Full text |
Itc, Précurseur
Etat général des émigrants partis dn port d’Anvers pendant l’exercice 1846
rendu une seconde fois au campde Saldanha, est revenu, le 16, à Lis-
bonne. Les billels de la Banque de Lisbonne subissent toujours une
très forte dépréciation;!'escompte snrces billets est à 20 p. c Lisbonne
est tranquille. La cour n’a pas quitté le palais des Necessitardes.
NOMS DES
NUMÉRO
ÉPOQUES
DU DÉPART
NOMBRE
DESTINATION
PAVILLON
NOUVELLES D’IHLAVUE.
On écrit de Dublin le 25 décembre , un air d’abattement règne au-
jourd’hui parmi toutes les classes de la société. Les rues sont encom-
brées de malheureux qui pleurent de faim ; mais ces misères ne sont
rien en comparaison de celles dont les lettres reçues de l’ouest appor-
tent le triste récit Enlr’aulres détails voici ceux que publie la Consti-
tution de Cork d’hier :
Dunmanway, lundi soir.
« Je vais vous donner quelques détails sur les scènes dont j’ai en-
tendu parler ou dont j’ai été témoin moi-même La détresse qui règne
ici déchire le cœur. Elle est au-delà de toute description. Eu entrant
dans la ville de Dunmanway; dimanche, j’ai rencontré quatre cadavres
qu’on perlait au cimetière; à Skiberren la principale occupation des
hommes valides est de creuser des lombes. Les menuisiers ne suffisent
pas en travaillant nuit et jour à fournir assez de cercueils pour les de-
mandes.
En quittant Skiberren j’ai passé à Abbeystrowry, j’ai vu dans le ci-
metière deux cercueils attendant la sépulture. Mais c’est à Ballydehob
que m’attendait le plus triste spectacle. La mort est là dans chaque de-
meure. Ces paysans que l’on nommait les plus beaux paysans du
monde ne sont plus que des squelettes. A Skull, dans le voisinage sur
une population de 18,000 habitants, il meurt 10 personnes par jour.
Hier on en a enterré 15 La misère est si grande que l’on ne peut four-
nir des cercueils aux morts. Ou les dépose en terre enveloppés d’un
grossier suaire. Il en est de même à Killloe et à Kilmse. Toute celte
populatiou naguère si vigoureuse est énervée par le besoin et les pri-
vations. Il y a 2 jours, une famille de 8 personnes n’ayant rien à met-
tre sous la dent a dévoré un chien. Dans l'ile de Dursey, près de la côte
la mortalité est aussi effrayante.
— M. Smith O’Brien accusé viollemment par M O’Connell et par les
journaux qui lui sont dévoués d’être cause de ce que la scission entre
les deux fractions du rappel se prolonge,vient d’adresser au révérend
M Milery une longue lettre dans laquelle il énumère les motifs qui l’a-
vaient décidé à entrer dans l’association du rappel et ceux qui l’ont
forcé à s’en retirer puis il termine par la conclusion suivante :« Ayant
maintenant achévé le récit de la part que j’ai prise au mouvement du
rappel et passé en revue la politique générale de ce mouvement j’ajou-
terai au sujet de l'imputation que ma conduite a été dirigé par le désir
de me mettre à la tête du mouvement, que j’aurais volontiers continué
de suivre M O’Connel s’il avait continué à marcher dans la voie qui
devait nous mener au but, c’est-à-dire nous faire obtenir une législa-
ture nationale, mais, je ne suis pas obligé de le suivre lorsqu’il s’é-
carte de cette voix. Le but de ma vie politique est de concourir au
bonheur de mon pays en lui assurant des institutions nationales.
Je me placerai sous laconduilede tout homme qui me mènera à ce
résultat, que cet homme soit M. John O’Connell ou M. Duffy ; mais, je
ne suivrai jamais un chef capable de passer un compromis avec le
parti anglais ou d’encourager ses adhérents à vendre leur patriotisme
pour une place. »
Un journal de Limerick publie le compte des recettes et des dépen-
ses de l’association du rappel. Les recettes s’élèvent à 13.4000 liv.. les
dépenses libellées à 101,000 liv. seulement, reste un solde de 33.000 liv.
ou 825,000 fr., qu’au dire de ce journal M. O’Connell aurait appliqué à
d’autres objets qu’à ceux de l’association.
