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LE PRÉCURSEUR
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connu et avorté. Un autre corps entra dans un village entre
Guarda et Raia et pilla les coffres de la paroisse : le chef de ce
corps toutefois, en donna un reçu comme commandant du l“r
régiment provisoire de don Miguel Ier. Quelques hommes ont été
arrêtés, ét trois fusillés.
L’insubordination des troupes à Elvas et surtout du 5me caca-
dores est telle, que le major Horta, envoyé par le gouvernement
pour prendre le commandement de ce dernier régiment, trou-
va déjà ce poste occupé par un officier et ce ne fut qu’après
avoir couru les plus grands dangers qu’il reprit la route de Lis-
bonne.
M. Manoel da Silva Passos, ministre de l’intérieur et des finan-
ces, a été malade pendant plusieurs jours. Le peuple en veut tel-
lement aux anglais , que dès qu’il apprit cette indisposition et
comme elle arrivait après le diner donné par lord Howard Wal-
den , il l’attribua à un empoisonnement.
Quoique la reine ait renvoyé son cocher anglais , pour satis-
faire le peuple, cette mesure ne lui a pas suffi , car au moment
où il exerçait les chevaux du prince dans le parc , il a été sur le
point d’être assassiné. Une balle a passé près de sa tête et ce n’est
que par une espèce de miracle qu’il s’est sauvé. L’irritation con-
tre les anglais ne va qu’en augmentant
On se réjouit beaucoup ici de l’éloignement de M. Vandewyer
qui a pris congé hier de la reine et part demain pour l’Angle-
terre.
ANGLETERRE. — Londres , 9 janvier.
Le roi quittera le 29 le palais de Brighton et viendra proba-
blement ouvrir en personne le parlement; après cela, S. M. se
rendra à Windsor.
La reine se trouve beaucoup mieux : elle est presque rétablie.
Les officiers de la marine anglaise, qui ont pris part à l’affaire
de Bilbao , ont reçu de l’avancement.
— Le vicomte Melbourne , premier ministre, est sorti hier
pour la première fois depuis son indisposition ; il se trouvait en
voiture fermée.
— Lord John Russell , ministre de l’intérieur , a adressé une
circulaire à tous les membres ministériels de la chambre des
communes pour les inviter à être présens à l'ouverture du par-
lement fixée au 31 janvier, des travaux importans devant être
présentés immédiatement après l’ouverture de la session.
— Lady Morgan , célèbre par ses productions littéraires , est
cffectée d’un mal d’yeux très grave, résultant de la fatigue de sa
vue.
— De nouvelles pommes de terre ont été apportées en assez
grande quantité au marché de Londres de ces jours derniers ;
elles avaient été cultivées en plein champ.
— Une nouvelle lutte sanglante a eu lieu à Wexford , en Ir-
lande, à l’occasion d’une exécution forcée pour non paiement
des dîmes. Il y a eu des tués parmi les contribuables et parmi les
gens de la police.
— Un grand dîner réformiste a eu lieu jeudi à Bath ; le colo-
nel Napier, qui a prononcé le premier discours, s’est avoué ra-
dical décidé; il a exprimé ses regrets de voir M. O’Connell, son
confrère, avoir des opinions contraires aux siennes sur la loi des
pauvres en Irlande.
FRANCE. — Paris, 9 Janvier.
CHRONIQUE ET BRUITS DE SALON.
Meunier. — L’instruction de l'affaire Meunier marche toujours,
mais plus lentement qu’on ne s’y attendait. Depuis quelques
jours, Meunier n’avait pas subi d’interrogatoire. Hier, à deux
heures, il a été conduit chez M. le président Pasquier , où il est
resté jusqu’à près de six heures. L’instruction avait d'abord ré-
vélé une circonstance que l’on avait jugée importante, mais qui
semble avoir perdu beaucoup de sa gravité. Le 25 décembre ,
jour de Noël, Meunier avait passé la soirée chez une dame Fiée ,
en compagnie d’une ouvrière, d’un jeune homme nommé E... ,
commis d’un libraire du passage des Panoramas, et d’un troi-
sième individu. La soirée s’étant avancée en causant , on jugea
qu’il n’était plus temps de sortir ; et que ce qu’il y avait de
mieux à faire était de passer la nuit tous ensemble dans l’appar-
iement delà dame Fiée, ce qui eut lieu effectivement.
