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AMVEHS, Mercredi f ét JeaitlI’S «ffaravlcr
(IMxSème Aasïïee.)
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O» s’abonne i
A Anvers au bureau du Précur-
seur , Bourse Anglaise, N» 1040;
en Belgique et à l’étranger chez
tous les Directeurs des Postes.
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTERAIRE.
PAIX. — É.BBE38.TÉ. — PDtOeRÈS.
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Pour Anvers. If>fr
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Insertions 25 centimes la
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8 janvier,
I/A SUISSE ET L’ARBKTÉ 55 U £3 OCTOBRE.
De prime-abord nous avons montré avec quelle inconceva-
ble légèreté le ministère a compris la Suisse dans les rigueurs
douanières de l’arrêté royal du 13 octobre. La Suisse est un
pays qui accepte grand nombre de nos produits en franchise
de tous droits; nos draps, nos toiles, non laines filées, nos fils
dentelle, nos tabacs, nos cigares, et d’autres branches de la
icaiion belge, telles que la clouterie, la verrerie, la librai-
i ’ouvent un débouché considérable, débouché qui est
■ tnent précieux pour nous, puisque les marchandises ne
... -minent pas seulement dans les cantons, mais passent
n e en Savoie, en Piémont, dans le sud de l’Allemagneet
de la France. Le ministère n'a pas eu le moindre
de “t état de choses; il a fait comme si la Suisse n’exis-
pas s r la carte du monde. Ou bien, s’il s’est rappelé qu'il
,ût <. Ique part un peuple helvétique, il n’a pas fait atten-
ul instant que ce peuple pouvait bien, par hasard,
armi les bons acheteurs de produits belges. IS'a-t-il
ableaux statistiques dressés sur les registres de la
et fournissant des chiffres comme ils en fournissent
c’est-à-dire qui peuvent vous mener tout droit là où
levez et où vous ne voulez pas être? Ces tableaux
aar exemple, pour 1843, une somme de fr. 1,330,000
nportés en Suisse. Or, nous citerons la fabrique de
qui, à elle seule, et dans la même année, a expédié
ysdel2 à 14,000 pièces de draps, expédition dont
valeur dépasse d’un certain point le chiffre indiqué par
lique officielle.
encore dit, nous-même nous en avons fait la remarque
apparition du malencontreux arrêté du 13 octobre,
marchandises belges pour la Suisse, transitant par la France
aagne, sont la plupart du temps déclarées pour ces
es expéditeurs, soit que ceux-ci n’attachent qu’une
importance à leur déclaration, soit qu'ils veulent dis-
; lieu précis de leur débouché. Il résulte nécessaire-
le. à, que les annotations de la douane deviennent hypo-
», dans certains cas donnés, et que les statistiques qui
; ient le deviennent tout au moins.
... ministère,, en méconnaissant l’importance réelle du dé-
t’est la Suisse pour la fabrication belge, a-t-il songé au
o ue pouvaient avoir pour le pays les rigueurs douaniè-
quement et si déloyalement décrétées contre lescan-
ns? Si nous voulons accorder la moindre logique à la pensée
jinistérielle, il faut évidemment que nous acceptions la néga-
»e. Nos hommes d’Elat ayant donc mis de côté ce point capi-
de la question, nous avons pris la peine, dès le premier mo-
|ent, de leur dire : Ce que vous faites là peut être fort raison-
ble, fort rationnel même d’après votre manière de voir, qui
lest pas toujours la meilleure; mais à coup sûr vous allez nous
lîéner les bons vouloirs d’un peuple qui a été jusqu’ici pour
!0us un ami très peu coûteux, et nous exposer à la perte d’un
lébouché considérable. En tenant ce langage, nous ne savions
lis que l’expérience devait arriver si tôt pour donner de la
ÿnsécralion à nos paroles.
On sait que par l’arrêté royal du 13 octobre, les cotons im-
[imés et les soieries se trouvent frappés d’une augmentation
droits de 50 p. cent. La France et le Zollverein restent
fempts de la mesure qui n’atteint ainsi que l’Angleterre et la
liisse. L’Angleterre semble regarder avec le plus profond dé-
tain le remuement douanier d’un petit gouvernement qui ne
iurait l’atteindre dans sa colossale existence. En Suisse, la
lesure a été accueillie avec de tout autres sentiments , car
Re s’y est présentée avec le caractère propre à la prohibition.