— Un spéculateur a eu l’idée de se rendre à Carlow (Irlande) et d’y
vendre des armes à l’encan. La Sentinelle de Carlow dit, que l’empres-
sement des acheteurs la plupart gens de la campagne était tel que 500
fusils et 1000 paires de pistolets ont été enlevés.
d’émigrans
NAVIRES
CAPITAINES,
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50
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136
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53
63
1
3 janvier.
Talisman ,
Mai Flower ,
Diamant,
Flunklinl,
Emma ,
Johann Friederich,
Cronsladt,
Hesperus,
Oloff.
Merwede ,
Amalia ,
Doris,
Jena,
Bangor,
Victoria ,
Stad Antwerpen,
Fanny,
Archimède ,
Adamo ,
Adèle,
Industriel,
Edwina,
Mai Flower,
Giovannina,
Dankbaarheid ,
Albano,
Amicizia,
Tito,
Talleyrand.
Conte Zichy,
Portoré,
Caroline,
Moum Vernon,
Clase,
Pelgrim ,
Pioneer,
Clinton,
Henry,
Dyle, ,
Slavorair,
Talbot,
Léontine,
Cœsar,
Elisha Denisson,
St-Lawrence,
Bohemia,
Phénomène,
York ,
Niobé,
Laibach ,
Callao ,
Progrès ,
John Cadraus,
Element,
Philadelphia,
C (délits,
Algeria,
James-Edward,
Ontario,
Ovando,
Eridano ,
Trident,
Olof,
Espindola,
National,
Horatio,
Richmont, ■
Ariosto,
Edwina,
Stadt Antwerpen,
Duc de Brabant,
Hindou,
Archimedes,
Marie K.ey,
General Taylor,
Chailes-Carroll,
Charlotte Reed ,
Kron Prinz von Hanovre.
Shanunga,
Indépendance,
Rainbow,
Eli Whitney,
Paoli,
Vierge Marie,
Louisiana,
Ann Welsch,
Jean Key,
Avalauche,
Fides,
Galveston,
New-York ,
Galveston,
New-Orléans
New-York,
Idem ,
Galveston,
New-York,
Idem.,
Idem,
Idem,
Somes,
Hitchcock,
Balleer,
Sawyer,
Mussche,
Wieling,
Ilatch,
Hilstrom,
Almggen,
Vandriesten,
Mnggenborg
Zeplien,
Arfsten,
Leighton,
Haelshune,
Govaerts,
Ocket,
Buchman,
Pinggio,
Coruelissen,
D’Ilondt,
West,
Hitchcock,
Bilovucich,
Zeven, .
Guirccovich,
Gavi,
Durante,
Webb,
Copaitich,
Adrianich ,
Raffo,
Given,
Babinovich,
Mitchell,
Graham,
Manson
Griflin,
Looues,
Verona,
Story,
Ariaans,
Richter,
Seely,
Brown,
Nason,
Petersen,
Morrill,
Lecrau ,
Persich,
Hayens,
Cordier,
Cammet,
Springer,
Dunn,
Knight,
Craviotlo,
Webster,
Holmers,
Dyer,
Scala,
Thing,
Westrom,
Bastrew,
Sikkes,
Hall,
Gipps,
Fabens,
West,
Govaerts,
Schmidt,
Lawrence,
Buckman,
Lechere ,
Ilale,
Foster,
Uoushton,
Mennen,
Patten,
Vandesleenc.
