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Sixième AsBsiëé
LE PRÉCLRSEIJR
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PAIX. — LIBERTÉ. — PROGRÈS.
8 janvier.
ÉTAT AmiX ET COMPMCATIOlï ME I,A
ÇEESTIMX D OB1EAT.
Admettre, comme semble l’avoir fait l’amiral Stopford, que le com-
modore Napier agissait sans pouvoirs suffisants lorsqu’il garantissait à
Méhémet-Ali, par la convention du 20 novembre, la possession du pa-
cbalick d’Egypte et l'hérédité de ce pachalick à la famille du vice-roi;
supposer que le commodore n était pas autorisé à laisser la flotte tur-
que entre les mains de Méhéraet tant que ia Porte-Ottomane n’aurait
pas accepté les conditions de la convention souscrite par Papier au
nom des puissances alliées, ce serait accorder aux œuvres du machia-
vélisme anglais une confiance que depuis long temps elles ont perdu
le droit d’obtenir. Sans remonter plus haut que ia quatorzième année
du 19me siècle, qui donc peut avoir oublié que telle fut alors la conduite
de l’Angleterre envers l’Italie et particulièrement à l’égard de Gênes?
Lorsque lord Williams Benlinck vint débarquer à Livourne il était
amplement pourvu de toutes les instructions qui devaient servir de
règles à sa conduite politique dans la Péninsule italienne; on l’avait
muni des autorisations nécessaires, pour donner force crédit et au-
thenticité aux engagements qu’il pourrait prendre au nom des coalisés
contre l’empereur Napoléon. Alors, dans une proclamation en date
du 14 mars, adressée à l’armée d’Italie, il disait : «Soldats italiens
nous ne vous appelons pas pour venir à nous, nous vous appelons
pour que vous fassiez valoir vos droits et que vous recouvriez votre
liberté. » Alors, dans une proclamation datée de Gênes le 26 avril,
il disait : « Considérant que le vœu général de la nation génoise parait
être de retourner à l’ancien gouvernement sous lequel elle a joui de la
liberté, de la prospérité et de l’indépendance ; considérant pareillement
que ce désir est conforme aux principes reconnus par les hautes
puissances alliées de rendre à chacun ses anciens droits et privi-
lèges, je déclare que la constitution des états de Gênes, telle qu’elle
existait eu 1797 est rétablie, avec les modifications que le vœu général,
le bien public et l’esprit delà constitution originaire de 1576, parais-
sent exiger. » Mais pendant qu’il parlait ainsi, avec autorisation et
plein pouvoir, les derniers revers de la France avaient enflé le cœur
des hauts alliés et corrompu leurs principes. Ce qui avait été fait et pro-
mis en leur nom et de leur aveu, fut désavoué par eux.
Pour colorer ce manque de foi, cette déloyauté patente, les ministres
du roi Georges dirent alors de W. Beutinck, ce que l’amiral de la
reine Victoire vient de dire du commodore Napier, qu’il n’était nulle-
ment autorisé à prendre de tels arrangements. Benlinck fut disgràcié
et il accepta sa disgrâce sans élever les voix, sans se plaindre parce
qu’en secret il reçut, pour prix de son silence, la promesse d’obtenir
plus tard le riche gouvernement de l’Inde. Le commodore Napier
n'aura ni le même silence à garder, ni le même prix à recevoir, puis-
que s’il a été désavoué par l’amiral Stopford, son acte du 26 novembre
est accepté par lord Palmerston, comme étant conforme aux instruc-
tions qu’il avait reçues et aux intentions des gouvernements coalisés.