P que n’a point fait l’Angleterre, la Suisse y songe sérieuse-
|ent. L’arrêté du 13 octobre nous vaudra, de la part de ce
rnier pays, de belles et bonnes représailles.
Déjà, il y a plus d’un mois, on a communiqué au commerce
s cantons industriels l’avis de donner, à l’avenir, pour les
péditions d’outre-mer la préférence au Havre, à Hambourg
à Rotterdam sur la voie d’Anvers. Depuis hier, lr janvier, le
uvernement de Zurich qui est plus particulièrement intéres-
dans la question des représailles, est devenu Directoire fé-
déral, et d’après des renseignements positifs recueillis par un
journal de Bruxelles, des mesures rigoureuses frapperont
désormais nos produits qui entraient sur le territoire helvétique
en franchise de droits ! Voilà donc les fruits les plus immédiats
de la politique commerciale de nos ministres : restriction de
relations internationales, dépression du débouché de nos ma-
nufactures. Ce résultat, nous l’avions prévu; il ne fallait pas
avoir, au reste, beaucoup de perspicacité pour prédire ce qui
arrive aujourd'hui. La chose se présentait assez claire. 1! n’y a
que nos ministres dont les ioées tournaient alors à d’autres
vents. Peut-être qu’en voyant les baraques de la douane suisse,
ces idées prendront une autre direction, qui sera la bonne, si
Dieu le veut.
La Gazette d'Augsbourg a publié dans son numéro du 14
décembre, l’article dans lequel le Handelsblad résumait son
appréciation du traité conclu entre la Belgique et le Zollverein.
La Gazette d’Augsbourg a fait suivre cet article de quelques
observations qui ont provoqué la réponse suivante de la part
du journal d’Amsterdam ;
« La feuille allemande se trompe ; nous nous sommes bornés à indi-
quer ce qu'il convient que la Hollande fasse. Nous n’avons pas établi
de comparaison entre les avantages que la Hollande et la Belgique peu-
vent offrir au Zollverein, mais nous allons le faire maintenant.
» La Hollande offre à l’Union des douanes des avantages que la Bel-
gique ne saurait lui accorder, pas plus après le traité qu'avant. Des
chiffres officiels ont été publiés récemment dans une brochure qui a
paru en Hollande. Il en résulte à l’évidence que la Néerlande est un
des plus grands, sinon le plus grand consommateur de produits alle-
mands, que les Pays-Bas consomment chaque année pour environ
trente millions de florins des productions du Zollverein, tandis que la
Belgique en consomme à peine pour un tiers de cette somme ; que le
tarif hollandais ne repousse pas un seul fabricat allemand, tandis que
le tarif belge rend impossible en Belgique toute concurrence de la part
de l’industrie allemande, de sorte que la promesse du gouvernement
belge de ne pas élever les droits sur les tissus de coton allemands, doit
être en réalité'considérée comme une mystification. Voilà quels faits
la Hollande peut mettre en regards du traité du 1er septembre.
» Le Zolverein trouve dés à présent en Hollande un marché libre et
couvert. Le traité ne fera pas disparaître une seule barrière en Belgique.
On ne voudra pourtant pas considérer comme une faveur importante
les concessions touchant l’eau minérale et les articles de Nuremberg,
non plus que celles qui ont rapport aux vins et aux soieries du Zollve-
rein. Les concessions en ce qui touche la navigation ont plus d'impor-
tance pour la Prusse, cela est vrai. Mais cette puissance a-t-elle obtenu
en Belgique quelque chose qu’elle ne posédât pas déjà en Hollande, et
les dispositions en vigueur chez nous relativement à la navigation
indirecte sous pavillon étranger, ne sont-elles pas infiniment plus li-
bérales que celles qui viennent d’être introduites en Belgique.