Sampson,
Dyer,
VVelsh,
Zoetelief,
Williams ,
Magna,
De Pauw,
Whilteley,
Kioster ,
Américain,
Idem,
Brêmois,
Américain
Belge,
Brêmois,
Américain,
Russe,
Suédois,
Hollandais,
Hanovrien,
Mecklenbourgeois,
Belge,
Américain,
Idem,
Belge,
Idem,
Américain,
Sarde,
Belge,
Idem,
Américain,
Idem,
Autrichien,
Hollandais,
Autrichien,' isbat
Sarde,
Idem,
Américain,
Autrichien,
Idem,
Sarde,
Américain,
Autrichien,
Américain,
Idem,
Idem,
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Belge,
Autrichien,
Américain,
Brêmois,
Prussien,
Américain,
Idem,
Idem,
Belge,
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Idem ,
Autrichien,
Américain,
Belge,
Américain,
Idem,
Idem,
Idem ,
Sarde,
Américain,
Idem ,
Idem ,
Sarde,
Américain,
Suédois,
Américain,
Belge,
Américain,
Idem ,
Idem ,
Idem,
Belge,
Idem ,
Américain,
Idem,
Belge,
Américain,
Idem,
Idem,
Hanovrien,
Américain,
Belge,
Américain,
Idem,
Idem,
Belge,
Américain,
Idem,
Belge,
Américain,
Danois,
23 —
7 mars,
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Idem
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21
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Santo-Thomas,
Galveston,
New-York ,
Idem ,
Lisbonne,
New-York ,
Idem ,
Ste-Caiherine (Brés.)
Rio-Janeiro,
New-York,
Idem ,
Idem ,
Idem ,
Idem ,
Idem ,
Rio-Janeiro,
New-York,
Idem,
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New-York,
Idem ,
Charleston,
New-York,
Idem ,
Idem,
Galveston,
Rio Janeiro,
Idem ,
New-York,
Idem ,
Rio-Janeiro,
New-York,
Rio-Janeiro,
Galveston,
Rio-Janeiro,
Galveston,
New-York,
Rio Janeiro,
New-York,
Rio-Janeiro,
New-York,
Galveston,
New-York,
Galveston,
New-York,
Galveston,
New-York,
Idem,
Rio-Janeiro,
New-York,
Idem ,
New-Orléans,
Rio Janeiro,
Galveston,
Baltimore,
Rio-Janeiro ,
New-York,
Idem,
Galveston,
Nouvel-Orléans,
New-York,
Rio-Janeiro,
New-York,
Galveston,
New-Orléans,
New-York,
Galveston,
Rio-Janeiro,
New-York,
New-Orléans,
New-York,
Galveston,
New-York,
New-Orléans,
New-York,
New-Orléans,
Rio-Janeiro,
4 juin
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13 —
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3 juillet.
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2 août.
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FRANCE.
Paris, 28 décembre. — On écrit de Marseille, le 24 décembre.
« Le bey de Tunis est arrivé à Marseille hier soir à quatre heures ; sa
voiture était escortée par un détachement de gendarmerie et de chas-
seurs qui était allé attendre le prince aux portes de la ville.
» Un bataillon d’infanterie était rangé en bataille sur la Canebière
au moment où le prince l’a traversée pour se rendre à l’hôtel d’Orient.
> La population marseillaise, accourue au-devant du bey, s’empres-
sait de saluer l'hôte illustre de la France, que ses sentiments distingués
et ses dons généreux ont si justement popularisé. Le bey, sympathi-
sant aux malheurs de nos compatriotes, a semé l’argent sur sa route
et il est bien juste qu’il recueille la reconnaissance du pays. »
— On lit dans le Sémaphore de Marseille du 23 décembre :
« La question du renouvellement du tarif est toujours pendante à
Constantinople. L’époque en est expirée; mais la Porte a demandé un
délai de six mois, vu qu’elle ne se propose pas un renouvellement pur
et simple, mais encore des changements notables dans le traité du 16
août 1838 Ces modifications ont été récemment indiquées dans le
traité de commerce passé avec la Russie ; mais comme celui du 16 août
est commun à la France et à l’Angleterre, on a voulu s’entendre avec
cette dernière puissance avant de rien modifier. »
— Le renouvellement de l’année donnant lieu à un accroissement
considérable dans le mouvement de la correspondance M le directeur-
général des postes a demandé à la compagnie du chemin de fer du
Nord de retarder pendant quelques jours le départ du train du soir de
Paris à Lille,Valenciennes et Bruxelles. En conséquence, la compagnie
a l’honneur dejjrévenir le public que les 28, 29, 30 et 31 décembre cou-
rant, lr et 2 janvier prochain, le train de 7 heures du soir ne partira
qu’à 8 heures
— Bulletin de lu Bourse dn 3S. — La hausse des consolidés an-
glais à 94 1/4avait prédisposé les spéculateurs de notre Bourse à ache-
ter toutes sortes de valeurs et les cours ont élê continuellement re-
cherchés. Cependant on a surtout monté sur les chemins de fer. parce
qu’on disait que la Compagnie de Lyon avait encaissé vingt-huit mil-
lions sur les trente qu’elle doit recevoir pour versement demandé On
en concluait que le versement du Nord s’opérerait également avec fa-
cilité. Les actions de Rouen et du Hâvre étaient recherchées attendu
que les épreuves du viaduc de Malauuay approchent de leur terme et se
poursuivent sans le moindre accident
La renie a éprouvé une légère réaction à la clôture, ce qui a arrêté
le mouvement sur les autres valeurs. On a détaché aujourd’hui le
coupon de semestre de 79 fr. sur les actions de la Banque de France.
