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L’ÉMULATION.
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Aussi bien, un vieil auteur gaditan, Suarez Salazar, qui
écrivait en 1609, avait deviné que les rustiques tombes de
même espèce déjà exhumées de son temps devaient être phé-
nico-sidoniennes ; à quoi il avait eu quelque mérite, puisque
c’était chez lui simple intuition inductive.
De beaucoup moindre est le nôtre, du moment que toutes
les tombes découvertes depuis le mois de janvier dernier sont
pareilles à celles ayant contenu l’anthropoïde marmoréen,
orgueil aujourd’hui du musée de Cadix.
Disons pour terminer, qu’entre autres, MM. Renan et
Clermont-Ganneau, de l’Institut, Babelon, du cabinet des
médailles, le premier maître hors ligne et les seconds émi-
nemment versés dans les choses sémitiques, se plaisent à
reconnaître la valeur des recherches faites dans le sol de
Cadix et espèrent qu’une heureuse fortune enrichira le Coryus
sémitique de quelque document épigraphique pouvant com-
bler, pour l’Espagne, une lacune regrettable. En tout cas,
cette lacune, elle n’existe plus au sens monumental, puisque
nous possédons, comme témoins irrécusables du passé sémite
de « Gaddir » l’anthropoïde marmoréen et les nombreux
mais plus modestes « fours à cercueil » dont il vient d’être
parlé.
Enfin, c’est au zèle méritoire d’un ecclésiastique gaditan,
le P. Véra, correspondant de l’Academia de la Historia, lequel
est secondé par notre consul général, M. de Lavigne, que
nous devons la connaissance de ces monuments.
France
Une decouverte archéologique
u ne découverte archéologique très importante vient d’être
faite dans l’église de Savigny, près Coutances.
L’année dernière, l’attention des archéologues avait
été appelée sur cette curieuse église par la découverte, qui y
avait été faite, d’une abside romane du plus beau caractère et
d’une suite de peintures murales du xne siècle, représentant
en quatre tableaux la vie de sainte Barbe. Ces peintures et
cette abside furent l’objet d’une étude détaillée, publiée dans
le Bulletin monumental avec des dessins dus au crayon de
Mlle Houdan.
D’aussi intéressants spécimens de l’art du xn° siècle ne
pouvaient être laissés à l’abandon; M. le curé de la paroisse
l’a compris,‘et il a confié à MM. Francis et Aimé Jacquier le
soin de prendre les mesures nécessaires pour en assurer la
restitution et la restauration.
C’est en procédant à ces travaux longs et délicats qu’a eu
lieu une nouvelle découverte de peintures murales, non plus
dans le chœur mais dans la nef de l’église.
Lors d’une première visite, en examinant les enduits inté-
rieurs avec M. le curé de Savigny, M. Jacquier avait cru
reconnaître, sous le badigeon, des traces de peintures ana-
logues à celles de l’abside.
Or, il y a quelques jours, l’artiste décorateur attaché à la
maison de MM. Jacquier, M. Raphaël Douin, en procédant
avec M. le curé à quelques vérifications, a pu constater
l’existence positive de peintures d’une certaine étendue. On a
procédé aussitôt, avec de grandes précautions, à l’enlèvement
d’une épaisse couche de badigeon et l’on a reconnu tout un
grand sujet, représentant la Cène et analogue, par les couleurs
employées et par le style, aux peintures si remarquables de
l'abside.
Cette découverte si importante a été portée par M. de
Beaurepaire à la connaissance de la Société des Antiquaires
de Normandie.
Le château de Fougères
La ville de Fougères a acquis, moyennant 80,000 francs,
le château historique de cette ville, qui appartenait aux
héritiers du général baron de Pommereul. Celui-ci l’avait
reçu en don de l’empereur Napoléon Ier. L’Etat a offert à la
ville une subvention de 40,000 francs pour cette acquisition.
Le château historique de Fougères, qui est en bon état de
conservation, date de 1173; il a été continué au treizième
siècle et reconstruit en partie au quinzième. L’Etat a, parait-
il, l’intention de le restaurer.
Égypte
Découverte d’une tombe royale de la xviiie dynastie
On nous écrit du Caire, le 4 janvier :
« L’administration française des musées et fouilles
d’Egypte a commencé l’année sous d’heureux auspices.
M. Grébaut vient de découvrir une tombe royale appartenant
à la xviiie dynastie.
« Pareille aubaine est extrêmement rare, et le caractère un
peu étrange du souverain dont on a retrouvé la sépulture en
rehausse encore l’intérêt. Il s’agit d’un certain Khou-en-Aten,
qui, inquiet des empiétements sans cesse grandissants du
collège des prêtres d Ammon sur le domaine politique, cher-
cha à s’en affranchir, en décapitalisant Thèbes afin d’enlever
a Ammon son caractère de divinité nationale et d’en faire un
simple dieu de province.