L’accusation avait cru pouvoir tirer parti de ces circonstances
et toutes les personnes présentes avaient été arrêtées; mais de
leurs confrontations et interrogatoires, non plus que des rensei-
gnements pris, il n’est résulté aucune charge, et il parait que ces
personnes ne tarderont pas à être mises en liberté. Le jeune E...
était allé dans la maison pour y chercher sa mère, qu’il n’y
trouva point, et tous ceux qui le connaissent, ont déclaré que
c’était un jeune homme doux et simple , qui ne s’est jamais oc-
cupé de politique; l’ouvrière travaillait dans la maison; enfin
aucun de ceux qui ont passé cette nuit chez la dame Fiée n’a
paru suspect; d’ailleurs , chacun avait dormi à part, et Meunier
était resté seul au coin du feu, occupé à lire la Jérusalem délivrée.
la majorité suivant la chronique de paris. — Pour résumer par
des faits la situation actuelle du ministère devant la chambre ,
nous allons poser les majorités diverses qu’il obtiendra dans les
scrutins , à raison des questions parlementaires :
1“ Sur la non intervention et la non-coopération en Espagne,
le ministère aura pour lui, y compris les voix de la droite , -45
voix de majorité.
2° Sur le bill d’indemnité à l’occasion du jeune Louis Bonaparte,
60 voix.
3* Sur le crédit supplémentaire pour l’expédition de Constan-
tine , 40 voix de majorité.
4° Sur la dotation du duc de Nemours et la dot de la reine des
Belges, la majorité est incertaine encore, parce que le tiers parti
n’a pas encore décidé s’il voterait contre une loi toute de famille.
5° Sur le budget, le ministère aura plus de 120 voix de majo-
rité, parce qu’il n’est qu’un petit nombre de députés qui se déci-
dent à refuser les subsides au gouvernement.
On passera donc ainsi la session, à moins d’incidens qui jettent
de la perturbation dans les affaires. Il y aura beaucoup d’irré-
gularités dans les votes , mais enfin la majorité restera en défi-
nitive au pouvoir.
M. Clausel. — Le maréchal Clausel ayant appris par les
journaux les propos et les calomnies dont il est l’objet de la
part des ministres , vient à Paris pour demander en pleine
chambre une enquête ; il est député et veut se faire entendre.
On cite de lui une lettre à un de ses collègues où il explique les
causes du mauvais succès de l’expédition de Constantine : « Rien
n’avait été préparé ; j’ai cru de mon honneur de beaucoup
hasarder, parce qu’il était plus honteux de rester en repos que
d’aller en campagne. Le mauvais vouloir des ministres a été
visible à tous les officiers. Tout le monde a fait son devoir , ex-
cepté ceux qui m’accusent, mais je veux leur répondre face à
face. »
MM. Thiers et Dupin et le chateau. — Les réceptions viennent
de s’ouvrir aux Tuileries, et l’on s’y presse plus que jamais. Les
petites réceptionsse resserrent de plus en plus ; dans les grandes,
les invitations sont fort étendues , mais les gracieusetés sont ré-
servées pour les serviteurs purs et sans mélange. L’année der-
nière , la gauche dynastique était déjà boudée; cette année, on
parle à peine au tiers-parti : MM. Dupin et Thiers ont dû s’aper-
cevoir que les temps étaient bien changés/
M. Thiers surtout est mis complètement à l’index. Maintenant,
le mot d’ordre du château , c’est qu’il faut l’abîmeret le perdre :
tout le monde s’est mis à l’œuvre. Il est bon de dire d’abord que
jamais M. Thiers n’avait plu à la partie intime et élégante du
château; ses formes étaient singulières! Il était sans grâces; tout
sentait le parvenu d’une lieue: on le souffrait, parce qu’il était
nécessaire ; aujourd'hui que cette nécessité n’existe plus, on le
dédaigne. 11 faut voir avec quel sourire méchant eldur on y ré-
pandait le bruit de la soustraction de pièces aux affaires étran-
gères. Le fait est vrai, quoique, démenti par les amis de l’ancien
ministre ; mais l’eût on ainsi traité du temps de son pouvoir?
