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s'y découvre le travail d’un chercheur opiniâtre, dont l’esprit n’est
pas tourmenté par la recherche de la bizarrerie, mais bien par la
pensée d’une ligne vraie, d’une forme pure et serrée, de l’esprit
architectonique enfin.
Voilà ce que nous croyons de cette œuvre que Vredeman-De
Vries eût signée des deux mains.
Il paraît que, non-seulement nous ne sommes pas
d'accord avec l’honorable correspondant du journal
dont nous avons combattu les affirmations, mais il
parait même que nous ne sommes pas d’accord, mais
pas du tout, avec le public belge.
Du moins, c’est ce que nous lisons dans la Revue
nouvelle de l'Industrie et des travaux publics qui, par
parenthèse, trouve commode de reproduire nos docu-
ments par la photolithographie, mais a négligé jus-
qu ici de remplir cette simple formalité polie de nous
demander si nous n’y voyions aucun inconvénient.
Donc, voici ce que dit à propos de la Maison des
Chats et de notre article le journal que nous venons
de citer :
Il est incontestable que le style de cette architecture a été com-
pose par M. Beyaert, mais il est incontestable aussi qu’il a fait une
œuvre bâtarde ; ni flamande, ni renaissance, ni classique, ni même
néo-flamande.
Voyez-vous ce M. Beyaert qui, à lui tout seul, et
sans façon compose un style d architecture et qui pro-
mène si bien son crayon et son tire-ligne sur le papier
qu’il crée une œuvre qui n’est ni flamande, ni etc...
(Voir ci-dessus). !!!
Mais chère et honorée Revue, faites-nous, je vous
prie, la charité de nous dire ce qu’elle est alors ; car
je ne voudrais point douter de vos connaissances
archéologiques et architectoniques jusqu’à croire que
parmi tous vos ni vous comprenez encore les ni gothi-
que, ni romane, ni bysantine, ni....
Votre pensée est donc bien que M. Beyaert a donné
à son œuvre un caractère original, qui n’appartient
pas exclusivement à tel ou tel style, à tel ou tel genre
d architecture ; voilà bien, évidemment, comment vous
entendez votre « il est incontestable que le style de
cette archiecture a été composé par M. Beyaert.
C est bien comme cela que nous le comprenons
aussi, et si vous vouliez bien relire (attentivement
s’il vous plaît) le 4e paragraphe de notre notice,
vous verriez qu au fond notre pensée se rapproche de
la vôtre et que, nous osons le dire, elle est plus exac-
tement exprimée.
Reste de votre première réflexion ce vilain mot de
bâtarde que vous attachez comme un boulet ignomi-
nieux à l'œuvre de M. Beyaert. — Ce mot com-
prend le croisement, la combinaison de deux types,
et vous les ni...ez tous, surtout ceux qui, seuls, au-
raient pu produire le ni l'un ni Vautre que nous
analysons.
Serait-ce dont un crime, ô Revue nouvelle, que
de créer une œuvre aussi parfaite que possible
en empruntant aux diverses phases de l’art les
pensées architectoniques les plus vraies ; mais à
ce compte-là vous condamnerez l’art roman et la
lenaissance parce que selon vous ces deux époques
de l'architecture vous rappelleront l’art byzantin et
le classique, parce que ces arts ne sont, en quelque
sorte,.... pour employer votre expression, que des
styles bâtards, si I'on s arrête à ce principe étroit
des origines et des ressemblances.
Mais continuons la lecture des quelques lignes que
la Revue a cru devo ir imprimer à propos de la Maison
des Chats :
» Cependant l’œuvre eût été presque parfaite si l’auteur ne
s'étau pas laisse aller à accuser trop le style flamand dans le
pignon de son édicule, ce qui produit un contraste avec le sur-
plus de la composition, et surtout si les défenseurs de
. Beyaert n avaient pas tenu à voir dans sa conception une com-
position flamande incontestable.
Cette dernière phrase nous a plongé dans un im-
mense désespoir. Eh quoi! nous défendons l’œuvre de
M. Beyaert contre des détracteurs à parti pris, et
voilà que chacun de nos arguments enlève l’une des
brillantes qualités de cette conception qui, sans notre
malencontreuse intervention, eût été presque parfaite
nous dit la Revue nouvelle.