Mais il est à remarquer, que moins l’insignifiant concours de la pe-
tite marine autrichienne, l’Angleterre s'est montrée seule dans l’attaque
et la réduction des places du littoral syrien; que seule, jusqu’ici, elle a
parlé et agi au nom des trois autres puissances qui se sont liguéesavec
elle pour l'accomplissement de cette restauration turque. Est-ce que
ces trois puisssances, ou au moins une d’elles, la Russie, n’ont rien à
vouloir, rien à dire pour leur propre compte? Est-ce que les trois puis-
sances, même la Russie, acceptent ce vote de satellites ternes et muets
de l'astre d’Albion? Il est difficile de croire à tant de résignation et
d’humilité. Mais qu’importe maintenant à la Grande-Bretagne le mé-
contentement des uns, le courroux des autres? La fortunée! leur impré-
voyance ne l'ont-elles pas rendue l’arbitre unique et souverain du dif-
férend entre le sultan et le pacha? Ne voyez-vous pas que la flotte
turque, toujours retenue à Alexandrie, a changé de dépositaire ? Qu elle
est là moins comme une garantie pour Méhémet-Ali des dispositions
qui seront prises à son égard par le divan, que comme le gage de la
soumission des coalisés aux vœux de l’Angleterre ? Scrupuleux ou ti-
mide, M.Thiers u’a pas voulu ou n’a pas osé recevoir cette flotte que le
FEUILLETON DU PRÉCURSEUR,
Les rois catholiques assiégaient Grenade, l’armée espagnole avait
envahi la magnifique plaine qui formait à elle seule un royaume. Mais
Boabdil régnait encore à l’Alhambra, et les dernières splendeurs de la
cour des rois Maures s’étaient réfugiées dans ce palais élevé par l’élé-
gant et capricieux génie des conquérants arabes.
Il existe un accord indéfinissable entre le caractère d’un peuple et le
style de ses monuments. L’architecture originale, fantasque, efféminée
de t’Alhambra répondait à la vie luxueuse et molle, à l’élégance recher-
chée, aux splendides plaisirs des princes qui vivaient à 1 ombre de ces
retraites enchantées. Le palais était une forteresse au dehors, un boudoir
ou dedans, un boudoir qu’ensanglantaient souvent ta trahison, la ven-
geance, et dont les pavés de marbre furent rougis du sang des Aben-
cerrages.
Nul ne saurait dire l’effet, la hardiesse, l’étrangeté, le luxe d’orne-
mentation de cet immense album architectural.
Les murs crénelés de l’Alhambra dominaient alors de vastes jardins
où l’art avait réuni toutes les richesses végétales de l’ancien monde.
La plaine de Grenade étendait au-delà de cette enceinte ses splendi-
des horizons. Jamais, dans ses combinaisons inépuisables, la nature ne
mit tant de soins à créer un paysage.
L’hiver de cette terre heureuse est doux comme le printemps de nos
climats, et les jardins de l’Alhambra ne se dépouillaient jamais de leurs
feuillages; à peine si les jours nébuleux de décembre y répandaient de
légers frimats et voilaient d’une brume argentée le front superbe des
tours Vermeilles.
Par un de ces douteux crépuscules qui succèdent aux longues nuits
de l’arrière-saison, une jeune fille traversait seule et d’un pas furtif les
jardins du palais, encore pleins d’ombre et de silence. Un voile jeté sur
sa tête, et dont elle retenait les plis sous ses deux bras croisés, cachait
sa chevelure et son visage ;maissa taille haute et légère laissait deviner
des formes parfaites sous ce riche tissu. Elle semblait glisser dans ces
vagues ténèbres eomme une apparition, et ses babouches brodées d’or
ne laissaient nulle empreinte surle sabtebumide des allées.
Elle atteignit ainsi i’extrémilé lapins reculée des jardins. Là, elle
s’arrêta, et relevant légèrement la tête avec un mouvement de gazelle
effrayée, elle écouta long-temps. Le site qu’elle était venue chercher
rappelait, par sa végétation sauvage et désordonnée, les plages africai-
nes. Le sol eu terrasse était soutenu par l’enceinte même des remparts.
