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L'ÉMULATION
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PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
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D’ARCHITECTURE
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DE BELGIQUE
-déposé- BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES -déposé-
— 7 —
— 8 —
— 9 —
Bruxelles, Février-Avril 1880.
SOMMAIRE
Avis. — L'architecture contemporaine. Ernal. — Cor-
respondance. — Nos planches. —Concours de la Société
centrale d'Architecture.
AVIS
Pour répondre au désir d’un grand nombre de nos abon-
nés, nous publierons chaque année trois ou quatre planches
en plus. Le texte sera modifié et ne comprendra plus que six
ou huit feuilles (soixante colonnes environ), paraissant irré-
gulièrement, c’est-à-dire quand il sera nécessaire pour rendre
plus opportuns les articles et surtout les annonces de con-
cours, leurs programmes, les comptes rendus d’exposition, etc.
Le bordereau de prix complet paraîtra comme précédem-
ment avec la cinquième ou la sixième livraison.
L'Architecture contemporaine
Ce n’est probablement pas la dernière fois que
nous adopterons ce titre pour nos études d’art
architectural; combien de questions ne renferme-
t-il point et combien de considérations ne naissent
que de ce titre.
Aussi longtemps que nous nous trouverons dans
cette sorte de chaos produit par les préférences des
artistes, préférences qui les ont même amenés à se
partager en groupes, aussi longtemps que nous ne
seront point sortis de l’ornière qui nous tient dans
une direction en quelque sorte absolue lorsque
nous nous y sommes engagés, il faudra que nous
examinions l’architecture contemporaine en cher-
chant ses origines et ses tendances.
D’une part, nous nous trouvons en présence
d’adeptes convaincus de l’art architectural de la
Renaissance; d’autre part, nous rencontrons les
disciples fervents des maîtres de l’œuvre du moyen
âge. Ces deux groupes ont pris pour programme
l’art national.
A côté de ces deux groupes, il en est un troisième
qui demande à l’antiquité l’inspiration et lui em-
prunte le goût d’Ictinus, de Palladio et de Vitruve.
Les premiers comme les derniers s’enferment
dans la tradition ; ils puisent dans le passé le carac-
tère, les proportions et jusqu’aux détails. La plu-
part, enthousiastes de l’expression de telle période
de l'art architectural, s’y enferment d’une façon
absolue, et se laissent aller jusqu’à l’exclusivisme.
Les premiers, fatigués de la tradition à laquelle
on a donné le nom de style Louis XVI, et, non sans
raison d'ailleurs, dédaignant le genre Louis XV,
n ont pas hésité à remonter les uns jusqu’aux tra-
ditions du xvne siècle, les autres jusqu’au xve et
même au xive siècle.
Les uns se sont arrêtés aux conseils du grand
Rubens, ils ont compris ce qu’a de fantaisie, d’im-
prévu et de pittoresque l’art de la Renaissance, et
leurs maîtres favoris sont Vreedeman de Vries et
ses émules.
Les autres, depuis la publication des admirables
ouvrages sur l'art ogival, se sont pénétrés de la
richesse, de la poésie des belles époques du style
gothique. Ils s inspirent des Van Ruysbroeck et des
Leyens.
Les derniers, profitant des travaux de Blondel
et des contemporains du grand artiste français de
la fin du siècle dernier et du commencement de ce
siècle, ont été pénétrés de la grandeur, de la
noblesse de l’art romain, et ils ont remonté jusqu’à
la grande tradition des Grecs.
*
**
Il semble que nous nous trouvons en présence
d’un grand travail archéologique et, en effet, au
milieu de ces ardents efforts dans la recherche des
grands principes et des véritables traditions, toute
tendance architecturale est à peine entrevue; s’il
s’en produit une, elle n’a guère qu’une durée éphé-
mère : l’originalité, le caractère personnel dispa-
raissent peu à peu pour faire place à la volonté de
faire du style pur qui amène, ceux même les mieux
doués, à une sorte d’archaïsme.
Les uns reproduisent, ou à peu près, les éléments
et jusqu’aux détails les plus infimes de l’hôtel de
ville de Leyde, de la boucherie de Harlem, de nos
anciens et remarquables béguinages, etc.
Les autres s’inspirent des rares vestiges de l’ar-
chitecture civile et religieuse du xiiie au xve siècle,
et ne composent guère que le dictionnaire de
Viollet-le-Duc ouvert devant eux.
Les classiques, eux, prendront Stuart, Hittorf,
le Vignole, et se feront scrupule de modifier d’un
quart de partie les proportions données par les
anciens, non-seulement aux grands éléments, mais
encore aux subdivisions les moins importantes de
chacun d’eux.
En général, les architectes contemporains ne
composent guère que l’esprit pénétré d’une sainte
terreur pour la loi et ses prophètes.
-
* *
Et cependant nous sommes tous d’accord aujour-
d’hui qu’il n’y a point de règles en architecture.
Pourquoi donc nous astreindre à n’employer que
le tiers-point et les formes sobres, parce que c’est
un anachronisme d’introduire dans la même com-
position l’accolade et les meneaux aux dessins
capricieux !
Pourquoi donc être toujours tourmenté par ce
fantôme qui nous hante et nous présente sans trêve
les pignons aux lignes heurtées, aux enroulements
énormes, aux frontons brisés que nous avons vus
dans nos voyages d’étude.
Et enfin, pourquoi avoir toujours dans l’esprit les
chiffres fatidiques, un module, six diamètres, un
module trois parties et demie! Et se violenter la
mémoire des périptères, dyptères, monoptères,
exastyle, distyle, et que sais-je !
*
* *
Nous avons beau faire, tout cela n’est pas nous.
