Full text |
lie Précurseur
•omme essentielle à la marche du gouvernement, et certes, les budgets
sont de ce genre.
En troisième lieu, vous avez une proposition de mise en accusation,
proposition à l’égard de laquelle la Constitution vous donne un pou-
voir discrétionnaire.
Enfin , le quatrième moyen est une proposition d’enquête, proposi-
tion que l'on doit considérer comme le préliminaire de la mise en accu-
sation.
Chacun des quatre moyens a été essayé. Je ne vous énumérerai pas
toutes les occasions où l’on a cherché à introduire dans l’adresse en
réponse au discours du trône, un amendement de blême ou de regret
en ce qui concernait l’un ou l’autre des actes du ministère, les exem-
ples sont trop nombreux et chacun de vous pourra se les rappeler.
II y a eu aussi des exemples d’adresses extraordinaires faites sponta-
nément par la Chambre; nous examinerons la marche qui a été suivie.
Le second moyen que je vous ai indiqué, c’est celui du rejet du bud-
get. Vous avez ici deux précédents remarquables, l’un en 1841 et l’au-
tre en 1844.
En 1841, des votes négatifs sont partis contre le budget de M. Rogier,
de ce qu’on appelle la droite de cette Chambre ; je ne veux pas la quali-
fier autrement. En 1844, des votes négatifs sont partis de la gauche.
Dès lors vous voyez que la droite eu 1841 et la gauche en 1844 n’ont
pas pensé qu’il fallûtde grands efforts pour voter contre le budget. Et,
en effet, la perturbation ne serait pas très grande, car évidemment le
lendemain même de ce rejet des crédits provisoires seraient votés, ou
même le budget tout entier, à titre simplement administratif, surtout
quand les articles ont été discutés.
Il ne faut donc pas s’effrayer de cette idée de rejet d’un budget.
Le troisième moyen, est la proposition de mise en accusation. Cette
proposition a été faite en 1833 ; et elle n’avait pas tant pour but d'ame-
ner l’application d’une peine à l’égard du ministre dont il s’agissait,
que la chute du ministère lui-même. Vous savez qu’à propos d'une ex-
tradition que l’on considérait comme indûment accordée au gouverne-
ment français, un honorable membre de celte Chambre proposa la mise
en accusation du ministre de la justice d’alors, de mon ancien ami, M.
Lebeau.
Quelle marche a-t-on suivie? Conformément au réglement, on a sui-
vi la marche tracée par les précédents. C’est dans la séance du 23 août
1853 que M. Gendebien a donné lecture de sa proposition ; elle a été ap-
puyée par cinq membres. Le président a demandé si la chambre en-
tendait aller aux voix immédiatement pour la prise en considération.
Je me suis levé, en usant d’un mandat qui m’avait été coudé, et j’ai de-
mandé que la discussion de la prise en considération tÛL lieu immédia-
tement; et la proposition de la mise en accusation a été écartée par le
rejet de la prise en considération, qui a été rejetée par 33 voix contre
18 dans la même séance.
Enfin, messieurs, lequatrième moyen est une proposition d’enquête,
et il existe également des précédents de ce chef.
En 183t. lors de la discussion de l’adresse en réponse au discours du
trône, c’était la première session législative depuis la séparation du
Congrès, une tentative fut faite d’inserer dans l’adresse une expres-
sion de blâmeà l’égard du deuxième ministère du Régent ; on voulait
dire que c’était à dessein qu’il avait laissé l’armée sans organisation,
pour rendre la solution de la question hollando-belge inévitable par les
voies diplomatiques. Cette proposition fut écartée.
Quelques jours après, M. Dumortier et douze autres membres firent
une proposition d’enquête sur les causes des malheurs du mois d'août
1831. La proposition fut développée et renvoyée aux seciions. Le 1" oc-
tobre suivant la section centrale fil son rapport et proposa un projet i
de résolution pour organiser une commission d’enquêt.e. La question
s’est élevée de savoir si on discuterait immédiatement sur le fond, ou si
ce projet devait être soumis lui-même à la prise eu considération ; et la
prise eu considération fut r> jetée dans la séance du 1" décembre 1831
par 48 voix contre 32.