Un bouquet de palmiers flottait comme un panache au dessus des murs,
et à leur pied croissaient de nombreux rejets dont tes tiges enlacées for-
vice-roi d’Egypte se montrait disposé à confier à ia France. Lord Pal-
merston, qui n’est ni timide ni scrupuleux, n’a pas attendu que ce dé-
pôt fût confié à sa foi; l'en voilà saisi par l’entrée des vaisseaux anglais
dans le port d’Alexandrie et devenu aujourd’hui protecteur du pacha
qu’il proscrivait hier ; le voilà aussi en mesure de disposer de la flotte
égyptienne. Ce n’est donc plus seulement de vingt-deux vaisseaux
anglais que se compose la flotte britannique dans la Méditerranée, c’est
encore de vingt vaisseaux turcs et de vingt vaisseaux égyptiens, c’est-
à-dire d’une armée navale assez puissante pour faire de cette mer un
autre mare clausum, où l’Angleterre pourra avoir des stations nou-
velles à Alexandrie, en Chypre, et au besoin, en Sicile, à Mahon et sur
les côtes d’Espagne. Par cette position nouvelle, que lui a faite le
traité du 15 juillet, la Méditerranée devient le centre de la puissance
navale de la Grande-Bretagne. Pour l’en débusquer désormais il ne
faudrait rien moins qu’une contre-coalition, que la réunion très diffi-
cile,très improbable de tous les Etals qui ont des flottes et qui aspirent
au partage des bénéfices du commerce de mer. Il faudrait rassembler,
dans nn même dessein, diriger vers un même but les flottes russes de
la Baltique et de la mer Noire, les flottes françaises de l’Océan et de la
Méditerranée; celles des Etats-Unis de l’Amérique-du-Nord et même
aussi les quelques vaisseaux, les quelques frégates de la marine napo-
litaine.
Mais comme un tel concert serait la ruine de l’Angleterre, puisqu’il
la forcerait de reprendre la route du Cap de Bonne-Espérance pour
communiquer avec ses possessions dans l’Inde, elle saura bien en pré-
venir l’exécution, soit, comme au temps du czar Paul 1er, par la mort
des princes,soit en excitant les j alousies et en soufflant les divisions en-
tre les peuples. Pourtant, si l’Europe, si le monde se lassaient enfin de ce
joug anglais, qui pèse aussi durement sur les monarques que sur leurs
sujets ; si les rois absolus revenaient quelque jour de l’effroi que leur
cause le spectre de la liberté et consentaient à s’unir pour se soustraire
au despotisme insolent qu’un peuple exerce sur tous les autres, il leur
suffirait d’en revenir à une des grandes idées de Napoléon, au blocus
continental. —Quelques années deceblocus, même imparfait, même
tel que l’avait établi l’empereur des Français, réduiraient l’Angleterre
à renoncer à son droit exceptionnel età reconnaître pour loi la loi com-
mune des nations sur le libre parcours des mers par tout navire, par
tout pavillon neutre.
Pour vivre, le peuple anglais est condamné à produire incessam-
ment, et pour produire il lui faut trouver, sur toute la surface du
globe, des consommateurs de ses productions. Que les ports de l’Eu-
rope soient fermés à ses bâtiments de commerce; que les marchandi-
ses anglaises soient de nouveau saisies à toutes les frontières, expulsées
de tous les marchés du continent et bientôt du premier rang où elle
s’est élevée par la violence, par la ruse, par l'infidélité, cette arrogante
nation bretonne descendra au second et peut-être même infiniment plus
bas.
Le monde politique n’en est encore, quant à l’exécution, qu’aux pré-
liminaires du traité de Londres. Ses dernières conséquences, sa con-
clusion finale restent couvertes d’un crêpe sombre et menaçant qui les
dérobe à tous les regards. Il n’est donné à personne, pas même aux
auteurs du traité, d’en prévoir toute la portée et d’en assigner le terme.
AAM fl, ET EH UE.