C’est à qui racontera son anecdote au château contre M. Thiers:
on rappelle ses profusions, sa gestion aux travaux publics , d’où
il faut conclure qu’il ne peut plus être question de lui pour un
ministère. De son côté , M. Thiers a la rage au cœur: on parle
de certaines confidences et de certains papiers relatifs à la capti-
vité de la duchesse de Berri que l’on publiera au besoin, et qui
pourraient compromettre bien des secrets. M. Thiers ne veut,
dit-on, rien ménager; il est ramené à dessentimens patriotiques
par la colère. Un plaisant disait qu’il pourrait bien finir sa vie
au mont St-Michel tant il était prononcé pour les idées et les
principes de juillet !
le général séeastiani. — Voici venir le général Sébastiani un
moment enseveli sous les neiges. S. Ex, vient à Paris pour plu-
sieurs motifs. D’abord quand y a bruit d'une modification minis-
térielle, le général, si bon conseil, si bon ami, vient s’offrir,
ou comme porteur de paroles ou comme ministre à portefeuille,
car son zèle est à toute épreuve. Une autre cause l’appelle aussi
à Paris ; le général Sébastiani vient dire à M. Molé les griefs de
l’Angleterre , la colère de lord Palmerston qui vient éclater en
plein parlement et faire un grand scandale contre le cabinet fran-
çais ; l’ambassadeur vient s’entendre avec la cour pour conjurer
l’orage.
COUR D’ASSISES DU BAS-RIIIN
AFFAIRE DE STRASBOURG!.
Audience du 6 janvier.
L’ouverture de l’audience était fixée à neuf heures du matin. Quelques dis-
positions militaires ont été prises par l’autorité ; des sentinelles assez nombreu-
ses sont placées aux portes du palais de justice , et dans le jardin qui sépare
cet édifice de la prison ; des gendarmes et des sentinelles se trouvent égale-
ment dans la salle des pas perdus. Cependant, il n’a pas été fait de dévéloppe-
ment de forces txtraordiniares, et si une partie de la garnison est consignée dans
les casernes , l’autorité a cependant pris la sage précaution de ne laisser voir
au dehors aucune des mesures qu’elle peut avoir prises.
Le public, averti d’avance que la salle d’audience sera à peu près entière-
ment occupé par les avocats, les jurés et les témoins , et qu’il ne restera qu’un
très petit nombre de places disponibles, ne se presse pas aux abords de l’au-
dience ; cependant, dès que la salle est ouverte , le petit espace laissé au pu-
blic est envahi par la foule des curieux.
A neuf heures l’audience est ouverte. La cour se compose de M. Gloxin ,
conseiller à la cour royale de Colmar, président et de MM. de Kentzinger et
Moerien, l’un président, l’autre vice-président du tribunal de première instance
de Strasbourg.
Le siège du ministère public est occupé par MM. Rossée, procureur-général
à la cour royale de Colmar, Devaelx , avocat-général à la même cour, Gérard
procureur du roi et Cari, substitut du procureur du roi près le tribunal de
Strasbourg.
Les accusés sont placés sur le même banc , derrière celui des défenseurs ;
derrière eux se trouvent des gendarmes.
Le colonel Vaudrey est un homme de belle apparence , d’une figure noble
et martiale, il est revêtu de l’uniforme de colonel d’artillerie, Laity de celui de
lieutenant d’artillerie, de Querelles de l’uniforme de lieutenant d’infanterie.
Le commandant Parquin , de Gricourt et de Bruc sont en habits bourgeois.
Mmi' Gordon est mise avec beaucoup d’élégance : elle promène avec assurance
ses regards autour d’elle. Tous les accusés ont sur leur physionomie un air de
confiance et de calme.
Les défenseurs sont : MM. Ferdinand Barrot, du barreau de Paris , chargé de
la défense du colonel Vaudrey; M. Thieriet, professeur à la faculté de droit
de Strasbourg, chargé de celle do Laity ; M. Parquin, ancien bâtonnier du
barreau de Paris, de celle de son frère ; il est assisté par M. Martin, du barreau
de Strasbourg, qui est chargé aussi de la défense de Querelles. M. Chauvin-
Belliard, du barreau de Paris est le défenseur de Gricourt ; enfin M° Lichten-
berger, ancien bâtonnier du barreau de Strasbourg, connu par sa belle défense
du colonel Baron, et des officiers d’artillerie compromis pendant la restauration,
dans le complot de Strasbourg, est chargé de la défense de Mm« Gordon et de
M. de Bruc.
Dans l’enceinte de la cour, sur une table, sont étalés différens objets qui doi-
vent servir de pièces de conviction : une aigle, les ailes déployées, qui avait
été portée à la tête du 4° régiment d’artillerie, le 30 octobre, des sabres , des
uniformes, des épaulettes de différens grades.
Avant le tirage du jury, M. Ferdinand Barrot se lève et demande que, vu
la longueur des débats , la cour veuille bien s’adjoindre un quatrième juge ,
comme cela se pratique souventen pareille circonstance.