Qu’il me soit permis de revenir sur un point, celui de la forme àsui-
vrepour une adresse extraordinaire.
Le 5 et 6 avril 1834, la capitale avait été le théâtre de déplorables ex-
cès ; vers la même époque, un grand nombre d étrangers résidant en
Belgique, avait été expulsés. La loi qui régit aujourd’hui le droit d’ex- i
pulsion n’existait pas alors. Le ministère rendit compte à la chambre i
de toutes les circonstances qui avaient accompagné les événements.
Ce rapport donna lieu à une longue discussion.
A la suite de cette discussion, une proposition de blâme fut faite, pro-
position tendante à faire au roi une adresse pour blâmer le ministère
de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les excès dont
la capitale avait été le théâtre, et pour avoir exercé le droit d’expul-
sion en l’absenee d’une loi spéciale. Deux membres firent la proposition
d’adresse ; ou indiquait à l’avance les termes dans lesquels elle devait
être rédigée. La proposition d’adresse fut rejetée, et des lors il n’y eut i
plus lieu de nommer la commission d’enquête.
La même marche fut suivie dans une autre circonstance où il ne
s’agissait pas des égards que l’on doit à un homme que l’on accuse,mais
il s agissait d’une manifestation politique telle qu’on aurait pu sê dis-
penser de suivre les précédents. Je parle de l’adresse faite en avril 1838
Sour recommander au Roi le sort des Limbourgeois et des Luxem-
ourgeois.
M. Metz et neuf autres députés firent la proposition d’une adresse à
la eouronne, elle était entièrement rédigée, et on aurait pu voter im-
médiatement; mais la Chambre a voulu respecter ses précédents • la
proposition fut renvoyée à une commission qui proposa l'adresse telle
qu’elle avait été rédigée.
Voilà, messieurs, vos précédents, voilà de quelle manière la Consti-
tution et votre réglement ont été appliqués dans les diverses circon-
stances. Vous n’êtes donc pas désarmés, je viens de vous indiquer
tous les moyens qui sont à volredisposition. Faut-il changer vos précé-
dents, créer un acte nouveau qui fasse précédent pour l’avenir ? Je n'ai
pas besoin de soulever ici une question de prérogatives ou d’attribu-
tions. je veux seulement soulever une question de convenance, d’utili-
té. Convient-il, est-il nécessaire que vous ayez recours à un moyen
inusité ? Je ne le crois pas. Je ne veux pas discuter vos droits, vous en
userez lorsque les circonstances l’exigeront, mais n’employez un moyen
nouveau que lorsqu’il sera devenu indispensable.
Nous nous sommes conformés à vos précédents. Le rendez-vous qui 1
nous avait été donné, nous l’avons accepté. La question de confiance
devait être posée sur l’ensemble du budget de 1 intérieur. Il en a éLé
ainsi l’année dernière, et cette année le rendez-vous était assigné sur
ce terrain d’une manière bien plus formelle encore. (Interruption.)
Nous ne venons donc pas demander la quesl ion préalable sur la pro-
position; si elle était faite dans les termes du réglement, nous vous de- i
manderions le rejet de la prise en considération. Mais dans l’état où la !
proposition vous est faite, et eu égard à la position prise dans le minis- i
tere, nous demandonsl’ordre du jour sur la proposition comme inutile
comme inopportune.
11 n’est pas nécessaire de créer un précédent nouveau, les circon-
stances ne l’exigent pas. Le ministère n’a pas pris une position telle
que vous soyez forcés du recourir à un moyen nouveau.
la présidence. Les députés Gourlay, Beauvais. Devink-Thierri, Case-
nave et le général Erégeville furent élus inspecteurs de la salle. Ces
inspecteurs avaient le commandement de la garde législative et la po-
lice de notre enceinte : les nouveaux choix ne. nous laissaient rien à
désirer; le général Frégeville surtout, par son zèle, son dévouement et
sa fermeté, fut un choix précieux. Un tel résultat me fit croire que l’ap-
pui de la majorité se retirait de nos adversaires : nous verrons combien
cette confiance fut sur le point de nous devenir fatale.