» Les concessions relatives au transit ont incontestablement plus
d’avantages pour les deux parties. L'entière liberté du transit par la
Belgique est certainement une très grande faveur pour le Zolverein ;
mais elle existait déjà et n’a été que consolidée par le traiié, et si on
établit une comparaison pratique, on trouve que nonobstant cette_ li-
berté. le transport des produits allemands parles ports hollandais coùle
encore beaucoup moins que par Anvers, et le transport par eau pour-
rait être infiniment moins coùleux encore si les Etats riverains alle-
mands voulaient y prêter la main. Les efforts tentés par la Hollande
pour y parvenir, échouent depuis deux ans contre le mauvais vouloir
de quelques gouvernements riverains. Si l’on considère le traité du 1”
septembre d un point de vue politique, on devra reconnaître que cette
convention a été un grand fait diplomatique ; mais le Zollverein n’y a
obtenu aucun avantage pratique réel, surtout en ce qui intéresse son
industrie manufacturière, agricole et minière. Nulle part la production
allemande ne trouvera un marché plus libéral que chez nous. On veut
en Allemagne se créer des débouchés nouveaux, mais faut-il pour cela
mépriser ceux qu’on possède déjà. Pour notre part nous laisserons vo-
lontiers à la Gazelle d'Augsbourg la consolation de croire que le traité
du 1<t septembre est la réalisation de vœux caressés de longue main,
et nous conserverons notre opinion que si l’industrie allemande est
satisfaite des concessions qiie la convention lui assure, elle se contente
de très peu. «
du il décembre 1812, pris par le gouvernement, en exécution de celte
dernière loi ;
Attendu que la complainte que les défenseurs ont dirigée contre lo
gouvernement, après que celui-ci était intervenu pour l’entrepreneur
des travaux qu’il avait ordonnés, a eu. pour objet, une vanne dans une
dérivation de l’Escaut, à Antoing, qu’ils ont prétendu être eu posses-
sion de faire servir à mettre en mouvement une usine ;
Attendu que l’Escaut étant un fleuve navigable, aux termes de l’ar-
ticle 538 du Code civil, il constitue une dépendance du domaine public;
Qu’il en est de même de ses dérivalions; que, quoiqu’elles ne servent
pas à la navigation, elles doivent néanmoins suivre le régime du fleuve
qui ne pourrait remplir son but si elles ne lui étaient subordonnées.
Attendu que les dépendances du domaine public sont inaliénables,
tant qu’elles conservent leur destination ;
Qu il s’ensuit, qu’elles ne comportent les concessions d’usages privés
que sous la condition de les changer, même de les révoquer entière-
ment, selon que l’exigera l’utilité publique, vérité expressément con-
sacrée par le droit romain, dans la loi 6C. de Operibuspublicis ;
D’où les deux conséquences, savoir :
La première, qu’une vanne dans le cours d’un fleuve navigable, ne
peut faire l’objet d’une possession qui autorise la complainte contre le
gouvernement, suivant les conditions de recevabilité requises par l'art.
23 du code de procédure civile.
La deuxième, que l’on ne peut prendre pour trouble d’une semblable
possession, les travaux que le gouvernement ordonne dans les cours
des fleuves navigables, soit pour diriger les eaux vers un but d'utilité
générale, ainsi que le lui prescrit, le chap. VI de la loi, en forme d’in-
struction des 12-20 août 1700, soit pour tenir les eaux à une hauteur qui
ne nuise à personne, comme l’en charge l’art. 16 du litre II de la loi des
28 seplembre-0 octobre 1791.
Attendu, qu’il résulte de ce qui précède, qu’en admetttant les défen-
deurs à prouver la possession de la vanne dont il s’agit, dans laquelle
ils ont prétendu avoir été troublés, par les travaux que le gouverne-
ment a fait exécuter en vue de l’intérêt public, aux écluses de l'Escaut,
à Antoing, le jugement attaqué a expressément contrevenu; 1° aux art.
538 du Code civil et 23 du Code de procédure civile; 2° au cliap. VI de
la loi des 12-20 août 1790. et à l’art 16 du titre II. de la loi des 28 septem-
bre^ octobre 1791. dont l’exécution a été ordonnée en Belgique, comme
pour toute la France, par l’arrêté du directoire exécutif, en date du 19
ventôse an vi.
Par ces motifs :
Casse et annule le jugement rendu entre parties, par le tribunal da
l’arrondissement de Tournay, le 4 décembre 1843 ; ordonne que le pré-
sent arrêt sera transcrit sur les registres de ce tribunal et que mention
en sera faite en marge du jugement annulé, renvoie la cause et les par-
ties devant le tribunal de l’arrondissement de Mons pour être fait droit
sur l’appel, condamne les défendeurs aux frais du jugement annulé et
aux dépens.
