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momification ministérielle.— Une modification ministerielle est,
dit-on , projetée par les doctrinaires. M. de Gasparin est décidé-
ment sacrifié. 11 s’est trop mal défendu dans la commission de
l’adresse. Il a eu la malhabileté d’avouer que Conseil était en
effet payé par la police française 5 et a mis ainsi en défaut 1 as-
sertion contraire et positive de deux présidents du cabinet.
Son remplacement ne sera pasfacile.il y a deux combinaisons.
Dans la première, M. Guizot parlerait à M. de Rémusat qui céde-
rait en même-temp sa place à M. Dumon. Dans la seconde, 1VI.
Guizot passerait lui-même à l'intérieur, M. de Rambuteau de-
viendrait ministre de l’instruction publique, et M. de Gaspa-
rin serait nommé préfet de la Seine et ,ministre d’état.
Le Palais-Bourbon. — Pour ceux auxquels une longue habi-
tude de la physionomie de la chambre des députés a appris qu’il
ne fallait pas s’arrêter à la surface des choses et aux simples ap-
parences, le Palais-Bourbon présente, au commencement de cette
session, un aspect tout-à-fait nouveau et inattendu. Les différen-
tes nuances d’opposition se fondent, les divisions s’effacent, les
ligues qui séparent les diverses parties de la chambre s’étendent,
mais elles deviennent plus tranchées et plus saillantes. 11 y a sur
plusieurs bancs une allure de lutte à laquelle , la quiétude des
dernières sessions ne nous avait pas préparés. On s’organise, on
s’entend ; les susceptibilités particulières disparaissent.
Nous avons entendu aujourd’hui plusieurs députés , hommes
de lumières et d’expérience, se féliciter hautement de cet état de
choses. Quelques-uns même, frappés de cette situation, allaient
jusqu’à rêver le retour des combats législatifs qui ont rempli les
annales parlementaires de la restauration. On parle sérieusement
du centre gauche. On voit se former un centre droit. Ces deux
mots n’expriment plus seulementdeux tendances, deux directions
opposées, suivies, presque à leur insu, par les députés, d’après
leurs sympathies, leurs principes ou leurs souvenirs. Ce sont les
noms avoués de deux partis rivaux: cette grande division de la
chambre est désormais un fait accompli.
Les orateurs indépendans qui, depuis quelques années ont af-
fecté de se séparer de toute combinaison et d’agir en députés de
fortune , véritables chevaliers errans de la discussion , s’escri-
mant toujours seuls et sans guide , cherchent aujourd’hui un point
de ralliement.
Le ministère paraît fort effrayé de ce mouvement des esprits.
La morgue doctrinaire s’en alarme et s’incline : on mendie l’appui
des députés au nom du pays en danger. Le fameux mot : » Ce
n’est pas l'instant de désarmer le pouvoir » est répété à tout propos.
On est prodigue .de bruits inquiétons , on exploite le procès de
Strasbourg et de prétendues révélations du prisonnier du Luxem-
bourg.
Arrestations. — On a dit que ce matin un soldat appartenant
à l’un des réginiens casernes dans le voisinage de Paris, a été
arreté et mis à la disposition de la cour des pairs, comme prévenu
de complicité dans l’affaire Meunier.
Les deux frères de cet individu ont été en même temps arrêtés
à Paris. Ces deux jeunes gens sont ouvriers.
Le maréchal Gérard. — On assure que le maréchal Gérard ,
grand chancelier de la Légion d’Honneur, n’est pas éloigné de
préposer pour cette session au gouvernement, un projet qui ap-
pliquerait une partie des extinctions de l’ordre , au paiepient de
l’arriéré dù aux plus nécessiteux des légionnaires de l’empire.
M. Oüvrard. — On assure, dit un journal, que M. Ouvrard a
été appelé chez le ministre des finances, auquel il aurait offert
ses services pour l’exécution d’un plan de conversion de rentes
qu’il aurait imaginé, et qui serait réalisable des à présent. On
ajoute quelques détails qui ne nous paraissent pas avérés au
point de les pouvoir reproduire.
