Full text |
1843. - M.o V.
AWERS, Samedi ? Janvier. (üiiKfième Année.)
LE PRÉCURSEUR
On s'abonne : à Anvers au bureau
du PRÉCURSEUR, Bourse Anglaise
N.® 1040; en Belgique et à l’étranger
chez tous lea Directeurs des Postes
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTÉRAIRE.
PAIX. — LIBERTÉ. — PROGRÈS.
Abonnement par trimestre
pour Anvers, 1 *> francs ; pour la Pro-
vince, I8frs.; pour l'étranger, 20frs.
Insertions 25 centimes la ligne
Ucclatnes 50 » »
1842.
1 Janvier.
MARINE BELGE. — MÉSASTRE9 COMPARES.
En publiant aujourd’hui Y Etat de la marine marchande belge
au 51 décembre 1842 , nous croyons devoir l’accompagner de
quelques réflexions.
Ou commencera par faire l’observation que le nombre de
navires, qui était l’année précédente de 146, n’est monté que
jusqu’à 147, malgré le peu de sinistres qui aient atteint la ma-
rine belge en 1842.
Mais aussi combien les constructions nouvelles n’ont-elles pas
été rares, et cette rareté promet d’être bien plus remarquable
encore pour 1845 !
1842 a eu son 18 brumaire (9 novembre 1800), car l’ouragan
du 10 mars dernier a égalé tous ceux dont on conserve un fu-
neste souvenir, et néanmoins l’année qui vient de finir est la
période la plus heureuse de toutes celles que la marine belge
ait eu à traverser depuis 1850.
Habitué à enregistrer nos observations, nous sommes à même
de prouver par des faits ce que nous venons d’avancer à nos
lecteurs.
Hans notre numéro du 5 janvier 1857, nous avons énuméré
et comparé les perles concernant le port d’Anvers dans les an-
nées 1854, 1855 et 1856.
Le 51 décembre 1840, nous avons mis en parallèle les sinistres
éprouvés par la marine belge en 1857, 1858, 1859 et 1840.
Aujourd’hui nous venons nous occuper des sinistres de 1841
et de 1842.
1° — 1841.
NAVIRES 1 CAPITAINES I ALLANT DE :
1° Clio, Christen, Malaga à Anvers.
2° Deux-Sœurs , Vandersleene, Anvers à Liverpool.
3’ Jeune-Henri, Kuper, Hambourg à Anvers.
4° Jules, Sheridan, Anvers à Tabasco.
5° Louise, Rooms, Liverpool à Anvers.
6° Maria, Arfsten, Anvers à Constantinople
7° Persévérance, YanAperen, St-Ubes à Ostende.
8° Télémaque, Barkentien, Trieste à Anvers.
Soit ensemble nuiT navires belges , plus seize navires étrangers
partis de ou des tinés pour des ports belges.
2° — 1842.
NAVIRES I CAPITAINES : ALLANT DE :
1° Elisa, Fertig, Villanova à Anvers.
2° Flora, Demeire, La Ilavaue à Anvers.
Soit deux navires belges seulement, plus dix-huit navires étran-
gers partis de ou destinés pour des ports belges.
Ces dix-huit navires étrangers sont :
navires. capitaines. allant de
10 Anna-Le/fey, Steward, New-York à Anvers.
2- Britannia, Higgenson, Fiume à Anvers.
5° Broderness-Haab, Saxild, Grangemouth à Ost.
4° Catharina-Margaretha, Bohrens, Bergen à Gand.
5° City of Edimbourg (S.), Maybank, Londres à Ostende.
6° Eléonore, Luders, Riga à Anvers.
7° Elise-Hélène, Lammers, Riga à Anvers.
8° Enigheden, Philipsen, Anvers à Chrisliausand.
9° Hope, Stewart, Liverpool à Ostende.
10° Kroonprins, Norgaard, Bergen à Anvers.
11° New-Orleans, Haie, Sumatra à Anvers.
12° Racer, Lawlbon, Havane à Gand.
15° Swinemunde-Packet, Witt, Narva à Anvers.
14° T.-et-B.-Jackson, Gales, Anvers à Liverpool.
15° Theresia, Ebeling, Bordeaux à Bruxelles.
160 Thest, Brown, Odessa à Anvers.
17° Vrouw-Alida, Swiers, Königsberg à Anvers.
18° Vrouw-Gezina, Zimmerman,Leer à Anvers.
