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i£49 M. ».
MftföllS, liUiidi » Janvier.
(Quatorzième Année.)
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LE PRÉCURSEUR
©» s’attajïse :
A Anvers au bureau du PRÉcuKSiiiiR,
Bourse Anglaise, N° 1040 , en Belgi-
que et à l'étranger chez tou* les Di-
recteurs des Postes.
Journal Politique, Commercial, Maritime et Littéraire.
Pesiæ — JLlberté — Frojtre*.
Ationncmenà par TTrtuücsîere
Pour Anvers..................fr. 12
» la province franc déport. * 15
» la France,l’Angleterre et
la Hollande. . . . » 15
Insertions 25 c.» la ligne. Réclames 50.
8 Janvier.
Une chose digne d’observation, parce qu’elle est très
instructive, c’est l’état dans lequel est la France, après
dix mois d une révolution qui devait eulanter des mer-
veilles. Elle s’est débarrassée, il est vrai, d’un roi consti-
tutionnel; mais elle s’est.... nous ne savons trop com-
ment nous exprimer. .. elle s’est donné un Président du-
quel nous désirons de grand cœur qu’elle se trouve
niieux que d’un roi constitutionnel, et à cet égard nous
n’avons point, s’il laut dire notre pensée, tous les apai-
sements que nous voudrions.
Ainsi, il est remarquable, comme l’a dit avec raison
récemment nous ne savons plus quel journal de Paris,
que le Président de la République ail jugé des le pre-
mier jour, qu’il lui importait de placer a la direction des
alfaiies des hommes du même ordre, quand ce n’étaient
personnellement les mêmes, que le roi Louis-Philippe y
appelait in extremis, alors qu’il était trop tard. M. Odi-
lon Barrot a assisté entre autres, en qualité de principal
témoin, mettant son uniforme et son dévouement au ser-
vice du pays, c’est ainsi que nous le jugeons du moins, à
un décès et à une naissance politiques. 11 s'est trouvé
l’homme dont la venue au pouvoir était regardée comme
opportune, comme indispensable en quelque sorte, dans
deux circonstances diamétralement opposées- D’où l’on
peut tirer cette conséquence logique qu’après tant d’a-
gitation en tous sens, la France en est revenue, sous le
rapport des idées politiques et sociales, bien entendu,
car pour tout le reste, il en est hélas! autrement, au
point où elle se trouvait au commencement de l’année
dernière. C’était alors, comme aujourd’hui R. Odilon
Barrot qui était appelé à diriger une machine bien diffi-
cile à conduire. _
N’esl-ce pas là une raison de plus de déplorer que,
pour aboutir à si peu, il ait fallu sacrifier lant de bons
citoyens, ruiner le travail, imposer à un pays, qui en
avait déjà autant qu’il en pouvait supporter, des char-
ges nouvelles dont la gène publique, pour ne rien dire
de plus, augmente encore le poids ? C eût été payer fort
cher même beaucoup de chemin parcouru : qu est-ce
donc quand on se retrouve au point du départ, en pré-
sence des mêmes visages, à quelques exceptions près, et
que l’on n’a qu’une perspective plus embrouillée? C'est
alors que l’on peut se rendre compte du mal dans toute
son étendue. On s’est cru entraîné à mille lieues par le
mouvement, et l'on a été tout simplement enlevé par
une de ces trombes qui s’élèvent en spirale, déracinent
les arbres les plus robustes, les plus pleins de sève et
d’avenir, puis, les laissent retomber à la place même ou
ils qrandissaieutel où ils ne gisseut plus qu à l’étal de bois
mort. On retrouve bien le coin de terre où l’on était
avant l’3venture, mais ce que l’on y avait laissé a dis-
paru. , .
Ce n'est pas là le seul indice auquel on reconnaisse
que l’on n’a point,réellement fait un seul pas en avant.
On s’en aperçoit à l’attitude et aux allures de tout ce
qui tient au gouvernement. Il n’y a de changé que les
noms ; encore ne le sont-ils pas toujours. Des intrigues
ministérielles entourent le berceau de la présidence,
de même qu’il y en avait autour du tombeau de la dy-
nastie. Le début de lune semble être soucié à la fin de
l’autre, comme l’anneau d’une chaîne l'est à l’autre, et
la Présidence est à peine à l’œuvre, qu’elle se trouve en-
vironnée d’embarras qui ressemblent par pius d un
point à ceux que rencontrait a son déclin la royauté de
juillet.