Le chiffre de ce dividende a fait monter cette valeur de près de 15 fr.
Le 3 p. c., qui a fermé samedi à 80 83, a monté au début à 81 et Foui
11 —
19 —
19 —
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4 octobre.
4 —
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I» novembre
3 —
’X* p-—«ll.a.
10 —
12 —
15 —
18 —
18 —
19 —
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5 décembre.
16
22
24
13,178
Le commissaire maritime de 1« classe, chef du service, De Gottal
Anvers, 29 décembre 1840.
NOUVELLES OU PORTUGAL.
Les nouvelles de Lisbonne reçues par la voie d’Angleterre vont jus-
qu’au 17 décembre. Elles ne contiennent aucun fait important. Les
troupes royales ont repris sur les insurgés la petite ville de St-Ubès.
Quelques escarmouches ont eu lieu aux environs d’Oporto dont le gé-
néral Cazal s’apprête à faire le siège. Saldanha est toujours devant San-
ta rem que les insurgés ont mis dans un élat de défense respectable. Il
n’est plus question de pourparlers ni de propositions d’arrangement
entre les chefs de l’insurrection et le gouvernement. La flotte anglaise
continue de rester à l’ancre dans le Tage. Le colonel Wylde, qui s’était
III voulait protégpr de ses foudres impuissantes: Nous ne ferons la paix
avec le seigneur Pape qu'avec l'in Invention du seigneur Roi ! vous vou-
lez nous persuader, à nous autres les lils de Voltaire, que tout d’un
coup, en pleine gloire, ces seigneurs féodaux qui déjà regardent la
Normandie comme leur proie, ces comtes de Dreux, de Nevers,
d’Auxerre, de Flandres, de Boulogne, de Champagne, ces barons, ces
chevaliers, ces mécréants, ces anciens héros revenus de la croisade
plus pauvres qu’ils n’étaient partis, ont obéi tout, de suite, et tuut ar-
més, à la première injonction du pontife ! Vous vous trompez d’épo-
que, vous vous trompez de roi.vous oubliez que vous parlez d’un siècle
où, parla volonté de ces hommes faligoés d’obéir, toutes les libertés
fermentaient d’une façon confuse, maladive, violente, je le veux bien,
mais enün c’élaient des libertés politiques, c’étaient des libertés ro-
maines (les villes qui voulaient commander les campagnes), c’élaient
des libertés religieuses, péiagiennes, quand ces hérétiques, précur-
seurs de Luther, disaient tout haut : Christ n'a rien eu déplus que moi,
je puis me diviniser par la vertu.
Mais, ceci accepté, j'avoue très volontiers que cette scène est belle,
cette scène où le roi Philippe Auguste, seul au milieu de sa cour dé-
serte, spectateur immobile et impuissant des grands événements qu’il
a rêvés, se plaint tout haut de la chaîne qui l’attache au rivage. Ces
plaintes sont vraies et poétiques , elles seraient touchantes, si cette la-
mentation ne devait pas se prolonger durant cinq actes sans fln ;
Mais lorsque nous partions, un moine est survenu !