Sieyès réunit ses amis les plus influents, et nous discutâmes sérieu-
sement les mesures à prendre pour la translation du corps législatif :
nous voulions sortir de Paris, mais nous en éloigner h; moins possible :
nous fixâmes le palais de Saint-Cloud pour notre résidence momenta-
née. Pour assurer l’exécution de cette grande mesure, Sieyès proposa
que le conseil des Anciens en chargeât le général Bonaparte, en lui
conférant par un décret spécial le commandement de toutes les forces
militaires de Paris et ses environs, ainsi que de la garde législative et
directoriale. C’était sans doute ajouter à la lettre de la constitution ;
les articles 102.103 et 104 ne parlaient pas d’un commandant extraor-
dinaire; mais l’esprit de ces articles semblait autoriser ce que la lettre
ne disait pas. Si les Anciens n’avaient pas le pouvoir d’assurer l’exécu-
tion de leur décret, leur droit n’eùt-il pas été illusoire?...
La nécessité de déplacer le Corps-Législatif ne pouvait exister que
dans un danger pressant ; ce danger pouvait venir du pouvoir exécu-
tif ou du conseil des Cinq-Cents ; or, dans ce cas possible, si la force
publique n’avait pas un autre centre que son centre habituel, il était
évident quele décret des Anciens pouvait ne pas trouver d’exécuteurs.
Il fallait donc que cette^ dictature d’un moment, conférée par la loi au
conseil des Anciens, eut une force d’action indépendante de toute au-
tre autorité. Sans cela, l’accomplissement du décret d’urgence se trou-
vaitàla discrétion de ceux-là mêmes contre lesquels la mesure pouvait
être dirigée. Les articles emportaient donc avec eux les moyens de la
faire exécuter ; et le conseil des Anciens en inférait son droit à nom-
mer un commandant extraordinaire de la force publique ; bien enten-
du que cette mission momentanée finissait dès que le Corps-Législatif
et le gouvernement se trouvait installés dans leur nouvelle résidence.
Quand même nous eussions jugé ces conséquences hasardés , nous
n’en eussions pas moins agi comme nous l’avons fait, car le moyen de
faire une révolution sans sortir de l’ordre légal est encore à trouver ;
mais nous étions réellement convaincus, et je le suis aujourd’hui com-
Je le sais, messieurs, on citera les précédents de l’Angleterre ; mais
la Constitution anglaise n’est pas une Constitution écrite comme la
Charte française, comme la Constitution belge. Aussi, messieurs, nous
ne trouverons pas en France un seul précédent qui puisse justifier une
proposition telle que celle qui a été faite hier. En France, dans les cir-
constances les plus extrêmes, on n’a pas eu recours à ce moyen. Je
rappellerai notamment la circonstance extrême où s’est trouvée la
Chambre des Députés de France en présence du ministère Polignac,
quand elle a voté une adresse au Roi, pour annoncer le refus de con-
cours.
Le Parlement anglais se dirige d’après les précédents. Il n’a pas de
réglement écrit qu’il puisse consulter. Du reste, je le répète, la propo-
sition vous est faite d’une manière insolite. Le moyen nouveau est-il
devenu nécessaire dans les circonstances où vous vous trouvez? Non.
Le rendez-vous nous l’avons accepté. La question de confiance et de
cabinet est posée sur l’ensemble du budget de l’intérieur. On a craint
qu’il ne s’écoulât un temps trop long entre la clôture de la discussion
générale et le vote sur 1 ensemble, soit ; nous voulons respecter cette
crainte; nous demandons donc l’ordre du jour sur la proposition qui
vous est faite. Si l’ordre du jour est refusé, le ministère y rattache la
question de son existence et le cabinet se retirera.
m. devacx. Il m’est parfaitement indifférent de voter d’une manière
on de l’autre dès que le résultat est le même. Cependant je dois répon-
dre lorsque M. le ministre conteste à la chambre le droit d’émettre un
vote de confiance. Ses arguments sont sans aucune valeur.