C’est ce qui a fait dire avec raison au journal des Dé-
buts :* Nous ne demanderions pas mieux que d’avoir
foi dans l’avenir du gouvernement, mais enfin, pour
que le ministère inspirât de la confiance, il laudrait
qu’il commençât par montrer qu’il y croit lui-même. Or,
nous ne pouvons nous empecher de trouve! que jusqu à
présent il nous a plus occupes de ses difficultés intérieu-
res que des affaires publiques. Un gouvernement ne sau-
rait prétendre à mettre les partis d accord, avant des y
être mis lui-même. C’est à lui à donner l’exemple. »
jl y a d’ailleurs une lutte à peu près ouverte entre ce
dernier et l’assemblée nationale qui s’obstine à conscr-
verson mandat plus longtemps qu’il ne le voudrait, et,
pour être juste, plus longtemps que ne le voudrait le
pays, si l’on en juge par le nombre de pétitions qui af-
fluent de toutes parts, pour demander qu’elle cesse
d’être, sa raison d’existence ayant cessé, depuis le vote
de la loi organique essentielle et l’élection du président.
— Il y avait eu des scandales regrettables, un peu avant
la révolution de février. On en retrouve maintenant.Ce
qui inspire à un publiciste français les réflexions sui-
vantes : a Quelle est pour nous la conclusion de tout
ceci : un peu de rongeur au front et un gémissement se-
cret dans nos poitrines. Est-ce bien le temps de soule-
ver des incidents de cette nature, d’aller fouiller quel-
ques scandales rétrospectifs ou même actuels dans les
archives du ministère de l’intérieur ? Le pouvoir est-il
si bien fondé en France qu’il faille en secouer les raci-
nes deux jours après qu’on l’a planté dans le sable ? Et,
y eût-il eu des torts, n’eùt-il pas été mille lois plus intel-
ligent, plus patriotique de les taire que de les divulguer,
eu les livrant aux commérages des journaux et aux
commérages d'un parlement? »
On voit que sous ce rapport, il n’y a pas eu non plus
de changemenis dont il y ait bien lieu de se féliciter.
Aussi le découragement se manifeste-i-il déjà chez plu-
sieurs de ceux-là mêmes qui semblaient avoir attaché le
plus d’espérance au gouvernement issu des dernières
élections. Ainsi, voici comment s’exprimait avant-hier
la Dresse, qui a joué un rôle assez semblable à celui de
Cassandre de fatidique mémoire :
« On ne sauve pas malgré lui un pouvoir <|ui s'aveugle! La prou-
ve, c'est que tous no* efforts ont été vains pour sauver la Royauté
de 1830 et ceux des membres du Gouvernement provisoire et delà
Commission exécutive, auxquels nous attachaient les liens d’une
longue amitié.
» Tous nos efforts pour les retenir sur la penle fatale où nous les
voyions glisser, n’onl servi qu’à faire mettre en doute la sincérité de
noire dévoûment.
» Il n’existe absolument pour un journal que trois rôles actifs entre
lesquels il faut qu’il choisisse :
• Louer pour encourager;
« Biâmer pour retenir ;
o Avertir pour éclairer.
« Louer ; quand nous voyons commettre d’irréparables fautes ;
consciencieusement nous ne le pouvons pas,
« B.àmer ; nous ne le voulons pas ;
« Avertir ; nous l'avons fait sans succès. Or. des avertissements
qu’on réitère sont luen près de passer pour des critiques qu'un dé-
guise. Nous ne pouvons donc qu’attendre les circonstances en sou-
haitant qu’elles trompent nos craintes. »
Voici comment parle, de son côté, aujourd hui même
l'Assemblée nationale :
» Il y a trois semaines, il était permis de tout attendre du résultat
de l’élection pour la présidence. Cinq millions et demi de voix sepor-
t ml du même côté devaient nécessairement faire pencher la politique
dans ce sens. On était autorisé à croire qu’un parti condamné par
celte gigantesque majorité allait disparaître à ia grande satisfaction
du pays. L’enthousiasme était au comble. Quels que fussent ies vœux
intimes de telle ou telle catégorie d’électeurs, on songeait exclusive-
ment il l’ordre, et l’espoir était partout.
» t'ourlant, si l’ordre matériel existe, la situation ne s’améliore
que faiblement. L’industrie liésiste, nos fonds ne parviennent pas à
sortir de la dépréciation dont ils ont élé frappés par le 24 février et
scs conséquences Dans les départements, le mécontentement et l’irri-
lation menacent de reprendre. On y parle hautement, bruyamment,
de vœux déçus, de besoins méconnus. »
N’est-ce pas aussi quelque peu le langage que l’on te-
nait il y a un au ? Il n y a guères dechangé que les dates.