Losores, 51 décembre. — Le Morning-Chronicle termine aussi un long
article sur ta situation politique à la fin de 1840, et dans lequel il s’est
borné à examiner la politique intérieure de l’Angleterre :
« Le soleil de l’année (?) descend paisiblement a l’horizon. Les nuages
qui semblaient présager un orage se sont dissipés et le ciel brille du
reflet de nos succès. Les appréhensions de la plus dure et de la plus
terrible des calamités, celtes d’une guerre européenne, ont disparu.
Puisse l’année qui va naître n’avoir rien de belliqueux dans la jeunesse,
et laisser le monde plus tranquille encore qu’elle ne l’a trouvé et tout
aussi bien disposé à profiter, dans l’intérêt de l’humanité, de tous les
moyens de bien-être qui nous environnent ! »
— Une lettre de notre correspondant de Paris, en date de samedi der-
nier, nous apprend que des changements sont à la veille de s’opérer
dans le cabinet français. MM. Molé, Dufaure et Passy remplaceraient
MM. Guizot, Hnmann et probablement Duchàtel. Le nouveau ministère
se montrerait très favorable à une alliance avec la Russie. La modiflea-
—g————«j——g i i
maient un inextricable chaos de verdure. Le cactus et t’aloës l’entou-
raient d’une haie épineuse, et leurs dards acérés semblaient en défen-
dre l’approche.
La jeune fille s’était pourtant frayé une voie à travers leur feuillage
hérissé, et s’était assise au fond de ce sombre bosquet dans l’attitude
d’une inquiète attention. Immobile, les deux mains posées sur son
cœur, elle sonda d’un regard perçant les mystérieuses profondeurs des
jardins pour s’assurer que sa tracé n’était point suivie ; la confiance lui
revint bientôt. Rien n’eût décélé sa présence en ce lieu que la faible
Senteur d’ambre qu’exhalaient ses vêtements.
De vagues lueurs blanchissaient l’horizon, mais la plaine était encore
dans l’ombre et comme dans le sommeil. Quelques clartés éloignées se
mouvaient au milieu des ténèbres qu’allait dissiper le jour; c’étaient
celles des feux allumés dans le camp des chrétiens. 8)n souille de vent,
si faible qu’on l’eût pris pour la respiration de cette nature endormie,
passa sur la cime des palmiers dont les feuilles sonores s’agitèrent avec
un doux bruissement. La jeune fille tressaillit comme si un amoureux
soupir eût répondu à ses pensées. Son regard se tourna vers l’Orient
qui se teignait de moment en moment de nuances plus vives, et elle
murmura avec une expression d’indicible anxiété : — Le jour ! Voici
bientôt le jour!
Comme elle achevait ces mots, une voix dit derrière elle : Zébra i —
Elle se dressa les mains étendues, le sein palpitant.
— Alonzo, dit-elle, oh! que vous avez tardé !
Il ne répondit pas à ce reproche et serra silencieusement contre sa
poitrine les mains de la belle fille.
— Vous avez mis votre armure , s’écria-t-etle en sentant sous ses
doigts délicats le corselet de fer que cachait le manteau du chevalier ;
que se passe-t-il donc ? Pourquoi êtes-vous prêt comme pour un com-
bat ? Tout est tranquille pourtant dans le palais et dans la ville.
— Oui, répondit-il ; mais demain peut-être l’armée chétienne sera
sous les murs de Grenade. Zéhra , la trêve est rompue entre le roi
mon maître et le sultanJBoabdil. Demain les envoyés chrétiens quittent
Grenade , demain il faut partir.
Zéhra frémit; sa première pensée, son premier regret furent pour
l’absence de son amant, pour les dangers qui allaient menacer sa vie ,
puis, parcourant d’un regard lent et triste l’Alhambra , ses tours , ses
jardins, la plaine immense, elle murmura avec un sentiment de pro-
fonde douleur : — Vous reviendrez, Alonzo, bientôt vous serez encore
sous ces murailles ; mais cette fois, ce ne sera pas avec une mission
de paix, c’est le fer à la main que vous vous présenterez aux portes
de l’Alhambra.