Mais voici une affirmation qui nous a complètement
déridés : « la donnée de cette maison, jusqu à l'enta-
blement, paraît avoir eu pour maman la façade du
Petit Journal à Paris. » Tous ceux qui connais-
sent cette façade, qu’un journal français : le Monde il-
lustre, a publiée, hausseront les épaules à cette
accusation. Revue nouvelle, nous vous répéterons,
simplement : A beau... jaser qui vient de loin fl) !
(1) Il faut être aveugle ou bien il faut ne point connaître l’une ou l’au-
tre des deux constructions pour trouver entr’elles quelque ressemblance,
quelqu'analogie. Nous ne commenterons pas cette façon odieuse de jeter
le discrédit sur un artiste.
Tout le monde peut s'en assurer, d'ailleurs. Le Monde illustré pu-
blie fréquemment, à sa 4º page, une annonce contenant les conditions
d'abonnement au Petit Journal. Cette annonce est toujours précédée
d'une petite planche gravée donnant la façade de l'hotel construit par ce
journal français.
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Notre estimable consœur termine en disant : déjà le
public belge a moralement réformé le jugement de la
Commission.
C est sans doute parce que le public a l’engouement
de quelque bonne farce architecturale, que la Revue
nouvelle critique d’une façon si persistante l’œuvre de
M. Beyaert ; notre consœur ne devrait pas oublier
cependant que le meme public s’est follement épris de
la Bourse de Bruxelles, tant aimée des Français :
oserait-elle encore suivre l’opinion publique dans
cette circonstance.
Revue nouvelle, n’oublions pas, je vous prie, que
notre destin commun est, non pas de suivre l’opinion
publique, de nous laisser entraîner par le courant,
mais de réagir avec force, avec énergie ; que nous
devons former l’opinion du public et non accepter et
enregistrer ses arrêts.
Otez du public belge tout ce qui est artiste — tout
ce qui y est intéressé — et tout ce qui reste de ce public
sera peut-être de votre avis : les autres sont du nôtre.
Ce qu’il y a de plus incroyable dans cette polé-
mique, c’est cette affirmation que le public belge
condamne le jugement de la Commission ; ce qu’elle
contient de plus... drôle, c’est cette déclaration : « la
façade du Petit Journal a servi de maman à la maison
des chats. ,, Mais ce qui dépasse toute mesure c’est cet
autre journal, belge celui-là, qui prend le parti de
dénigrer quand même les œuvres d’artistes belges et
qui déclare que « la Maison des Chats est une copie
naïve d’un pignon de Vredeman de Vries. «
Il ne suffit pas d’affirmer, M. X..., il faut prouver ;
et 'Émulation, qui veut avant tout la vérité et qui a
horreur des paroles légères et de la blague, s'engage
à publier le pignon de Hans Vredeman de Vries copié
par M. Beyaert, quand il vous plaira de le lui com-
muniquer.
Pour finir, une dernière réflexion. D’après le jour-
nal de province auquel nous avons répondu, M.
Beyaert a copié un pignon de Vredeman de Vries ;
d’après la Revue Nouvelle la façade du Petit Journal,
à Paris, a inspiré M. Beyaert.
Or, deux choses ressemblant à une même troisième
se ressemblent entr’elles ; donc : la façade du Petit
Journal à Paris est une copie du pignon de Vredeman.
Vredeman de Vries, le flamand ! copié à Paris !
Si c’est là ce qu’il fallait démontrer, qu’en dites-
vous, Revue Nouvelle ?
Et voilà comment on fait de la critique d’art !
____________________________ E. A.
Concours ouvert par la Société
Centrale d’Architecture.
La Société Centrale d’Architecture de Belgique
organise un Concours auquel tous ses membres : effec-
tifs, correspondants et honoraires sont appelés à
prendre part.
Le programme, que nous publions ci-dessous, sera
rigoureusement suivi par tous les concurrents, sous
peine de se voir exclus du concours. — Les envois
. seront adressés à M. le Président de la Société, rue
de la Concorde, 27, à Ixelles, avant le 31 Août pro-
chain à 8 heures du soir ; ils ne seront ouverts que la
veille du jour fixé pour le jugement; cette date sera
donnée dans notre prochain numéro.