« Il vint fixer sa résidence près du village actuel de Tell-el-
Amarna, entre Assiout et Minieh, sur la rive droite du Nil et
y établit le culte d’Aten (le disque solaire). Cette tentative de
réaction contre l'influence sacerdotale n’aboutit point. La
mort de Khou-en-Aten anéantit son œuvre. Thèbes redevint
capitale, et le dieu Aten tomba dans l’oubli. Le pouvoir des
prêtres d’Ammon continua de grandir jusqu’au moment où
ceux-ci se sentirent assez forts pour se substituer à la royauté
et fonder la xxie dynastie.
« De nombreuses fouilles avaient déjà été pratiquées à
Tell-el-Amarna ; mais l’on n’avait encore mis au jour que les
tombeaux de hauts fonctionnaires ou de grands officiers de la
Couronne. C’est la sépulture de Khou-en-Aten lui-même, sur
laquelle nos compatriotes viennent de mettre la main. Elle se
compose d’une galerie, longue d’environ 5o mètres, sur
laquelle s’embranchent deux couloirs, l’un direct et l’autre
coudé, aboutissant à plusieurs chambres sépulcrales, desti-
nées à la reine et à une fille du roi, Aten-Magt. La galerie
principale se termine par une salle quadrangulaire, soutenue
par quatre piliers et qui devait contenir le tombeau royal. Le
sarcophage est en morceaux, l’hypogée ayant été violé dans
les temps anciens, si bien que, pour retrouver le sol primitif,
il y aura des déblais à exécuter sur environ trois mètres de
profondeur. Les premières recherches ont toutefois permis de
constater sur les murailles l’existence d’images et d’inscrip-
tions dans la chambre du roi aussi bien que dans celle
d’Aten-Magt. La couleur a disparu, mais le relief est encore
très net. La découverte de M. Grébaut est donc des plus
précieuses et promet de jeter un jour nouveau sur l’histoire
d’un règne peu connu. »
CONGRÈS
Italie
Le avril a eu lieu, dans la grande salle des fêtes de
P l’exposition, à Palerme, l’ouverture du Congrès national
et international des Ingénieurs et Architectes.
Des discours ont été prononcés par le maire de la ville, le
sous-secrétaire d’Etat du ministère des travaux publics et le
président du comité exécutif du Congrès.
CONSERVATION DES MONUMENTS
France
La réorganisation du service des Monuments
historiques
nous croyons intéressant de reproduire, d’après le Temps,
quelques détails sur cette réorganisation :
Nous avons donné la substance des décrets que le ministre
de l’instruction publique a fait signer au dernier conseil et qui
réorganisent le service des monuments historiques.
On sait qu’aux termes de ce décret les architectes des
monuments historiques seront, à l’avenir, recrutés par la
voie du concours.
L’ouverture du concours sera déterminée par les vacances
qui se produiront dans leservice des monuments hisioriques.
Seront admis à concourir les architectes français qui, sur
la présentation d’études analytiques faites d’après des monu-
ments anciens ou de projets de constructions neuves exécu-
tées ou non exécutées, auront été reconnus capables de
prendre part au concours par le ministre, sur le rapport de la
commission des monuments historiques.
Le jury du concours sera composé des trois inspecteurs
généraux des monuments historiques et de trois membres de
la commission ou architectes du service, désignés par le
ministre. Il sera présidé par le directeur des Beaux-Arts.
Quelques explications feront ressortir l'importance du nou-
veau décret.
De tous les services d’architecture gouvernementaux, celui
des monuments historiques était le seul qui eût gardé, depuis
sa fondation, une indépendance absolue. Alors que les archi-
tectes diocésains, et ceux des bâtiments civils sont soumis,
depuis un certain nombre d’années déjà, au contrôle le plus
rigoureux, les monuments historiques, au contraire, avaient
gardé intacte leur autonomie. La commission avait son bud-
get à elle, qu’elle administrait à sa guise ; elle décidait elle-
même des travaux qu’il y avait lieu d’opérer, elle choisissait à
son gré les architectes qui devaient être chargés de ces tra-
vaux, et elle les choisissait, par une vieille habitude, dans
son sein.
On a trouvé cet état de choses anormal et on l’a supprimé :
on a parfaitement bien agi. Pour témoigner d’ailleurs que ce
décret visait non pas des personnes, mais une organisation
reconnue comme vicieuse, on n’a pas donné au décret d’effet
rétroactif, et les architectes membres de la commission des
monuments historiques gardent la direction des travaux qui
leur avaient été antérieurement attribués.
La réorganisation se complète par la mise au concours des
postes d’architecte relevant du même service. Quant à la
création, à l’Ecole nationale des Beaux-Arts, d’un cours
d’histoire de l’architecture française au moyen âge et à la
Renaissance, création depuis longtemps demandée et urgente,
elle fournira aux jeunes gens qui se destinent à, entrer dans
les monuments historiques tous les éléments nécessaires pour
devenir, dans ce service spécial, des architectes aussi instruits
qu’avisés, partant des auxiliaires très précieux. |