M. Cousin. — M. Cousin est sur le point d’abandonner la doc-
trine et de passer dans le camp du tiers-parti. Son discours d’hier,
à la chambre des pairs , a annoncé sa conversion.
DISCUSSION DE L’ADRESSE A LA CHAMBRE DES PAIRS.
La séance de la chambre des pairs n’a pas eu l’intérêt que pouvait promettre
le débat entamé; M. le maréchal Soult est venu s’y mêler sans qu’on puisse
trop s’expliquer pourquoi. Adversaire déclaré non-seulement de toute interven-
tion en Espagne, mais même d’une coopération quelconque, qui n’est jamais,
à ses yeux, qu’une intervention déguisée et honteuse; le maréchal se trouvait
ainsi avoir en tête le ministère du 11 octobre, celui du 22 février, et même ,
jusqu’à un certain point, celui du 6 septembre. Il a été écouté avec l’attention
que l’autorité de son nom devait assurer à ses paioles dans une telle question.
M. Cousin , répondant au discours, a reproduit avec esprit la thèse qu’il avait
établie la veille en faveur de la politique du 22 février, dont il est resté encore
aujourd’hui le champion unique. Son appréciation souvent piquante du sys-
tème adopté par le cabinet actuel envers l’Espagne, a appelé M. Guizot à la
tribune. M. le ministre de l’instruction publique a combattu d’un ton assez sec
l'argumentation du préopinant; en revanche, il a retrouvé des formes cour-
toises et obséquieuses quand il s’est agi de répondre à M. de Nouilles et de dé-
fendre ce pauvre traité de la quadruple alliance tant anathématisé par le noble
duc. M. Guizot n’est point du tout d’avis qu’on l'abandonne; mais il veut que
l’application en soit sévèrement circonscrite dans le cercle où s’élait renfermé
le cabinet du 11 octobre, dont le ministère actuel n’est à cet égard que le con-
tinuateur Après une explication toute personnelle entre MM. de Broglie et
Soult, le paragraphe a été voté.
Le paragraphe relatif aux désastres de Constantine, a fourni à M. Villemain
l’occasion de soulever la question générale d’Alger. L’honorable pair a, dans
une improvisition remarquable par la précision et la lucidité . adressé à M. le
président du conseil plusieurs questions sur la situation actuelle de notre con-
quête et sur l’avenir qu’on lui destine. Le cabinet semble^ en être encore à se
poser de semblables questions , car M. Molé a demandé la permission d’en
ajourner la réponse à une autre époque de la session.
L’adresse a été ensuite votée par 98 voix contre 11.
COUR D’ASSISES DU BAS-RHIN
AFFAIRE DE STRASBOURG.
A udience du 7 janvier. {Suite.)
INTERROGATOIRE DE MADAME GORDON (28 ans).
D. Avez-vous vu M. de Querelles ? R. Non, monsieur; ces messieurs n’ont
jamais dîné à table d’hôte quand j’ai demeuré à l’hôtel.
D. N’a-t-il point été question entre vous et Dersigny de projets de complot?
— R. Jamais.
D. En quittant Bade, où êtes-vous allée — R. A Paris
D. Vous avez donné votre adresse à Persigny ? — R. Non, monsieur.
D. Et en arrivant à Paris , n’avez-vous pas-vu M. de Gricourt ? R. Oui , im-
médiatement, monsieur.
I). Si vous n’avez pas donné votre adresse à Persigny, comment se fait-il
qu’il vous ait écrit ? — Je n’en sais rien.
On donne lecture de cette lettre, qui paraît assez intime , et où Persigny ,
qui signe Géant, lui recommande de s'occuper do leur fabrique et l’appelle ma
chère amie.
IMme Gordon. — Je n’ai jamais reçu de lettre de M. de Persigny.
D. Quand vous avez fui le domicile de M. Vaudrey, après avoir appris l’in-
succès de l’attentat, on vous a trouvé occupée avec Persigny à brûler des pa-
piers, probablement les preuves du complot. — R. Je surs sortie pour avoir des
nouvelles de cette affaire. Je le rencontrai ; il était dans une douleur profonde;
je lui donnai le bras ; j’allai dans son domicile, et je l’aidai à brûler des papiers;
je lui ai peut-être rendu service; si c’était à recommencer, j’agirais encore ainsi.