Chaque projet, convenablement enveloppé, sera
accompagné d’un billet indiquant le nom et l’adresse
du concurrent ; ce billet sera mis sous un pli cacheté
qui portera la devise ou la marque que chaque concur-
rent posera sur ses dessins.
Les feuilles composant les projets qui nous seront
adressés ne porteront aucune signature ni rien qui
puisse en faire connaître les auteurs.
Le Jury se composera de trois membres d'honneur
de la Société auxquels seront adjoints deux architectes
habitant Bruxelles. Ces deux derniers seront désignés
par les concurrents : à côté de la devise que portera
le pli cacheté dont il est parlé ci-dessus, chacun d'eux
écrira les noms des deux personnes qu’il jugera conve-
nable de désigner. Cela fait, ce pli sera mis dans une
seconde enveloppe portant l’adresse de M. le Prési-
dent de la Société et la devise ou marque du projet
qu’il accompagnera.
La nomination de ces deux membres du jury a
donc lieu par voie d’élection ; en cas de parité de voix
il sera procédé au tirage au sort des membres à
désigner.
La Société Centrale ne se charge point des frais de
transport ; elle surveillera les projets pendant la durée
de leur dépôt, mais n'assume aucune responsabilité.
M. le Président donnera reçu des projets qui lui
seront présentés ; ces projets devront être réclamés
endéans les 3 mois qui suivront le jugement du con-
cours ; les projets primés pourront seuls être retenus
si la Commission du Journal décidait leur publica-
tion ; dans ce cas les auteurs desdits projets seraient
immédiatement informés de la décision de notre admi-
nistration et du délai qui nous serait nécessaire pour
la publication.
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Primes : Il sera décérné trois primes : la
lre de 250 fr. 2e ,, 150 ,, 3e ,, 100 ,,
UNE ÉCOLE GARDIENNE POUR LES DEUX SEXES.
Cet édifice sera construit sur un terrain enclavé longeant une
rue de 15 mètres de largeur.
La longueur du terrain sera de 50 mètres ; la profondeur aura
75 mètres.
La construction comprendra :
L’habitation de la Directrice ;
id. du Concierge ;
Deux préaux pour les élèves ;
Les bâtiments des classes ; (Voir la note ci-dessous).
Uu vestiaire pour chaque classe ;
Un lavoir commun ;
Des lieux d’aisance et des pissoirs.
Les bâtiments destinés aux classes n’auront qu’un rez-de-
chaussée et seront disposés autour d’une cour centrale.
Ils ne pourront longer la rue afin que le bruit du dehors ne
vienne distraire les études.
Des galeries ouvertes permettront l’accès aux classes et seront
établies de façon à ne pas intercepter l’air et la lumière des
locaux occupés par les élèves.
Les classes seront éclairées de deux côtés pour permettre une
ventilation très-active pendant la suspension des cours.
Le chauffage et la ventilation seront connexes.
Le chauffage des classes se ferait au moyen de calorifères dis-
posés dans les souterrains.
Les appareils de chauffage seront établis de telle façon qu’ils
serviront en même temps à l’extraction de l’air vicié.
L’habitation de la Directrice comprendra un rez-de-chaussée et
un étage. Outre les divers locaux nécessaires à toute habitation,
un parloir devra être enclavé dans cette partie de la distribution
du plan.
Les lieux d’aisance, dans la proportion de un pour 25 élèves
ainsi que les pissoirs, seront construits de telle façon qu’une sur-
veillance permanente et efficace puisse être exercée sur ces
dépendances.
La façade principale à exécuter en matériaux apparents sera
traité dans le style de la renaissance flamande.
On demande le plan du rez-de-chaussée, la façade principale et
une coupe sur la longueur, le tout à l’échelle de 0,01 pour mètre.
N. B. Les concurrents remarqueront que le nombre d’élèves n’est
pas déterminé ; l’auteur du programme a voulu laisser à l’imagination
des concurrents toute la liberté désirable ; il faudra donc tâcher de placer
le maximum d’élèves, dans les meilleures conditions d'hygiène possibles.
NOS EXCURSIONS
L'Hôtel-de-Ville de Bruxelles que notre Société a été admise
à visiter au mois de Mars dernier, est de tous les édifices de
notre Capitale, celui qui a le plus d’importance au point de vue
de son caractère et de son style architectural.
