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duchesse d’Orléans l’apanage qu’elle recevait en France, et que la
duchesse a accepté, accordant la moitié de la somme qui lui revient
pour l’année dernière aux blessés et aux familles des tués de février.
(Frankfurter Journal)
AUTRICHE
Viepcse, 1 janvier. — Les arrestations se multiplient précisément
de jour en jour au moment où l’on croyait pouvoir respirer plus libre-
ment. Ou dit cependant que l'empereur arrivera ici le 12, et l'on pré-
pare avec grande activité ses appartements au palais.
Nous recevons de Hongrie des nouvelles favorables aux succès des
troupes impériales Suivant des rapports dignes de foi. Jellachicb
s'est dirigé de More sur Hofen par Fodkis. Son avant-garde n'estplus
éloignée que de quatre milles de la capitale. Cette forteresse elle-
inème est portée pour l’empereur, et Kossuth a été obligé il y a qua-
tre joursde désarmer une grande partie de la garnison de Peslh.
DKRA’lICIt < «l UltlISt
PRUSSE.
Le baron de Bulow , qui a longtemps habité l’Amérique centrale ,
où il a été plusieurs années directeur d’une colonie , a écrit pendant
son séjour à Berlin , un ouvrage sur l’émigration et la colonisation ,
lequel est sous presse en ce moment.
La société d’émigration en Australie, qui s’est formée ici, et dont
un grand nombre de membres de l’association des artisans font par-
ité , partira positivement au printemps. (Réforme atlem.)
Francfort, 4 janvier. On n’a appris rien de certain sur un entre-
tien de plusieurs heures que M de Sclmlcrling a eu hier soir avec le
président du Conseil. Le comité s’est réuni à 6 heures, mais la note
en question ne lui a pas été remise. Il lui a été communiqué de bon-
ne source que M. de Schmerling, quoique présent depuis 20 heüres
ne l’a pas encore officiellement communiquée au ministère. Tous les
membres du comité étaient également contrariés de ce retard incom-
préhensible; mais la majorité ne pouvait se résoudre à prendre une
résolution avant d’avoir connaissance officielle et exacte d’une pièce
si importante. (Corr parlementaire.)
Suivant la Gazette tics Postes, il résulte du procès-verbal de la
conférence que le ministère de l’empire a eue le 25 décembre avec
les plénipotentiaires des 59 états souverains de l’Allemagne au sujet
delà publication des droits fondamentaux du peuple allemand dans
chaque état, qu’il n’y en a aucun qui n’ait quelque chose à alléguer
contre cette publication.
Toutefois, le ministère a exprimé, en terminant, l’espoir que cette
publication ne rencontrera pas d'obstacle sérieux, si ce n'e6l en Au-
triche et dans le Limbourg,dès que les droits fondamentaux du peuple
allemand, volés par l’assemblée nationale, auront été promulgués
comme loi de l'empire. (Celle promulgation a eu lieu depuis cette
conférence.)
On lit dans la Réforme allemande, de Berlin :
« Nos libraires se plaignent extraordinairement des mauvaises af-
faires. La presse périodique absorbe tellement tout l’intérêt qu'oh
ne lit plus guère et que l’on achète encore moins des livres, en sorte
que beaucoup d’écrivains sont obligés de garder leurs manuscrits.
« On assure que la maison Brockliaus ne se maintient qu’avec
beaucoup de peine. Cet te maison éprouve également de grandes pertes,
la Gazette à'Augsbourg perdant de plus en plus de terrain, tant à
cause de son inconsistance politique qu’à cause de sa position
défavorable sous le rapport du réseau de chemins de fer. Le pro-
priélaire songe à la transférer à Francfort, mais ce transfert serait
fort coûteux.»
GRAND DUCHE DE RADE.
L’instruction sur l’affaire de la dernière levée de boucliers répu-
blicaine est très avancée. Les accusés seront divisés en catégories
pour être jugés. La première catégorie comprendra Gustave Slruve
et Charles Blind, qui seront jugés ces jours-ci. (J. de Mannheim )
SCHLESWTG HOLSTEIN.
IÏADERSLF.REX. 1" janvier — Le 26 décembre, à 10 heures du soir
une bande danoise, armée de sabres et de pistolets, et composée de
30 personnes, est venue de Holding, a surpris le propriétaire Peter-
sen à Dalby, lui a fait six blessures, et a maltraité ses fils.
(Gazette de Cologne )
AUTRICHE.
La Gazette d'Augsbouvg revient ainsi sur la question de la disso-
lution de la diète constituante :
« On parle toujours d’une prochaine dissolution de la diète, et ce
bruit semble acquérir du fondement en ce que plusieurs orateurs im-
portants du parti ministériel viennent d’oblenir des emplois impor-
tants. En tous cas. il y aura une cataslropbe pour la diète à la fin
de la guerre de la Hongrie. Ou elle sera prorogéejusqu’à l’arrivée des
députés du peuple hongrois, ou elle sera dissoute, pour accepter
d’une nouvelle diète générale une constitution octroyée. »
PRINCIPAUTÉ DU DANUBE.
