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1885.
N° 9.
10e ANNEE.
L'ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D'ARCHITECTURE
DE BELGIQUE
BUREAUX : BOULEVARD DU HAINAUT, 139, BRUXELLES
ABONNEMENTS
Belgique . . . .23 francs.
Etranger ([tort en sus). 28 francs.
L’année parue mise en
carton , ... 50 francs.
ADMINISTRATION
Boulevard du Hainaut, 139
Bruxelles
— DEPOSE —
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S’adresser à M. Ch. CLAESEN, éditeur
Rue du Jardin Botanique, 26
LIÉGE
DIRECTION
Rue Royale Sainte-Marie, 128
Schaerbeek
— DÉPOSÉ —
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SOMMAIRE
La Renaissance grecque au XIXe siècle. J. De Waele.
Société Centrale d'Architecture : Assemblée mensuelle
du 11 septembre 1885. — Concours pour l'École gar-
dienne, rue du Canon, à Bruxelles. — Concours pour la
construction d’Écoles à Saint-Josse-ten-Noode. — Expo-
sition Nationale et Concours d'Architecture en 1886.
Le Congrès d’Archéologie et d'histoire à Anvers, en 1885.
Œuvres publiées : le Palais de Justice de Matines,
ancien Palais de Marguerite d'Autriche. C. N. PI. 15
à 24. — Bibliographie. — Nécrologie. — Faits divers.
LA RENAISSANCE GRECQUE AU XIXe SIÈCLE.
De nos jours l’archéologie s’est emparée du domaine de
l’architecture et y provoque un désordre qui nous fait songer à
la confusion des langues des temps bibliques.
On se tromperait cependant si on croyait que cet échantil-
lonnage des formes les plus diverses ne nous réservait pour
l’avenir qu’un pitoyable éclectisme dépourvu de toute foi
artistique
Un mouvement constant vers une Renaissance, recommen-
çant celle du XVIe siècle dans le sens Grec, s’accentue de plus
en plus de nos jours.
Cette Renaissance date déjà de quelques années, mais
n’avance que lentement, parce qu’il est plus facile de pasticher
les styles des Louis, voire même le Roman et le Gothique, que
de s’inspirer des œuvres grecques dont l’étude élève l’artiste,
mais ne lui présente guère de motifs prêts à être copiés.
L’Allemagne, la première ébaucha cette nouvelle renais-
sance. L’illustre architecte Schinkel fut le chef d’une école
dont l’influence s’étendit rapidement et sous laquelle on vit
les palais des Mécènes allemands s’embellir d’Exèdres, de
Vignes, de Vélums, etc..., dans le goût grec ou pompéien.
(Les premières années du « Skizzenbuch-Verlag von Ernst et
Korn. Rerlin » nous en conservent des représentations char-
mantes.)
Cependant, en dépit de cette éclosion précoce et des assertions
de certains savants allemands qui voient dans leur peuple les
héritiers directs du sens et du goût helléniques, et bien que
le culte voué dans ce pays à l’art grec ne se soit pas ralenti et
engendre journellement encore des explorateurs qui découvrent,
analysent et classent jusqu’aux moindres débris de la civili-
sation hellénique, nous voyons cette première ébauche de
Renaissance, qui se levait comme une aurore splendide, décroître
peu à peu et s’éteindre lentement.
La raison de cette déception se discerne parfaitement et
peut se formuler aiosi : Le mouvement artistique se bornait à
un plagiat de formes où l’esprit grec faisait défaut, et on eut
bientôt fait d’épuiser des formules charmantes et nouvelles
pour l’époque, mais dont le nombre était malheureusement très
restreint.
A preuve les reconstructions grecques opérées à grands frais
par Klenze, sous le roi Louis I de Bavière.
A preuve les travaux de Bôtticher, si ingénieux dans son
analyse de la technique des Grecs, si sec et si métallique dans
ses compositions prétendument grecques.
A preuve encore les dernières œuvres allemandes dérivant
(dans le vrai sens du mot) de la Renaissance provoquée par
Schinkel et qui sont à l’art grec ce qu’une pétrification est à
une forme en pleine sève.
