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ILE PlfcECUHiSEIJK -, Ulmaiiclie 3 Janvier S®41
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bulletin de la bourse.—Les besoinsde la liquidation se sont fait sen-
tir au début de la bourse; l’approche de la réponse des primes a donné
lieu à des achats et la rente aouvert en hausse. Le 5 p. c. qui avait fermé
hier à 7U 78 a ouvert aujourd’hui à 76 80 ; on a fait 70 83, mais on a en-
suite fléchi à 70 65. C'est à ce cours que les primes ont été répondues.
On a ensuite fléchi à 70 55, ce qui fait en définitive 25 c. de baisse sur la
dernière cote.
Le 5 p. c. qui avait fermé hier à 110 70 a ouvert à 110 80 et il ferme à
110 40, avec 30 c. de baisse.
Après la bourse, le 5 p. c. français était à 70 40.
Les actions de la Banque de Belgique sont toujours à 900; le 5 p. c.
belgea été coté à97 1|2, le 5 p. c. a 69 15. La rente de Naples à 101 ; la
rente actice à 24 7,8; l’emprunt romain à 99 ![4.
Pliynionomie «Je I» presse française.
Le JOURNAL DES DÉBATS consacre un long article à l’examen des
événements qui se sont accomplis en 1840 ; il en attribue une large part
au passage aux affaires de M. Thiers. — Voici au reste comment il ex-
prime son adieu politique à l’année 1840.
« L’année 1840 n’est plus ; ne nous en plaignons pas ; car cette année
a appartenu tout entière au ministère du l>r mars. Le ministère du l«r
mars a duré huit mois ; et si l’on ajoute à ce chiffre le temps qui a servi
à le préparer et celui qu’il a fallu pour réparer, encore incomplète-
ment, les conséquences de son passage aux affaires, on voit que notre
calcul est rigoureux; toute celte année lui appartient. De janvier à
mars, l’intrigue lui prépare les voies; de mars à novembre, il accomplit
sa destinée; de novembre à janvier, l’administration qui lui succède est
occupée à rétablir l’ordre où il l’a troublé, à raffermir la paix où il l’a
ébranlée, à relever les ruines dont ila semé partout sa route. Telle a été
l’influence du dernier cabinet. Son oeuvre lui a survécu dans les difficul-
tés de toutes sortes qu’il a léguées à ses successeurs. L’année 1840
comptera donc dans l’histoire comme l’année quia appartenu en propre
à M. Thiers. Ce sera là, nous le craignons bien pour elle, sou unique
gloire. Aussi, malgré lecheminqu’ellenousa fait faire, avons-nous trou-
vé cette année bien longue, et sommes-nous contents qu’elle soitünie.»
I,e même journal s'occupe de l’exuosé des motifs de M. ilumaiin,
qu’il croit devoir rassurer ceux qui auraient pu douter de la ferme ré-
solution du gouvernement à poursuivre les améliorations par lesquelles
la civilisation se révèle et qui déjà, dit-il, distinguent la dynastie nou-
velle de tout ce qui l’a précédé, il s étend ensuite sur les charges oné-
reuses qu’ont laissé à la France les deux ministères de gauche qui ont
paru aux affaires et demande si le moment ne serait pas venu de corri-
ger les bévues financières du premier, eu défaisant l'ouvrage du minis-
tère Laffitte et en rendant à 1 impôt des ouïssons tes bases qu’il avait
avant la loi de décembre 1850. »
Le COURRIER FRANÇAIS consacre également 1 un de ses articles à
l’analyse des événements de 1840, qui lui semblent marqués de l’emprein-
te d’une double calamité: les fléaux de la nature, el les fautes des hom-
mes qui laissent la France atteinte dans sa dignité. Cet article est l’apo-
logie complète delà politique du ministère du 1er mars faite aux dépens
de M, Guizot. Voici comment il le termine:
« Nous ne faisons point ici de la polémique, et il n’est guère possible
d’écrire l’histoire le jour même des événements; mais la postérité ju-
gera, et son jugement ne peut manquer d’ètre sévère. Quels que soient
ceux sur qui tombera la responsabilité des événements, celte respon-
sabilité sera pesante. La France est maintenant sans alliances, elle est
blessée dans ses intérêts, elle est inquiétée dans sa sécurité, elle est of-
fensée dans son honneur; était-il donc impossible de ne pas se laisser
réduire à cette extrémité ? A qui eu est la faute ou la crime ? L’avenir
est un grand révélateur, et l’histoire aura à remplir un grand devoir
de justice : elle s’en acquittera. Le nôtre, à nous, se borne à une simple
exposition des faits. »
Le Courrier s'occupe aussi d'un autre événement du jour;la nomina-
tion du général Bugeaud au gouvernement d’Alger. Il critique vive-
ment cette nomination faite, dit-il, au moment où le maréchal Valée, éclai-
ré par le reproche qu’il avait encouru, commençait à cueillir les fruits
de l’expérience d’un gouvernement si difficile que celui des possessions
d’Afrique.