Le nombre des lioupes russes de la Valachie est prétendument de
25,000 hommes, mais il excède dans le fait celui de 50,000 hommes,
On vient d’apprendre la nouvelle certaine de l’approche d’un nouveau
corps d’armée de 16 000 hommes, de sorte que l'opinion générale que
Cette armée est destinée à former un cordon militaire sur la fron-
tière de la Hongrie commence à acquérir de la vraisemblance.Si Kos-
sulh voulait s’enfuir à travers la Turquie, il y parviendrait difficile-
ment. (Mercure de la Transylvanie)
FRANCE.
Paris, ^janvier.
Nous trouvons dans l'Hermine de Nantes la lettre adressée par M.
le Président de la République à M. de Malleville ; comme nous avons
lieu de la croire exacte, dit la Patrie, nous croyons devoir la repro-
duire :
Elysée, 29 décembre 1848.
Monsieur le ministre,
J’ai demandé à M. le préfet de police s’il ne recevait pas quelque-
fois des rapports sur la diplomatie; il m’a répondu affirmativement
et il a ajouté qu’il vous avait remis hier les copies d’une dépêche sur
l’Italie. Ces dépêches, vous le comprendrez, doivent m'être remises
directement et je dois vous exprimer tout mon inéconleutement du
retard que vous mettez à me les communiquer.
Je vous prie également de m’envoyer les seize cartons que je vous
ai demandés. Je veux les avoir demain jeudi. (Ce sont les dossiers
des affaires de Strasbourg et Boulogne.)Je n’entends pas non plus que
le ministre de l’intérieur veuille rédiger les articles qui me sont per-
sonnels. Cela ne se faisait pas sous Louis-Philippe et cela ne doit pas
être.
Depuis quelques jours aussi je n’ai point île dépêches télégraphi-
ques ; en résumé, je m’aperçois bien que les ministres que j’ai nom-
més veulent me traiter comme si la fameuse constitution de Sieyès
était en vigueur, mais je ne. le souffrirai pas.
Recevez, M. le ministre, l’assurance de mes sentiments de haute
distinction. L.-N. Bonaparte.
P. S J’oubliais de vous dire qu’il y a à Sl-Lazare 80femmes en-
core arrêtées, dont une seule est traduite devant le conseil de guerre:
I dites-mois si j’ai le droit de les faire mettre en liberté, car dans ce
cas j’en donnerai l’ordre à l’instant même.......
La Réforme, qui s’élève tant contre le fejd-marécbal Radetzki pour
les mesures qu’il prend contre les émigrés de Milan, ne s’aperçoit pas
que ces mesures sont précisément semblables à celles que la révolu-
tion française de 1792 décréta contre les émigrés, et encore avec quel-
ques modifications : la révolution française a séquestré et confisqué les
biens de 175 mille familles pour une valeur de 1,700 millions de
livres
Nous n’approuvons certes pas ces violences, mais nous ne voulons
pas que les révolulionaires de 1793qui ont cdnfisqué, guillotiné, fu-
sillé en masse, puissent être exaltés, tandis qu’on déclame contre la
tyrannie de tous les gouvernements réguliers.
Oui, aujourd’hui l’Italie serait heureuse, libre, constitutionnelle,
sans le fatal événement do 24 février, tandis qu’avant le printemps
elle sera foulée aux pieds pour toutes les armées qui, de la Hongrie,
descendront dans ses fertiles provinces.
La monarchie aurait pu donner la liberté à l’Italie, la démocratie
lui léguera l’asservissement, la ruine et d’interminables malheurs I
Hier vers trois heures de l’après-midi, un événement affreux a eu
lieu dans une des allées des Champs-Elysées. Ün domestique nHmtait
un cheval extrêment fougueux, qui fut tout-à-coup effrayé par le bruit
d’une diligence. Son cavalier, après avoir vainement lutté polir le
retenir, fut renversé, et en tombant, il eut un de ses pieds pris dans
l’un des étriers. Le cheval prit le mors aux dents, et le malheureux
domestique qu’il trainail fut bientôt mis dans un état tel, que sa (été
fut entièrement fracassée.
Il avait cessé de vivre quand on parvint à arrêter le cheval.
Hen-islès*®» nouvelles «le Farls.
(Correspondance particulière du précurseur.)
Paris, 7 janvier.
La discussion d’hier s’est terminée à l’avanlage du minis-
tère. Les explications données par M.de Malleville, onl assez
clairement défini la situation étrange que sa retraite avait faile
à ceux de ses collègues dont il s’élait séparé. En somme, los
prétentions auxquelles l’ex-minislre de l’intérieur avail refusé
défaire droit, ayant cessé de se produire, il aurait pu garder
son porlefeuille, s’il n’avail craint que la courle lulle qui a
existé entre lui el le chef du pouvoir, n’eùt nui nécessaire-
ment à la confiance dont il avait besoin d’êlre assuré pour
conserver son poste, honorablement pour lui, utilement pour
la chose publiqüe.
Les explications données ont d’ailleurs établi positivement
deux faits: A savoir que la communication des dossiers n’a-
vait jamais èlè refusée à M. Louis Bonaparte, et que c’est
seulement le déplacement de ces pièces qui n’avait pu être
autorisé. Encore puis-je ajouter, que cette dernière question
n’a souffert de difficulté que quand le président, interrogé
sur le temps pendant lequel il devait conserver les pièces
demandées,eûl déclaré qu’il les demandait pour les conserver.