— Oui, répondit-t-il, mais c’est moins en ennemi des Maures que
comme l’amant de Zéhra que je reviendrai; tu es pour moi le but et le
prix du combat... Je te retrouverai dans ce palais.
tion ministérielle sera annoncée avant que la discussion de s’engage
sur le projet de loi concernant les fortifications de Paris. Le cabinet de
St.-Pétersbourg suit à Paris le cours de ses intrigues avec une activité
qui ne se ralentit pas. Un courrier venu de St.-Pétersbourg a laissé à
Paris des dépêches d’une nature très amicale et très conciliante. Le
gouvernement russe y exprime son regret de ce que la France se soit
isolée du reste de l’Europe et manifeste le désir qu’elle reprenne dans
tes conseils des puissances l’influence qui lui appartient. Cette dépêche
a déjà été communiquée en substance au gouvernement français.
(Morning Pos't.)
— Une Correspondance particulière venant d’une source respectable
porte que l’Empereur Nicolas a écrit à la reine Victoria. Après lui avoir*
adressé ses félicitations sur le succès des opérations en Syrie auxquelles
la valeur britannique avait pris une part si distinguée, FEmpereur ex-
prime le regret qu'une force russe n’ait pas pu partager leur gloire. Le
gouvernement français, dit la lettre que nous avons sous les yeux, a vu
dans ces derniers mots non l’expression sincère de satisfaction, et de
congratulation, mais d’un dépit mal déguisé; brer, il y a trouvé une
arriere-pensée, qui dit nettement qu’à la première occasion qui se pré-
sentera, la Russie prendra sa revanche, comprenant qu’elle a été jouée
par sa bonne alliée, l’Angleterre. (Times.)
F HA ACE.
Paris, U* janvier. — Le Roi reçoitaujourd’hui des Chambres, du corps
diplomatique, des corps constitués, des cours et tribunaux, etc., tes
félicitations du jour de l’an.
La cour d’honneur des Tuileries est remplie d’équipages brillants. La
députation des Députés est en ce moment auprès du Roi. On dit ce ma-
tin que S. M. a été indisposée depuis quelques jours et qu’elle paraissait
ti*ôs fatiguée pendant la réception des dames du corps diplomatique*
qui a eu lieu hier soir. (Corresp.)
— A cause du jour de l’an, les Chambres, les tribunaux et la bourse
sont fermés, et le départ du courrier est fixé à une heure de relevée.
Tous les courriers arrivant se trouvent en retard; nous n’avons donc
aucune nouvelle des départements ni de l’étranger.
— La santé de M. le maréchal Moncey donne depuis quelques joursde
nouvelles inquiétudes à ses amis. La cérémonie du 15 décembre parait
avoir épuisé les forces du vénérable gouverneur des Invalides.
— On lit dans le Moniteur parisien :
M. Caillé, aide-de-camp du ministre delà guerre est parti aujourd’hui
en poste pour Toulon, où il doit s’embarquer pour l’Afrique. M. Caillé va
remplir en Algérie une mission importante.
— Depuis quelques jours les bruits les plus contradictoires circulent
dans la presse anglaise et parisienne sur les dispositions testamentaires
de Mm» la baronne de Feuchères. Nous reproduisons le texte exact de
celles de ces dispositions qui ont été principalement l’objet des révéla-
tions apocryphes inspirées de part et d’autre par des préoccupations
politiques ou personnelles :
« Ayant la libre disposition de ma fortune, pour éviter tout débat et
procès entre parents, je veux en régler la transmission après ma mort;
je dépose en conséquence dans le présent acte mes dernières volontés.
il Je nomme etinstitue pour ma légataire universelle ma nièce Sophie
Thanaron, à qui depuis sa plus tendre enfance je tiens lieu de mère : je
lui transmets l’usufruit et la propriété de tous les biens, meubles et im-
meubles que je laisserais à mon décès... Je prie MM. Hippolyte Ganne-
ron, Odilon Rarrot et Lavaux de vouloir bien accepter comme le plus
grand témoignage d’estimeet de confiance que je puisse leur donner la
mission d’exécuteurs testamentaires, et les droits de surveillance et
d’administration que je leur confie ; ils régleront entr’eux les détails
de cette gestion et veilleront à l’exécution de mes dernières volontés.