Le CONSTITUTIONNEL tout en rendant justice à l’habileté militaire
et au courage de M. Bugeaud, s'élève également contre la nomination
de ce général. Il fait valoir les mêmes arguments que le Courrier fran-
çais.
Le NATIONAL parle des intrigues fomentées par les amis de M
Molé, qui, dit-il, font de nouveau courir les bruits de la dislocation du
ministère et qui sont dans une excellente position pour faire compren-
dre» que les anciens hommes ne peuvent pas introniser devant le pays
la paix armée et la paix désarmée. La politique a d’autres exigences. M.
Guizot n’a été que l'homme d’un moment; il n’est pas l’homme de la situa-
tion. C’est à 31. Molé qu'appartiennent naturellement les affaires. 11
faut que les deux ministères qui dirigent les relations au dehors et l’ad-
ministratoin intérieure aient d’autres chefs.
» M- Molé prendrait donc les affaires étrangères, el M. de Lamartine
• intérieur. Celui-ci arrive avec un système tout nouveau , système de
progrès et d'organisation démocratique, ila les mains pleines de liber-
tés. MM. Passy et Dufaure lo seconderont dans ces voies hardies. Le
premier aura les finances à la place de M. ilumann, qui estdéjà fatigué,
le second voudrait les sceaux; mais M. .Martin (du Nord) y tient. Si
l’on ne peut pas s’entendre, ou sacrifiera 0. Cunin-Gridaineou M. Teste.
aLes partisans decettecombinaison mettent unegrande activité dans
leurs intrigue^. Il est urgent, selon eux, d'en finir avant que l’étranger
se fâche, et il est de la plus haute importance que la modification mi-
nistérielle se fasse avant la discussion du projet de loi sur les fortifica-
tions de Paris. 51.Molé n’en veut à aucun prix; 11. Lamartine s’y oppose
avec le même acharnement; Mil. Passy et Dufaure ne sont pas moins
opposés à ce projet.
«Point de fortifications, point d’armements : rester à plat ventre dans
le congrès européen avec une honte de plus. Voilà le système; les hom-
mes sont prêts; ta chambre acceptera tout, et le pays, dont on a souillé
1 honneur, abaissé la dignité, le pays insulté, méprisé, a besoin encore
qu’on le pousse à bout. Place donc à M. Molé! »
Bruxelles, 5 janvier. — Le roi et la famille royale rentreront mardi
à Bruxelles. LL. MM. donneront le même soir le premier balde l’année.
Ungrand nombre d’invitations ont été envoyées.
— La reine a fait célébrer ce malin à onze heures en église de Cau-
— J'y serai, répondit la Slauresse.