Il se présente sous la forme d’un vaste carré isolé entre trois
rues et une place publique.
Sa façade traitée en style ogival fleuri est d’une harmonieuse
élégance de profils et d’une riche ornementation; elle se compose
d’un rez-de-chaussée et de deux étages.
Le rez-de-chaussée est bordé d’un portique de dix-sept arca-
des ogivales, qui supportent une plate-forme garnie d’un parapet
ou balustrade, formé d’un mur plein ; c’était de cette plate-forme
où bretèque que se publiaient les lois.
Les deux étages présentent trente-huit fenêtres carrées et
ogivales divisées par des meneaux ; une partie de ces fenètres
sont encadrées chacune d’un arc ogival trilobé.
Chaque angle de l’ancienne partie de l’édifice est flanqué d’une
tourelle octogone entourée de trois balustrades étagées et
couronnées d’une aiguille en pierre.
La porte placée sous la tour est couverte d’un arc en ogive
évasée, flanqué de deux contreforts ornés de pinacles à voussures
et chargés de dais.
Quoique la façade ait partout la même élévation et semble
bâtie , sur un plan uniforme, l’aile à droite de la tour, de con-
struction plus récente, diffère essentiellement de l’aile opposèe
par ses ornements et le style de son architecture.
Le portique à l’aile gauche est couvert d’une voûte ogivale à
nervures croisées, et ses arcades retombent sur de simples pieds
droits en forme de piliers butants, tandis que les arcades de l’aile
droite, beaucoup plus évasées, portent une voûte divisée en
compartiments prismatiques et reposent sur des pilastres carrés
alternant avec des colonnes cylindriques à chapiteaux historiés
Au-dessus de la porte voûtée qui débouche dans la cour cen-
trale, s élance à une hauteur de 114m (environ) une tour
admirable, découpée à jour, chef-d’œuvre d’élégance, de hardiesse
et de légèreté. — La partie inférieure a quatre étages dont les
deux derniers sont percés chacun de deux fenêtres à jour, hautes
ogivales et divisées par des meneaux. — Plus haut, de carrée
elle devient octogone et présente trois étages surmontés d’une
pyramide; trois rangées de huit fenêtres à jour et trois galeries
garnies de balustrades; à ses angles sont placés des clochetons
de diverses grandeurs. — L’habileté du constructeur se montre
surtout dans la pyramide à jour qui supporte le couronnement de
la tour et dans laquelle tournoie un escalier à peine soutenu dans
les airs.
Au sommet de cette flèche admirable est posée la slatue colos-
sale de saint Michel, patron de la ville.
L ordonnance des façades latérales de la partie ancienne de
l’Hôtel-de-Ville est la même que celle de la façade antérieure,
excepté qu’elles n’ont pas de portique au rez-de-chaussée, elles
se terminent par des pignons découpés en créneaux. La partie
postérieure est de style moderne et n’a qu’un seul étage, mais ses
formes massives ne manquent pas de grandeur et contrastent
singulièrement avec la délicate élégance du bel édifice dont le
XVe siècle a doté Bruxelles.
La partie intérieure de l’édifice ayant subi successivement des
modifications considérables, n’a conservé, de la construction pri-
mitive, rien qui mérite d’être mentionné et devient par cela même
de bien moindre importance.
Au rez-de-chaussée et au 2me étage une suite de corridors
donnent accès aux différents bureaux de l’administration
Au 1er étage seulement nous avons visité quelques places plus
intéressantes; entre autres la salle où se tiennent les réunions du
Conseil Communal. Elle est richement décorée en style Louis XIV;
l’ovale du plafond contient une belle peinture représentant l’as-
semblée des Dieux, peinte par Janssens et les parois des murs
sont garnis de vrais tapisseries flamandes. Ensuite la Salle des
mariages qui contient des boiseries artistement travaillées et
rappelant le caractère de sa façade. De là nous débouchons sur
une belle cage d escalier qui est de construction toute récente et
qui nous conduit à la cour centrale.
Nous ne terminerons pas sans exprimer toute notre reconnais-
sance à M. Jamar, architecte de la ville, pour l’obligeance avec
laquelle il nous a guidés dans cette visite du magnifique édifice
si habilement restauré sous sa direction. |