Le ministère public s’oppose à la demande de M. Barrot , et, après une dé-
libération assez longue , la cour rend un arrêt par lequel elle déclare qu’il n’y
a pas lieu à prendre la demande en considération.
A la reprise de l’audience , le président demande aux accusés leurs noms ,
prénoms , âge , professions et domiciles.
Les accusés présens sont:
1° Vaudrey, Claude-Nicolas, âgé de 52 ans, colonel du 4« régiment d’artille-
rie , officier delà Légion-d’Honneur, domicilié à Strasbourg ;
2° Laity, Armand François Ruppert, âgé de 27 ans , lieutenant au bataillon
de pontonniers , en garnison à Strasbourg ;
5° Parquin , Charles Denis , âgé de 49 ans, chef d’escadron de la garde mu-
nicipale , domicilié à Paris.
4° De Querelles , Ilenri Richard Sigefroid , âgé de 25 ans, lieuteuant en
disponibilité , domicilié à Nancy;
5° De Gricourt, Charles Emmanuel Raphaël, âgé de 33 ans , domicilié
à Paris ;
6° Eleonore Brault, veuve du sieur Gordon , âgée de 28 ans , artiste , do-
miciliée à Paris.
7° Frédéric de Bruc, âgé de 38 ans, chef d’escadron en disponibilité,
domicilié à Paris.
Les aecusés contumaces sont :
De Persigny , Joseph Gilbert Victor , âgé de 23 ans , sans profession , domi-
cilié à Paris ;
Lombard , Jules Barthélémy , ancien chirurgien des hôpitaux militaires ,
âgé de 27 ans , dumicilié à Strasbourg ;
Gros , Michel , Jean François Regis , âgé de 26 ans, lieutenant en second
à la 12« compagnie des pontonniers ,en garnison à Strasbourg ;
Pétry , Charles Philippe François , âgé de 25 ans , lieutenant en second à
la 6e compagnie du même bataillon.
Dupenhouat, Louis, âgé de 24 ans , lieutenant en second à la 4e compagnie
du même corps ;
De Schalier, André-Joseph Nicolas, lieutenant au 3<? régiment d’artillerie ,
en garnison à Strasbourg, âgé de 26 ans.
On procède au tirage du jury; le ministère public et la défense ont usé com-
plètement de leur droit de récusation. Le ministère public a fait neuf récusa-
tions et la défense 10.
Au moment où M. le président fait prêter serment aux jurée, le deuxiètu
juré dit qu’il ne comprend pas bien le français. Un interprète sera obligé da
traduire les débats en allemand, et il est à présumer, d’après cette circonstance,
qu’ils dureront quatre ou cinq jours de plus qu’on ne l’avait pensé d’abord.
Le greffier dunne lecture de l’arrêt de renvoi et de l’acte d’accusation. Cette
lecture , faite d’abord en français , puis en allemand, dure près de trois heures.
Après la lecture de l’acte d’accusation , M. le président s’adressant aux ac-
cusés , énumère les différentes charges qui pèsent sur chacun d’eux.
M. Rossée, procureur-général a la parole. Ce n’est pas un méfait où la
société est indirectement, intéressée que le jury a à juger , mais une tentative
de révolution militaire; c’est l’anarchie que les accusés ont voulu substituer
à l’ordre. La fréquence de ces attentats signale une dépravation dont il faut
arrêter la contagion. Il ne faut pas que la Fiance soit sans cesse troublée par
les machinations d’hommes pervers qui sacrifient tout à leur égoïsme. C’est à
vous, MM. les jurés , à prévenir le retour de pareils crimes.
En considérant l’immensité de l’entreprise , on est étonné de l’audaee de*
conjurés. Mais dans notre époque , l’intérêt et le calcul sont puissans , et
l’homme qui ouvre son cœur à de criminelles pensées, marche vite dans la
carrière du mal , les difficultés sont aplanies par son imagination insensée. II
est peu de crimes qui ne soient une aberration de l’esprit humain , mais c’est
au milieu du désordre des passions , qu’il faut appeler à son aide la raison qui
est une sauve-garde contre le mal.
Les accusés avaient longuement médité et combiné leur crime , ils n’ont été
arrêtés par rien ; et vous n’oublierez pas que si la rage des factions est impuis-
sante contre le trône , elle ne l’est pas contre le repos publie; elle peut rame-
ner parmi nous des scènes dedévastation et de carnage.