Alonzo s’éloigna. Le regard de la jeune fille le suivit longtemps avec
'une avide fixité. Tant qu elle entendit le pas retentissant du cheval qui
Remportait en dévorant le chemin ; tant qu’elle vit le cimier flottant du
chevalier, elle tenait par quelque chose àcelui qu’elle aimait. Mais quand
le galop du cheval cessa de résonner dans le silence, <'t qu’eiie ne dis-
tingua plus dansun insaisissable lointain qu’un point noir réduit bien-
tôt aux proportions d’un atôme imperceptible, il se fit dans le cœur do
la jeune Maîtresse un brisement soudain ,un déchirement cruel et pro-
fond qui la laissa seule et dépouillée de tout ce qui donnait du prix à sa 1
vie.
Recueillie à la fois dans l’amertume de ses pensées et dans le souvenir i
d’Alonzo, seule, à cette heure, en présence de cette nature calme et si- i
lencieuse, Zéhra sentit son cœur se gonfler d’amour eide tristesse.
Les premiers jets de la lumière matinale azuraient doucement le ciel. !
Une longue bande de nuages,dont lesoleil encore caché ourlait de teintes
changeantes la capricieuse échancrure, occupait au levant toute la par- i
tie inférieure du ciel. Ce fut d’abord la blancheur diaprée de la nacre; 1
puis, par une admirable et moelleuse gradation de teintes, cette nuance i
passa tour à tour au citron pâle, au rose tendre, au rouge grenat, et se •
noya insensiblement dans une demi-teinte pourpre qui augmentait toc- !
jours d’intensité, comme le feu mourant d’une braise qu'on ravive en !
soufflant jusqu’à l’enflammer. Ce mouvement silencieux el graduel des
couleurs, cette sorte de gamme visible, présageait l’apparition prochaine j
d’un soleil radieux. A mesure qu’il montait a l’horizon, l’azur pâle du i
ciel se voilait d’un réseau de filets lumineux, et rougissait à son appro- i
die comme un métal à la fournaise. Bientôt jaillirent, comme les rayons j
d’une gloire, d’immenses fusées de lumière qu’on voyait grandir." s’é- j
tendre et se fondre au bout du ciel, dans les zônes d’azur. L’astre dé- !
borda majestueux et calme la ligne de l'horizon, et montra enfin tout
entier son disque flamboyant.
Le front superbe de la Sierra-Nevada,que les neiges couronnaient d'un :
haut diadème d’argent, se teignit de nuances purpurines, et de ces 1
hauteurs solitaires des flots de soleil semblèrent rouler vers la plaine I
comme des cascades de feu. Au loin, Grenade s’étendait orgueilleuse
sur une haute et verte colline, comme une reine sur son trône de ve-
lours, et semblait commander avec un majestueux dédain aux campa-
gnes environnantes, au pays entier qu’elle domine.
Déjà les brises du matin, vives et fraîches, arrivaient de loin tout
embaumées d’agrestes parfums, et montaient en spirales harmonieuses
autour des plus hauts feuillages d’où s’échappaient, comme des flancs
d’nn orgue mystérieux, des mélodies plaintives et sans lins.
Plongée dans un mélancolique ravissement, la Mauresse parcourut du
regard la plaine, les monts lointains, ce ciel si beau d’où pleut l’amour;
denberg une messe de Requiem, en commémoration de la mort de sa
sœur, la princesse Marie de Wurtemberg, décédée le 2 janvier 1859.
La reine a assisté à cette pieuse solennité accompagnée de l’ambassa-
deur de France et de ses dames d’honneur. Les côtés latéraux du chœur
étaient occupés par les membres de la maison du roi et de celle de la
reine.
La reine et les personnes de sa suite étaient en grand deuil.
— Le Moniteur promulgue, sous la date du 28 décembre, la loi qui
fixe le budget du département de la marine pour l’exercice de 1841 la
somme de neuf cent soixante mille huit cent quarante-neuf francs
(900,849 fr.)
— Par arrêté royal du 22décembre, les modifications apportées aux
statuts tie la Société anonyme des hauts fourneaux, usines et charbonna-
ges de Châtelineau, par résolution de l’assemblée générale des action-
naires, en date du 10 novembre dernier, sont approuvées, telles qu’elles
résultent de l’acte authentique du 18 du même mois.