Donc, s’il existait dans les seize carions des indices d’une
trahison politique, dont M. Louis-Bonaparte eût été victime,
s’il se croyait fondé à rechercher dans ces archives des rai-
sons de méfiance contre M. Thiers, ou tout autre des agents
de l’ancien gouvernement, rien ne s’est opposé à ce qu’il ait
éclairci ses soupçons, et fait raison de ses méfiances.
M. G Sarrut a déclaré, avec une componction profonde,
que dans la lettre adressée à plusieurs journaux, il n’avait
pas entendu faire la moindre allusion à M. de Malleville. 11
n’en reste pas moins incontestable, que celle lettre avait élè
libellée de telle sorte que chacun, en-dehors de M. de Malle-
ville lui-même, avait pu la prendre pour un défi direct, porté
à l’ex-ministre de l’inlèrieur.
M. Germain Sarrut aime le bruit et le scandale. S’il ne fait
plus aujourd’hui de Biographies, il a toujours la ressource
d es journaux et momentanément la ressource de la tribune.
Il en use en désespéré, comme un homme qui veut absolu-
ment qu’on s’occupe de lui. Parlons donc de M. Germain
Sarrut-!
C’est un conspirateur émérite, il s’en vante : il a eu 114
procès, il a paru 60 fois en cour d’assises 1 Quels états de ser-
vice 1 nous qui n’aimons pas les conspirateurs, parce que,
ayant vu de près hommes el choses, nous avons reconnu que
la manie des conspirations provenait invariablement d’une de
ces deux causes, ou d’un cerveau félé, ou de calculs person-
nels infiniment peu avouables; nous demandons cependant
aux amis de l’ordre qui partagent nossentiments un peu d’in-
dulgence pour M. Sarrut. Il a évidemment surfait sa gloire,
il a ajouté à son bras les chevrons d’autrui. M. Sarrut n’a pas
eu personnellement 114 procès, il ne s’est pas assis person-
nellement 60 fois en cour d’assises 1 S’il le croit, c’esl pure
illusion de sa pari, et nous le mettrions volontiers an défi de
citer les dates de six procès en cour d’assises qu’il ail person-
nellement soutenus. L’erreur de M. Sarrut vient de ce qu’il se
prend pour la Tribune et qu’il veut accaparer à lui seul l’hon-
neur, puisque honneur il y a, de tous les procès intentés à ce
journal, et des condamnations qu’il a subies dans la personne
de ses gérants, Uaseans, Boussi, Auguste Mie, etc., etc.
Quand M. Sarrut dit moi c’est donc la Tribune qu’il veut
dire. Quand il dit nous, c’est autre chose. Ce nous qu’il a pro-
digué hier, ce nous est superbe. Ce n’est ni plus ni moins que
le président de la république et lui. Le président sera très
flatté. M. Germain Sarrut sera bon prince, au train dont il va,
s’il veut bien ne pas revendiquer, pour lui-mème, ta moitié
des cinq millions el demi de voix qui ont appelé M. Louis
Bonaparte à la présidence.
Nous ne revenons pas sur les explications étranges, sau-
grenues., que le représentant montagnard a apportées hier à
la tribune. Bien que l’assemblée nationale ait entendu de sin-
gulières choses depuis qu’elle siège, rien n’approche de ces
houleux détails qu’elle a dù subir. Une assemblée qui a la
mission de rétablir l’ordre, et qui, nous le disons à son hon-
neur, a le vif sentiment de sa lâche, condamné à entendre,
une heure durant, un vieux conspirateur exaltant ses conspi-
rations el se complaisant dans les plus misérables racontages
de police ! Et tout cela pourquoi? Parce que ces messieurs,
aujourd’hui exhonérès de leur triste passé, ont la fantaisie de
savoir lequel d’entre eux a vendu la mèche à la police de
Louis-Philippe. Eh ! mon Dieu! hâtez-vous, messieurs, exa-
minez-vous, discutez-vous à huis-clos,el lavez donc votre linge
en famille ! Faites comme Caussidière, conspirateur modèle,
qui n’a pas fait tant de façons avec de la Hodde, et qui a eu
le bon sens de ne pas souffler mot an public de celte procé-
dure sommaire qu’il a instruite â huis-clos contre le mouloü
de M. Delesserl.
La discussion d’hier a donné nécessairement quelque con-
sistance aux bruits qui couraient depuis deux jours, sur la for-
mation d’un ministère pris dans certains rangs de la gauche.
Il n’y avait qu’une chose de vraie, c’était une intrigue ourdie
pour imposer au président un ministère dont les amis de M.
Ledru-Rollin auraient occupé les postes principaux. Il parait
que, de son côté, M Marras! avait profilé de la circonstance pour
proposerau chef de l’Etal une certaine combinaison mixte qui,
selon lui, était assurée de la majorité dans l’assemblée.