1). Chez Persigny, vous avez été prendre dans un tiroir une ceinture «I un
passeport? — R. Cela n’est pas.
LE PRECURSEUR.
D. V ous l’avez reconnu dans un interrogatoire ? — R. Jamais, monsieur.
M. Rossée. — Il n’y a pas eu d’aveu en effet ; mais on a saisi chez l’accusée
un carnet où étaient écrit ces mots : Prendre dans la commode une ceinture
et un passeport. On a cherché dans cette commode chez Persigny , et on n’a
pas trouvé la ceinture et le passeport. |0n en a conclu que l’accusée les y avait
pris.
M. le président. —Vous avez eu des relations avec le colonel Vaudrey ? —
R. Je l’ai vu chez différentes personnes : chez le général Voirol , par exemple,
M. le président. — Prenez garde, car le colonel Vaudrey a avoué qu’il avait
eu avec vous des relations qui étaient devenues de jour en jour plus intimes.
D. A Bade , vous avez logé avec le colonel Vaudrey ? — R. Je l’ai vu à Ba-
de, mais j’avais pris un logement pour moi seulement et ma femme de cham-
bre.
D. A Dijon vous logiez au Chapeau-Rouge. Vous avez reçu une lettre de
lui qui vous a mise en émoi. — R. Non, monsieur.
D. En revenant à Strasbourg, vous êtes-vous arrêtée en route ? — R. Oui, à
Colmar. J’étais indisposée et j’ai été obligée de m’arrêter , bien que j’aime à
aller vite en vovage.
D. Vou9 êtes cependant allée aileurs , selon le colonel Vaudrey? — R. Oui],
monsieur, nous sommes allés à Newbrisach ou Vieux-Brisacli ; je ne sais pas
bien.
D. Vous êtes allés aussi à Fribourg; or , dans une pareille saison , et indis-
posés tous deux , on ne comprend pas un voyage d’agrément.
L’accusée déclare que lorsqu’elle a occupé les appartemens du colonel, c’est
qu’elle s’était luxé l’épaule d’une manière inquiétante, et qu’il fallait même
deux chirurgiens pour la soigner. Dans ce cas ce n’est pas d'impudeur qu’il
faut l’accuser.
D. Avez-vous connu M. de Bruc ? — R. Non , monsieur.
D. Le matin de l’exécution du complot, en voyant partir [lecolonel Vaudrey,
ne lui avez-vous pas dit: Dieu vous bénisse? — R. J’ai pu lui dire cela ; je ne
connaissais pas ses projets; mais en le voyant sortir si tôt, et par certaines
circonstances, j’avais pu certainement en deviner quelque chose. J’ai pu faire
des vœux pour sa sûreté.
M. l’avocat-général Rossée. —Madame, n’avez-vous pas fait plusieurs voya-
ges de Bade à Strasbourg? — R. Non, monsieur, un seul.
D. Où êtes-vous descendue ici? — R. Je n’ai logé nulle part ; je suis repartie
le même jour pour Bade.
D. Cependant le colonel Vaudrey a dit que vous étiez descendue chez lui ? —
R. Le colonel s’est trompé.,
D. Madame Gordon , qui a répondu avec assez d’assurance , et qui s’est ren-
fermée , comme on voit , dans un système complet de dénégation, s’assied ;
elle paraît fatiguée. Un instant après elle s’éloigne pour laisser la place au
dernier accusé , M. de Bruc. Celui-ci semble toujours souffrant ; il tient sous
son bras gauche une casquette de^elours.
,4
INTERROGATOIRE DE M. DE BRUC , CHEF d’eSCADRON EN DISPONIBILITE (3ô ans).
M. de Bruc. — Je dois déclarer avant tout que l’acte d’accusation est faux;
quant à moi, jamais des relations d’intérêt avec le prince...
M. le président. —Modérez vos expressions, parce que la justice n’a intérêts
ni à se tromper, ni à tromper personne.