AIÏVEBg, 3 JASVIER.
Hier, un sergent-major du ^régiment de chasseurs à pied,s’est brûlé
la cervelle avec son fusil dans la chambre qu’il occupait à la caserne des
Façons. On ignore les motifs de ce suicide. Le cadavre a été transporté
à l’hôpital militaire.
— Hier sont arrivés en ville deux déserteurs hollandais, venant d’Al-
ger et retournant dans leur patrie, en profitant de 1 amnistie générale
accordée par le nouveau roi lors de son avènement au trône.
— Hier, une rixe a eu lieu dans la rue large des Bateliers entre des
soldats du régiment de chasseurs et des matelots. Il serait à désirer que
l’autorité militaire prévint par des punitions sévères le retour de pa-
reilles scènes qui se passent rarement sans que des bourgeois paisibles
et etrangers à ces querelles ne soient molestés.
— Cette nuit des malfaiteurs ont coupé un carreau de vitre dans un
cabaret près du port, sans doute dans l’intention de s’introduire dans
la maison; mais ils ont pris la fuite probablement à l’arrivée de quelque
passant.
— Ce matin il a venté très fort de la partie du S.-O. avec pluie, ce qui
a fait, en partie, disparaître les glaçons que charriait l’Escaut.
— Un événementdéplorable vient de frapper une des familles recom-
mandables de notre ville. Mme Deiahault, née Gallis, a été enlevée su-
bitement à sa famille, vendredi dernier à 5 heures du soir.—Nous som-
mes prié de prévenir les personnes qui, par oubli, ne recevraient pas
de billets de faire part, que le service funèbre aura lieu le lundi 4eou-
runt, à 10 neures du matin, à Notre-Dame.
Nous apprenons que les opérations de transfert sur le livre auxiliaire
de la dette active à Bruxelles, qui étaient restées suspendues jusqu’à
ce jour, viennent d’être reprises au ministère des finances à dater d’hier
2janvier courant. (Indépendant).
L'Echo du Luxembourg assure que l’ordre vient d’arriver à Luxem-
bourg d’armer la forteresse et de faire approvisionner les habitants
pour six mois.
Nous croyons cette nouvelle très hasardée.
Pendantquenos représentants qui sont payés prennent des congés de
DIX-HUIT JOURS, les députés de la France qui ne sont pas payés votent
des lois utiles : l’une protège les enfants contre les excès du travail en
les subordonnant à des conditions de morale et d’hygiène favorables
au développement de leurs forces physiques et leur intelligence;l’autre
ouvre un crédit de 5,690,000 francs pour réparation des routes royales,
des routes départementales et des voies de navigation endommagées
par les dernières inondations.— Etau lieu d’un congé de dix-huit jours,
la séance du jeudi 51 décembre est renvoyée au lundi 4 janvier; il n’y a
donc que le samedi, 2 janvier, de réellement perdu.
Nicuavelileis «Se Hollande.
(correspondance particulière du Fanal.)
La Haye, 51 décembre.
On remarque de plus en plus la tendance du gouvernement, ou, ce
qui est plus exact, du roi vers un traitement plus doux et plus juste des
catholiques. 11 vient d’en donner une nouvelle et frappante preuve.
Vous savez que d’après notre nouvelle organisation judiciaire, en vi-
gueur depuis le mois d’octobre 1858, les memt,res ge ja haute-cour sont
nommés par le roi sur une triple liste qui iui est présentée par la se-
conde chambre des états-généraux. Une place de conseiller à la haute
cour étant devenue vacante, il y a quelque temps, la seconde chambre
nomma les; trois candidats et en soumit la liste au choix du roi.