L’orateur passant en revue ce qui a lieu dans tous les pays consti-
tutionnels prouve que dans tous ces pays les chambres ont ce droit.
D’ailleurs, ce que l’on doit préférer , ce qu’il est de la dignité du mi-
nistère de préférer, c’est la voie qui donne le plus de liberté aux mem-
bres de cette chambre. En 1841, un grand nombre de membres ont
trouvé des inconvénients administratifs à mêler ainsi la question poli-
tique au vote du budget. En 1841, le ministère sacrifia entièrement la
question administrative à la question politique.
Si le ministère veut une discussion réelle , il comprendra qu’il faut
séparer la question polilique delà question du budget.
m. osï. Je consens à retirer ma proposition et à la remplacer par une
proposition d’adresse au roi, dont j’ai l’honneur de soumettre le projet
à la chau.bre :
« Sire, dans la situation actuelle, la chambre des représentants,
pleine de confiance dans la Couronne, croit accomplir un devoir de son
mandat en faisant respectueusement connaître à votre majesté que la
marche du ministère, en différentes circonstances, notamment lors de
la discussion sur la loi du jury universitaire et de celles qui ont eu lieu
dans divers comités secrets, ne lui permet pas de croire qu’il puisse
continuer à gérer l’administration des affaires de l’Etat. Elle supplie
donc votre majesté de prendre en sérieuse considération une position
qui ne peut se prolonger sans compromettre la dignité du pouvoir. »
m. du mortier. Maintenant, il n’y a plus de moyen de reculer, car
M. le ministre vient de nous dire lui-même que l’adresse spontanée
était un moyen régulier et dont la chambre a déjà plusieurs précédents.
Je demande donc que la discussion générale continue et que la cham-
bre statue sur cette nouvelle proposilion après la clôture de la discus-
sion générale
tu. xoTiioMB Que M. le président consulte le réglement pour voir quel-
le est la marche à suivre.
m. i.e i'résidkxt, après avoir consulté le réglement, déclare qu’après
la discussion générale, la chambre statuera sur le point de savoir s’il y
a lieu de faire une adresse et alors le projet sera renvoyé à une commis-
sion.
m. devaux. Hier, M le ministre nous a fait relativement à la compa-
gnie de Guatemala une déclaration formelle. La compagnie vient d’a-
dresser à ce sujet à la chambre une lettre dont je prie M. le président
de vouloir bien donner lecture à la chambre.
m. xoTHOMis. Je ne m’y oppose pas ; j’y consens volontiers.
m. devaux. M. le ministre n’a pas le droit de consentir ni de s’opposer
à cette lecture.
m. le PRÉsiDEST donne lecture de cette lettre dans laquelle la compa-
gnie de Guatemala relève les erreurs du ministre. Dès le mois de juillet
il connaissait les gages et les sûretés que la compagnie pouvait offrir
au gouvernement. Ces offresont été renouvelées a diverses reprises en
septembre, octobre, novembre et janvier. En conséquence, la compa-
gnie proteste contre la déclaration du ministre et contre la prétendue
nullité de la convention de juillet,
Sur la demande de MM. V erhaegen et Dumortier cette lettre sera in-
sérée au Moniteur et imprimée comme pièce de la chambre.
M. BOTHOMB s’expliquera demain sur cette lettre.
m. zoude croit que le ministère a droit à la confiance nationale par
suite des mesures importantes qu’il a fait adopter. 11 citera entre autres
la loi des droits différentiels, avant laquelle toute négociation avec les
autres puissances était impossible, il félicite le gouvernement d’ayoir
favorise l’industrie en provoquant des augmentations sur un grand
nombre d’articles du tarif eten concluant le traité du D septembre avec
le Zollverein.
m. David Je regrette que l’état de ma santé ne me permette pas de
m’étendre longuement sur l’objet en discussion. Je ne veux pas cepen-
dant laisser cette discussion sans motiver mon vote.