M. de Bruc. Je ne connais pas les formes do la justice; mais ce qui me con-
eerne est faux, je le dis , et voilà ; je n’ai vu qu’une fois le prince en ma vie, à
Aarau , pour le consulter sur une affaire d’intérêt, et si je le voyais je ne le
reconnaîtrais peut-être pas. Il est en route pour les Etats-Unis , et il ne man-
quera pas d’écrire la vérité. Je, ne l’ai vu qu’à Aarau une seule minute, le
temps de changer de chevaux.
I). Il ne vous a point dit ses projets ? — R. Non.
D. Vous connaissez Persigny ? — R. Il y a un an et demi deux ans que je le
connais.
I). N’étiez-vous pas à Strasbourg en septembre? — R. Oui, monsieur.
D. Quelles étaient vos relations d’intérêt avec Persigny ? — R. Elles se rat-
tachaient à une expédition sijr Tripoli.
1). Vous avez d’abord nié connaître Persigny. — R. J’ai été arrêté à Genève,
d’abord pour un passeport raturé; j’ai été interrogé, et comme on m’a demandé
si je connaissais Persigny, j’ai deviné qu’on voulait me comprendre dans l’af-
faire de Strasbourg, et j’ai d’abord nié cette liaison avec Persigny, pour m’évi-
ter des embarras.
D. Pourquoi ce passeport était-il raturé ? — R. Parce qu’il était suranné, et
que je voulais prolonger mon congé.
I). N’êtcs-vous pas parti de Strasbourg porteur de deux lettres, l’une pour
madame Gordon , l’autre pour le général Excelmans? — R. C’est vrai.
On donne lecture de la lettre écrit© à madame Gordon.
M. de Bruc. — On a trouvé celte lettre cachetée dans mon habit et par coin
séquent je ne l’ai pas lue , voilà la première fois que je l’entends lire.
(Cette lettre fait partie de l’acte d’accusation).
Quant à la lettre à M. Excelmans , c’est le prince qui me l’a remise à Aarau.
D. L’avez-vous remise ? — R. Oui , en mains propres , comme le prince me
l’avait recommandé.
D. Le prince, en vous la remettant, ne vous a-t-il pas prié de faire cette
commission avec exactitude. — R. J’ai remis tard cette lettre, parce que je
n’ai pu la remettre plus tôt.
D. Que vous a dit le général? — R. Il m’a dit : Je suis engagé envers le gou-
vernement.....je ne puis aller, je n’irai pas. Voilà tout.
M. le président. — Vous avez écrit une lettre à Strasbourg, à Manuel, j’en
vais donner lecture.
( Dans cette lettre, M. de Bruc annonce qn’il s’est cassé le bras.)
Monsieur de Bruc. — J’étais tombé sur un escalier et j’avais les bras enflés;
je fu9 obligé d’ouvrir mes manches.
M. le président. — Vous écrivez encore : Les hésitations du général Ex.
m’ont retardé pendant deux jours.
Monsieur de Bruc. — J’étais allé une fois chez lui sans le trouver; mais la
seconde fois, je le déclare, le général Excelmuns n’hésita point. Je n’ai pas
parlé politique avec lui.
D Vous ajoutez dans votre lettre : « Il ne faut pas se tromper une troisième
fois; il est nécessaire de trouver un plan qui nous fasse réussir....» — R.
C’était toujours relatif à notre affaire d’intérêt. J’avais fait deux voyages inu-
tiles à Bade et à Fribourg pour cette affaire. Je voulais enfin réussir dans cette
affaire, toute d’argent.
L’audience est levée et remise à lundi, neuf heures précises. Il est trois heu-
res et demie.
5e Qudience. — 9 janvier.
M. le président, avant de reprendre le cours des débats, donne connaissance
aux accusés en masse des faits qui se sont passés en l’absence de chacun d’eux
et de l'interrogatoire que chacun a subi séparément.
Le témoin Geslin comparaît.
Le président. — Pourquoi ne vous êtes-vous pas présenté le 5 ?
M. Geslin. — C’est la faute de la voiture , qui est restée quatre jours et demi
en route au lieu de trois , par le mauvais tems.
Sur la demande du procureur-général , la cour relève le témoin de l’amen-
de prononcée contre lui.