Les mots de complot , d’attentat ont retenti à nos oreilles. Cette partie do
notre vocabulaire pénal vous est sans doute peu connue, car avant l’événement
du 30 octobre, notre département n’avait été troublé par aucun fait semblable.
Les pensées échappent â la loi qui ne reconnait le crime dans les cas ordi-
naires, que lorsque l’exécution a suivi. Il n’en est pas de même dans les crime*
contre l’état. La répression ne doit pas attendre la tentative, car une tentative
heureuse aurait pour résultat d’empêcher toute répression.
Le complot se forme quand plusieurs personnes se réunissent pour un atten-
tat. C’est une espèce d’association qui a le renversement de l’état pour but.
Mais le complot est crime dès qu’il a été arrêté entre deux personnes, avant
toute exécution, avant l’attentat.
Avant 1832, le complot et l’attentat étaient punissable* des mêmes peines.
Il y avait là quelque chose d’immoral, car le complot n’est pas aussi grave qu®
l’attentat. Sous le rapport politique, l’assimilation était dangereuse , car les
conspirateurs devaient se hâter d’arriver au but, pour échapper à la peine.
La loi nouvelle a distingué : elle établit des peines correctionnelles pour un®
proposition non agréée. Le complot est formé , dès qu’il y a adhésion à la
proposition formée: c’est le second degré. S’il y a eu un acte pour préparer
l’execution , c’est le troisième degré du crime. Ainsi, la préparation seule de
l’exécution est un crime.
Ce sont ces observations nécessaires que le jury n’oubliera pas. La loi punit
et ne se venge pas. C’est dans ces inspirations et dans une conscience éclairée
que vous puiserez votre conviction, messieurs. Inflexibles pour le crime, in-
dulgens pour la faiblesse, vous saurez faire la part de chacun, et vous sortirez
de cette enceinte, emportant l’estime de vous-mêmes et celle de la société,
dont vous n’aurez pas plus trahi les intérêts que ceux des accusés.
Après ce court réquisitoire, M. le procureur a demandé qu’on procédât à
l’audition des témoins.
Le greffier fait l’appel des témoins, qui sont au nombre de quatre-vingt.
M. Raindre {Alphonse), 1er témoin, capitaine au 16* régiment d’infanterie
légère, âgé de 32 ans.
Mes rapports avec le princeLouis datent du mois de juillet. Vers le 15 juillet,
je fus averti par la famille du professeur Marnyer que M. de Franquevilie ,
membre de cette famille , se disposait à aller au-devant du prince Louis qui
devait passer à la frontière. Intime dans cette famille je vis dans cette excur-
sion une partie de plaisir. Nous allâmes à Offenbourg et passâmes avec le
prince une partie de la journée. Il ne fut nullement question de politique pen-
dant le dîner. On parla de sujets militaires de Tannée et de l’artillerie. Le
prince partit pour Raden et nous pour Strasbourg.
Le 7 août, je reçus la visite d’un jeune homme qui me présenta une lettre
signée du prince Louis , qui me parlait du désir qu’il avait de me revoir, et
m’engageait à me trouver le lendemain à cinq heures à Khel. Je répondis que
je me rendrais à l’invitation du prince. Je reconnus le valet de chambre du
prince dans cette personne. Le 8 , je me rendis à Kliel ; je ne prévoyais pas ce
qui m’avait fait appeler. Vers cinq heures, je vis arriver une carriole de louage
dans laquelle arriva un‘jeune homme que j’avais vu avec le prince à Offenbourg.
Le prince arriva bientôt, avec des airs mystérieux, qui me surprirent. Il ferma
la porte, laissa dehors son compagnon , et me dit: capitaine , je vous connais
peu, mais je crois avoir lu dans votre âme, tout ce que j’y cherchais, courage,
franchise et loyauté. Un mouvement militaire va éclater, mes amis ont pensé
à moi et je compte sur vous. Je fus plus étonné qu’épouvanté d’une telle ou-
verture. C’est une idée nouvelle , me dit-il, mais vous verrez qu’elle est réali-
sable. Je priai le prince de ne pas continuer ses confidences, je lui parlai de
mes sentimens politiques et de mes idées d’obéissance militaire. Il parut d’a-
bord décontenancé, mais il se remit bientôt, et me loua de ma franchise. J’e«-
sayai alors de lui démontrer son aveuglement; il me parut que le prince mé-
connaissait l’esprit de l’armée, qu’il croyait disposée à se rallier à lui, au nom
des souvenirs de l’empire. Je parlai dans un sens différent ; je fus même pres-
que sur dans ma manière de m’exprimer, lui disant qu’il était plus ignoré en
France que les Bourbons de 1815. Je vis qu’il comptait surtout sur la garnison
de Strasbourg, et que c’était là qu’il comptait faire son coup de main.