Ce malin, plusieursjournaux démentent quasi-officiellement,
au nom du président, les deux négociations dont je viens de
parler. Je crois, en effet, qu’elles n’ont fait que venir mourir
dans les anti-chambres. On m’assure d’ailleurs que le cabinet,
trés rassuré par l’allilude de la chambre qui, en effet, s’est
montrée très bienveillanle pour lui, en immense majorilè
dans le débat d’hier, doit faire prendre, par un de ses amis
les plus marquants, l’initiative d’un mezzo termine, qui met-
Irait fin aux tiraillements dans l’affaire de la cessation plus
ou moins prochaine du mandat de l’assemblée.
On s'entretient beaucoup aujourd’hui d’une entrevue deM. Marra s t
avec le président de la république. On disait, hier soir, qu’il avait élé
mandé par M. Louis Bonaparte; mais il parait maintenant que le
président de l’assemblée nationale a fait auprès du chef de l’Etat une
démarche tout spontanée, sans aucun caractère officiel, et que les
offres qu’il aurait faites, n’auraient pas été agréées.
On dit qu’hier aussi quelques-uns des membres les plus influents
sé sont réunis chez le président delà république, el Celui-ci a déclaré
hautement qu’il était déterminé à continuer! réprimer les idées con-
traires à celles consacrées par l’immense majoriié à laquelle il de-
vait son élection. Il paraîtrait même que le président de la répu -
blique se propose de réunir très prochainement tous les membres
du cabinet, et de manifester publiquement la parfaite intelligence
qui a toujours subsisté entre lui et les hommes qu’il a investis de sa
confiance.
On assurait ee malin que les cinq anciens ministres de Louis-
Philippe qui sont de fetonr à Paris, après avoir élé déchargés de l’ac-
cusation capitale qui pesait sur eux. ontélé remettre leurs cartes chez
le présidenl de la république. (Le Peuple )
Vn des moniteurs napoléoniens se dit autoriser à publier les déné-
gations suivantes :
« On a prétendu qu’une entrevue avait eu lieu entre le président
de la république et M. Armand Marrast, entrevue dans laquelle
Celui-ci, pressenti Sur les dispositions politiques de l’assemblée au-
rait reçu la mission de former un ministère... M. Ledru-Rollin, de son
côté, appelé à l’Elysée, aurait élé chargé de la composition d’un mi-
nistère, nécessairement ultra-démocratique. Le président de la répu-
blique, instruit de ces fabuleuses nouvelles, a donné l’ordre qu’elles
fussent démenties en son nom. M. Ledru-Rollin n’a point été appelé
à l’Elysée, non plus que M. Marrast. Seulement sur une demande
d’audience qu’il avail adressée ce dernier s’y es! effectivement rendu
hier ; mais aucune mission de la nature de celle qu'on prétend leur
avoir été donnée n’a été confiée ni à M. le présidenl de l’assemblée ni
au chef de la Montagne. »
On a remarqué qu’un arrêté du Président de la République inséré
au Moniteur universel, était signé Louis Napoléon cl que le nom de
Bonaparte était supprimé. Des esprits méfiants disaient qu'avec le
retranchement du premier des prénoms on sera revenu à l’empire...
en illusion.
MSI. Pagnerre, Bixio, Barthélémy St Hilaire et Altaroche ont dé-
posé hier sur le bureau du président de l’assemblée, une proposition
ayant pour Imt de fixer au 15 avril les, élections prochaines et au 4
mai la réunion de l’assemblée législative.
Le vœu formulé pour la dissolution de l’assemblée nationale se
généralise. Nous avons déjà cité bon nombre de départements où il a
été émis. La presque unanimité des membres du conseil général de
la Somme vient de faire parvenir à l’assemblée l’expression du même
vœu. 11 est à remarquer que chacun des membres lui a individuelle-
ment adressé, et à peH près dans les mêmes termes, une déclaration
que deux des conseillers généraux élus par la ville d’Amiens, MM.
Mâlot et Allon, ont porté eux-mêmes à Paris.
M. Alexandre Dumas esl une des premières victimes du rétablisse-
ment de la contrainte par corps. Aussitôt après la promulgation de
celle loi bienfesante, les recors se sont mis en campagne contre le
gentilhomme de lettres, qui, traqué de tous côlés par les poursuites
de Quarante-Cinq créanciers, n’a trouvé son salqt que dans la ces
sion dé biens Le tribunal lui a accordé un sursis provisoire à loutes
poursuites.
Des clubs s’organisent dans tous les quartiers de Paris : A ia salle
Saint-Honoré, sous le nom de Club socialiste ; à la salle de la Re-
doute, à la salle de la Fraternité, rue Martel; à la salle Valentino, au
club Montesquieu, etc., etc.; partout et chaque soir, une foute atten-
tive se presse autour de ces orateurs socialistes-el là les querelles in-
testines, les questions en litige, tout ce que nous appellerons la par-
tie doctrinale du socialisme, esl réservé. L’appel esl fait aux assis-
tants Contre ce qui est ; cet appel fait d’une commune voix, reçoit
des auditeurs une adhésion unanime elles progrès de l'antagonisme
de la société future, telle que les utopistes voudraient la façonner
contre la société réelle, vont toujours croissants.