Le pouvoir n'inspire plus de respect, parce qu’il manque de dignité.
Les fonctionnaires ne peuvent plus compter sur l’avancement auquel
ils ont droit; les fonctions publiques sont devenues des primes affectées
aux nécessités personnelles des ministres. Dans ma province il y a mé-
contentement, parce qu’on sent que l’air est vicié. Un fonctionnaire
subalterne dema province a menacé son supérieur, s’il continuait d’user
de modération. 11 y a anarchie dans le cabinet et dans l’administration.
C’est le moment de faire taire toutes les sympathies personnelles et
de renverser un ministère qui n’existe encore que grâce à sa persis-
tance à dévorer affronts sur affronts, défaites sur défaites.
Je voterai pour la proposition d’une adresse au roi.
m. sigart croit devoir blâmer de toute son énergie le système du
gouvernement qui exploite les mauvaises passions.
Il déclare que dans cette discussion, il ne s’occupera que d’une ques-
tion qu’iia spécialement étudiée, celle de la colonisation de Guatemala.
L’honorable membre blâme le gouvernement d’avoir protégé cette so-
ciété. Il prétend qu’il est en partie cause qu’un grand nombre de Bel-
ges se sont exposés à une mort ou à une ruine presque certaine.
m. lebeau. Les circonstances actuelles m’ont paru trop graves pour
que je pusse me contenter d’émettre un vote silencieux; une raison me
donne quelque répugnance à prendre la parole dans cette discussion,
c’est l’absence de modération que depuis quelque temps la déconsidé-
ration du pouvoir donne à nos discussions parlementaires. Celte ab-
sence de modération est la faute du ministère, car alors que le pouvoir
s’abaisse, le langage de l’opposition doit s’abaisser aussi, pour le frap-
per dans la région où il se place. Un ministère qui ne partage pas les
tendances politiques de l’opposition peut ne pas avoir nos sympathies
politiques, mais au moins il mérite notre estime et nos égards par la
sincérité de ses convictions et la franchise de sa conduite. Mais quelle
confiance, quelle estime politique peut nous donner un homme qui
me alors, que le conseil des Anciens avait le droit constitutionnel de
nommer un général pour assurer l’exécution de son décret.
Pendant que nous mettions ia dernière main à notre projet, Bona-
parte écoutait tout le monde, observait et étudiait l’opinion des partis.
Le sentiment des masses populaires et des armées se manifestait una-
nimement.
. ............................Les municipalités , les généraux , les
officiers et les soldats exprimaient la même confiance.Des alentours de
Paris , comme des extrémités de la république , on recevait à chaque
instant des députations avec des assurances de dévoûment et des ins-
tances pressantes pour un meilleur ordre de choses.Les diverses nuan-
' ces d’opinion qui se partageaient la capitale venaient, comme par ma-
gie, se confondre dans un seul homme. Talleyrand , Rœderer. Fouché,
le géomètre Laplace , partis de différents points de la circonférence,
venaient aboutir au même centre. Les Jacobins même , dans ces pre-
miers jours , sauf quelques exceptions , accablaient le général de leurs
prévenances ; ils n’eussent pas mieux demandé que de le placer à leur
tête... Ils ne tardèrent pas à sentir qu’ils ne parviendraient jamais à
l’enrôler sous leur sombre bannière.