L’esprit allemand, si éminemment propre à la recherche, à
l’analyse, à la classification, n’est peut être pas assez prime-
sautier, assez délié et ne peut, en raison même des avantages
que nous lui reconnaissons, s’assimiler certaines qualités
grecques.
*
V- *
Ce serait bien plutôt en France que ces qualités grecques
se retrouveraient, au moins en ce qui concerne l’élégance innée,
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qui, en ce pays aussi bien qu’en Grèce, semble être un don
national.
Ici pas de personnages émergeant de toute leur hauteur ;
pas de chefs d’écoles nouvelles ; mais des traditions non inter-
rompues, entretenues par des écoles d’art séculaires, dans les-
quelles l'enseignement évolue suivant les aspirations du siècle,
en s’appuyant constamment sur l’étude de l’antiquité ou
romaine, ou pompéienne, ou grecque. Des artistes de premier
ordre, formés à ces écoles, entretiennent dans ce peuple le
culte du beau, d’après les données acquises successivement et
qui sont actuellement grecques.
Nous venons de parler de la similitude du tempérament
français et du tempérament grec, en ce qui concerne l’élégance,
la grâce innée, qui se traduisent dans les productions de ces
deux peuples qu’une vingtaine de siècles sépare; nous devons
ajouter immédiatement que c’est aussi de ce seul côté que la
ressemblance existe réellement.
Le Grec était équilibré dans ses sentiments et dans ses con-
naissances; chez lui il y avait harmonie complète dans les
facultés et son élégance s’alliait à l’ampleur de la conception
et de l’exécution ; chez le Français la grâce est bien prête à
dégénérer en mièvrerie et la grandeur n’apparaît qu’à des
époques exceptionnelles comme au XIIIe siècle par exemple.
* *
Si de la France nous passons maintenant en Belgique, nous
y trouvons généralement ce sentiment d’ampleur dont je signa-
lais l’absence dans maintes œuvres françaises; mais nous y
voyons, par contre, que l’élégance diminue et que l’ampleur
des formes devient facilement de la redondance.
Ici comme en Allemagne, nous avons le nom d’un artiste à
mettre hors de pair : l’architecte Poelaert. Ce maître, pas-
sionné pour l’art grec, y a mis son tempérament flamand et
l’a traité avec un entassement de plans, qui dans sa dernière
production — le Palais de Justice de Bruxelles — transforme
presque l’art des bords de l’Ilissus en art des bords du
Gange.
C’est incontestablement un sentiment de grandeur qui se
dégage de son œuvre, mais est-ce bien la grandeur grecque ?
Cela ne nous paraît pas.
L’art grec est bien plus clair, plus rationnel, plus savant
(science d’observation et non d’analyse) ; en même temps d’un
sentiment décoratif bien plus contenu et bien plus élevé.
Examinons en même temps et le chapiteau de l’Erechteion et la
tête de Junon Ludovisi et nous verrons que les deux formes pro-
cèdent d’un même principe, en même temps que nous pourrons
juger sainement de la distance qui sépare un art pareil d’une
décoration gwasi-théâtrale.
★
* *
Donc, pour me résumer, la Renaissance grecque chez les
Allemands a avorté complètement; la sécheresse excluant l’élé-
gance et l’ampleur grecques.
La Renaissance grecque en France ne possède qu’une
partie des qualités de l’art initiateur.
La Renaissance grecque en Belgique tend à dévier de la
vraie voie, quoique ici aussi, une des qualités grecques appar-
tienne à la race.
Simplicité, — Logique, — Élégance, — Ampleur, voilà
les qualités qu’il faudrait réunir pour suivre les traces des
artistes grecs dont les œuvres ne sont réellement connues que
de nos jours.
Ce n’est pas peu que de demander la réunion de ces quatre
qualités chez nos artistes, nous le savons et voilà pourquoi,
malgré ce que nous en avons dit plus haut, nous conservons
notre profonde admiration pour les artistes désignés.
