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1878.
N° 7.
4e ANNÉE.
ABONNEMENTS
S’adresser rue de la Pompe, 3
BRUXELLES
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Boulevard du Hairaut. 74
Bruxelles
L’ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D ARCHITECTURE
DE BELGIQUE
— DÉPOSÉ —
BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES
— DÉPOSÉ —
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S’adresser rue de la Pompe, 3
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— 43 —
Bruxelles, Juillet 1878.
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SOMMAIRE
Architecture et construction. E. A. — Anvers : Con-
cours pour la construction de maisons d’ouvriers
(fin). — Concours de la Société centrale d’archi-
tecture. — Faits divers.
Architecture et Construction
Dans notre dernière livraison, nous avons repro-
duit un extrait du rapport rédigé par M. J. Rous-
seau, le savant critique d’art, lors du congrès
artistique de 1868; nos lecteurs auront vu que, dès
cette époque, l’enseignement académique était
incomplet ou vicieux, particulièrement pour les
cours d’architecture.
La situation que l’on trouvait défavorable,
puisque ce rapport signale de nombreuses et impor-
tantes mesures à prendre, cette situation ne s’est
pas modifiée d’une façon bien sensible; ce sont tou-
jours, ou à peu près, les mêmes errements, et l’ini-
tiative de quelques professeurs n’est pas parvenue
encore à vaincre l’esprit de routine qui distingue
la plupart de nos établissements d’enseignement
artistique.
*
* *
Il est nécessaire que l’enseignement de l’archi-
tecture subisse de notables améliorations, tant
dans les cours inférieurs que dans les cours moyen
et supérieur. Il est évidemment indispensable que
les premières leçons aient pour but de former à la
fois la main et le goût de l’élève, qu’elles aient
pour résultat l’intelligence des proportions, l’habi-
tude de mettre à l’échelle et de donner aux divers
éléments leur valeur relative dans un membre
d’architecture.
Mais, est-il bien nécessaire de mettre quatre
années d études à développer ces notions prélimi-
naires? Deux années au plus suffiraient, semble-t-il,
pour cela, et pendant ces deux années, il faudrait
que l’élève reçoive simultanément les notions élé-
mentaires de géométrie et de perspective.
L’enseignement moyen comprendrait des ensem-
bles d’édifices et de constructions particulières que
l’élève reproduirait, d’après modèles, par leurs
plans, coupes et élévations. Pendant la mème
période d’études il recevrait les notions nécessaires
de géométrie descriptive, de stéréotomie et de con-
struction.
L’enseignement supérieur, en deux années
d’études, comprendrait la composition de petits
édifices, tels que maisons, villas, hôtels, etc., et
les élèves finiraient leurs études par de grandes
compositions académiques. En même temps que
l’enseignement de la composition, et pendant deux
années, les élèves suivraient les cours d’archéologie
et d’esthétique, et, enfin, un cours supérieur de
construction et la description des procédés de l’in-
dustrie dans leurs applications à l’art de bâtir.
Ces études seraient complétées par de nombreuses
excursions consacrées à L’étude comparée d’édifices
anciens, historiques et de monuments modernes;
quelques notions générales de sculpture et de pein-
ture.
* *
Les cours d esthétique et d’archéologie devraient
être donnes spécialement pour les élèves architectes;
le professeur s’attacherait à l’histoire générale de
l’art; la description des monuments de tous les
pays du monde, du sol, du climat et des coutumes;
la comparaison des édifices ayant entre eux quelque
analogie.
Le cours d d’esthétique, complote aussi par quel-
ques notions de philosophie générale, chercherait
la raison d’être, expliquerait les grandes transfor-
mations de l’art qui donnent la succession des
styles; il pénétrerait au plus profond de l’histoire
des peuples, recherchant les traditions et les
légendes, évoquant le génie des siècles écoulés pour
faire jaillir la grande, l’intime pensée de l’art de
chaque époque.
Le professeur s’efforcerait de développer l’amour,
l’enthousiasme du beau et guiderait les élèves dans
la recherche et l’interprétation des grands prin
cipes : la simplicité, l’unité et l’harmonie. Il ferait
voir ces principes dans les chefs-d’œuvre, précieux
modèles que nous a légués le passé.
* *
L’enseignement de l’architecture dans les cours
inférieurs doit être accompagné de l’enseignement
des mathématiques, si celui-ci n’a précédé; l’ensei-
gnement moyen doit se compléter par le cours de
construction et de perspective. Il faut que dès ses
premiers pas dans l’étude de l’architecture, l’élève
apprenne ces sciences qui lui donneront le moyen
de déterminer la forme des objets et la position
qu’ils occupent dans l’espace, leur nature et la
façon dont ils peuvent ou doivent se combiner.
Généralement ces sciences sont négligées dans
les académies, non pas que l’enseignement en lui-
même soit défectueux (nous rendons hommage au
talent et au zèle des professeurs), mais ces cours ne
sont qu’accessoires, quoi qu’en dise le règlement des
académies.
Il faut, pour passer d’un cours dans un autre,
que l’élève satisfasse aux prescriptions du pro-
gramme d’étude; il est indispensable qu’il prouve
des connaissances suffisantes en mathématiques,
comme il doit montrer des progrès sérieux dans
l’art du dessin.
Il faut, lorsqu’il quittera le cours supérieur,
qu’il prouve avoir profité des leçons qui lui ont été
données, qu’enfin il n’entre pas dans la pratique de
l’art très-habile dessinateur, mais très-ignare
architecte.