A cet égard donc Aussi les choses sont demeurées à peu
près les mêmes. Qn u’a produit que fort peu de neuf,
mais en revanche on a beaucoup détruit, el 1 on en est jl
chercher les architectes qui réédifieront d'une main ha-
bile et sûre.
Noqs avions raison de demander l’autre jour au gouverne-
ment de s’empresser de négocier uue convention postale addi-
tionnelle, afin de régulariser la position anormale que fait au
commerce belge la réforme postale en France. Qu’on en juge :
Depuis l’introduction de là réforme postale en France,
c’esl â dire depuis le lr janvier, il e6t de l’intérêt du com-
merce d’affranchir les lettres expédiées de Franceen Belgique
et de ne pas affranchir les lettres expédiées de Belgique en
France.
Lorsqu’on présente à l’affranchissement en France uue
lettre eu destination de la Belgique, I’admiuislration fran-
çaise n’exige que 20 c. pour sa taxe intérieure, et 20 c.dout
elle lient compte à l’administration belge. Ensemble 40 cent.
Pour les lettres expédiées de Belgique, si ou ne les affran-
chit pas, l’administration française na perçoit à leur arrivée
que 40 c. Sur les lettres uon affranchies, l’administration
belge lient compte à l’administration française ou de 30 c. ou
de 80 c. suivant les zones, et perçoit, en outre, la taxe inté-
rieure qui, de Quiévrain à Bruxelles, est de 40 c. pour une
lettre simple.
C’est par la discussion du budget de la justice que la Chambre des
Représentants doit recommencer ses travaux. Le rapport de la sec-
tion centrale vient d’élre distribué, et pourra être suffisamment étu-
dié d’ici à mardi, pour pie l'examen en marche rapidement.
Ce rapport, quoique contenant des observations sur tous les cha-
pitres dti btidgi t, ne s’appesantit cependant que sur les articles dont
ia section centrale a cru devoir modifier tes chiffres Nous ne parle-
rons donc que des amrndements qu’elle propose.
Les léductions qu’elle veut effectuer dans les dépenses du départe-
ment de la justice, s’élèvent en totalité à fr. 183.115 50 c. Elles por-
tent sur les articles suivants:
Frais de justice : Le gouvernement demande pour ces frais une
somme de 746 385 fr.—La section centrale trouve ce chiffre beaucoup
trop éievé : elle a demandé des explications au ministre qui a fait
remarquer qu’en 4847, ces frais étaient élevés à 839,000 fr , et que
ce n’est que dans l’espoir d’une réduction dans les dépenses qu’il a
demandé un chiffre plus faible, il a ajouté que la révision du décret
du 8 juin 1814. projet dont la chambre est saisie, amènera nécessai
rement l’économie dans les dépensés de celte nature. La set lion cen-
trale, s'emparant de celle déclaration, n'en a que pins insisté pour
diminuer l’allocation ; elle pense qu'il faut substituer pour la pres-
que totalité des significations nécessitées par le Code d’instruction
criminelle, l’emploi d’agents gratuits à ceux des agents salariés. Elle
propose donc une réduction de 100,000 francs.
Indemnité pour le greffier de la cour de cassation. — Cette in
demnité fixée annuellement à 4,000 fe. a été accordée jusqu’à présent
à ce fonctionnaire, à charge par lui de délivrer gratis toutes les ex-
péditions ou écritures réclamées par le procureur général et les ad-
ministrations publiques. La section centraleen propose la suppres-
sion ; elle pense que le traitement fixe de ce fonctionnaire est assez
élevé pour qu’on puisse exiger de lui tout travail d’utilité publique
rentrant dans l’exercice de ces fonctions.
