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1877
N° 10.
3eANNÉE.
ABONNEMENTS
Belgique: fr. 25-00.—Etranger: fr. 28-00 (Port en sus.)
L’Année parue:
Belgique:fr.30-00— Etranger:fr. 33-00(Port en sus.)
L’ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT.
S’adresser rue Cans, 22,
IXELLES.
D’ARCHITECTURE
DIRECTION-ADMINISTRATION :
Rue Cans, 22, Ixelles.
— DÉPOSÉ —
DE BELGIQUE
— DÉPOSÉ —
DIRECTION - RÉDACTION :
Rue des Quaire-Bras, 5, Bruxelles.
— 67 —
Bruxelles, Octobre-Novembre 1877.
SOMMAIRE:
ta Belgique monumentale par les architectes et les écrivains
francais. E. A. — L’Exposition des arts industriels et l’Ex-
position triennale des Beaux Arts, à Gand, salon d’Archi-
tecture. E. A. — Lettre sur l’Académie Royale des Beaux-
Arts de Bruxelles. — Faits divers.
LA BELGIQUE MONUMENTALE
PAR LES ARCHITECTES ET LES ÉCRIVAINS FRANÇAIS.
On ferait un volume, un gros volume, avec les
erreurs, les.... bourdes commises par les écrivains
français lorsqu’ils s’occupent de la Belgique et des
Belges, tant au point de vue politique et industriel,
qu au point de vue artistique.
Monsieur E. Bosc, dans son Dictionnaire raison-
né (?) d architecture, des sciences et des arts qui sy
rattachent, a bien voulu s’occuper de nous, Belges,
et de notre architecture. Voici ce qu’il écrit page 235,
de la 36me livraison : (Nous copions)
« Belge [Architecture.) — La Belgique n’a pas une architecture
qui lui soit propre, c’est un mélange de style flamand et français ;
ce dernier est le style dominant. Quelques édifices de la Renaissance
et d'autres, plus nombreux, de l'époque ogivale méritent une
mention. L'hôtel-de-ville de Bruxelles vous impressionne vivement
par son imposante masse et surtout par la tour de la façade, haute
de plus de 95 mètres ; elle est surmontée d’une statue de saint
Michel en bronze doré, haute de 4m25. Cet hôtel de ville com-
mencé en 1400, a été fini en 1442.
L'hôtel-de-ville de Louvain est aussi une merveille de style
ogival fleuri : Commencé en 1410, il fut terminé en 1420; il est
couvert de la base au sommet d’un nombre considérable de
statues ; trois magnifiques tours d’une grande richesse couronnent
délicatement ses pignons. Les hôtels de ville de Gand, d’Ypres,
d Anvers et de Bruges, sont à divers titres remarquables.
Citons encore, à Bruges, la Chapelle du Sang-de-Dieu, de style
ogival fleuri de la première période, où l’on trouve des balustrades,
des pilastres et des arcs surbaissés du style de la Renaissance. —
La cathédrale d’Anvers, une des plus vastes églises connues,
a de chaque côtés trois ailes, et le centre du monument est sur-
monté d’une lanterne octogone, en attendant la tour projetée; la
Bourse de la môme ville, dont les riches piliers supportent des
arcs surbaissés en feuilles de trèfle, a été bâtie en 1531. La vaste
cathédrale de Malines, dont le clocher inachevé mesure plus de
100 mètres d’élévation, a été terminée en 1450 et la partie faite
du clocher en 1545.
Quant à l'architecture contemporaine, elle n’est ni plus étudiée
ni moins bien rendue que celle de Paris, car la plupart des grandes
constructions modernes de la Belgique ont été exécutées par des
architectes parisiens.
Bibliographie : A. G. B. Schayes. — Histoire de l’Archicture en
Belgique. 4 vol. in—18. — Du même. Essai sur l’Architecture
ogivale en Belgique, Bruxelles. 1840. in-4°.
VOILA !
Monsieur Bosc serait-il, par hasard, convaincu
que le style gothique est un style français ? Il dit
cependant que l’Architecture belge est un mélange
des styles flamand et français; et il ajoute : ce der-
nier est le style dominant.