La Cour de cassation, première chambre, a rendu, le 14 no-
vembre dernier, un arrêt fort important par les principes qu’il
consacre en matière de travaux publics, et que nous croyons
utile de reproduire. Le voici ;
La cour,
Ouï le rapport de M. le conseiller Khnopff et sur les conclusions de
M. Leclerq, procureur-général ;
A l’égard du moyen tiré de la contravention aux art. 23 et 24 du Code
de procédure civile , aux art. 538 et 543 du Code civil, au chapitre VI
de la loi des 12-20 août 1790 , à l’art. 10 du titre II de la loi des 28 sep-
tembre^ octobre 1791, à la loi du budget du 21 mars 1841 et à l’arrété
■ Caisses des veuves et «rpSuelinss.
Le Moniteur publie des arrêtés royaux du 29 décembre accompa-
gnant les statues organiques des diverses caisses des veuves et orphe-
lins des fonctionnaires et employés, établies conformément à la loi sur
les pensions du 21 juillet 1844.
I! y a sept caisses» disUaetaa xlaPour le département de liy i^lice ;
2* 1 * * 4» pour le département des affaires étrangères; 5° pourle déparlement
de l’intérieur; 4» pour le département des finances; 5" pour le départe-
ment des travaux publics; 6<- pour l’ordre judiciaire; 7" pour renseigne-
ment supérieur. On sait qu’il existe déjà une caisse pour les veuves et
orphelins des officiers de l’armée.
Les statuts pour chaque caisse sont divisés en quatre chapitres ; le
premier règle l’institution et l’organisation de la caisse ; le second les
revenus et la comptabilité; le troisième les conditions d’admissibilité,
la base des pensions, les déchéances, l'obtention et le paiement des pen-
sions, et les secours ; le quatrième contient des dispositions générales
et transitoires.
Des arrêtés royaux de la même date fixent ainsi qu’il suit la compo-
sition des conseils de chaque caisse :
mimstèrf. nu la justice. — Président : M. le baron de Crassier,
secrétaire-général du ministère de la justice. _ . .
Membres : MM. Mangez, directeur de la quatrième division au minis-
tère de la justice ; Flarmeau, chef de bureau au ministère de la justice;
Heyvaert, chef de division à la Cour dos comptes; Vanderwallcn, direc-
teur de la maison de sûreté civile de Vilvorde ; Poil, directeur de la
maison de sûreté civile de Vilvorde; Poil, directeur de la maison de
sûreté civile et militaire de Bruxelles ; Vent, pasteur de l’église pro-
testante-évangilique de Bruxelles. .
— ministère n es affaires étrangères. — President : M. le vi-
comte Vilain XIIII. membre de la Chambre des Représentants, ancien
envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire.
Membres : MM. le baron Emile de T’Serclaes , secrétaire-général du
ministre des affaires étrangères; V. Lahure. directeur de l’administra-
tion de la marine; De Page, chef de division à l’administration centrale
de la marine; J. Van Overloop, chef de bureau à la direction de la chan-
cellerie et delà comptabilité au ministère des affaires étrangères.
— ministère de l’intérieur — Président : M. le baron de Viron ,
gouverneur civil de la province de Brabant.
Membres : MM. Gachard, archiviste-général du royaume; Misson,
greffier du sénat; Perleau, chef de division au ministère de l'intérieur;
FEUILLETON.
LA FAMILLE IÏE L’OUVRIER.
Cherchez parmi vos rêves de bonheur, et si vous avez quelque peu
Ému la vie, vous vous arrêterez devant l’image d’un paisible et riant
jérieur de famille.
jà, rien pour la vanité et le prestige; là, n’est point la richesse avec
i faste et ses sourires ; mais la médiocrité, l’ordre, l’aisance et la paix.