Traitements des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés
à la conduite îles voitures cellulaires —Le chiffre pétitionné par
le gouvernement est 32.615 fr. — Il existe en ce moment six exécu-
teurs en chef, quinze aides et quatre conducteurs de voilures cellu-
laires. Le ministre a déclaré que son intention bien arretée est de lais
ser s’éteindre le personnel des exécuteurs en chef, jusqu’à ce qu’il
n’en reste pins qu’un par chaque ressort de cour d’appel. — t.a sec-
tion cenlrale propose dès à présent de fixer les traitements des exé-
cuteurs en chef à 2,400.fr et leur nombre à trois. Elle croit aussi que
deux aides suffisent par chaque ressort de cour d’appel. Elle propose,
quant au surplus du personnel un traitement d’altenle de moitié pour
les exécuteurs en chef et de deux tiers pour les aides. La réduction
immédiate serait donc de fr. 7,055
Cultes. — Clergé supérieur. — Le gouvernement a demandé pour
cet article une somme de fr. 383,97(1. Dans Ce chiffre le traitement
du cardinal-archevêque figure pour 30,000 fr. et celui des éèqoes
pour 14 700 fr. chacun. La section centrale propose sur l’article line
réduction de 23,060 fr., elle réduit à 21.000 fr. le traitement du car-
i.inal-arehevèqüe, et maintien, celui des évêques: elle a pensé qu’il y
avait lieu d’assimiler quant au traitement l’archevêque et les évê-
ques. respectivement aux ministres et aux gouverneurs civiles
Les frais de tournée et le secrétariat de l’archevêché sont fixés par
abonnement à 4 600 francs. La section centrale le réduit à 2 300 fr.
Les mêmes frais sont portés pour chaque évêché à 4.200 fr. soit
en total a 21.000 fr. La section cenlrale les réduit à 4.800 fr., soit en
total à 10 500 fr.
Une somme de 1,200 fr. est demandée pour un secrétaire spécial
du diocèse de Namur ; la section centrale repousse celle alloculion
qui ne lui a pas paru justifiée.
Etablissements de bienfaisance. —Une somme de 5.000 fr. figure
au budget pour frais de la commission instituée pour rechercher les
moyens propres à améliorer le sort des classes pauvres. La section
centrale pense que cette commission a terminé la plus grande partie
de ses travaux, et propose de supprimer toute alloculion. Suhsidiaire-
ment, si celte suppression n’élait pas admise par la Chambre, elie
propose de réduire le chiffre à 1.000 fr.
Solde de dépenses arriéièes, - Chaque année, le gouvernement
portail au budget une somme de 50,000 fr. pour solder des dépenses
arriérées appartenant à des exercices clos La section centrale rejette
ce chiffre, el pense que pour solder des dépenses de celte nature, le
gouvernement doit présenter un projet de loi spécial.
En ce qui concerne la justice militaire, la section centrale ne fait
aucune proposition : elle subordonne son vote à la décision que
prendra la Chambre sur le projet de loi dont elle est saisie, relative-
ment à cette matière. (Indépendance.)
Cuba»
Depuis dix ou douze mois les journaux anglais accusent le
gouvernement américain de vouloir acquérir de l’Espagne la
possession de l’ile de Cuba ; et les journaux américains diri-
gent la même accusation contre le gouvernemenl anglais,
C’esl de part et d’aulre uu interminable échange d’alarmes
et de menaces.
Le ministère anglais et le gouvernement de Washington
n’ont jamais pris la peine de démentir des bruits qui n’avaient
d’autre fondement que les rêves de quelques écrivains ou de
quelques brouillons ; mais nous pouvons tirer de peine nos
confrères de New-York et de Londres. Qu’ils se rassurent et
cessent une polémique tout à fait sans objet. Il y a près de
vingt-cinq ans aujourd’hui qu’un traité, conclu enlre la
France, l’Angleterre elles Etats-Unis, garantit à l’Espaguela
possession de Cnba, et garantit en même temps la perpétuelle
neutralité de celle lie importante. Aux termes de ce traité,
Cuba ne peut cesser d’appartenir à l’Espagne que pour deve-
nir indépendante comme Haïti. (Constitutionnel.)
\01 VM.LES DE L’INDE.
Le courrier mensuel de Bombay nous apporte des nouvelles de cette
présidence jusqu’au 5 décembre.
L Inde entière, sauf le Punjab, continue à jouir de la plus grande
tranquillité. Le fait le plus important qui nous soit annoncé, c’est
I entrée dans le Punjab tl une armée de 22,000 hommes, commandés
par lord Gough en personne. Après de si long delais, il était temps de
voir enfin agir le gouvernement anglais L’inaction des derniers mois
aurait fini par être un véritable encouragement aux chefs insurgés ;
et si la révolte n’a pas pris jusqu’ici de développement inquiétant,
elle aurait pu devenir dangereuse.
C est ainsi que ia garnison de Peschaver, bloquée en quelque sorte
dans celle ville par les insurgés qui tiennent le pays autour d’elle, et
ne recevant ni secours ni commucations de Lahorë, a pris les armes
contre les officiers anglais qui le commandaient et qui n’ont échappé
que par une sorte de miracle. Toutefois c’était un événemement pré-
vu dès longtemps et qui ne change rien aux résultats probables de la
campagne que lord Gough commence enfin pour la terminer par la
pacification et l’annexion définitive du Punjab.