De cette récapitulation et de toutes celles que nous avons
données précédemment, et auxquelles nous renvoyons le lec-
teur, il résulte clairement que les années 1857 et 1842 ont été
les deux époques les plus heureuses, et 1856 et 1858 les deux
époques les plus désastreuses, non-seulement pour la marine
belge, mais encore pour la navigation commerciale du port
d’Anvers depuis 1850. — En effet :
1851. — Anvers reçoit 598navires eten perd sept (soit! 5[40j0).
1852. —Anvers reçoit 1258 navires et en perd treize (soit 1
IpieOiO). _
1855. — Anvers reçoit 1108 navires et en perd neuf (soit 1
15[16 0|0), dont deux navires sous pavillon belge.
1854. — Anvers reçoit 1065 navires et en perd vingt-cinq (soit
2 5j8 0j0), dont six navires belges.
1855. — Anvers reçoit 1196 navires et en perd vingt-quatre
(soit 2 0[0), dont six navires belges.
1856. —Anvers reçoit 1250 navires et en perd SOIXANTE-
QUINZE (soit sia; pourcent, 6 0[0), dont VINGT-
QUATRE sous pavillon belge.
1857. — Anvers reçoit 1426 navires et n’en perd plus que dix
(soit 5|4 OjO), dont deux navires belges seulement.
1858. — Anvers reçoit 1558 navires et eu perd QUARANTE-
HUIT (soit 5 1|4 0|0), dont SEIZE navires belges.
1859. — Anvers reçoit 1188 navires et en perd TRENTE (soit
2 1 [2 0[0), dont ONZE navires belges.
1840. — Anvers reçoit 1172 navires et en perd dix-sept (soit
1 412 0|0), dont sept navires belges.
1841. — Anvers reçoit 1210 navires eten perd vingt-quatre
(soit 2 0|0), dont six navires belges.
1842. — Anvers reçoit 1591 navires et en perd VINGT (soit 1
1|2 0i0), dont DEUX navires belges seulement.
Au reste, les désastres extraordinaires des années 1856 et
1858 se trouventsullisamment expliqués par leurs cent soixan-
te treize (175) jours de tempêtes ou ouragans, soit quatre-vingt-
six (86) par année, au lieu de vingt-huit (28) terme moyen des
jours de tempêtes pendant les autres années.
En Angleterre, les années 1854, 1856 et 1588 furent si désas-
treuses pour la marine des Iles-Britanniques que la Chambre
des Communes nomma un comité pour rechercher les causes
des désastres de Tannée 1858 qui avaient été encoreplus grands
et plus nombreux que ceux de Tannée 1856; tandis que sur le
Continent, c’est cette dernière année qui a laissé les plus fu-
nestes souvenirs.
Pendant chacune des huit années 1835, 1834, 1835, 1837,
1839, 1840, 1841 et 1842, le terme moyen du nombre des na-
vires que la Belgique possédait, a été de cent soixante (160).
Pendant chacune des deux années 1836 et 1838, ce terme
moyen n était que cent vingt-neuf (129), différence qui s’ex-
plique par les quarante navires que la marine belge perdait
pendant celte courte période de temps, sans que les construc-
tions nouvelles fussent plus actives que dans les années ordi-
naires.
En 1856 et 1838, la Belgique a donc perdu quarante de ses
propres navires, ce qui fait plus de trente et un pour cent,
pour ces deux seules années, et ce qui ferait plus de cent vingt-
quatre pour cent pour huit années.
Taudis que dans les années 1833, 1834, 1835,1837,1839,
1840, 1841 et 1842, le nombre des navires belges qui se sont
perdus n’a été que de quarante-deux, soit donc environ vingt-
six pour cent sur cent soixante, pour ces huit années réunies,
et environ trois et demi pour cent pour une seule année.
Ce n’est pas tout : dans ces mêmes huit années, le port
d’Anvers a reçu neuf mille sept cent cinquante-deux navires,
(9752), et n’a éprouvé que cent soixante et une (161) pertes
totales, soit donc 1 5|8.— Dans les deux seules années de 1836
et 1838, le nombre des navires entrés dans le port d’Anvers a
été de deux mille sept cent quatre-vingt-huit (2788), et le nom-
bre des pertes totales a été de CENT VINGT-TROIS (125),
soit QUATRE ET TROIS HUITIÈMES POUR CENT (4 3|8) !!!
Après des rapprochements aussi extraordinaires, il est évi-
dent et incontestable que les années 1856 et 1858, à elles seules,
FEUILLETON.
VOYAGE AUX AITILLFJ
FRANÇAISES, ANGLAISES, DANOISES, ESPAGNOLES,
A SAINT-DOMINGUE ET AUX ÉTATS-UNIS. (1)
A ut Ig ne.