La nouvelle du retour d’Egypte, mise à l’ordre des armées, avait rem-
pli d’espérance et de joie tous les cœurs. — « C’est à Bonaparte, écri-
vait Championet au Directoire, qu’il a ppartient de relever l’arbre de la
liberté dans cette belle Italie, où il l’avait planté et fait fleurir. C’est à
lui à renverser de son trône le despote autrichien, et à se rouvrir un
passage, par les mêmes chemins, vers celte Vienne perfide qu’il a déjà
menacée.... etc. » — Les soldats de l’armée d’Italie, quoique privés de-
puis longtemps des objets les plus nécessaires, demandaient, à grands
cris, à marcher à l’ennemi; un régiment de cavalerie était prêt a quit-
ter l’armée pour aller en remonte à Lyon... Ils refusèrent de se met-
tre en route : « Nous servirons à pied, disaient-ils; l’ennemi a des che-
vaux, et avec le petit caporal nous serons bientôt remontés ! » Les con-
scrits de l'intérieur voulaient partir pour rejoindre, quoique leur é-
quipement fût à peine commencé : « Nous sommes assez bien, s’é-
criaient-ils; le petit caporal saura bien nous équiper ! »
Les officiers de cavalerie et d’infanterie de la division de Paris et
ceux d’état-major se succédaient dans la rue Chantereine : ces visites
rendaient plus puissante de jour en jour l’influence de celui vers qui
se portaient toutes les espérances d’améliorations politiques, — Sapré-
n’est jamais inspiré que par l’intérêt de sa situation ?
Le ministère actuel, messieurs, nous ne devrions pas le combattre,
si nous ne considérions que l’intérêt de notre opinion, car il fait de la
propagande pour le compte de l’opposition; par ses actes, il justifie
d’une manière éclatante l’opposition, il rend sa conduite claire et la
met à la portée de toutes les intelligences.
Mais au-dessus de l’intérêt de mon opinion, il y a, messieurs, l’intérêt
de la moralité, l’intérêt de notre nationalité et l’intérêt de la monarchie.
La déconsidération toujours croissante du pouvoir fait les affaires de
l’opposition, il est vrai ; mais en même temps elle fait les affaires de
l’étranger.
Quand le mal en est arrivé là, quand la gangrène s’est à ce point in-
filtrée dans le corps social, il est du devoir de tous les hommes de bien,
de tous les hommes sincèrement attachés à leur pays et à la monarchie
de chercher à mettre un terme à ce funeste état de choses.
Dans quelques mains que soit le pouvoir, s’il est dans les mains
d hommes loyaux et francs, d’hommes ayant la confiance de leur parti,
ces hommes inspirent à leur parti et même à l’opposition des senti-
ments d’estime et de modération qui élèvent nos débats parlementai-
res, mais quand il est entre les mains d’apostats qui n’ont rien à com-
promettre, qui ont. trompé tous les partis les uns après les autres, ils
ne peuvent attendre ni des uns ni des autres aucune considération,
aucun égard.
Aussi, voyez ce qui se passe aujourd’hui. On ne demande
plus où se trouve l’opposition, on demande où elle ne se trouve pas. Si
nous restons dans cettechambre le nombre des opposants ne s’élève
qu’à 30; si nous allons dans la salle des conférences, les 30 sont deve-
nus 80. Hors de ce palais de la représentation, il y a unanimité, unani-
mité d’approbation dans les salons, dans toutes les assemblées.
C’est qu’ici, messieurs, on fait de l’opposition de deux manières :
d’une part on en fait jusqu’au vote inclusivement, de l’autre on
n’en fait que jusqu’au vote exclusivement. C’est que plusieurs d’entre
nous, homme d’une grande modération, ont beaucoup sacrifié à la
crainte du renversement d’un ministère.
Tout cela, messieurs, ne prouve-t-il pas que le ministère a rendu
impossible l’appui que la chambre voulait lui prêter ? En effet, où sont
ses appuis ? Dernièrement encore, dans une circonstance solennelle,
lors de la discussion du traité avec le Zollverein dont l’adoption, du
reste, ne pouvait être douteuse, une seule voix s’est-elle élevée pour
appuyer le ministère ? et M. le ministre des travaux publics n’a-t-il pas
élé condamné à venir ici se glorifier lui-même ?
