
pour sauvegarder, des griffes professorales, le génie in-
ventif et l’intelligence artistique de lelève : pourquoi
ne pas organiser, de mois en mois, un concours en
loge de 12 ou 15 heures ; l’on arriverait ainsi, par
période, à une classification de la valeur réelle des
concurrents qui trouveraient, dans ces épreuves, l’a-
vantage de s’exercer peu à peu au concours de fin
d’année, ainsi qu’au concours de 1000 francs et au
concours de Rome. — Je pense que cette réforme
amènerait d’excellents résultats ; ces concours d’un
jour sont d’ailleurs mis en pratique depuis longtemps
àl’Ecole des Beaux-Arts de Paris.
Avant de clore cette dernière lettre, je demande
la parole pour une utile réforme à proposer. — Pour
arriver à composer d’une manière convenable, il faut
surtout avoir beaucoup étudié, et consulté des ouvrages
sérieux en grand nombre ; lorsque l’on suit les cours
de l’Académie, cette étude supplémentaire de biblio-
thèque devient impossible, à moins de posséder un
choix d’ouvrages d’une valeur de plusieurs milliers de
francs, fait rare chez un élève-architecte. — La
seule bibliothèque à consulter est celle du Musée ; on
y arrive à 9 1/4 heures et elle ferme à 9 3/4 heures ;
reste donc une demi-heure de lecture, autant dire
rien. — La Société centrale d'Architecture a bien une
assez intéressante collection d’ouvrages, mais tous les
architectes ne font pas partie de ce cercle. — Les études
de bibliothèque ne sont possibles que si l’Académie
des Beaux-Arts consent à ouvrir, aux élèves archi-
tectes, sa bibliothèque tous les soirs de 9 à 11 heures :
c’est ce que j’ai l’honneur de proposer au Conseil Aca-
démique.
Un dernier mot : je n’ai nullement eu l’intention,
dans mes trois lettres, de débiner l’Académie ; j’ai
montré les défauts de l’enseignement, et les réformes
à y apporter ; j’espère que le Conseil Académique et
l’Administration communale voudront bien les exa-
miner avec bienveillance.
Et sur ce, je remercie l'Emulation de son bon ac-
cueil et lui dis au revoir.
π R.
FAITS DIVERS.
Bruges. — L’administration des chemins de fer de l’Etat
Belge se propose de construire une gare nouvelle à Bruges.
Il a été question d’ouvrir à ce sujet un concours entre les ar-
chitectes belges.
Pourquoi cette excellente idée a-t-elle été écartée? Nous
l’ignorons. Mais M. l’architecte Schadde, professeur de l’Aca-
démie royale des Beaux-Arts d’Anvers, est chargé, nous
assure-t-on, de la construction de cet important édifice.
On nous assure aussi, détail charmant, que le style adopté
pour cet édifice exclusivement moderne, qui appartient au
19e siècle, par ses causesles plus intimes, est le style gothique.
Nous connaissions déjà des machines à vapeur de style
gothique.
Concours de Rome. — La société l'Union des Arts a pris
l’initiative de la révision du Règlement des Concours de
Rome. Elle convoqué les jeunes artistes du pays à une réu-
nion générale à laquelle ont assisté des membres de la Société
d’Architecture, des élèves des Académies de Gand et de Lou-
vain,etc.
Des délégués furent choisis parmi les membres de chacune
de ces associations et chargés d’élaborer un projet à opposer
au règlement en vigueur.
Dans une dernière séance plénière, les délégués ont approuvé
un ensemble de dispositions sur lesquelles nous attirerons
l’attention de ceux de nos abonnés que la chose intéresse. |