Les œuvres ainsi conçues peuvent être belles, très-
belles, mais cela ne nous offre jamais que l’impres-
sion d’une réminiscence, et nous nous posons tou-
jours la même question :
Où diable ai-je déjà vu cela?
Nos édifices, nos habitations, et, ma foi, notre
costume, ne sont guère que des exhumations. Et la
science, les idées, tout marche, tout semble entraîné
dans un grand mouvement ascensionnel, dont le
but est la perfection et dont chaque instant marque
un progrès.
En peinture, il y a progrès considérable dans le
moyen, l’exécution.
En musique, nous avons déjà celle de l’avenir.
En architecture, nous sommes l’antiquité, le
moyen âge et la renaissance. Nous avons tout
fouillé, tout compulsé ; nous avons disséqué l’œuvre
de chaque époque, lui demandant et l’origine et
la tendance de la pensée qui a présidé à sa concep-
tion.
Nous avons un superbe bagage, notre mémoire
est riche, bourrée de faits, de principes et d’élé-
ments.
Pourquoi ne ferions-nous pas un peu d’imagina-
tion, armés comme nous le sommes ? Pourquoi ne
chercherions-nous point à passer tous les faits
acquis au creuset de la discussion, afin de prendre à
chaque époque ce qu'elle a eu de mieux, les prin-
cipes les plus vrais.
C’est là de l’éclectisme, me dit-on. Et pourquoi ne
serions-nous pas éclectiques? Il y aurait progrès,
puisque c’est le seul moyen de provoquer la transi-
tion indispensable.
Nous sommes arrivés à ce moment où le devoir
est de montrer que nos études n’ont point été
superficielles.
Nous sommes assez maîtres de l’art du passé
pour conserver aux édifices que nous restaurons
ou que nous complétons, l’harmonie et l’unité que
notre sentiment du beau réclame de toute œuvre
d’artiste.
Faisons donc comme le mathématicien : servons-
nous des connues pour dégager l’inconnue.
Et cessons quelque peu d’être archéologues pour
redevenir architectes. Ernal.
CORRESPONDANCE
Monsieur le directeur du journal l'Émulation.
Monsieur,
Le Moniteur et toute la presse ont publié le rapport de
la Commission, chargée d’élaborer le projet du Panthéon
national. La conclusion constate qu’à l’unanimité des mem-
bres, le style grec a été adopté.
Rassurez-vous, Monsieur le rédacteur, je n’ai pas l’inten-
tion de disserter à ce sujet, en faveur de l’architecture
nationale. Je n’ignore pas, car vous l’avez dit (n° 5, p. 27)
« que la Renaissance flamande n’est pas un art national '' , de
plus “ qu’il est parfaitement connu de tous les architectes,
que le style est sans grandeur ,, (p. 29).
Fragilité des choses humaines ! Il y a deux ans à peine,
Paris conviait l’univers à son exposition, et le monde entier
s’y rendait et acclamait un spécimen de cette architecture.
Je crois même, qu’on alla jusqu’à lui accorder une première
médaille d’or ! !
Mais, vous êtes venu, Monsieur le rédacteur; grâce à
votre bienveillante initiative, à votre sagacité, la vérité est
apparue.
Me voilà convaincu. Et, ainsi que vous, je suis tenté de
dire que l’architecture doit revêtir un caractère qui convient
à notre climat, à nos idées, à nos mœurs, à notre tempéra-
ment (p. 26).
Je le dirai, mais cela ne suffît pas, il faut le démontrer.
Or, dois-je vous l’avouer, je ne possède ni votre érudition,
ni le charme de votre parole entraînante, ni la force de votre
dialectique. Je me sens même, pour tout vous dire, quelque
peu tremblant, alors que je vous invoque au nom de la vérité.
Sans m’être adonné aux chefs-d’œuvre d’Euripide, de
Polybe, de Pline ou de Pausanias, ni m’être aventuré dans
les chemins ensoleillés de Mantinèe, de Sparte ou d’Athènes,
je n’ignore pas, que plus de deux mille ans ont changé la
patrie de Démosthènes et de Pèriclès. Et, si quelque hasard
vous y mène, si quelques rêveries vous transportent vers les
mémoires vénérées, et vous retracent leurs mœurs, leurs
usages, leurs coutumes, vous faisant entrevoir et la vie
publique ou les charmes de quelque Aspasie, un réveil aussi
brutal que certain vous attend.
En vain chercherez-vous la splendeur de leurs temples ! Plus
d’Agora où retentit la logique sévère de quelque Thucydide.
Une salle, de huit à neuf mètres de côté, bien chauffée, bien
aérée, système G... ou consorts, le remplacera. Quant au
Thucydide, un Zoïle quelconque, mais diplômé, en tiendra la
place, et vendra au British Muséum les frises de Phidias.
Aussi, Monsieur le rédacteur, je ne pense pas qu’il soit
question en Grèce d’élever un monument en style grec.
Leurs mœurs, leurs usages, leurs idées s’y opposent.
En serait-il autrement en Belgique? Et en supposant que
nous possédions les mœurs de la race hellénique, (quatre ou
cinq siècles avant Jésus-Christ), notre climat nous permet-il
d’élever leurs constructions? Leurs formes, plus que celles
des architectures qui prirent naissance en Belgique, corres-
pondent-elles à nos matériaux ?
Telles sont les questions que je voudrais voir traiter par
votre plume autorisée. Je sais que l'Émulation, organe libre
créé en vue de défendre la grande cause de l’art, accueille
toutes les idées, les défend, les discute, les réfute, selon ses
convictions. Ses jugements peuvent paraître sévères, mais le
public n’en suspecte point la sincérité, car elle sait aussi
louanger, et dernièrement encore elle proclamait : “ l’origi-
nalité, l'imagination, la science, qualités saillantes d’une |