Sous les murs de Moultan un combat assez vif a été livré le 7 par
l’armée de Moulradja à la division du général Whish. Le Dewan a été
battu et ses canons ont été pris Le véritable résultat de cette action
sera de soutenir le moral des auxiliaires anglais qui s’affaiblissait
dansl’oisiveté d’un camp assiégé Lesiégede la ville ne recommencera
du côté des Anglais que lorsqu’ils auront reçu les secours en hommes
et en munitions qui leursont envoyésde Bombay.Du reste.il ne parait
pas qu’on doive attendre longtemps encore ; un corps de 7.000 hom-
mes est parti de Rori sur le bas Indus, et a dû rejoindre le camp
du général Whish vers le milieu du mois de décembre. On semble
croire que c* renfort lui suffira seul pour permettre à l’armée anglaise
de reprendre et de terminer par une victoire le siège de Moultan.
Les nouvelles commerciales sont assez encourageantes.
ITALIE.
Les journaux toscans arrivés le 2 janvier à Turin,annoncent que la
junte d état de Rome a dissout la chambre et proclamé !a constituante
avec le suffrage universel. La dissolution des chambres a été géné-
ralement approuvée, el la constituante devait être proclamée le 29
décembre, au bruit de 101 coups de canon.
On écrit de Parme, le 26 décembre, que le Piémont doit prendre à
sa solde 50,000 Suisses pour la prochaine campagne.
On mande de Gènes, sous la date du 2 janvier, que les malles-pos-
les et les diligences ne pouvant plus avoir accès en Lombardie, ont
suspendu leur service. Mais les correspondances avec Milan seront
conduites par le courrier de Turin jusqu’à Alexandrie, et de là, par
eslafelte, on les fera parvenir à destination.
E8PADHTE.
Madrid. i™ janvier. — La chambr e des députés commencera de-
main la discussion par paragraphe dn projet d’adresse en réponse au
discours du Trône.
On assure que le député José de Zaragoza est nommé chef politique
de Madrid en remplacement du comte de Péna Florida, qui entre au
conseil royal. Cette nomination ne parail pas devoir être agréable au
parti modéré.
Le 1” Numéro du journal T Examen a paru : Celle feuille appar-
tient à l’opposition modérée.
On a dit aujourd’hui en ville que les généraux Lersundi et Galiano
qui ont des commandements en Catalogne, demandent à être rem-
placés.
11 n’y a pas eu de bourse.
âLLEMAftNi. *
PUISSE.
BfcRLtK, A janvier. — Le roi refuse de recevoir la dépulation char-
gée par le magistrat et !es délégués de la ville (le Berlin de remettre
à S. M. des adresses de félicitation à l’occasion de la nouvelle année.
Le magistrat a fait aujourd’hui de nouvelles tentatives auprès du
président dit conseil pour obtenir audience. Cet envoi d’une députa-
tion commune est la première démarche de rapprochement du ma-
gistrat el des délégués de la ville.
Ou assure de bonne source que le roi a déjà signé les lois sur l’in-
troduction du jury et la procédure publique et orale, et qu’elles se-
ront publiées prochainement par le bulletin des lois.
M.dePlessen, plénipotentiaire danois est chargé de régler ici les
demandes de dédommagement et d’activer les paiements.
Hier soir, a eu lieu une réunion du comité électoral central de la
droite el du centre de l’assemblée nalionale.séance pendant laquelle
le commissaire de police Duviviers a paru el a dispersé l’assemblée.
(Corresp, parlementaire.)
Plusieurs quartiers de Berlin s’étaient adressés aux délégués de la
ville pour qit’ils intervinssent, auprès des autorités, afin de faire le-
ver l’état de siège. Les délégués avaient nommé pour examiner celte
demande un comité qui l’a trouvé légitime el dont le rapport conclut
à charger le magistrat de demander la levée immédiate de l’état de
siège, d’autant plus que celte mesure doit exercer une grande in-
fluence sur ia liberté des prochaines élections. Mais, dans la réunion
générale des délégués, cette proposition a été en minorité, et il sem-
ble résulter de la discussion que ces Messieurs fout dépendre de l’état
de siège la fidélité de Berlin.