Nous avons annoncé hier que des troubles assez graves avaient
éclaté aux Balignolles et -que l’intervention d’une -force armée impo-
sante avait été nécessaire. Nous ajouterons que le préfet de police
s’est transporté lui-mème surles lieux, et que sa présence a calmé
l'irritation provoquée par l’aspect des bayonnetles. Le procureur de
la République, assisté de substituts et d’un juge d’instruction, s’est
rendu, le soir, aux Balignolles où l’avait dévancé la force armée.
On sait que depuis longtems, les marchands de vins offrent de payer
par abonnement et demandent à grands cris l’abolition de l’exercice.
Voyant qu’on ne répondait pat à teurs pétitions, ils ont refusé l’en-
trée de leurs caves aux employés des droits répnis, insistant pour
qu’on leur accordât le mode d’abonnement. L’administration a de
mandé le concert de la force armée ; les portes des caves ont été
enfoncées ; et la population irritée de cette violation de domicile
s’est réunie pour opposer la force à la force.
ces empreintes, tous ces groupes, toutes ces figures, toutes ces féli-
cités, toutes ces tendresses peuplent encore pour nous ce petit enclos
comme ils l’ont peuplé, vivifié, enchanté pendant tant de jours, les
plus doux des jours, et font que, recnuillanl par la pensée notre exis-
tence extravasée depuis, dans ces mêmes allées nous nous envelop-
pons, pour ainsi dire, de ce sol, de ces arbres, de ces plantes nées
avec nous, el nous voudrions que l’univers commençât et finit pour
nous avec les murs de ce pauvre enclos!
Ce jardin paternel a encore maintenant le même aspect. Les arbres
un peu vieillis commencent seulement à tapisser leurs troncs de taches
de mousses , 1rs bordures de roses et d’œiilets ont empiété sur le sa-
ble, rétréci les sentiers. Ces bordures traînent leurs filaments où les
pieds s’embarrassent. Deux rossignols chantent encore les nuits d’été
dans les deux berceaux di serts Les trois sapins plantés par ma mère
ont encore dans leurs rameaux les mêmes brises mélodieuses Le so-
leil a le même éclat sur les nues à son couchant. On y jouit du même
silence interrompu seulement de temps en temps parle tintement
des angelus dans le clocher, ou par la cadence monotone et assoupis-
sante des fléaux des paysans qui battent le blé sur les aires de leurs
granges.Mais les herbes parasites.les ronces,les grandes mauves bleues
s’élèvent par touffes épaisses entre les rosiers Le lierre épaissit ses
draperies, déchirées contre les murs. Il empiète chaque année da-
vantage sur les fenêtres toujours fermées de la chambre de nolne
mère ; el quand par hasard je m’y promène el que je m'y oublie un
moment, je ne suis arraché à ma solitude que par les pas du vieux
vigneron qui nous servait de jardinier dans ces jours-là et qui revient
de temps en temps v isiter ses plantes comme moi mes souvenirs, mes
apparitions et mes regrets.
ROTE VI.
Vous connaissez maintenant cette demeure aussi bien que moi.
Mais que ne puis-je un seul moment animer pour vous ce séjour de
la vie. du mouvement, dti bruit, des tendresses qui le remplissaient
pour nous? J’avais déjà dix ans que je ne savais pas encore ce que
c’était qu’une amertume de cœur, une gêne d’esprit, une sévérité du
visage humain. Tout était libre en moi et souriant auteur de moi. Je
n' dais pourtant ni énervé par les complaisances de.ceux à qui je de-
vais obéir ni abandonné sans frein aux capricieuses exigences de mes
imaginations ou de mes volontés d’enfant. Je vivais seulement dans
un milieu sain et salutaire de la plénitude de la vie, entre mon père
et ma mère et ne respirant autour d'eux que tendresse, piété et con-
tentement. Aimer el être aimé, c’était jusque-là toute mon éducation
physique ; elle se faisailaussi d'elle même au grand air et dans les
exercices presque sauvages que je vous ai décrits. Plante de pleine
1er: e et de montagne, on se gardait bien de m’abriter.
On me aUsait croître, fortifier et embellir en luttant l’hiver et l’été
avec les éléments. Ce régime me réussissait à merveille, el j’étais
alors un des plus beaux enfants qui aient jamais foulé de leurs pieds
nus les pierres de nos montagnes, où la race humaine est cependant
si «aine et si belle.Des yeux d’un bleu noir,comme ceux de ma mère,
des traits purs et presque romains, adoucis par une expression un
peu pensive comme était ia sienne; un éblouissant rayon de joie inté-
rieure éclairant tout ce visage ; des cheveux très souples et très
fins,d’un brun doré comme l'écorce mùre.de la châtaigne,tombant en
ondes plutôt qu’en boucles sur mon cou bruni par le hâte; la lai lie lia u te
déjà pour mon âge. les mouvements lestes, flexibles et grâcieux;
seulement une extrême délicatesse de peau qui me venait aussi de
ma mère, et une facilité à rougir et à pâlir qui trahissait la finesse
des tissus, la rapidité et la puissance des émotions du cœur sur le vi-
sage; en tout, le portrait de ma mère, avec l’accent viril de plus dans
l’expression, voilà l’enfant que j’étais alors. Heureux de formes, heu-
reux de cœur, heureux de caractère, la vie avait écrit bonheur, force
et santé sur tout mon être.Le temps, l'éducation, les fautes, ies boni
mes, les chagrins l’ont effacé ; mais je n’eu accuse qu’eux et moi
surtout. Je n’aïais rien alors à reprocher à la nature.