Il est cependant de toute nécessité que la critique vienne
parfois dégager clairement le but à atteindre et dont les plus
hautes personnalités artistiques tendent souvent à nous écarter.
J. De Waele.
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Société Centrale d’Architecture de Belgique
Assemblée mensuelle du 11 septembre 1885.
Présidence de M. V. Dumortier.
Le procès-verbal de la dernière assemblée est adopté.
M. le Président donne lecture de la correspondance. En
réponse à notre demande de mise au concours, l’administration
communale de Molenbeek-Saint-Jean nous fait savoir que sa
situation financière ne lui permet pas de songer à la construc-
tion d’un nouvel hôtel communal.
M. le Président de l’Académie d’archéologie nous adresse,
avec les projets des statuts et règlements, le programme et la
liste d’adhésion au Congrès d’archéologie et d’histoire qui se
tiendra du 27 au 30 septembre à Anvers.
L’assemblée désigne M. Dumortier, Président, comme délé-
gué à ce Congrès.
M. le Bibliothécaire annonce que M. Van Assche a offert à
la Société les monographies de N.-D. de Pamele, à Aude-
narde, et de l’ancienne église des Pères Dominicains, à Gand,
et M. Launoy son ouvrage pratique de coupe des pierres.
L’assemblée décide d’échanger l’Émulation avec la Revue
d'Architecture, publiée par César Daly, et avec l’Art et l’In-
dustrie, édité par la librairie de A. Batsfurt, de Londres.
Des félicitations sont adressées à M. Saintenoy pour l’im-
portance que, grâce à son initiative, notre bibliothèque acquiert
journellement.
M. Lamal donne lecture de son intéressant rapport sur
l’Exposition universelle d’Anvers, dans lequel il étudie spécia-
lement les matériaux de construction et de décoration des
divers pays.
M. Rau donne un aperçu des diverses matières que compor-
tera l’Agenda des architectes ; l’assemblée en approuve le pro-
gramme, dont les divers articles seront discutés ultérieurement.
M. le Président annonce à l’assemblée la composition du
bureau de la Commission organisatrice de l’Exposition de1886 :
Sont nommés : Président, M. Dumortier. — Vice-Président,
M. Brunfaut. — Secrétaire, M. Neute. —Trésorier, M. Acker.
La Commission a déjà fait différentes démarches en vue de
l’organisation de l’Exposition rétrospective; elle compte se
rendre prochainement à Anvers, Gand, Liège, etc., afin de se
rendre compte des emprunts qu’elle pourrait demander aux
musées de ces différentes villes pour rehausser l’éclat de la
partie rétrospective de l’Exposition.
M. le Président, après avoir donné lecture des paroles
prononcées à la Chambre des Représentants par M. de Sélys-
Longchamps concernant le transfert du Musée d’histoire
naturelle, rappelle les démarches faites il y a un an environ
auprès de MM. les Ministres Thonissen et de Moreau, pour
la mise au concours des édifices publics; il annonce que la
Commission administrative compte prochainement renou-
veler ces visites afin de rappeler à MM. les Ministres leurs
promesses de l’an dernier. La séance est levée à 11 heures 1/2.
Concours pour l’École gardienne, rue du Canon.
A la suite de la publication du programme du concours
ouvert par la ville de Bruxelles pour la construction d’une
École gardienne, rue du Canon, la Société Centrale d’Architee-
ture a adressé au conseil communal la lettre suivante :
Bruxelles, 20 novembre 1885.
Messieurs,
Nous avons appris avec une vive satisfaction la mise au
concours de l’Ecole gardienne à construire rue du Canon.
Nous vous remercions sincèrement de l’accueil favorable
que vous avez ainsi fait à notre demande du 30 juillet 1885.
Permettez-nous cependant de vous présenter quelques
observations quant à l’organisation même de ce concours :
Vous n’avez pas cru devoir accorder de primes aux quelques
projets qui, après celui qui sera choisi pour être exécuté,
seront reconnus les meilleurs et dont cependant l’heureux
auteur du projet primé pourra incontestablement tirer profit
dans l’étude définitive. |