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L’ÉMULATION.
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dans le style flamboyant. Ce porche est isolé sur tout le côté
gauche de l’église, et donne accès sous les orgues.'
L’intérieur a de grandes proportions ; les travées de la
grande nef, au nombre de onze, se terminent en forme d’ar-
catures trilobées d’un bel effet ; les chapiteaux des colonnes
sont d’un beau travail.
Les grandes baies, dont sont ornés les murs plats des
transepts, sont remarquables par la beauté de leur dessin de
style rayonnant.
Par la régularité de son architecture et l’élégance de son
ornementation, l’église de Tongres ne dément pas extérieu-
rement la beauté de son intérieur. Des arcs-boutants à deux
rangs d’arcs superposés soutiennent les murs de la grande
nef ; de simples contreforts renforcent ceux des bas côtés et
du chœur. La toiture des bas côtés est cachée par une gra-
cieuse balustrade, découpée en quatre-feuilles encadrées.
La grande tour carrée, placée en tête des nefs, ne fut cons-
truite qu’en 1441 ; elle est flanquée à ses angles de grands
contreforts en retraite, à quatre étages de clochetons et
percée de trois étages de fenêtres à meneaux flamboyants.
Impatienté par l’attente prolongée du bedeau, qui doit
nous faire voir le cloître, nous nous décidons à en chercher
l’accès extérieurement; une petite porte, sur la droite du
chœur, nous y conduit.
On est de suite pris par le charme que donnent ces porti-
ques qui entourent si heureusement le chœur de l’église; les
galeries à arcades plein cintre, ont des archivoltes qui retom-
bent sur des colonnes cylindriques alternativement isolées et
accouplées, couronnées de chapiteaux d’un dessin aussi riche
que varié, et qui reposent sur un stylobate continu.
Le cloître de Tongres est certainement un des nos monu-
ments du moyen âge les plus curieux et un des plus élégants
spécimens dans son genre de l’architecture romane.
Dans la galerie, à droite, se trouve une petite porte qui
donne accès dans le réfectoire, la salle capitulaire et la cha-
pelle du chapitre, mais le temps nous manque pour les
visiter. Nous rentrons dans l’église par la galerie gauche du
cloître; le bedeau nous attend là pour nous montrer le trésor.
C’est malheureusement en hâte que nous admirons le con-
tenu des armoires : les calices et vieilles crédences, les osten-
soirs d’or et d’argent, rehaussés d’émaux et de pierreries,
les reliquaires aux sculptures naïves, contenant des morceaux
du voile sacré de la Vierge, des ossements de saints, etc., les
vieux missels poudreux aux caractères gothiques, historiés et
ornés de superbes lettrines, les crosses d’or massif, merveilles
de l’art chrétien primitif, des statuettes d’une richesse et d’un
fini de travail admirables, les boucles et les agrafes émaillées;
toutes ces merveilles sacro-saintes, dégageant une odeur d’an-
tique poussière remuée, sont admirées tour à tour. Nous
jetons encore un dernier regard aux vieilles chasubles, étoles
en brocart d’un dessin merveilleux, et prenons, les yeux
encore éblouis, le chemin de la gare. Cette fois, la pluie a
cessé ; on aperçoit quelques coins bleus du ciel, qui arrivent
un peu tard, mais qui n’ont pas empêché l’excursion d’être
très intéressante ; c’est l’avis de tous ceux qui y ont pris part.
E. Anciaux.
Rapport sur l’excursion à Grimberghe et au château
du Steen, à Ellewyt
L'excursion organisée par la Société a eu lieu le dimanche
ii octobre dernier. Malgré l’heure relativement mati-
nale pour la saison, une vingtaine de membres se trou-
vaient à la réunion à la gare du N ord ; nous prenons le tram-
wa>T vicinal qui côtoie le Parc royal de Laeken, dont nous
admirons la superbe végétation, qui rappelle à plusieurs
d’entre nous ayant participé à l’excursion en Angleterre, les
beaux parcs anglais, et après un rapide voyage, nous débar-
quons à 9 heures au village de Grimberghe, notre première
étape.
Nous nous dirigeons d’abord vers l’église, sur laquelle
nous jetons un rapide coup d’œil et, en attendant la fin des
offices, nous allons visiter l’ancien château des comtes de
Grimberghe.
Ce chateau, qui date des xve et xvie siècles, appartient
actuellement à la famille de Mérode, qui le laisse dans un
état déplorable d’abandon ; aussi peut-on dire que, le temps
et la main des hommes aidant, il tombera bientôt en ruines.
Dans une situation pittoresque, au milieu d’un bois, 1 en-
semble est d’allure assez imposante; les façades cependant
n’offrent rien de saillant, sauf une façade latérale ancienne
avec donjon, qui ne manque pas de caractère; l’intérieur,
malgré son grand escalier et ses immenses salles, jadis ornées
de tableaux et de portraits, aujourd’hui transformées en
granges, n'offre rien d’intéressant; dans une chambre au pre-
mier étage, nous remarquons du papier ancien avec peintures
fort détérioré.
Nous quittons cet endroit mélancolique et nous nous diri-
geons vers l’église, but de la première partie de notre excur-
sion.
Elle est de style italien du xviie siècle, appelé aussi style
jésuite, et est occupée actuellement par l’ordre des Prémontrés.
Cette église se compose d’un chœur immense et d’une nef
qui semble inachevée ; l’intérieur est de fort belles propor-
tions et d’un ensemble majestueux avec la coupole dont la
naissance est fort bien amenée, et la lanterne qui la couronne;
la décoration de l’église, tout en étant fort riche suivant les
habitudes de l’époque, est cependant moins lourde que dans
d’autres édifices similaires de ce genre.