Enfin, j’ai encore à parler de la moralité des noirs, qui semblerait fort
prospère, si l’on s’en rapportait au chiffre toujours croissant des ma-
riages. Ce chiffre croît, en effet, comme ceci : En 1829, il s’était fait,
dans les six paroisses d’Antigue, 27 mariages; en 1830, il s’en fit 46; en
1831, il s’en lit 44; en 1852, il s’en fit 56; en 1853, il s’en lit 89; en 1834, il
s’en fit 202; en 1855, il s’en fit 475; en 1836, il s’en fit 350; en 1857, il s’en
fit 245; en 1838, il s’en fit 316; en 1839, il s’en fit 460; je ne connais pas
le nombre des mariages qui se sont faits en 1840 et en 1841, mais il doit
être fort élevé, et il se fait tous les jours des publications de bans.
Eli bien! je le déclare, ces mariages sont une ridicule et odieuse co-
médie. Certes, le public me connaît, je crois, assez, pour savoir que je
ne suis pas homme à prendre les matières religieuses pour sujet de plai-
santerie. Je ne suis pas, comme la plupart des philanthropes, un de ces
philosophes du dix-huitième siècle, qui croient au dieu des bonnes gens
des chansons à boire, et qui considèrent la religion comme bonne seu-
lement à contenir le peuple; je crois, moi, au Dieu de la Bible et de l'E-
vangile, et je considère la religion comme indispensable à tout le mon-
de, surtout aux savants, auxquels elle apprend et elle prouve qu’ils ne
savent rien, et que le pater nosler contient plus de science que les œu-
vres de Platon, d’Aristote, de Kant et de Hégel. Il faut donc que j’aie
été bien convaincu, et par les hommes et par les choses, pour affirmer
que le clergé d’Antigue joue, avec le mariage des noirs, une burlesque
et infâme comédie.
Le clergé d’Antigue comprend l’Eglise anglicane, les Frères Moraves
et les Méthodistes Wesléyiens. Il est venu à Antigue quelques Baptisles;
je ne crois pas qu’ils y aient prospéré. Rien n’égale le zèle que la riva-
lité donne a ces sectes. Elles ont enrégimenté les noirs en meetings; et
toutes les nuits, à Saint-Jean, le promeneur qui va par les rues jouir de
la brise de terre, et contempler la silhouette des cocotiers et des palmis •
tes sur l’azur du ciel tropical, est, assourdi, à chaque carrefour, par les
cris discordants d’une cinquantaine de nègres, entassés dans une charn-
(i) Voir le Précurseur des 16, 19, 24, 30 novembre, D, 5, 9 décembre.
eL 6 janvier. ’
bre, et qui chantent, ou plutôt qui hurlent des cantiques en anglais
créolisé. Pourvu qu’on donne de la musique aux nègres, et qu’on les
laisse chanter, on en aura toujours tant qu’on voudra dans les églises.
Il y a deux ans que M. l’abbé Lamache, alors curé de Saint-François, à
la Basse-Terre, un homme d’ailleurs d’un zèle rare, de mœurs exem-
plaires, et de beaucoup d’esprit, mit un orgue dans son église. Depuis
lors, elle ne désemplit pas de noirs. Ils se font dire messe sur messe, et
ils y mettent toujours pour condition qu’on leur baillera deux ou trois
tours de musique, car c’est un orgue de Barbarie ou peu s’en faut.
Les sectes d’Antigue ont usé et abusé du goût des nègres pour les
meetings religieux; il est douloureux de penser qu’il s’agit pour elles
d’autre chose que des progrès de plain-chant; les sectes vivent des ma-
riages qu’elles font; vous pensez bien qu’elles regardent peu à la qua-
lité. C’est ce qui arrive.
Je me suis convaincu, par le témoignage unanime des propriétaires,
des fonctionnaires les plus élevés, par celui de M. le gouverneur lui-
même, que les mariages des noirs n’ont rien de sérieux. Je le disais, c’est
une comédie. D’abord, en principe, un noir n’habite jamais avec la fem-
me qu’il épouse. Il va la choisir toujours le plus loin qu’il peut.Cela n’est
pas vrai seulement à Antigue; cela est encore vrai dans toutes les colo-
nies. Ensuite, une fois le mariage fait, les choses vont leur train ordi-
naire; c’est-à-dire que le noir prend autant de femmes qu’il peut, et la
négresse autant de maris qu’elle en trouve. Des prêtres catholiques
m’ont raconté, et ceci soit dit sans violer le secret des confessions,
qu’ayant fait faire la première communion à des négresses de cinquante
ans, car c’est de vingt à soixante-dix ans que les nègres qui se conver-
tissent reçoivent les sacréments venant après le baptême, ils les avaient
longtemps préchées sur l’abominable promiscuité dans laquelle vivent
presque tous les noirs.