Celui-ci, déviant en celte circonstance de l’habitude invariablement
suivie jusqu’à ce jour, et qui consiste à nommer celui des candidats qui
a été porté en premier sur la liste, comme étant probablement celui
qu’aurait choisi la chambre si elle avait eu le droit de nomination, a au
contraire fait tomber son choix sur le troisième candidat, M. Van Lig-
tenveld, avocat-général auprès de la cour. Or, il faut que vous sachiez
que ce 81. Van Ligtenveld est non-seulement catholique, et générale-
ment connu comme tel, mais qu’il s’est depuis quelque temps fait con-
naître par un libéralisme assez rare dans ce pays chez les membres du
parquet et qu’il a même quelquefois poussé ce libéralisme jusqu’à pro-
voquer des décisions qui infirmaient des arrêtés royaux. Le choix du
roi est donc très significatif. Les catholiques, comme je n’ai pas besoin
de vous le dire, y applaudissent de toutes leurs forces.
Mais, d’un autre côté, les protestants le voient d’un mauvais œil, et
il est vraiment à craindre que le roi ne pousse l’amour de la justice, s’il
est possible, à un degré qui lui sera nuisible, et qu’en se conciliant l’a-
mour des catholiques il ne s’aliène les esprits des protestants. Tout le
monde sait que dans ce pays-ci, plus peut-être que partout ailleurs, ces
deux parties sont en inimitié ouverte; et cette inimitié est, en Hollande,
d’autant plus à craindre que les protestants, numériquement supé-
rieurs aux catholiques,se laissent quelquefois aller à une arrogance dé-
plorable, tandis que ces derniers suppléent par la ruse à ce qui leur
manque de force et d’influence.
La Gazette d’Jugsbourg publie des lettres d’Alexandrie, à la date du
11 décembre. Il paraissait, d’après ce que lord Stopfort avait écrit le 8
à Méhémet, que les puissances ni la Porte ottomane ne songent à con-
céder à ce dernier que le pachalick d’Egypte viagèrement. On va même
jusqu’à dire que ce ne serait que l’ancien pachalick, dont les côtes ne
puis ses yeux s’arrêtèrent avec une expression d'impuissance et de regret
sur le camp chrétien, dont les rouges banderolles flottaient au-delà du
Xénil. . .
Zébra remonta lentement vers le palais; tout était encore silencieux
et tranquille autour d’elle ; mais , au moment où elle atteignait l’esca-
lier de marbre, il lui sembla qu’une ombre passait à ses côtés et se per-
dait dans les massifs de verdure. Un secret effroi giaça son âme : son
regard troublé chercha la mystérieuse apparition et ne découvrit rien.
Alors, rassurée à demi, elle regagna d’un pas furtif son appartement.
Ses esclaves donnaient encore, couchées sur des tapis dans la vaste sal-
le qui précédaient sa chambre.
Zébra était, à i’Alhainbra, l’objet d’une vigilance inexorable. Elle vi-
vait à l’ombre de ce palais brodé comme un oiseau sous le treillis de sa
cage, comme un fruit précieux derrièreles vitraux d’une serre chaude.
C’était un trésor que convoitaient les princes arabes; mais un pouvoir
jaloux veillait sur elle. Albohacen l’avait entourée d’une surveillance
qu’elle était pourtant parvenue à tromper. Son appartement louchait à
celui de la reine. Un doux parfum féminin s’y mêlait à la chaude sen-
teur des essences orientales, el nageait mollemen t dans l’air. Cet asile
secret était soigneusement défendu contre la lumière, et un furtif rayon
de soleil effleurait à peine d’un lumineux baiser les fleurs écloses dans des
coupes d’alDàtre. Au milieu de l’appartement jaillissait un filet d’eau par-
fumée qui se séparait en gerbes de cristal et retombait dans un bassin
de marore en pluie bondissante comme les perles d’un collier quis’eflile.
Le bruit de cette onde légère était le seul qu’on y entendît, et il faisait
doucement réver.
Zéhra s’était languissamment couchée sur son lit de repos, la cheve-
lure flottante et libre, les yeux noyés dansunepenséed’amour. Son corps,
dont une robe brodée de" feuillages d’or estampait mollement les suaves
concours, se renversait dans un délicieux abandon, dans une douce
somnolence. Sa tête charmante reposait dans une de ses mains qu’i-
nondaient ses cheveux, et elle avait replié son bras droit derrière son
cou, comme fait une colombe qui cherche l’abri de sou aile.