Un moine, un homme en froc, tête rase et pieds nus ;
Il a dit quelques mots, et devant ses paroles
Glaives retentissants, flottantes banderoles,
Casque et boucliers dont, l'œil est ébloui.
Chevaliers, gens de pied, tout s’est évanoui.
Un moine suffisait pour faire autant de lâches
ment cette épée inutile ; que ce moine, attaché à son capuchon étroit,
triomphe à sa guise, eL qu’il insulte autant qu’on la peut insulter la
force royale, j’y consens, le parterre y consent aussi, mais ce sera à cette
eoudilion stricte, qu’une fois que vous aurez épuisé les gestes d’inno-
cent III, une fois que vous aurez poussé à bout, par cet exemple, la
toute-puissance de la Rome catholique, alors enün vous réveillerez le
lion qui dort, alors enün cet homme anéanti appellera à son aide cette
France, qui ne peut pas trembler toujours ; il le faut, il le faut abso-
lument ! vous nous avez annoncé le plus grand roi de l’ancienne
France, il faut nous le montrer !...
Vain espoir! au troisième acte nous retrouvons la même inertie, la
même faiblesse, la même impuissance, le méme'I’hilippe-Auguste, qui
pleure comme une femme ! Pas un bruit ne se fait entendre dans ce si-
lence. pas un éclair ne brille dans ce nuage ! Que dis-je ? Je moine répa-
rait au milieu de ces ruines ; il vient insolemment affronter la colère de
ce monarque au désespoir ; il vient se vanter loi-môme, à lui même,
comme si tout prétexte était égal entre ses mains, parce que les effets
en sont réglés sur la passion qui l’anime ! Ceci est tout simplement de
la jactance, et véritablement, quand bien même vous supposeriez, ce
qui ne s’est jamais vu sous le soleil, que tout ce peuple de France est
un peuple bon chrétien, la présence seule de ce sacré rhéteur sur les
débris de ce trône insulté est une offense à la qiajesté royale, et il est
impossible que quelque part, dans un recoin de ce château pestiféré,
un hérétique, un mécréant, un damné, un bon servileur, un Allemand
ivre, un Toscan, un mahomélan esc ave, ne se rencontre pour châtier,
comme il convient, ce Spartiate cri jaquette noire, qui s’en vient
insulter à l’immense douleur du roi de France ! Ne tentons jamais l’im-
possible ; évitons de vouloir trop prouver Voyez, ce qui arrive : en ce
moment, l’auteur de Lucrèce est forcé, par son propre mensonge,
de sortir un instant de la modération habituelle de son esprit, et de
lutter contre qui? contre ce fort et hardi novateur qui se sert de la
poésie comme le géant se sert de la massue. Muse violente dans l’exé-
cution de sa pensée ; lorsque le drame échappe à ses mains crispées
de rage, soudain le poète d'Ilernani s’arrête et se met à parler en
son propre et privé nom, laissant reposer un instant le héros qui l’oc-
cupe. Vous savez par cœur, dans fhrnani, ce parallèle entre le pape et
l’empereur, splendide hors d’œuvre qui est un des plus beaux passages
delà langue moderne : Charlemagne, pardon !...... M Ponsard . es-
prit timide et correct, imagination prudente et sage , inventeur
timoré qui s’est signalé par sa modération môme, le voilà qui se voit
forcé d’écrire , lui aussi, son parallèle entre Je roi et le pape ! Ceci
est le premier excès que je puisse reprocher à ce poêle des belles
traditions classiques , et cet excès n’est pas fait pour l’encourager.