Il serait peut-être curieux de voir M. Bosc répondre
(sérieusement nest-ce pas) à cette question : Qu est-ce
que ce style français qui est dominant en Belgique ?
Est-ce la renaissance française, les genres Louis XIV,
Louis XV ou Louis . XVI, ou est-ce le style Napo-
léon III ?
Nous attendrons, longtemps sans doute, qu’il veuille
bien s’expliquer.
Nous savons que l’on a fait, malheureusement, en
Belgique beaucoup de Louis XV, que jusqu’aux
maisons de nos bourgs les plus reculés ont été infestées
de cette manie d appliquer ce genre ignare autant
que bâtard, qui n'a absolument rien d’architectural.
Nous savons aussi que I'on a fait beaucoup de
Louis XVI, mais c’est à l'époque historique, c'est-à-
dire, vers le milieu du 18me siècle.
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♦ *
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Et quoi d étonnant à cela ? Nos destinées n’étaient-
elles pas intimement liées à celles de la France ?
La Belgique n’était-elle pas, en quelque sorte, le
jouet et l’enjeu à la fois, de la politique et des ambi-
tions européennes.
Deux siècles de domination nous avaient ôté tout
essor, toute prospérité tant commerciale, qu’indus-
trielle. Les arts pouvaient-ils être connus encore
chez nous, alors que, sous le joug abhorré, nous
étions étouffés dans nos mœurs, nos idées et jusque
dans notre esprit national, par le gouvernement de
l’étranger.
Pourquoi dès lors, savants et impartiaux écrivains
français, pourquoi ne pas dire aussi que nos mœurs,
nos idées, nos institutions sont les vôtres ; pourquoi
ne pas conclure encore que notre union forcée à la
France nous a faits à demi-français ?
Ce sont pour nous de cruels souvenirs que ceux de
ces périodes de notre histoire où vous fûtes nos maî-
tres ! Ces pages de nos annal es sont écrites avec du
sang. Nous connûmes, avec vous, le pillage et le
vol, corollaires de la conquête. Vous nous preniez,
alors, nos grains, nos toiles, nos bestiaux ; nos im-
menses trésors d’art sont allés remplir vos nombreux
musées, vous nous avez pris tout... sauf le génie
national, sauf l'esprit de race.
Laissez-nous donc au moins une architecture à
nous.
*
* $
Quelques architectes belges, ilyaquelque dix, quinze
ans, se sont laissé aller à une copie servile de cette
architecture néo-grecque tant en honneur dans Paris
hausmanesque, nous l’avouons. Mais allez le leur de-
mander aujourd’hui ! Ils renieront ces péchés de jeu-
nesse, il vous montreront les constructions postérieu-
res où vous reconnaîtrez que l’architecture belge, au
moment où vous écrivez, si elle n'est ni plus étudiée ni
moins bien rendue qu'à Paris, ce qui n’est que dans
votre esprit.
Ou dans votre mémoire........ si vous êtes venu à
Bruxelles. Car vous aurez pris les quelques pâtés de
pierre blanche élevés par l’un de vos compatriotes (qui
n a sans doute pas la prétention de se faire passer pour
un architecte vrai, de talent), vous les aurez pris,
sans doute, pour des œuvres belges, édifiées par des
architectes belges.
Et, pour votre édification, j’ajouterai qu’après plu-
sieurs essais malheureux d’acclimatation de vos mai-
sons de la rue Lafayette ou de la Chaussée d’Antin,
etc., etc., votre ou vos compatriotes se sont ingéniés
à faire de la Renaissance........ flamande! Le bon
billet!
Cela n’empêche pas M. Bosc d’écrire dans son
dictionnaire raisonné de l'Architecture, etc., que la
plupart des grandes constructions modernes de
la Belgique ont été exécutées par des architectes pa-
risiens.
Il est arrivé : à Huy pour un groupe scolaire, à
Charleroi pour un Palais de Justice (deux constructions
importantes en effet) que ce fussent les projets d’ar-
chitectes français que l’on approuvât ; mais de deux
à la plupart il y a énormément de marge et nous
savons que deux constructions importantes, seules,
celles que nous venons de citer, sont éxécutées par des
Français.