, le cœur est rempli par les saintes affections qui unissent l’homme à
compagne, le père a ses enfants. L’activité de l’esprit s’y dépense,
is que l’âme en soit troublée, dans cette sollicitude du père de fa-
lie qui pourvoit aux besoins du présent, et qui se complait à prépa-
• pour les siens, par un travail sans relâche, un avenir de sécurité et
bien-être.
lans notre état de civilisation, ce bonheur est, il faut l’avouer, comme
patrimoine de ce milieu de la société où la vie ne s’agite pas trop, et
se dissiçe pas au-dehors sous les excitants de la vanité ou de l’ambi-
n, et ou elle n’est pas sans cesse rendue amère et lourde par les
îffrances de la misère.
Hais le pauvre, mais l’homme du peuple, ce courageux et nécessaire
trument de la fortune de tous, sera-t-il donc, lui, un fils de la grande
aille, déshérité au point qu’il ne connaîtra pas même ce bonheur
leur, intime, le seul peut-être qui n’attende rien ni de la savante
Mure de l’esprit, nidu privilège de la position sociale, ni des capitaux
i la richesse ?
1 y a droit pourtant à ce bonheur, par la justice môme de Dieu ; car
nul autre côté, la vie de ce monde ne tient pour lui ses promesses,
ur lui qui n’a ni les molles jouissances du luxe, ni les hautaines sa.-
faetions de l’orgueil, ni le charme des plaisirs et des arts ; pour lui
i, courbé tous les jours sous un rude travail, peut à peine relever la
e pour admirer les magnificences de la nature.
1 y a droit encore par la bonté de son cœur, de ce cœur simple et
néreux, que l’égoïsme n’a point desséché, qui reste ouvert à toutes
nobles sympathies, qui sait au besoin souffrir et se dévouer pour
mianité, et qui est fait pour sentir profondément les douces et pu-
affections de la famille.
4 cependant jetez les yeux de toutes parts, qu’ils pénètrent au
d des misérables huttes où s’abritent nos laboureurs ; que vos
s’enfoncent dans ce dédale d’obscures ruelles où vit entassée
fiasse ouvrière de nos grandes cités : dans presque tous ces inté-
urs, vous ne verrez que des tableaux repoussans, que la misère avec
ts ses plus hideux détails. 8«r ces milliers de visages d’hommes, de
femmes et d’enfants, vous ne lirez pas ces heureuses impressions que
devrait y laisser la bonne vie de famille.Vous y verrez bien plutôt le
chagrin taciturne ou grondeur ; vous entendrez le bruit des querelles,
les imprécations de la colère, des cris de femme, des pleurs d’enfant,
et de loin en loin aussi les éclats d’une gaîté courte et brutale, puisée
dans l’ivresse. Vous sortirez de là le cœur serré, et vous déplorerez le
sort de vos frères qui ne peuvent, même au prix de douze ou quinze
heures de travail chaque jonr, acheter le droit de se reposer quelques
instants au milieu d’un peu de bonheur domestique.
Mais à qui demander compte de ce mal profond, et qui redressera
cet inique partage de biens et de maux delà vie? Je sais les vices de
notre organisation sociale ; je me fais une haute idée des devoirs de
ceux qui mènent les affaires de ce monde vis-à-vis de tant d’hommes
qui ont le droit de vivre de leur travail, et d’en vivre, non à la manière
des brutes, mais comme il appartient à des êtres intelligents, sympa-
thiques, membres au même tilre que nous de la société humaine, mar-
qués comme nous d’un sceau divin. Je suis de ceux qui voudraient
voir incessamment agrandir, devant ces hommes, toutes les sources
de la moralité, de l'instruction et du bien-être. Ce serait de justice et
sagesse.
Mais pourquoi ne dirais-je pas toute !a vérité? II ne faut flatter per-
sonne, pas même celui qui est pauvre et qui souffre. C’est ajouter en-
core à sa misère que de jeter en lui l’idée fausse et funeste qu’il ne peut
rien de lui-même pour améliorer son sort, et qu’il est tout entier à la
merci d’autres hommes, égoïstes et durs ; c’est briser en lui le ressort
qui tient son cœur plus haut que sa fortune et qui peut l’aider un jour
à relever l’une au niveau de l’autre.
La société ne se réforme guère par le haut. C’est là que les révolu-
tions éclatent, mais c’est au niveau du sol qu’elles se préparent ; alors
qu’il s’agit des mœurs, l’action publique est faible ; les volontés, les ef-
forts individuels sont tout puissants. Ouvriers, hommes droits et di-
gnes d’être heureux, il y a des joies que beauconp d’entre vous igno-
rent. et qui sont à votre portée cependant «Elles seront à vous quand
vous le voudrez. Vous les trouverez à votre foyer domestique, quand
vous aurez su constituer chez vous, époux et père, les saintes mœurs
de la famille.