Le nombre exorbitant des mariages des noirs, à Antigue, prouve donc
que les sectes sont Tort zélées, et que le casuel leur rapporte beaucoup;
mais j’ai constaté qu’il ne prouve pas autre chose. Elles ont bien essayé,
pour ramener les noirs concubinaires, des ressources terribles de I ex-
communication; car il est remarquable que l’esprit moderne du libre
examen et de la réforme s’approprie, quand il en a besoin, les moyens
de gouvernement qu’il reproche au catholicisme d’avoir employés ; les
sectes ont donc excommunié les noirs qui avaient plusieurs femmes,
c’est-à-dire qu’elles les ont rnis hors la communion de l’Eglise, et qu’el-
les ont refusé de les enterrer ; ce qui, soit dit en passant, aurait fait
pousser de beaux cris aux philosophes abolitionnistes de France ; mais
l’excommunication, qui n’a ramené que quelques noirs, est sans force
dans la religion protestante, où personne n’avoue ses fautes aux minis-
tres du culte, et où elle ne peut réprimer, par conséquent, que les cri-
mes flagrants et publics. Les noirs continuent donc leur promiscuité
ont été plus désastreuses que les HUIT dernières années, celle
de 1842 y comprise. — C'est ce qui explique les liquidations
anticipées des huit Compagnies d’assurances suivantes : Belge,
Assurances-Réunies, Universelles . Union Belge et Etrangère,
Réassurances, Gantoise, Commerciales (Première et Deuxième),
qui toutes avaient opéré à Anvers pendant ces ceux années
malheureuses.
On nous écrit de Paris, le 5 janvier :
La session s'ouvrira lundi 9. Déjà beaucoup de députés sont
arrivés. Leur empressement à se réunir, à se concerter, n’est
pas bien vif. Voici quel est l'état des partis dans la Chambre
nouvelle. On peut en inférer à peu près la conduite quelle
tiendra.
L’opposition de gauche, un instant ralliée sous la bannière de
M. Thiers, s’est divisée dans la courte session d’août. M. Thiers
s’est rapproché de la cour eu votant avec son parti le projet de
loi relatif à la régence. Dans ce nouveau revirement, il n’a pas
ménagé son ancien allié M. Barrot. H faut le dire, il a paru à
beaucoup de gens que l’ancien chef du 1er mars avait cherché et
préparé des moyens de rupture. Cette supposition a violemment
indisposé la majorité du parti Barrot (gauche dynastique). Les
hommes les plus influents parmi ceux qui marchent avec ce
chef, ceux surtout qui ont formé une petite coterie ralliée sous
le drapeau des principes purs, abstraction faite de la pratique
et du matérialisme de la poliliquecourante, lui ont signifié qu’il
voulût bien s’en tenir à ia brouille amenée par M. Thiers ; ou
que, sinon, il serait abandonné de ses troupes. Or, cette cote-
rie est peu à peu devenue maitresse de la gauche; force est de
compter avec elle. Son système est de ne transiger jamais avec
les principes, et encore bien moins s’il s’agit de conquérir le
pouvoir. Elle ne veut yarriverque par l’empire des idées et des
faits naturels, et plutôt que de faire des concessions à ce qu’on
appelle les nécessités du temps, elle est décidée à rester à l’état
d’opposition permanente. Surveiller sévèrement les hommes
placés à la tête des affaires, les avertir publiquement, éclairer
le pays sans flatter ses passions, protester sans cesse au nom de
la morale, contre les progrès de la corruption, tel est le rôle
que se sont imposés les lieutenants de M. Barrot, et en particu-
lier MM. de Beaumont et de Tocqueville que l’on appelle les
doctrinaires de la gauche. M. Barrot, blessé par la scission
d’août, aurait néanmoins pardonné, parce que sa nature le porte
à l'indulgence. Mais il est forcé de marcher avec son parti. La
gauche restera donc unie dans une opposition énergique contre
le ministère actuel.