Non , en ce moment où le troisième acte commence, en ce moment
où le légat , plus violent que jamais , et non content de l’interdic-
tion qui pèse sur ce royaume désolé , menace le roi de violences nou-
velles , ce que nous voulons entendre . ce que nous appelons de tous
nos vœux, ce n’est pas. tant s’en faut, le parallèle d'Ilernani : ce que
nous voulons impatiemment, absolument, c’est qu’enfin le roi se ré-
veille ! c’est qu’à ce mot fantastique, brutal, impie, absurde, impossi-
ble -.la déposition, l’âme de cet homme, l’âme de ce roi, froissée parle mal-
heur,traite enfin la loi épouvantable du Vatican comme Tarquin a traité
Lucrèce! Non, non, sur le bord de ces gouffres enlr’ouverls , il ne
s’agit pas de savoir si le roi français est. oui ou non, le fils ainé de
l’Eglise, il faut nous dire enfin si le roi Philippe-Auguste a quelque
sang dans les veines, il faut nous dire s’il se laissera traîner patiem-
ment dans ces gémonies, et s’il saura enfin se garantir comme il con-
vient de la férocité de ce pape impitoyable! Je sais bien que le poète
a le droit de prendre parti pour ou contre le roi, pour ou contre le
pape ; mais il n’a ce droit-là qu’en obéissant à l’inslinct de la foule, à
la conscience de son public, à la passion de son auditoire, au bon sens
de cette nation qui sait par cœur l'Essai sur les mœurs elles livres
de M. Guizot ! Eh! quel plus beau moment pour réveiller ce roi qui
dort ! Vous avez toutes sortes de menaces à jeter à la face de ce
légal ! Vous pouvez invoquer, à l’exemple du roi Jean-sans-Terre, mê-
me les fils de Mahomet, même le Vieux-de-la-Jlontagoe ! Pour un roi
comme ce Philippe-Auguste, que vous placez à la tête des rois nou-
veaux de la France délivrée du roi anglais, pluiôl mourir que de se lais-
ser flétrir ainsi pendant cinq actes d’agonie! plutôt appeler à son aide
les Vaudois au fond des Alpes, les Albigeois en Languedoc, ou le sultan
Malek Adel, l’ami du Cœur-de Lyon ! plutôt invoquer celte haine du
Dieu de l'Ancien Testament, qui se répand en ce moment dans tonte
l’Europe ! Et quoi ! votre Philippe-Auguste peut invoquer contre l’é-
glise de La Iran toute l’église d Orient,et les juifs et les routiers du midi
et toute l’église hérétique ! il n’a qu’à faire un signe au vicomte de
Béziers, aux excommuniés de Flandre, à Simon de Montfort; il est le
maître des trois grandes archevêchés du royaume, Reims, Tours,
Bourges, des métropoles de Belgique, de Bretagne et d’Aquitaine; il
peut pousser l’Asie sur l’Europe, et vous permettez dans un drame,
c’est-à-dire dans la représentation de l'histoire vue de très haut et dé-
gagée de ses ténèbres, qu’un pareil homme soit le jouet d’un moine
ignorant, qui parle au num des rois romains ! cela est impossible, et
voià pourquoi à dater de ce troisième acie. cette tragédie d '/ignés de
Méranie, bien écoutée jusqu’alors, n’a plus eu qu’une action passagère
stircesâmes inaltenlives, et qui, peu à peu, à force de tomber dans
l’impossible, ne savaient plus que s’accrocher à des détails, ô misère!
à de beaux vers !
(La fin à demain )
De tous ces chevaliers portant heaume et panaches.
La fin de ce second acte est déjà remplie de langueur. Ce roi, qui est
destiné par le ciel et par son génie à être le vainqueur de Bouvines ; ce
roi,qui était roi à quinze ans et le compagnon de Richard Cœurde-Lion,
il ne sait que se plaindre et gémir U est amoureux de sa femme, mais
cet. amour n’est que faiblesse; il s’irrite contre Innocent III, mais sa
colère n’est que de l’impuissance. Il fuit, il se cache, il rugit; il me rap-
pelle ce Pacha de la ballade, qui ne veut pas se consoler, parce que son
tigre de Nubie est mort.
Eh bien ! acceptons cet homme brisé tel qu’il se montre à nous dans
celte tragédie manquée ; acceptons-le sans énergie et sans défense ;
acccptons-le ainsi fait pendant deux actes ; que ce noble front reste
ca»rhê daas la poussière, que celle mais déshonorée soutienne vaine- |