*
* *
C’est cependant ce qui arrive généralement, et
nos lecteurs savent aussi bien que nous que les
architectes instruits sont bien rares, que les archi-
tectes savants ne nous donnent que trois ou quatre
noms.
Généralement, en quittant l’académie, l’élève
entre à l’atelier d’un architecte établi et se donne
tout entier à la pratique ; certes cela est éminem-
ment utile, ce travail à l’atelier est indispensable.
Mais cela ne saurait remplacer la science, puisque
la pratique ne fait qu’appliquer celle-ci ; l’une ne
doit donc être que le complément de l’autre. La
conséquence de la situation présente c’est la rou-
tine, l’éternisation des procédés, des idées reçues;
c’est aussi la déchéance graduelle de l’architecte,
l’abaissement de la profession jusqu’au métier.
*
* *
Pendant une bonne partie du xviiie siècle, on
en arriva, même pour les édifices publics, à se
passer de l’architecte ; on faisait appel aux lumières
d’entrepreneurs des divers corps de métier lors-
qu’il s’agissait de compléter, d’agrandir ou de res-
taurer une œuvre architecturale. De là ces mon-
strueux non-sens, ces barbarismes architecturaux
si fréquents.
Sans doute, l’architecte de cette époque avait,
dans ses études, suivi la marche que nous avons
signalée, car bien peu pouvaient suivre des cours
scientifiques d’une façon convenable.
*
* *
La situation aujourd’hui est beaucoup plus dan-
gereuse; le rôle de l’architecte, dans un grand
nombre de cas, s’efface peu à peu, alors que celui
du constructeur, de l’ingénieur acquiert sans cesse
une importance qui ne peut manquer d’avoir pour
conséquence de rejeter au second rang celui qui,
qu’aujourd’hui, occupa le premier.
C’est le travail matériel placé au-dessus de l’es-
prit créateur.
* *
Que les architectes d’aujourd’hui se rappellent le
rôle du maître de l’œuvre au moyen âge ; qu’ils se
comparent à cet artiste habile autant qu’ingénieux
qui, sur place, faisait lui-même tous les tracés de
son œuvre, distribuant le travail en l’organisant
avec cet esprit méthodique qui est la caractéristique
même de l’art ogival.
Ils verront combien est grande la distance qui
les sépare ; ils comprendront alors quels soins ré-
clame l’exécution d’une œuvre architecturale et ce
qu’il faut faire pour que l’œuvre soit l’expression
exacte, complète et, autant que possible, parfaite
de l’œuvre conçue.
Et s’ils tiennent compte de l’ignorance profonde,
générale, des ouvriers du bâtiment, s’ils ont eu l’oc-
casion de devoir quelque peu faire démolir pour
modifier, ils comprendront combien il leur est indis-
pensable d’être mathématiciens pour faire ou cor-
riger les tracés ; d’être constructeurs pour prévoir
et ordonner l’exécution dans son ensemble, pour
guider l’entrepreneur dans la marche graduelle et
rationnelle du travail.
*
* *
Pour arriver à ce résultat, il faut mettre à la
disposition des élèves des cours et des modèles ; il
faut qu’il leur soit permis de visiter les travaux
importants. Combien leur seraient précieuses ces
excursions scientifiques et artistiques, après les-
quelles on leur demanderait un rapport sur ce qu’ils
auraient vu ; rapport qui consisterait en une rela-
tion de l’excursion, une description des travaux,
une appréciation des procédés d’exécution, com-
plétée par une comparaison avec les moyens
employés dans d’autres constructions, et par des
croquis montrant la solution donnée aux difficultés
que rencontre le constructeur.
Dans les écoles du génie civil, où le diplôme
d’ingénieur-architecte est délivré depuis quelques
années, l’on prépare ainsi les élèves, par la visite
d’établissements industriels et de grands travaux
d’art. Nous ne savons si, comme les élèves des
ponts et chaussées et des mines, les élèves ingé-
nieurs-architectes sont envoyés en mission, dans
quelque vaste chantier ; si cela n’est pas, c’est une
amélioration à réclamer.
C’est là un acheminement vers le diplôme dont
il est question depuis bientôt vingt ans, et qu’il
serait désirable de voir appliquer à tous ceux qui
se destinent à la profession d’architecte. Certes,
nous sommes grands partisans de la liberté pour
certaines professions; aussi conviendrait-il d’exa-
miner, ce que nous ferons dans une étude spéciale,
s’il n’y aurait pas danger à exiger le diplôme comme
une condition sine quâ non, pour exercer la pro-
fession d’architecte.
En tous cas, nous ne sommes pas seuls à penser
que le diplôme est désirable, et rien n’empêche que,
la profession d’architecte restant une profession
libérale, l’on trouve des architectes diplômés. Ce
qui existe en France et en Allemagne.
*
* *
Mais il ne faut pas que ce diplôme ne soit délivré
que dans les Universités; ce serait une mesure
'antilibérale, car elle serait tout à l’avantage des
classes privilégiées; ce diplôme devrait être délivré
par les Académies des beaux-arts, absolument
comme cela se pratique à l’Ecole des beaux-arts de
Paris et à l’Académie de Berlin.
L’examen subi par les élèves sera basé sur le
programme d’études, qui pourrait être complété
dans le sens du programme d’examen d’admission
aux concours de Rome.
Ce diplôme pourrait même être double, c’est-à-
dire que les élèves qui auraient fait preuve, égale-
ment, de connaissances scientifiques et artistiques, |