Le centre-gauche est désuni ; c’est un fait désormais accom-
pli. La coterie Dufaure-Passy y joue aussi un rôle de doctri-
naire. Elle approuve en grande partie le système pacifique du
29 octobre ; mais elle partage les principes de la gauche et le
puritanisme de la coterie Tocqueville. Il faut lui reconnaître ce
mérite qu’elle a su porter au pouvoir ces principes ennemis de
la corruption, et les quitter sans les avoir compromis.Toulefois,
sur la question du droit de visite elle est en plein dissidence
avec le ministère, et l'on a vu combien elle est éloignée de sou
système d’immobilité, par ses discours et ses votes en faveur de
la réforme électorale. On répand en son nom qu’elle se décla-
rera ouvertement hostile au système de M. Guizot. Les gens qui
la connaissent bien, croient qu’elle poursuivra sa ligne de con-
duite passée, qui consiste à louvoyer, à se taire, à parler sans
se prononcer, et à se réfugier à la campagne pour éviter les
portefeuilles qui l'embarrasseraient. Il y a , au surplus, bon
nombre de questions sur lesquelles la coterie Dufaure sera né-
cessairement d’accord avec la gauche.
En présence de ces répulsions et de ces affinités, la position
de M. Thiers est fort embarrassante. Il ne lui faudra rien moins
que son esprit fécond et sa prodigieuse dextérité pour se créer
une altitude convenable et digne. Il ne le pourra qu’en s'iso-
lant pour uu certain temps. Ses amis annoncent qu’il n’a jamais
eu l’intention formelle de rompre avec la gauche, et qu’il ne
négligera aucune occasion de se prononcer d’accord avec M.
dans le mariage, malgré l’excommunication ils en sont quittes pour se
cacher, ou pour nier, quand ils sont pris. C’est ce qu’ils font.
Ce qui prouve d’ailleurs que la moralité des noirs d’Antigue ne pro-
gresse pas autaut que les chiffres de leurs mariages, c’est que la pros-
titution publique, inconnue avant 1854, envahit les rues maintenant.
Chose horrible à dire, des filles de dix à douze ans sortent, par troupes,
à l’entrée de la nuit, et vont provoquer les habitants jusque sur le seuil
des maisons; ce qui ne les empêche pas d’aller ensuite au meeting et de
chanterdes cantiques jusqu’à deux heures du matin. Un autre signedu
peu de progrès de la moralité des noirs, c’est l'apparition des avorte-
ments et des infanticides. Ces deux crimes étaient inconnus avant l’é-
mancipation, par une raison bien simple : toute femme esclave qui se
déclarerait enceinte était retirée du travail immédiatement, pour n’v
être remise, et avec des ménagements, que trois mois après ses cou-
ches. Une ration journalière de lait, de miel et de farine était donnée à
l’enfant. C’est encore ainsi que les choses se passent dans les colonies
françaises; et la femme qui a sept enfants vivants est libre. Il n’y avait
donc’ pas de motif, avant l’émancipation, pour que les femmes fissent
périr leurs enfants; ils étaient, au contraire, pour elles, une occasion de
repos et de bien-être. Aujourd’hui, au contraire, tes négresses libres
d'Anligue voient arriver unegrossessc avec terreur; car c’est, premiè-
rement, une diminution daus le revenu, à cause de la suppression du
travail; ensuite, c’est une augmentation dans la dépense, à cause de la
nourriture des enfants. La philanthropie s’est donc arrangée pour cor-
rompre à leursource les sentiments de la maternité.
Cen’est pas avec légèreté que j’affirme ce fait. Je le tiens de la bou-
che même des plus notables habitants. Il est vrai qu’il n’a pas été con-
staté encore juridiquement; mais il faut savoir que le ministère public
n’existe pas dans la justice des lies anglaises; et que les poursuites cri-
minelles ne s’y font qu’à la requête des parties plaignantes.Orgues pour-
suites coûtent toujours beaucoup de soins et d’argent; en outre que les
propriétaires ne se soucient pas de se mettre en hostilitéavec les noirs,
de peur de manquer d’ouvriers, les magistrats stipendiés, nommés sous
l’inlluenee des sociétés abolitionnistes, et comme leurs agents respon-
sables, sont en faveur des nègres d’une partialité si outrée et si affichée,
qu’il serait fort inutile de porter une plainle eontre.eux.Un Africain est,
aux yeux d'un magistrat stipendié, entièrement impeccable, quià niger.
La prospérité d’Ântigue est donc l’effet d’un mu age.Les observateurs
superficiels seront enchantés de l’aspect de cette colonie; les observa-
teurs sérieux, qui auront tout vu et tout discuté, en serontafftigés. Il
est certain que si l’on se contente de regarder, les yeux rendent un bon
témoignage. Les noirs anglais suivent de loin les habitudes de leurs maî-
tres. De même que le colon anglais dépense beaucoup plus d’argent
que le colon français pour l’ornement de sa maison, pour ses chevaux, |