Comment M. le ministre est-il resté au pouvoir ? Par une démission
refusée.11 se faitrefuser sa démission; il consent à n’êtrequ’un ministre
par ordre. Mais ne comprenez-vous pas qu’une telle comédie a plus
de portée que vous ne semblez le supposer ? qu’elle va plus loin que
le ministère ?.et qu’elle va, pour certains esprits mal faits, ou peu
familiarisés avec les formes parlementaires, jusqu’à compromettre ce
qui doit toujours être pour tous un objet de respect. Ce tort immense
du ministère n’a point échappé aux amis de la monarchie.
Passant ensuite en revue tous les actes du ministère, l’orateur nttmtre
combien dans toutes les circonstances importantes l’attitude du minis-
tère a manqué de dignité et de courage. Dans la discussion de la loi
surlejury, dans celle des indemnités, celle des droits différentiels, dans
toutes, les ministres ont donné au pays et à l’étranger le secret de leur
fa blesse. Toujours ils ont donné la preuve que ce que l’on ne pouvait
obtenir par insinuation et parla discussion, on les forcerait à l’accorder
par peur, par intimidation. Cette situation n’est-elle pas la plus miséra-
ble que puisse prendre le pouvoir? Elle conduit tout droit à l’anarchie,
tout droit à l’émeute ? Nous n’avons pas eu d’émeute, il est vrai, mais
n’avons-nous pas eu les menaces des ouvriers venant en grand nombre
appuyer ceux qui demandent pour eux du pain et du travail? N’avons-
nous pas eu les meetings des typographes ? Tout le monde sait qu’il
suffit pour avoir raison du ministère, de lui faire peur sur sa position
personnelle.
Sur la question militaire, ceux même qui sentent le plus la nécessité
d’avoir une armée forte et bien organisée, en sont venus à souhaiter
que le ministère n’ait rien de commun avec cette question, car le mi-
nistère actuel a le malheur de gâter toutes celles auquelles il touche.
J’arrive, ajoute l’orateur, j’arrive à un série de faits d’un ordre plus
grave. Jusqu’à présent on avait pu combattre les actes d’un ministère,
mais au moins notre vocabulaire politique était resté digne. Le minis-
tère nous a forcé à faire descendre ce vocabulaire politique de la hau-
teur accoutumée. Le ministère a été accusé de manquer de foi envers
l’étranger, envers la chambre, envers le pays.
Le ministère a été hautement accusé par le ministre d’une puissance
étrangère d’avoir manqué à des engagements verbaux. Le cabinet n’a
pas osé démentir cette assertion inconciliable avec son honeur.
M. le ministre de l’intérieur a trompé le pays, lorsqu’il a dit qu’une
omission faite dans le traité, l’avait été par inadvertance, tandis qu’il a
été prouvé par les déclarations des autres membres du cabinet que
cette inadvertance avait été faite de propos délibéré.
M. le ministre de l’intérieur prétend que son omission ne porte au-
cun préjudice aux industriels, parce qu’à cause des gelées il leur était
impossible de faire entrer des fontes par la Meuse; en ce cas, je con-
seille à M. le ministre de faire des vœux pour que le thermomètre ne
s’élève pas de longtemps.
L’orateur termine en annonçant qu’il est fatigué et qu’il demandera
la permission de présenter de nouvelles observations dans la discussion
des articles.
m. le mikistre de l'intérieur. Je n’hésite pas à dire qu’il n'y a jamais
eu de ministère auquel on ne puisse adresser les reproches que l’hono-
rahle M. Lebeau vient de faire entendre contre le cabinet actuel, et qu’il
n’y aura jamais de ministère auquel de pareils reproches ne puissent
être adressés. Est-ce donc la première fois que les intentions des minis-
tres sont incriminées, que leur caractère est attaqué ? L’honorable
membre ne lit sans doute pas le Moniteur; moi, je le relis quelquefois, et
si j’avais besoin de consolations, en relisant les reproches que vous
adressaient MM. Gendebien et de Robault. je me consolerais de ceux
que vous venez de me faire. L’opposition, dit l’honorable membre, est
partout, elle est dans les couloirs, elle est dans la salle des conférences,
elle est dans les salons de la capitale. Eh bien ! la question de confiance
est aujourd’hui posée ; si cette opposition existe, en effet, elle se pro-
duira; un vote parlementaire sera émis, et devant ce vote, le ministère
se retirera. Voilà la véritable politique, la politique que l’honorable
membre défendait autrefois et que j’opposerai à ce que j’ose appeler
une politique de petites médisances.