Fraxcr. rt, 5 janvier —M. Bunsen arrivera de Londres vers le 9,
el il viendra peu après à Francfort, pour s’entendre avec le ministère
sur les instructions dans les négociations de paix avec le Danemartk
On dit que M. Banks, de Hambourg, qui est ici depuis quelques jour»
el s’occupe activement des travaux préliminaires que le ministère éb
l’empire hâte beaucoup, se chargera lui-méme d’une mission imgk>r«
tante dans cette affaire. (Gaz. allemande.)
saxe-weimar.
Eisenach, 2 janvier. — On dit que Louis Bonaparte a offert à la
Bû
mUUETOH.
LES CONFIDENCES.
NOTE IV.
En quittant le lilde la Saône creusé au milieu des vertes prairies
tl sous les fertiles coteaux de Mâcon, et en se dirigeant vers la pe-
tite ville et vers les ruines de l’antique abbaye de Cluny, ou mourut
Aheilard; on suit une route inonlueuse à travers les ondulations d un
sol qui commence à s’enfiler à i’œil comme les premières vagues
d’une mer montanle. A droite et à gauche blanchissent des hameaux
au milieu des vignes. Au dessus de ces hameaux, des montagnes nu: s
et sans culture étendent en pentes rapides et rocailleuses des pelou-
ses grises où l’on distingue comme des points blancs de rares trou-
peaux. Toutes ces montagnes sont couronnées de quelques masses
de rochers qui sortent de terre et dont les dents usées par le temps
et par les vents présentent à l’œil les formes el les déchirures de
vieux châteaux démantelés. En suivant la route qui circule autour
de la hase de ces collines, à environ deux heures de marche de la
ville, on trouve à gauche un petit cheminélroit voilé de saules, qui
descend dans les près vers un ruisseau où l’on entend perpétuelle-
ment hallre la roue d’un moulin.
Ce chemin serpente un moment sous les aulnes qui le cachent, a
côté du ruisseau dont les eaux courantes, quand elles sont un peu
grossies par les sources, n’onl pas d’autre lit ; puis on traverse 1 eau
sur un petit pont, et on s élève par une pente lournoy aille, mais ra-
pide, vers des masures couvertes de tuiles rouges qu on voit
groupées au dessus de soi, sur un petit plateau. C’est notre village :
un clocher de pierres grises en forme de pyramide y surmonte sept à
huit maisons de paysans. Le chemin pierreux s’y glisse de porte en
porte entre ces chaumières. Après avoir traversé tout le elivmin, on
arrive à une porte de cour un peu pius iiaule, un peu plus large que
les autres C’est la porte de la cour au fond de laquelle se cache la
maison de mon père. .
La maison s’y cache en effet, car on ne la voit d’aucun cote, ni du
village ni de la grand’-rmile. Bâtie dans le creux d’un large pli de
vallon, basse et dominée de toutes parts par le clocher, par les bâti-
ments rustiques ou par des arbres, adossée à une assez haute monta-
gne, ce n’est qu’en gravissant cette montagne et en se retournant
qu’on voit en bas cette maison basse mais massive qui surgit comme une
grosse borne de pierre noirâtre, à l’exlrémité d’un droit jardin. Elle
est carrée, elle n’a qu’un étage et trois larges fenêtres sur chaque
(I) Voir nos numéros des 3, 4, 5 el 7 janvier.
face- Les murs n’en sont point crépis ; la pluie et la mousse ont donné
aux pierres la teinte sombre et séculaire des vieux cloîtres d’abbaye.
Du côté de la cour on enlre dans la maison par une liante porte en
bois sculpté. Celle porte est assise sur un large perron de cinq mar-
ches en pierres de taille. Mais les pierres, quoique de dimension co-
lossale, ont été tellement écornées, usées, morcelées par le temps et
par les fardeaux qu’on y dépose, qu’elles sont entièrement disjointes,
qu’elles vacillent en murmurant sourdement sous les pas, que les
oilies, les pariétaires humides y croissent çà et là dans les intersti-
ces, et que les petites grenouilles d’été, à la voix si douce et si mélan-
colique y chantent le soir comme dans un marais.