Mon éducation était toute dans les yeux jdus ou mojns sereins tl
dans le sourire plus ou moins ouvert de ma mère. Les rênes de mon
cœur étaient dans le sien. Elle ne me demandait que d’êlre vrai et
lion. Je n’avais aucune peine à l’être Mon père me donnait l’exemple
delà sincérité jusqu’au scrupule ; ma mère, delà bonté jusqu’au dé-
vouement le plus héroïque Mot; âme qui ne respirait que la bonté ne
pouvait pas produire autre chose. Je n’avais jamais à lutter ni avec
moi même, ni avec personne. Tout m'attirait, rien ne me contrai-
gnait. Le peu qu’on m’enseignait m’était présenté comme une récom-
pense. Mes maitres n’étaient que mon père et ma mère. Je les voyais
lire el je voulais lire; je les regardais écrire et je leur demandais de
m’aider à former mes lettres. Tout cela se faisait en jouant, aux mo-
ments perdus, sur les genoux. dans le jardin, au coin du feu du sa-
lon avec des sourires, des badinages, des caresses. J’y prenais goût ;
je provoquais moi-même les courtes et amusantes leçons. J’ai ainsi
tout su, un peu plus lard, il est vrai, mais sans mesouvenir comment
j'ai appris el sans qu’un sourcil se soit froncé pour me faire appren-
dre. J’avançais sans me sentir marcher.
Ma pensée, toujours en communication avec celle de ma mère, se
développait, pour ainsi dire, dans la sienne. Les autres mères ne por-
tent que neuf mois leur enfant dans leur sein ; je puis dire que la
mienne m’a porté douze ans dans le sien, et que j’ai vécu de sa vie
morale, comme j’avais vécu de sa vie physique dans ses flancs, jus-
qu’au moment où j’en fus forcément et malheureusement arraché
pour aller vivre de la vie putride ou tout au moins glaciale des col-
léges.
Je n’eus donc ni mailre d’écriture, ni maître de lecture, ni maître
de langues. Du voisin de mon père, M. Bruys deVaudran, homme de
talent retiré du momleoù il avait beaucoup vécu, venailnousvoirune
fois par semaine. Il me donnait d’une très belle main des exemples
d’écriture que je copiais seul, et que je lui remettais à corriger à son
HOLLAKDE
Le bruit a couru ces jours-ci que le prince d’Orange aurait été
frappé d’aliénation mentale. Certains journaux français ont même
ajouté que par suite de cette catastrophe, il avait été question de
transmettre au fils du prinee les droits héréditaires à la couronne.
Une lettre de La Haye, dément cette nouvelle. Nous y lisons : « Le
prince d’Orange a eu. en effet, une indisposition, mais elle n’avait
rien de grave, et personne ici ne s’est préoccupé d’un fait si simple.»
SOCIÉTÉ DES EFFETS PUBLICS D’AMSTERDAM DU 7 JANVIER.
Aux cours ci-après indiqués il y a eu quelque demande pour les
fonds espagnols.
Intégrales 2 1/2 p. c. 48 3/4. 7/8 ; Ardoin de 510 £ 9 15/16 ; Coupons
nouveaux 6 3/4; 3 p. c. intérieur 18 15/16, 19 1/16, 1/8, 1/10; Métal-
liques 5 p. c., 70 1/2 ; Pérou 353/4.
BELGIQUE.
ANVERS, 8 JANVIER.
Le thermomètre Réaumur marquait ce matin 1 degré au-
dessus de zéro. Le vent est à l’est. Le dégel n’est pas pro-
noncé mais le temps s’est beaucoup radouci.
— Le bateau à vapeur belge Antwerpen, cap. Jackson,
esl arrivé ce malin de Londres, ayant 8 passagers et un char-
gement de colon, cuivre el autres marchandises à bord.
— Pendant l’année 1848, il est parti, par 207 navires,
29,947 émigrants du port de Brême, Eu 1847 il en était parti
33,682 par 235 navires.
— Plusieurs négociants se plaignent de ce qu’on laisse le
milieu de la Bourse sans y mettre du sable ou de la cendre;
on risque de se caséer le cou, si on s’avise de vouloir la tra-
verser.
— Le pavage de la lre section de la chaussée d’Aerschol à
Zammel, a èlè commencé l’été dernier et devait être achevé
au 1r octobre. Mais les travaux n’ont pas été poussés avec
l’activité nécessaire, et une partie restera à faire pour lacam-
gne prochaine. La construction de ia deuxième section vient
d’êlre adjugée. Comme pour celle partie la direction de l’an-
cien chemin a élé conservée, les ouvrages de terrassement se
borneront à des rectifications peu importantes et pourront être
terminés en peu de temps ; de sorte que si le gouvernemeut
insiste, ainsi que nous n’avons cessé de le demander, pour
faire activer les travaux, il sera possible de les terminer el de
livrer la roule à la circulation vers le mois de Juillet pro-
chain.