L’honorable membre s’est félicité de la conclusion du traité avec le
Zollverein ; il l’a fait à huis-clos, il est vrai, mais enfin il l’a fait. Eh bien.
' ce traité est dû à la loi des droits différentiels ; sans cette loi, le traite
était impossible, et cependant l’honorable membre aurait voulu que
nous empêchassions le vote de cette loi, en repoussant une exception
qui a été votée à l’unanimité moins une voix par la chambre.
L’honorable membre blâme le gouvernement de certaines réclama-
tions qui lui ont été adressées d’une manière bruyante, de députations
monstres qui ont envahi le ministère. Nous regrettons ces manifesta-
tions, mais peut-on en rendre le gouvernement responsable?
sence aux Invalides fut une fête de famille. - Les savans n’étaient pas
moins empressés que les militaires : dans plusieurs séances ou enten-
dit au Louvre celui qui n’avait jamais voulu séparer son titre de mem-
bre de l’Institut du titre de général en chef de l’armée d’Orient.
Ilsefit un devoir de donner lui-même à l’Assemblée des renseigne-
mens sur l’état où se trouvaient l’Egypte et ses anciens monumens : il
assura que les restes du canal de Suez, qui joignait la mer Rouge à la
Méditerranée, étaient encore visibles et qu’il était très possible de le
rétablir ; il annonça la prochaine arrivée à Paris des plans et nivelle-
ments nécessaires^ ce grand travail, qu’il avait fait lever avec les soins
les plus minutueux. Monge et Berthollet ajoutèrent leurs observations
à celles de leur collègue. -
Avant de se rendre à une séance de l’Institut, Bonaparte avait reçu
la visite de Mm' Lafayette. Lors des préliminaires de Léoben, il avait
exigé comme une condition indispensable la liberté du général La-
fayette, de sa femme, de ses filles et de ses compagnons d’infortune,
détenus depuis longtemps dans les cachots de l'Autriche à Olmütz. Mm”
Lafayette avec la plus jeune de ses filles venait exprimer à mon frère
la reconnaissance desa famille ; elle fut reçue avec la cordialité la plus
complète et la considération dûe à une femme aussi célèbre par ses
vertus et son courage, que l’époux dont elle s’était fait un saintdevoir
et une douce consolation de partager les fers... Vingt ans plus tard,
le libérateur de Lafayette ne fut pas si heureux sur les rocs-prisons de
l’Elbe et de Sainte-Hélène !!!
Qu’il me soit ici permis d’anticiper sur les temps pour rapporter une
anecdote de 1850 Lorsqu’il s’agissait, dans la chambre des députés, de
réclamer les cendres de Napoléon, j’avais remarqué le silence de La-
fayette, et je trouvai dans ce silence une ingratitude peu digne de ce
grand citoyen. De ma retraite de Canino je lui écrivis à ce sujet. La-
fayette me répondit, après que la chambre eut voté en faveur du re-
tour des cendres : sa lettre finissait ainsi : « J’ai voté comme vous le
» désiriez; le prisonnier d’Olmütz vient d’acquitter sa dette ! "Lafayette
oubliait que l’exil n’est guère meilleur que la prison.. .11oubliait que
la famille de son libérateur était exilée ! — Combien de milliers de Fran-
çais, auxquels le 18 brumaire rendit leur patrie... et qui n’ont pas con-
servé plus de mémoire que le prisonnier d’Olmütz !...
(La suite à demain.) |