M. le président. — Avez-vous connu un des accusés avant l’accusation ?
M. Geslin. — Je connais MM. de Bruc et de Gricourt.
D. Dites ce que vous savez, — R. Quand on vint chez moi le 15 novembre
pour prendre mes papiers, on y trouva les lettres insignifiantes de de Bruc et
de Persigny. Le lendemain on me mène en prison, et on me demande pourquoi
j’ai des lettres de ces messieurs; je réponds : c’est parce qu’il m’écrivirent
quelquefois. Il y a quinze ou seize mois, M. de Persigny et de Fricourt me ren-
contrèrent ; M. Persigny me dit : comme ancien militaire , voudriez-vous être
avec nous? et il me dit de quoi il s’agissait. Je n’y attachai aucune importance.
M. de Persigny seul m’a parlé ; M. de Gricourt était avec lui, mais il ne m’a
rien dit, absolument rien.
D. Témoin, vous n’avez pasété aussi explicite aujourd’hui que devant le juge
d’instruction. Quand Persigny vous a parlé du complot, en présence de Gri-
court , ne vous a-t-il pas dit au profit de qui, et où il devait éclater ? — R. Au
profit de Louis- Napoléon et à Strasbourg.
M. le président. — Prévenu Gricourt, qu'avez-vous à dire sur cette déposi-
tion ?
M. de Gricourt. — En ce qui me concerne , M. de Geslin a parfaitement
rendu justice à la vérité, puisque je ne lui avais fait aucune ouverture, comme
je l’ai affirmé •hier.
Le président signale des différences entre les premières déclarations du té_
moin et celle qu’il fait aujourd’hui.
Le témoin s’excuse sur ce que peut offrir d’inexact une déposition faite entre
six gendarmes.
M. le président. — Nous allons passer aux faits généraux concernant chaque
accusé.
B crié. sommelier de la veuve Rebfus , à Fribourg, déclare que M. et M,ne
Sessay (M. Taudrey et Gordon) ont vujGricourt, qui portait le nom de Ma-
nuel, dans l’auberge où celui-ci était logé, le 25 octobre, à Fribourg. Mm«
Gordon est allée parler à Gricourt qui était déjà couché. Le lendemain , ils sont
repartis pour Brisach.
D, (le président, désignant de Gricourt.) Etait-ce là Manuel? — R. Oui ,
je le reconnais.
M. De Gricourt. — Le témoin se trompe , car dans les derniers jours d’oc-
tobre je n’ai pas quitté Strasbourg. .
Le témoin persiste à dire que de Gricourt est venu sous le nom de Manuel.
De Gricourt. — Je n’ai jamais porté le nom de Manuel. Je soutiens que je
n’ai pas quitté Strasbourg.
M. Lailxj. — Je puis certifier que le 26 octobre j’ai vu M. de Gricourt à
Strasbourg et qu’il n’a pas quitté la ville de la journée.
M. le président au témoin. — Vous avez aussi vu M. de Bruc ? — R. Oui.
D. Prévenu de Bruc, avez-vous été le 29 octobre à Fribourg ? — R. Oui, j’y
suis resté deux jours, j’ai couché une nuit à cette auberge. Je suis arrivé le 30
à Kehl.
M. Gérard, procureur du roi, au témoin. — Quand Manuel est venu à l’hô-
tel, n’a-t-il pas recommandé qu’on annonçât sa présence à la personne qui le
demanderait ?
Le témoin. — Oui.
I). Avez-vous connu Persigny à Bade ? — R. Non.
M. F. Barrot. — Voilà une déposition qui doit embarrasser l’accusation
plus que nous, car jusqu’ici elle avait soutenu avec persistance et avec raison
que c’était Persigny qui avait été à Fribourg et non Gricourt. Je prie M. le pré-
sident de vouloir bien faire donner lecture de la déposition faite par le témoin
devant le bailli de $on canton ; il y a un signalement qui dit : Manuel avait les
cheveux noirs et des moustaches noires , et M. de Gricourt est très blond ; ce
n’est donc pas lui.
M. le procureur-général lit cette déposition ; le signalement ne s’y trouve
pas.