Les quatre confessionnaux à cariatides et colonnes en bois
sculpté, ainsi que les stalles et les boiseries autour de l’église
sont des œuvres d’art assez remarquables, ainsi que le banc
de communion, orné de sculptures fort délicates. Dans le
chœur sont deux tombeaux : à gauche celui du seigneur de
Bergues, dont la figure en marbre blanc, de grandeur natu-
relle, est une œuvre sculpturale remarquable ; de l’autre
côté est le monument des abbés de Grimberghe, moins inté-
ressant que le premier.
Les boiseries de la sacristie méritent également d’être
mentionnées, ainsi qu’un confessionnal pour les religieux
d un dessin fort curieux et élégant ; quelques tableaux qui
ornent les murs de l’église et de la sacristie sont des œuvres
secondaires.
La tour carrée, placée à l’extrémité du chœur, est fort
élancée et d'un bel aspect; toutefois, la partie inférieure
manque un peu d ampleur, il nous a paru que l’effet serait
meilleur si elle avait un peu plus de développement.
Nous observons également un affaissement assez considé-
rable qui s’est produit dans le mur du fond du chœur et occa-
sionné par le poids de la tour ; et la manière curieuse et
habile dont les diverses moulures ont été raccordées.
Quelques instants de repos nous sont accordés, et nous
partons pour Vilvorde, par une belle route, d’où plusieurs
jolis points de vue sur les campagnes nous font une
agréable diversion aux vues architecturales, et après une
heure de marche nous arrivons à destination ; nous jetons un
rapide coup d’œil sur l’hôtel de ville de Vilvorde, d’où nous
nous éloignons rapidement pour nous diriger vers l’hôtel,
où un déjeuner sommaire mais substantiel nous remet com-
plètement de la promenade que nous venons de faire.
Après le déjeuner, nous prenons le train pour Epyeghem
et par un joli chemin de campagne nous arrivons à Ellewyt,
où se trouve le château de Steen, ancienne demeure de cam-
pagne de Rubens (1).
Ce château, admirablement situé au milieu d’un parc
immense, a été habité par Rubens au dix-septième siècle ; il
n avait pas à cette époque le développement qu’il a actuelle-
ment. Après bien des vicissitudes, cet édifice, qui tombait en
ruines, a été restauré par M. le baron Coppens, qui a chargé
de ce travail l’architecte Carpentier; celui ci s’est acquitté
de cette mission d’une manière fort élogieuse ; il s’est surtout
attaché à conserver et à restaurer le monument sans le déna-
turer; on peut dire qu’il y a parfaitement réussi et que les
quelques parties qu’il y a ajoutées, telles que la bretèche de
la salle à manger et la galerie du premier étage, loin de nuire
à l’aspect général, le complètent fort heureusement.
Nous faisons d’abord le tour de l’habitation, dont nous
remarquons beaucoup les façades pittoresques et mouvemen-
tées, ainsi que le pont qui donne accès à l’entrée principale.
Nous sommes ensuite reçus par M. le baron Coppens, qui
nous fait d’une manière fort affable les honneurs de sa rési-
dence et nous fait visiter les divers appartements, où nous
remarquons quelques anciennes cheminées; les boiseries et
les décorations sont modernes. Il nous montre également
l’ancienne charpente, dont la structure et la solidité peuvent
défier encore bien de siècles. Après une courte visite aux
dépendances, où nous prenons congé de notre hôte, nous
faisons une promenade dans le parc, d’où quelques points de
vue ménagés au travers de massifs de verdure, nous laissent
apercevoir le château sous divers aspects plus riants les uns
que les autres.
Tout en nous reposant, l’imagination ne manquait pas de
se rapporter au temps où ce manoir était habité par notre
célèbre peintre et était le rendez-vous de toute une pléiade
d’artistes ; peut-être aussi est-ce dans cette retraite champêtre
et dans la tranquillité qu’il a exécuté ces nombreux chefs-
d’œuvre qu’on admire dars le monde entier et qui ont
immortalisé son nom; c’est sous l’impression du souvenir de
cet homme de génie et de cette grande époque de l’art que
nous nous dirigeons vers la gare pour reprendre le train qui
nous ramène à Bruxelles, enchantés de notre excursion qu’une
splendide journée d’automne a favorisée on ne peut mieux.
Guillaume Segers.
BIBLIOGRAPHIE
Un cadavre récalcitrant
La Revue, de l’Art chrétien, si bien éditée par la maison
Desclée-De Brouwer, de Tournai, et dirigée avec
science par MM. Helbig et Cloquet, dans une voie
exclusivement gothique que nous n’approuvons pas, mais
dont nous reconnaissons que les tendances sont dictées par
une conviction sincère chez nos honorables confrères, nous
consacre — c’est sa très aimable coutume, d’ailleurs, et nous
lui en exprimons nos remercîments — un compte rendu que
nous croyons devoir reproduire, non pas pour les éloges
(aimez qu’on vous conseille et non pas qu’on vous loue, dit la
sagesse des nations), mais pour sa conclusion.
Mais d’abord l’article :
L’ÉMULATION
Ce recueil se distingue par la beauté de ses planches, d’un
caractère pratique, qui, grâce aux meilleurs procédés pilo-
ri) Le Château de Steen à Ellewyt a été publié dans l'Émulation année
1886 pl. 27 et 29; une intéressante étude historique et archéologique de
M. Alphonse Wautersl’accompagnait. |