— Le Courrier de Louvain annonce que le conseil coin-
munal d’Heverlé vient d’adresser un mémoire à la chambre
des représentants pour protester contre la nomination du
bourgmestre des communes qui aurait été faite en violation
de la loi du lr mars 1848.
— La société nationale et centrale d'agriculture de France
a parfaitement compris l’importance des conconrs appliqués à
l’économie forestière ; dans ce but, elle a institué des prix
et des médailles d’or et d’argent pour être décernés en 1850,
1853 et 1860 II s’agit de plantations de chênes fournissant
une matière propre à la teinture, de la plantation en grand
du noyer noir d’Amérique et d’essais de culture en pleine
lerre des arbres de la famille des conifères, récemment intro-
duits en Europe. Des concours de ce genre donnent une idée
des services que pourrait rendre à la Belgique la création
d’écoles forestières dans le Luxembourg el le Hainaut.
— On écrit de Cachtem (Flandre occidentale) : « II y a
quelques années, celle commune avail une populalion de
2,000 âmes. Dans le dernier recensement, on en comptait
plus de 1,700 mais officiellement, il en a à peine 1,461.
L’année qui vient de s’écouler est signalée par 128 décès sur
29 naissances. »
— Il a été trouvé par un ouvrier, dans les minières de
Saint-Pancrè (Moselle), trenle-qualre pièces en or, parfaite-
ment frappées el très bien conservées; l’or est très fin. Ces
pièces sont du règne de Charles VI ; M. Bosseler, marchand à
Longuyon, les a achetées.
—• Le Muséum d’histoire naturelle de Paris vient de faire
une perte regrettable. Le chimpanzé, qui a attiré une foule
nombreuse de visiteurs, n’a pu, malgré tous les soins qui lui
oui été donnés, survivre au premier froid. Il est mort le lr
janvier. Ou a pu, pendant les cinq mois qu’il a vécu, recueil-
lir plusieurs observations précieuses sur le développement de
l’intelligence qui distingue ces intéressants animaux.
— Dans la derrière réunion du conseil d’aministration du
chemin de fer rhénan, la direction a annoncé que, par suite
des mouvements politiques, le budget de 1848 prouve une ré-
duction de recettes de 306,000 thalers comparativement à ce-
lui de 1847,qu’on ne peut rien prévoir de plus favorable pour
l’année 1849, et que, pour pouvoir terminer complètement
le chemin de fer, on sera obligé de recourir, et même d’ici à
peu de temps, à un emprunt de 500,000 thalers.
— Un journal de la province de Hainaut a annoncé il y a
quelques jours, qu’on a trouvé neuf lièvres morts sur le terri-
toire de la commune d’Havré; et qu’il est résulté de l’autop-
sie qui en a élé faite par des mèdecius, qu’ils ont péri par
suile d'affection cholérique. L’on sait que le choléra agit
aussi sur quelques espèces d’animaux.
Cette nouvelle pouvant inquiéter, eu faisant croire à l’exis-
tence du choléra dans celle conlrèe, et, d’autre part, éloigner
de faire usage de lièvre, ce qui nuirait aux consommateurs
comme à ceux qui en font commerce, nous croyons utile de
démentir ce bru.il qui est tout à fait sans fondement et dans
lequel, comme nous l’a appris une personne de la localité, il
retour. Le goût de la lecture in’avail pris de bonne heure. On
avait peine à me trouver assez de livres appropriés à mon âge pour
alimenter ma curiosité. Ces livres d’enfant ne me suffisaient déjà
plus. Je regardais avec envie les volumes rangés sur quelques plan-
ches dans un petit cabinet du salon. Mais ma mère modérait chez
moi cette impatience de connaître. Elle ne me livrait que peu à peu
les livres et avec intelligence. La Bible abrégée el épurée, les fables
de Lafontaine, qui me paraissaient à la fois puériles, fausses et que
je ne pus jamais apprendre par cœur ; les ouvrages de M™' de Gen-
lis, ceux de Berqnin, des morceaux de Fénélon et de Bernardin de
Saint Pierre, qui me ravissaient dès ce temps-là; la Jérusalem déli-
vrée, Robinson, quelques tragédies de Voltaire, surtout Métope, lue
par mon père à la veillée ; c’est là que je puisais, comme la plante
dans le sol, les premiers sucs nourriciers de ma jeune intelligence.
Mais je puisais surtout dans l’âme de ma mère, je lisais â travers
ses yeux, je sentais à travers ses impressions, j’aimais à travers son
amour. Elle me traduisait tout, nature, sentiment, sensations, pen-
sées Sans elle je n’aurais rien su épeler de la création que j’avais sous
les yeux; mais elle me mettait le doigt sur toute chose. Sou âme était
si lumineuse, si coloré,e el si chaude qu’elle ne laissait de ténèbres et
de froid sur rien. En me faisant peu a peu tout comprendre, elle me
faisait en même temps tout aimer. En un mot, l’instruction insensible
que je recevais n’était point une leçon, c'était faction même de vivre,
de penser et de sentir que j’accomplissais sous mes yeux, avec elle,
comme elle et par elle. Nous vivions à deux. C’esl ainsi que mon
cœur se formait eu moi sur un modèle (pie je n’avais pas même la
peine de regarder, lant il était confondu avec mon pcopre cœur.