M. Barrot. — Je rechercherai ce document, je ne l’ai pas sous les yeux.
M. Eggerlé, colonel d’artillerie en retraite, domicilié à Colmar, déclare
que la présentation faite par lui du colonel Vaudrey au prince Louis , le 50
juillet, à Bade , a été toute fortuite.
M. Diemer, hôtelier à la Ville-de-Paris à Strasbourg , a connu M. Parquin,
M. de Gricourt, M.mCGordon et M. de Bruc; ces messieurs ont logé chez moir
dit-il ; M. Persigny et 31. de Querelles également.
D. D’après vos registres , M. Parquin a logé chez vqus du 9 Qfj 14 juin, et du
24 au 50 octobre. Le 8 juillet 31. de Persigny est arrivé et vousfl annoncé deux
de ses a*ms, 31. de (gricourt et M. de Querelles sont en effet arrivés le 10. —«
11. Oui, monsieur.
D. M n*e Gordon , vous êtes arrivée le 15 juillet à l’hôtel du sieur Diemer t
vous y avez passé une quinzaine de jours ? — R. Oui.
D. Avez^ouseu dans cet intervalle des relations avec Persigny , de Querel-«
les . deGræom-t? — R. Jamais; une fois, par busard, j’y ai vu 31. de Gricourt.
Christine Rulschmann , 24 ans, couturière à Strasbourg. Elle connaît M.
de Bruc ; elle est dans la maison où logeait 3Lmiiel , qui était maladif j il e3l
parti en voiture avec 31. de Biuc ot est «©?£j^|;4ànt çmze jours. El!®
avait soigné Maéuel, cftmine servante, avaiffson mîpam A son retour, l’indis-
position de Manuel augmentant, il prit une autre servante , parce que celle-ci
nô pouvait le soigner la journée entière. Elle ne connaît ni Gricourt, ni Que-
relles.
1). M. de Bruc, dans \ç courant de septembre , vous avez été cîu?z Manuet
qui était Persigny : où avez-vous été avec lui? — R. Nous avons été du côté
de Schafhouse. La voiture était à Persigny.
D. C'est dans ce voyage que vous avez reçu à Aarau , du prince , une lettre
pour le général Excelmans ? — R. Oui, le prince avait, je m’imagine, entendu
parler de moi par Persigny. Je ne connaissais pas le prince auparavant.
Hermann Scholier, de Fribourg, sommelier. — Dix ou quinze jours avant
le 50 octobre, le prince Louis a passé trois fois par Fribourg, sous le nom de
baron de Dettfort.
François Remmer, 27 ans , cocher à la Fille de Paris. —Le premier som-
melier est venu chez moi dimanche malin , à G heures , avec le valet de cham-
bre du prince , et m’a chargé de porter une lettre à la reine , à Arenenberg. Il
m’a donné 200 fr. dans ce but. J’ai pris la poste à Kehl, et j’ai porté lettre.
Ce n’est qu’à mon retour à Donauschingen que j’ai uppris ce qui s’était passé.
Le général Excelmans , pair de France , 60 ans. — Le 20 ou 21 octobre ,
M. de Bruc m’a remis un billet de la part du prince Louis-Napoléon , dans
lequel il me proposait devenir le voir en Suisse. Je dis à 31. de Bruc : Que m©
veut le prince ? Je ne veux pas avoir des apparences de relation avec leprince.
M. de Bruc insista et me dit qu’il allait partir incessamment, et m’offrit uno
place. Je le remerciai , et j’ajoutai que si c’était dans un but politique que la
prince voulait me voir, il avait tort , et que si j’avais un conseil à lui donner ,
e’était de se tenir tranquille , parce qu’il y a en France une grande vénération
pour le nom de l’empereur , mais aucun parti pour son neveu ou sa famille..
M. de Bruc partit et je n’ai rien su de plus.
D. Prévenu de Bruc, qu’avez vous à dire ? — R. Co que 31, le général vient
de dire est conforme à la vérité ; il a dit ce que j’a eu l’honneur de vous dire.
Je devais porter une lettre: elle était cachetée , j’ignorais ce qu’elle contenait.