Oui. c’est parce que le lien moral de la famille esttrop souvent misé-
rablement relâché, que mille souffrances intérieurs viennent s’ajouter
au dénôument du pauvre. Suivons, dans les détails de sa vie domesti-
que, cet ouvrier chez qui le délâbrement extérieur trahit une incura-
ble indigence, chez qui les trails du visage plissés et déformés accu-
sent des chagrins poignants, nous saurons bientôt d’où lui viennent
sa profonde misère et ses douleurs.
La journée de travail est finie ; par une sombre et plnvieiiss soirée
d’hiver, cet homme regagne son gtie, au fond des bas quartiers de là
ville. Il presse le pas pour se souslraire au plus tôt aux torrents de pluie
qui l’inondent. Il arrive, au travers d’allées et d’escaliers obscurs, au
galetas qu’il habite avec sa nombreuse famille. Toul ce que l'imagina-
tion peut créer de plus repoussant s’offre à la vue dans ce 1 riste séjour :
des murs noirs de mille taches, pour vitres à la fenêtre quelques mor-
ceaux huileux de papier qui s'agitent au ventet n’arrèlen! pas la pluie.
Pour tous meubles , des chaises défoncées ou à demi-rompues, uno
couche félide, recouverte d’inqualifiables haillons, partout le désordre,
une malpropreté dégoûtante, et une atmosphère méphitique qui fait
soulever le cœur. La femme de l’ouvrier est là, sale et. déguenillée,
accroupie dans un coin, nonchalamment occupée de quelque travail
d’aiguille. Cette femme esl jeune encore, mais, faute de soins et do
propreté, elle n’a rien conservé des attraits naturels qui lui avaient
donné d’abord quelque empire sur son mari.
L’ouvrier rentre, et pas un mot, pas un sourire amical ne l’accueille.
D’un regard sombre, il parcourt son misérable gîte. Son foyer est sans
feu où il puisse sécher ses membres trempés de pluie; il voudrai! se dé-
barrasser de ses vêtements humides; il n’a ni vêtements ni linge de re-
change ; d’un ton brusque il demande sa soupe du soir, et le repas qui
doitle restaurer après de si longues heures de fatigue n’est pas préparé.
Alors sa mauvaise humeur éclate ; il se répand en reproches contre la
négligence de sa femme ; celle-ci riposte par les mots les plus aigros.
L’injure, l'imputation de vices grossiers volent de part et d'autre; de
Jeunes garçons, de jeunes filles assistent à ces tristes scènes ou un père
et une mère épuisent l’un contre l’autre le vocabulaire des lieux de dé-
bauche. trop heureux quand ils peuvent, se jetant entre leur parenls,
enivrés de leur colère, prévenir des rixes sacrilèges.
Ces pauvres enfants ne sont pas les viclimes les moins à plaindre du
désordre et des mœurs grossières de leur famille; et par un retour iné-
vitable, leurs vices viennent ajouter un surcroît au malheur de leurs
parents. Sevrés de bonne heure de quelques carrosses données a leur
première enfance, mal nourris, à peine véius,cn bulle pour la moindre
faute aux invectives et aux coups, ils ne voient l'intérieur domestique
que comme un lieu de privations et de souffrances ; ils on! hâte de le
quitter. Leurs parenls absorbés, par le sentiment personnel de leur mi-
sère, s’inquiètent peu de les conduire à la salle d’asile on a l'école ^ ils
n’aspirent qn’aprèsle jour où ils pourront exploiter leurs labeurs, ou ils
pourront les livrer au travail énervant, de la manufacture.Abandonnés
tout le jour sur le pavé de la grande ville, ces enfants passent leur vie
dans les carrefours à suivre l’apprentissage du vagabondage et de
tous les vices. S ils rentrent le soir pour prendre leurs repas, nulle
bonne parole ne retentit à leur oreille ef ne descend jusqu’à leur cœur
A peine ont-ils «jévor* leur morceau de pain, qu’il vont sans bruit |