Nous ne parlerons pas des constructions françaises
du nouveau Boulevard ; il est impossible que l’ar-
chitecte ou les architectes de la Compagnie Mosnier,
ou du Grand Café, aient cherché à faire de l’art, de
faire, à Bruxelles, un genre d’architecture qui enlevât
l’engouement, même partiel, du public.
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La vraie tendance était si bien de faire de la
Renaissance, et non pas les miévreries parisiennes,
qu un architecte (?) français a élevé, en faisant tous
ses efforts pour lui donner l’aspect de la Renaissance,
une maison qui n'a pas été primée, sans doute parce
que le Jury n’aimait pas les bonbons fondants.
*
* *
Bref, on a construit énormément depuis 1870,
depuis l’époque où la Belgique ouvrit toutes larges
ses portes aux fuyards français et de Paris (en France)
et aux malheureux soldats blessés dans les combats.
C’est dans ces circonstances qu’un grand nombre de
Français et parmi eux quelques architectes parisiens,
connurent la Belgique.
C’est dans ces mêmes circonstances qu’un journa-
liste français, en villégiature forcée, à Bruxelles, écri-
vait à ses compatriotes : Il se prépare énormément de
grands travaux ici (à Bruxelles), venez, accourez,
vous pourrez largement appliquer vos talents.
Eh bien, M. E. Bosc, malgré toutes ces circons-
tances nous devons vous affirmer que peu de construc-
tions en Belgique ont été exécutées par des Français
si l’on en excepte les machines spéculatives du Bou-
levard Central..
*
* *
Quant à nos monuments anciens je crois devoir
rendre à M. E. Bosc le service de lui indiquer, pour
l’Erratum qu’il donnera sans doute dans sa dernière
livraison, les erreurs commises dans la notice qu’il
consacre à quelques-uns de nos monuments.
L’hôtel-de-ville, l’un des plus beaux édifices connus
appartenant à l’époque ogivale et dont Napoléon Ier
a dit : C’est un bijou précieux que l'on devrait placer
dans un écrin, a été commencé en 1401 ou 1402;
en 1405, c’était, Jacques Van Thienen, qui dirigeait
les travaux ; la première pierre de l’aile droite fut
posée le 3 mars 1444. — L'aile gauche a donc été
construite tout au commencement du XVe siècle ; elle
fut terminée en peu d’années. La tour fut entièrement
terminée en 1455, par Jean de Ruysbroek, qui avait
été chargé de son achèvement dès 1448.
Cette tour a, comme le dit M. E. Bosc, plus de
95 mètres : elle a 113 mètres 76 centimètres; quanta
l’archange saint Michel qui la surmonte, M E. Bosc
est dans le vrai, à 15 centimètres près, en disant
quelle a 4m25 de haut. — C’est 4m40 qu’il faut lire.
L'hôtel-de-ville de Louvain (ici M. E. Bosc devient
enthousiaste et vrai : C'est une merveille de style
fleuri, s'écrie-t-il!) ne fut pas commencé en 1410 et
terminé en 1420, comme le dit le Dictionnaire rai-
sonné. La première pierre de cet admirable édifice a
été posée le 29 mars 1448; l’achèvement extérieur
date de 1459 et l’achèvement complet (intérieur) de
1463. C’est à Mathieu de Layens que la Belgique
doit ce superbe monument.
Les hôtels-de-ville de Gand, d’Ypres et de Bruges,
sont, à divers titres, remarquables, dit M. E. Bosc.—
Et l’hôtel-de-ville d’Audenaerde (commencé le 15 avril
1527), dont l’exécution est due à Henri Van Pede,
architecte de la ville de Bruxelles et qui fut terminé
en 1530.
Et l’hôtel-de-ville de Mons, construit en 1458 sur
les plans d’un architecte de Bruxelles dont le nom
est resté inconnu.
Et l’hôtel-de-ville de Courtrai, commencé en 1526
et qui fut élevé très-rapidement puisqu’en 1528 le
magistrat d’Audenaerde faisait prendre le dessin des
deux cheminées et de la balustrade extérieure par un
peintre et un sculpteur.
Les laissera-t-on dans l’oubli ? |