Zéhra n’avait ni le teint chaud et bronzé des Mauresses, ni leur regard
perçant et plein de flamme. Son pri icipal charme consistait dans cette
douce pâleur, dans cette délicatesse du teint qui divinise la beauté d’une
femme. Son front, d’un poli d’ivoire, s’unissait par une ligne presque
droite à un nez d’une finesse et d’une ténuité charmante; ses lèvres sail-
lissaient fraîches et bombées comme un bouton de rose qui s’épanouit,
et ses yeux d’une nuance incertaine, verte et bleue à la fois, le reflet de
l’éméraude et du ciel, avaient une expression caressante et tendrement
rêveuse. Mais dans son maintien, dans ses manières, dans toute sa per-
sonne, ce qui dominait avant tout, c’était un air de douce tristesse, de
souffrance pensive et résignée, d’une puissance de séduction inexpr i
faisaient point partie ; c’est-à-dire que les territoires de Damiette, d
Rosette, d’Aboukir el d’Alexandrie n’en feraient point partie.
Méhémet-Alia fait partir pour Constantinople, sur un bateau à vapeur
anglais, son secrétaire intime, porteur de la soumission complète du pa-
cha et de l’invitation qu’il fait au sultan d’envoyer les officiers et les pi-
lotes nécessaires pour reconduire la flotte.
51. Cochelet, consul de France, a reçu de son gouvernement l’ordre de
ne se mêler en rien aux négociations entreieplénipotentiaire anglais et
Méhémet.
Le vice-roi attend d’un moment à l’autre la nouvelle de l’arrivée à
Gaza d’ibrahim, qui a dù faire sa retraite par le déserl. On est loin de
s’accorder sur la force actuelle de son armée; les uns disent que les dé-
bris qu’ila réunis ne s’élèventqu’à 15 mille hommes,tandis que d’autres
prétendent que le général en chef égyptien est encore à la tête de 45,000
combattants.
Par suite d’une émeute qui a éclaté à Aboukir, 60 Turcs sont parve-
nus à s’échapper sur des barques et ont gagné les navires anglais.
On disait a Alexandrie que les passagers anglais avaient été pillés
dans le voyage du Caire à Suez : si ce fait était vrai, ce serait une preuve
de la décadence de la puissance de Méhémet.
Nouvelles diverses.
On écrit de Bruges, 2 janvier :
Nous apprenons quela petite vérole règne en ce moment à St.-Pierre
sur la digue, lez-Bruges, et que déjà plusieurs familles en sont atteintes.
Nous avons lieu de croire que la Régence prendra les mesures néces-
saires pour prévenir, autant que possible, l’invasion de cette terrible
maladie en nos murs.
— On écrit de Louvain, le l" janvier : Dans les premiers jours du
mois de septembre dernier, on commença, sous la direction de 51. l’ar-
chitecte Van Arenberg , à forer dans l’enceinte du nouvel hôpital en
construction à Louvain, un puits dit artésien. Après avoir surmonté
les difficultés sans nombre qu’offraient aux trépans et aux tarières les
couches successives de grès de silex, de quartz, de cailloux roulés,etc.,
on a trouvé à une profondeur de 50 mètres de la terre argilleuse,grasse,
compacte et collante d’une épaisseur de24 mètres ; le 51 décembre vers
midi, une première source s’est ouvert un passage et s’est élevée en
moins d’une heure à 45 centimètres au-dessus de la surface du sol. Dans
l’apres-dîner elle donnait 5 mètres cubes, 50 hectolitres d’eau par heure ;
le volume d’eau augmente aujourd’hui et l’on a constaté la production
continue de plus de 5 mètres 00 centimètres, 50 hectolitres, dont un
surcroit de 60 centimètres.