M. le président, «u général. — Avez-vous conservé le billet du prince? —
R. Oui, monsieur.
Le général Excelmans fait passer le billet à M. le président.
Voici les termes do ce billet.
« Arenenberg, 21 octobre.
» Général,
i> Je profite d’une occasion sûr© pour vous dire combien je serais heureux
de pouvoir vous parler.
» Vosbrillans antécédent,votre réputation civile et militaire me font espé-
rer, général, que vous voudrez bien, dans une occasion difficile m’éclairer do
vos conseils.
» Le neveu de l’empereur s’adresse avec confiance et abandon à un vieux
militaire comme à un vieil ami. Aussi espère-t-il que le but qu’il se propose
ne doit pas être considéré comme une démarche qui pourrait paraître intem-
pestive à tout autre qu’à vous.
» Le lieutenant-colonel de Bruc, qui possède toute ma confiance, veut bien se
charger de décider avec vous du lieu où je pourrai vous voir. »
D. à de Bruc : Comment voulez-vous prétendre que vous ingnoriez ce que
contenait la lettre, puisque le prince y dit que vous possédez toute sa confian-
ce ? — R. J’ignorais ce que contenait la lettre ; je ne puis en être responsable.
D. La lettre est datée d’Arenenberg. Le prince l’a-t-il écrite d’avance, cer-
tain de vous rencontrer à Aarau ? — R. Tout ce que je sais, c’est que le prince
me l’a remise à Aarau.
M. Liechtenbcrger. — Dans ce moment. je n’élèverai-pas un débat sur le
contenu de cette lettre; mais, dans la conversation, 31. de Bruc a-t-il fait au
général une proposition de complot, comme le porte l'acte d’accusation ? —
R. Il ne m’a été fait aucune proposition de ce genre ; je connais mon devoir,
et si une proposition m’avait été faite, j’aurais su faire mon devoir dans cette
occasion.
Dufaure, 52 ans, capitaineen retraite , demeurant à Brisach : Le 28octobre,
j’ai vu M. de Bruc au café ; il causait avec un officier du 46e; il dit que le tems
de la guerre était passé; il admirait la mémoire do l’empereur. Il dit d’abord
qu’il s’appelait Bayard ; plus tard, il dit se nommer de Bruc.
31. de Bruc. — Je n’ui pas dit que je m’appelais Bayard ; mon domestique
6’nppello ainsi ; je voyage rarement sous mon nom ; le plus souvent c’est sou©
celui de mon domestique, parce que je suis officier à demi-solde.
D. Le commandant de Bruc ne s’est-il pas plù à dénigrer les officiers-géné-
raux actuels?— R. Il a dit que les sommités de l’armée étaient vieilles et qu’il
faudrait les renouveler dans le cas de guerre.
Après deux dépositions analogues et autres, l’audience est levée.
BELGIQUE.
BRUXELLES, 12 janvier.
On écrit de Paris que le voyage de M. Nillis n’a pas eu de suc-
cès. Lafond ne vient pas ici. Teisseire étant engagé à Bordeaux ,
Sirant l’étant à Lyon, on cherche à engager M. Dumas qui ne
vaut pas les autres ténors. Mmo Stoltz s’en va, parce qu’elle a su
que M. Nillis était allé voir s’il ne pouvait pas obtenir Mme Daino-
reau.
— Les avis de toutes les chambres de commerce du royaume
et de la députation des étatsdu Luxembourg, sur les modifications
proposés au tarif des douanes belges , viennent de sortir des
presses de M. Remy , ce document sera distribué aux membres
des chambres.
— M. Ch. de Brouckere vient de faire l’acquisition du beau
tableau de M. Gudin, représentant une vue près d’Alger et quia
été tant admiré à notre dernière exposition. M. de Brouckere a
autorisé M. Gudin à exposer ce tableau dans lagalerie du Louvre
à l’exposition prochaine.
— Le conseil de régence a voté hier la somme de 200,000 fis.
pour réparation à faire à la salle de spectacle.
— Le nombre des décès dans la ville de Bruxelles pendant
famée 1836 est de B.900 ; masculins, 2,014 ; féminine 1886. |