On enlre d’abord dans un corridor large et bien éclairé, mai# dont
la largeur est diminuée par de vastes armoires de noyer sculpté où
les paysans enferment le linge de ménage, et par des sacs de blés ou
de farine déposés là pour les besoins journaliers de la famille. A gau-
che est la cuisine, dont la porte, toujours ouverte, laisse apercevoir
une longue table de bois de chêne entourée de bancs Desl rare qu’on
n’y voie de paysans attablés à toute heure du jour, car la nappe y
est toujours mise, sotl pour les ouvriers, soit pour ces innombrables
survenants à qui on offre habituellement le pain, le vin elle fromage
dans des campagnes éloignées des villes, el qui n’ont ni auberge, ni
cabaret. A gauche, on entre dans la salle à manger. Rien ne la dé
core qu’une table de sapin, quelques chaises el un de ces vieux buf-
fets à compartiments, à tiroirs el à nombreuses étagères, meuble hé-
réditaire dans toutes les vieilles demeures, et que le goût actuel
vient de rajeunir en les recherchant. De la salle à manger, on passe
dans un salon à deux fenêtres, l’une sur la cour, l’autre au nord sur
un jardin. Un escalier, alors en bois, que mon père fit refaire en pier-
res grossièrement taillées, mène à l'élage unique el basoùune di-
zaine de chambres presque sans meubles ouvrent sur des corridors
obscurs. Elles servaient alors à la famille, aux hóles et aux domes-
tiques.
Voilà tout l'intérieur de celte maison, qui nous a si longtemps
couvés dans ses murs sombres et chauds ; voilà le toit que ma mère
appelait avec tant d’amour sa Jérusalem, sa maison de paix 1 Voilà
le nid qui nous abrita lant d'années de la pluie, du froid, de la faim,
du souffle du monde ; le nid où la mort est venue prendre tour à
lour le père et la mère, el dont les enfans se sont successivement en-
volés, ceux-ci pour un lieu,ceuï-là pour un autre, quelques uns pour
l’éternité !... Moi. j’en conserve précieusement les restes, la paille,
les mousses, le duvet, et bien qu’il soil maintenant vide, désert et re-
froidi de toutes ees délicieuses tendresses qui l’animaient, j’aime à le
revoir, j’aime à y coucher encore quelquefois, comme si les lieux
gardaient l’impression piésente des ciioses, comme si je devais y re-
Irouver à mon réveil la voix de ma mûre, les pas de mon père, les
cris joyeux de mes sœurs, et tout ce bruit de jeunesse, de vie et d’a-
mour qui résonne pour moi seul sous les vieilles poutres, et mil n’a
plus que moi pour l’enlcndre et pour le perpétuer uu peu de temps !
ROTE T.
L'extérieur de celle demeure répond au dedans Du côté de la cour,
la vue s’étend seulement sur les pressoirs , les bûchers el les
étables qui l’entourent. La porte toujours ouverte de celte cour sur
la rue du village laisse voir tout le jour les paysans qui passent pour
aller aux champs ou pour en revenir. Ils portent leurs outils sur une
épaule, et sur l’autre un long berceau où dort leur enfanl. Leur
femme les suit à la vigne, portant souvent un autre enfant à la ma-
melle. Une chèvre avec sou chevreau vient après, s’arrête un moment
pour jouer avec les chiens près de ia porte, puis bondit pour les re-
joindre.
De l’autre côté de la rue est un four banal qui fume toujours,
rendez-vous habituel des vieillards, des pauvres femmes qui filent et
des enfants qui s’y chauffent à la cendre de son éternel foyer. Voilà
toul ce qu’on voit d’une des fenêlres du salon.
L’autre fenêtre, ouverte au nord, laisse plonger le regard au dessus
des murs du jardin el des tuiles de quelques maisons basses sur un
horizon de montagnes sombre et presque toujours nébuleux, d’où
surgit, tantôt éclairé par un rayon de soleil orangé, tantôt du milieu
des brouillards, un vieux château en ruines, enveloppé de ses tou-
relles et de ses tours C’est le trait caractéristique de ce paysage. Si
l’on enlevait celte ruine, les brillants reflets du soir sur ses murs, les
fantasques tournoiements de fumées de la brume autour de ses don-
jons, disparaîtraient pour jamais avec elle. Il ne resterait qu’une
montagne noire et un ravin jaunâtre. — Une voile sur la mer, une
ruine sur une colline, sonl un paysage lout entier. La terre n’est
que la scène ; la pensée, le drame et la vie pour l’œil sont dans les
(races de l’homme. Là où est la vie, à est l’intérêt.
Le derrière de a maison donne sur le jardin, petil enclos de pierres
noires d’un quart d’arpent. Au fond du jardin la montagne com-
mence à s’élever insensiblement, d’abord cultivée et verte de vignes
puis pelée, grise el nue comme ces mousses sans terre végétale qui
croissent sur la pierre et qu’on n’en distingue presque pas. Deux ou
trois roches ternes aussi tracent une légère dentelure à son sommet.