Ma mère s’inquiétait très peu de ce qu’on entend par instruction ;
elle n/aspirail pas à faire fie moi un enfant avancé pour son âge.
Elle ne me provoquait pas à celte émulation qui n’est qu’une jalousie
de l’orgueil des enfans. Elle ne me faisait comparer à personne ;
elle ne m’exaltait ni ne m'humiliait jamais par ces comparaisons
dangereuses. Elle pensait avec raison qu’une fois mes forces intel-
lectuelles développées par les années el par la santé du corps et de
l’esprit, j’apprendrais aussi couramment qu’un autre ee peu de grec,
de latin et de chiffres dont se compose cette banalité lettrée qu’on
appelle une éducation. Ce qu’elle voulait, c’était faire en moi un en-
f.int heureux, un esprit sain, et une âme aimante; une créature de
Dieu et non une poupée des hommes.
Elle avait puisé ses idées sur l’éducation d’abord dans son âme. et
puis dans J.-J. Rousseau et dans Bernardin de Saint-Pierre, ces deux
philosophes des femmes parce qu’ils sont les philosophes du senti-
ment. Elles les avait connus ou entrevus l’un et l’autre dans son
enfance chez sa mère , elles les avait lus et vivement goûtés depuis ;
elle avait entendu, toute jeune, débattre mille fois leurs systèmes par
Mmede Genlis et par les personnes habiles chargées d’élever les ep-
fans de M. le duc d’Orléans. On sait que ce prince fut le premier qui
osa appliquer les théories de cette philosophie naturelle à l’éducation
de ses fils. Ma mère, élevé avec et presque comme eux ; devait trans-
porter aux siens ces traditions de son enfance. Elle ié faisait avec
choix et discernement.
Elle ne confondait pas ce qu’il convient d’apprendre à des princes,
placés par leur naissance et par leurs richesses au sommet d’un ordre
social, avec ce qu’il convient d’enseigner à des enfants de pauvres et
obscures familles placés tout près de la nature dans les conditions
modestes du travail et de la simplicité. Mais ce qu’elle pensait, c’est
que, dans loutes les comblions de la vie, il faut d'abord faire un
homme, et que quand l’homme est fait, c’est à dire l’être intelligent,
sensible el en rapport justes avec lui-même, avec les autres hommes
et avec Dieu, qu’il soit prince ou ouvrier, peu importe, il est ce qu'il
doit être; ce qu’il est, est bien, et l’œuvre de sa mère est accomplie.
C’est d’après ce système qu’elle m’élevait. Mon éducation était une
éducation philosophique deseconde main, une éducation philosophi-
que corrigée et attendrie par la maternité.
Physiquement, cette éducation découlait beaucoup de Pythagore
et de VÉmile. Ainsi, la plus grand simplicité de vêtement et la plus
rigoureuse frugalité dans les aliments en faisaient la hase. Ma mère
était convaincue, et j’ai gardé à cet égard ses convictions, que tuer
les animaux pour se nourrir de leur chair et de leur sang est une
des plus déplorables et des plus honteuses infirmités de la condition
humaine ; que c’est une de ces malédictions jetées sur l’homme soit
par sa décadence à une époque inconnue, soit par l’endurcisse-
ment de sa propre perversité. Elle croyait, et je le crois comme
elle, que ces habitudes d’endurcissement de cœur à l’égard des ani-
maux les plus doux, nos compagnons, nos auxiliaires, nos frères en
travail et même en affec tion ici-lias, que ces immolations, ces appé-
tits de sang.cclte vue des chairs palpitantes sont fa ils pour brutaliser
et pour férociser les instincts du cœur.Ellecroyait,etje le crois aussi
que celte nourriture bien plus succulente et bien plus énergique en
apparence contient en soi des principes irritants et putrides qui ai-
grissent le sang et abr ègent les jours de l'homme. Elle citait, à l’ap-
pui de ces idées d’abstinence, les populations innombrables, douces,
pieuses de l’Inde qui s’interdisent tout ce qui a eu vie, et les races
fortes et saines des peuples pasteurs et hiême des populations labo-
rieuses de nos campagnes qui travaillent le plus, qui vivent le plus
innocemment et les plus longs jours.et qui ne mangent pas de viande
dix fois dans leur vie. Elle lie m’en laissa jamais mangeravant l’âge
où je fus jeté dans la vie pêle-mêle des collèges. Pour m’en ôter le
désir, si je l’avais eu, elle n’employa pas de raisonnements, mais elle
Se servit de l’instinct qui raisonne mieux en nous que la logique.
J’avais un agneau qu’un paysan de Milly m’avait donné, et que j’a-
vais élevé à me suivre partout comme le chien le plus tendre et
le plus fidèle. Nous nous aimions avec celle première passion que les
enfants et les jeunes animaux uni naturellement les uns pour les au-
tres. lin jour, l a cuisininière dit à ma mère, en ma présence : —
« Madame, l’agneau est gras, voilà le boucher qui vient le deman-
dons vit |