— On lit dans une vieille chronique silésienne : Jamais il n’y eut sur
terre, d’hiver plus rude que l’hiver passé (de 1740 à 1741). Il était impos-
sible de chauffer un appartement ; tandis que le poêle était rouge, les
liquides placés auprèsde la fenêtre se congelaient. Celui qui faisait deux
cents pas à l’encontre du vent, se sentait tous les membres engourdis
el incapable de marcher, el il se formait dans sa figure des ampoules
qu’on ne parvenait à faire disparaître qu’en les frottant long-temps
avec de la neige. L’eau que l’on versait du troisième étage, arrivait en
basgéléeen glaçons qui résonnaient sur le pavé; même la salive que l’on
crachait au grand air, était gêlée avant d’avoir atteint ie sol. Les fos-
soyeurs devaient d’abord allumer un grand feu sur la place où ils vou-
laient creuser une fosse; la terre étailgèlée à près de trois aunes de pro-
fondeur. Les tuyaux destinésà la conduite de l’eau qui n’étaient pas placés
à plus de trois pieds sous le sol, gêlaient et crevaient de même que tous
les autres réservoirs. En Bohême et en Moravie tous les étangs gelèrent
jusqu’au fond, el tous les pauvres poissons moururent. Les bêtes à cor-
nes et les brébis gélèrent dans les étables, le gibier dans les forêts, les
oiseaux dans l’air; 5,000 personnes moururent de froid en Suède, et plus
de 80,000 bêtes à cornes en Hongrie. Les réjouissances du carnaval fu-
rent partout transformées en terreur et en désolation.
— En Russie, le froid a été si rigoureux que plusieurs voyageurs sont
morts sur les routes.
— On écrit de Cologne, le 26 décembre, au Frankfurter Journal :
Des ou vriers armuriers qu’on a fait venir de Liège, sont occupés, de-
puis quelque temps, à convertir les fusils dont se servait l’infanterie en
fusils à percussion, qui, à ce qu’on apprend, doivent être introduits peu
à peu dans toute l’armée prussienne. On travaille beaucoup aussi à met-
tre en état et à compléter le matériel de l’artillerie.
— Le lieutenant-général Dumoulin, commandant de la forteresse de
Luxembourg, est reparti de Berlin pour Luxembourg le 28 décembre.
— On annonce que c’est le colonel Dufresnel qui viendra remplacera
Arlon le général de Tabor comme commandant militaire de la province.
Il serait promu au grade de général de brigade. (Echo du Luxemb.)
— Une lettre de Berlin, sous la date du 22 décembre que publie 1 'A-
vondbode contient ce qui suit :
11 sera probablement impossible à M. Hassenpflug de tenir à Berlin.
Tous les fonctionnaires inférieurs auxquels il est préféré sont naturel-
lement exaspérés contre cet intrus, et les sentiments que les fonction-
naires supérieurs, ses chefs, lui ont voués, ne lui sont guère plus fa-
vorables. On suppose que le congé qu’il vient dedemander etd’obtenir
du Roi, est une manière indirectede préparer les esprits pour le moment
où il quittera le service de l’Etat. On prétend qu’il passerait du service
delà Prusse à celui de l’Autriche.
— On écrit des frontières d’Italie, le 24 décembre : Le bateau à vapeur
de guerre français, le Phare, parti d’Antibes le 20, est arrivé le lende-
main à Livourne, ayant à bord la reine Marie-Christine et sa suite com-
posée de 8 personnes. S. M. a désiré garder le plus parfait incognité et
a refusé les honneurs dus à son rang; elle a logé sur la place St-Mare
à l’hôtel Fischer.
La reine n’est restée que peu d’heures à Livourne; elle s’est rembar-
quée le 22, à 11 heures du matin, sur le Phare, qui est parti pour Civita-
Vecchia. Aucun des petits souverains de la Toscane n’est allé la compli-
menter, et le gouverneur, le prince Cortini, a seul assisté à son débar-
quement et à son embarquement.
— Nous trouvons la statistique suivante dans l’Edimbourg Philoso-
phical Journal.