Pas un arbre, pas même un arbuste ne dépasse la hauteur du bruyère
qui la tapisse. Pas une chaumière, pas une fumée ne l’anime. C’est
peut-être ce qui fait le charme secret de ce jardin. Il est comme un
berceau d’mbnl que la femme du laboureur a caché dans un sillon
du champ pendant qu’elle travaille. Les deux flancs du sillon cachent
les bonis du berceau, el quand le rideau est levé, l’enfant ne peut
voir qu’un pan du ciel entre deux ondulations du terrain.
Quant au jardin en lui-même, il n’en a guère que le nom. 11 n’eût
pu compter pour un jardin qu’aux jours primitifs où Homère
décrit le modeste enclos et les sept prairies du vieillard Laêrte. Huit
carrés de légumes coupés à angles droits, bordés d’arbres fruitiers,
et séparés par des allées d’herbes fourragères et de sable jaune; à
l’extrémité de ces allées, au nord, huit troues tortueux de vieilles
charmilles qui forment un ténébreux berceau sur un banc de bois ; un
autre berceau plus petit au fond du jardin, tressé en vignes grimpan-
tes de Judée sous deux cerisiers ; voilà tout. J’oubliais, non pas la
source murmurante, non pas même le puits aux pierres verdâtres et
humides ; il n'y a pas une goutte d’eau sur toute cette terre ; mais
j’oubliais un petit réservoir creusé par mon père dans le rocher pour
recueillir les ondées de pluie ; et autour de celte eau verte et sta-
gnante, douze sycomores et quelques platanes qui couvrent d’un peu
d’ombre un coin du jardin derrière des murs, et qui sèment de leurs
larges feuilles jaunies par I été la nappe huileuse du bassin.
Oui. voilà bien toul. Et c’est là pourtant ce qui a suffi pendant tant
d’années à la jouissance, à la joie, â la rêverie, aux doux loisirs et au
travail d’nn père, d’une mère et de huit enfants I Voilà ce qui suffit
encore aujourd’hui à ta nourriture de leurs souvenirs. Voilà i’Eden
de leur enfance où se réfugient leurs plus sereines pensées quand
elles veulent retrouver un peu de cette rosée du matin de la vie et
un peu de cette lumière colorée de la première heure qui ne brille
pure et rayonnante pour l'homme que sur ces premiers sites de son
berceau. Il n’y a pas on arbre; un œillet, une mousse de ce jardin qui
ne soit incrusté dans notre âme comme s’il en faisait partie ! Ce coin
de terre nous semble immense, tani il contient pour nous de choses et
de mémoires dans un si éiroit espace
La pauvre grillle de bois toujours brisée qui y conduit el par la-
quelle nous nous précipitions avec des cris de joie; les plates bandes
de laitues qu'on avait divisées pour nous en autant de petits jardins
séparés, et que nous cultivions nous-mêmes ; le plateau au pied du-
quel notre père s’asseyait avec ses chiens à ses pieds, au retour de
la chasse ; l’allée où notre mère se promenait au soleil couchant, en
murmurant tout bas le rosaire monotone qui fixait «a pensée
à Dieu, pendant que son cœur el ses yeux nous couvaient
près d’elle ; le coin du gazon à l'ombre el au nord pour les jouis
chauds ; le petit inur tiède au midi, où nous nous rangions, nos li-
vres à la main, an soleil comme des espaliers eu automne j les trois
lilas, les deux noiseliers, les fraises découvertes sous les feuilles, les
prunes, les ptfires. les pêches trouvées le matin toutes gluantes de
leur gomme d’or el toutes mouillées dé rosée sous l’arbre, el plus
lard le berceau de charmilles que chacun de nous et moi surtout,
cherchait à midi pour lire en paix ses livres favoris; et le souvenir des
impressions confuses qui naissaient en nous de ces pages, et plus tard
encore la mémoire des conversations intimes tenues ici ou là, dans
telle ou telle allée de ce jardin; et la place où l’on se dit adieu en par-
tant pour de longues absences, celle où l’on se retrouva au retour,
celles où se passèrent quelques unes de ces scènes intimes pathéti-
ques de ce drame caché delà famille; où l’on vit se rembrunir
le visage de son père, où notre mère pleura en nous pardonnant, oïl
l'on tomba à ses genoux en cachant son front dans sa robe; celle où
l'on vint lui annoncer la mort d'une fille chérie, celle où celle éleva
ses yeux et scs mains résignés vers le ciel ! Toutes ces images, toute» |