Je le quittai, croyant ses intentions peu arrêtées, et je ne pensai pas qu’il y
eût du danger à garder ce secret pour moi. Cependant, je crus devoir mettra
l’autorité en mesure d’agir en cas de besoin, Je pris la résolution de m’adres-
ser au commandant Franquevilie, aide-de-camp du général, pour ménagera
la fois ce malheureux jeune homme et la sûreté de l’Etat. Je partis pour Neuf«
Brisach après ma confidence. Le 17 à mon retour , le commandant me dit que
les agens du prince étaient venus à Srtasbourg, et avaient demandé une entre-
vue au général. Dès-lors j’ai cru , me dit M. de Franquevilie , devoir avertir lo
général de ce qui se passait.
L'accusé de Gricourt. Le prince m’honorait de sa confiance, et il m’a dit
que le capitaine Raindre avait témoigné un grand enthousiasme pour Tempiro
et un vif attachement pour sa personne.
M. le président. Cette observation est inutile, puisqu’aucun des accusés n®
se trouve compromis dans la déposition dn capitaine Raindre.
Me Chauvin BeUiard. Je ferai observer à la cour que, puisqu’elle a enten-
du avec complaisance la déposition du capitaine Raindre, elle doit çntendr®
également celle d’un ami du prince absent.
M. le président. Cette discussion est entièrement inutile, et je m’oppose à ca
qu’elle s’engage. La déposition du capitaine Raindre est celle d’un loyal mili-
taire , qui a fait son devoir , et auquel la cour s’empresse de donner ce témoi-
gnage public d’approbation.
M. Borrot demande s’il n’a point paru au capitaine Raindre , qu’à l’époque
de sa conversation avec le prince , celui-ci n’avait pas une idée très vague et
très confuse et une résolution très indéterminée de soulever la France. N’est-
il pas vrai que cette résolution ne paraissait pas arrêtée ?
Le témoin. Cela est vrai, et si le contraire eut été, au lieu de lui prendre la
main en le quittant, je lui aurais dit que je devais en loyal militaire, faire ma
confidence au général. Ce prince m’a paru uu jeune homme très exalté, et ce
n’est qu’après avoir réfléchi deux jours , pendant lesquels j’ai été malad»
d’anxiété, nue j'ai cru devoir faire ma confidence, dans la crainte des suites
que pourrait avoir l’exaltation du prince pour le repos du pays.
M. de Franqueviliey 2° témoin , âgé de 48 ans , lieutenant-colonel d’élat-
major.
Le 14 août, au soir, le domestique du général vint me chercher. Arrivé chez
lui, le général me montra une lettre du prince, à laquelle il me chargea de ré-
pondre, qu’il connaissait les lois du pays , qui exilent la famille Bonaparte ,
qu’il obéirait à ces lois , et qu’en conséquence il ne pourrait se rendre à aucun
de ses désirs , ajoutant que si le prince lui-même venait à Strasbourg, il ne lui
laisserait qu’un quart d’heure pour s’en retourner. Le témoin accompagna en-
suite le général jusqu’à la porte du préfet ; le général allait dire au préfet qu’il
était nécessaire d’exercer à ce sujet une surveillance active , surtout sur le*
personnes revenant de Bade.
D. Veuillez nous rendre compte de la confidence que vous a faite le capi-
taine Raindre. —- R. le 11 ou 12 août , il vint éploré à la maison , me dire
qu’il avait reçu du prince une lettre qui l’invitait à se rendre à Kehl. Le té-
moin raconte les faits tels que le capitaineRaindre les a déposés.
Il est 3 heures et demie , l’audience est levée.
Audience du 7 janvier.
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L’audienco est ouverte à neuf heures. Une foule nombreuse se presse aux
abords de la salle et s’y précipite dès que les portes s’ouvrent.
Les accusés sont introduits.
M. Geslin, 3° témoin est absent.
M. le président. Gendarmes , faites retirer tous les accusés , excepté le
colonel Vaudrey. — 1). Vaudrey , à quelle époque antérieure au 30 octobre ,
avez-vous connu les co-accusés ? — R, Je n’ai connu avant que Mme Gordon.
1). A quelle époque , où et par qui avez-vous reçu les premières coufi-
R
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