» En Angleterre, lenombredes individus en étatde porteries armes,
de seize à soixante ans, est de 2,744.847. On compteannuellement envi-
ron 98,030 mariages, et on a calculé que sur 05 de ces unions il n’y en a
eu que trois stériles. Le nombre des décès s’élève par an à environ
352,700,c’est-à-dire à peu près25,592 par mois, 6,398 par semaine,914 par
jour et 40 par heure. Les décès des hommes et des femmes sont dans
la proportion de 54 à 50. Les femmes mariées vivent plus long-temps
que les célibataires.
« Dans les campagnes, chaque mariage produit, terme moyen. 4 en-
fants. Dans les villes, la proportion est de 7 enfants pour deux maria-
ges. Le nombre des femmes mariées est, au nombre de toutes les per-
sonnes du sexe, comme 1 à 5, et le nombre des hommes mariés est, à
mable.
La jeune fille fut.éveillée au milieu de ce demi-sommeil par un message
d’Albohacen. Le vieux roi la mandait sur-le-champ près de lui. Un fatal
pressentiment glaça le cœur de Zéhra ; elle se releva lentement, arran-
gea à demi ses cheveux, et jeta sur sa tête un voile lamé d’argent,trans-
parent commelejour. Leslargesmanches d’une sorte detunique qu’elle
avait revêtue laissaient voir ses bras d’une exquise rondeur, terminés
par des mains pures et diaphanes comme l’agathe.
Albohacen attendait la Mauresse dans une salle ouverte à la lumière et
aux parfums de la plaine. Ce vieillard, adonné aux jouissances indolentes,
aux faciles voluptés du harem, était le type de la race dégénérée des
conquérants arabes. Le fier courage, l’indomptable énergie de ses an-
cêtres nejbrillaient plus en lui ;nciais il avait encore leurs instincts cruels,
leurs passions effrénées. L’âge n’avait pas empreint sur sa physionomie
ce caractère vénérable qui impose le respect. Sa longue barbe blanche
assombrissait encore la couleur bronzée de son teint. Son front droit et
uni comme une table d’airain, son regard de reptile, le sourire qui en-
tr’onvrait parfois ses lèvres minces et serrées décelaient l’astuce et la
férocilé.
En ce moment, couché sur de moelleux coussins, il aspirait avec une
paresseuse sensualité la vapeurdes pastilles ambrées qui fumaientdans
son chibouk. Enivré par cette légère fumée qui l’environnait d’un nuage
odorant, le voluptueux vieillard était tombé dans une sorte de torpeur
et de demi-sommeil. Abdala, son esclave favori, était debout derrière
lui. Sa figure sombre et. muette avait la couleur et l’immobilité de ces
spinx de granit noir, au regard fixe et mystérieux, qui veillent aux
portes des nécropoles de l’antique Egypte. D’une main, il s’appuyait au
dossier du divan que surmontait un trophée d’armes ; de l’autre, il te-
nait un poignard, Vu/tima ratio de son maître.
Quand le vieux prince entendit les pas de la Mauresse, il déposa son
chibouk à ses côtés, et passa la main sur son front, comme pour secouer
l’engourdissement qui pesait sur lui. Son œil, demi-clos de langueur et
de paresse, se réveilla vif et brillant comme l’escarboucle qui scintillait
à son doigt.
Zéhra s’approcha du vieillard avec une craintive émotion, les mains
croisées sur sa poitrine, le front incliné dans une attitude de tristesse
souffrante et soumise.
— Seigneur, dit-elle d’une voix troublée, je me rends à vos ordres.
Que la bénédiction du Prophète soit sur vous!
— Que sa main droite s’étende vers toi, ma fille, répondit Albohacen
en levant vers elle son regard fauve et pénétrant. Je t’ai mandée pour
t’apprendre des choses qui rempliront ton cœur de joie. Abenxulema,
mon second fils, t’a choisie pour épouse. _
Zéhra tressaillit intérieurement, une pâleur soudaine se répandit sur |