» Je recommande particulièrement ma bien-aimée nieceaux soins et
surveillance des femmes et des filles de mes exécuteurs testamentaires.
:> Dans le procès si pénible que j’ai eu à soutenir après la mort du duc
de Bourbon, je n’ai remarqué, parmi les personnes qui faisaient partie
de sa maisou,qu’une seule qui ait fait sa déposition en honnête homme :
c’est le nommé Obry (de Chantilly), dit, dans le procès, filleul du prince;
je lui lègue à lui ou à ses enfants la somme de 50,000 francs, étant per-
suadée de son parfait dévouement pour son ancien maître. Jelui aurais
offert volontiers cette somme pendant ma vie, si je n’avais craint de
blesser sa délicatesse...
n De tous les chagrins qui ont empoisonné une partie de ma vië, et
que j’ai le plus cruellement ressentis, c’est celui que m’a fait éprouver
l’impuissance où l’on m’aplacée d’accomplirle fidéi-commis que m’avait
laissé le duc de Bourbon. Je prie très humblement M. le duc d’Aumale
(si jamais son cœur se ressouvient du zèle que j’ai mis à servir ses inté*
rêts auprès du duc de Bourbon), de ne pas refuser d’accomplir la der*
nière volonté de son bienfaiteur, et que du moins les enfants français
profitent du legs d’un généreux prince français. »
Cette dernière disposition est relative au legs qu’avait fait M. lé due
de Bourbon duchâteaud’Ecouen et de 100,000 fr. de rentes au profit des
enfants de ses anciens frères d’armes de l’armée de Condé. On se rap-
pelle que ce legs a été, par arrêt de la cour de Paris, déclaré caduc et
réuni au legs universel. (Gazette des Tribunaux.)
L’attachement à ses croyances, l’instinctif amour de son pays se tèJ
veillèrent dans l’âme de ta jeune fille et dominèrent un moment ses au-
tres sensations Elle leva son regard vers le ciel avec une indicible ex-
pression de tristesse et de regret. — Il est vr&i, dit-elle douloureuse-
ment, bientôt peut-être te lion de Castille remplacera sur ces murailles
l’étendard du Prophète; ma nation tout entière périra, ou ses tristes
débris retourneront vers les plages arides de l’Afrique... Nous serons
bannis à jamais de ce paradis conquis par nos ancêtres.
— Tu suivras donc les Maures dans leur ancienne patrie, dit AlOilzO
avec amertume; tu oublieras que ta tribu a trouvé parmi eux des en-
nemis plus implacables que les chrétiens !
— Non, non ! s’écria-t-elle, je suis la fille des Abencerragcs. et je trie
souviens de ce jour sanglant où leurs tètes roulèrent sur les dalles de
la cour des Lions, où mon noble père, mes frères si jeunes et si vaillants*
furent lâchement égorgés sous tes yeux de Boabdil. Si Dieu permet
que les Maures bannisde cette coulrée aillent former de l’autre côté un
nouveau royaume ; si nos tribus abandonnent Grenade aux chrétiens *
je ne les suivrai pas dans leur exil ; Alonzo , vous me retrouverez à
l’Alhambra.
— Mais, au milieu de cette guerre, seras-tu maîtresse de tori sort *
pourras-tu résister aux ordres de Boabdil ?
— Ce n’est pas Boabdil que je crains, murmura là jeune filté ; etseï*-
rant deses douces mains le bras de son amant, elle frémit comme si la
pensée de quelque danger, de quelque malheur l’eût tout à coup frappée,
— Eh! quel autre que le roi oserait disposer du sort de Zébra? dit
le chevalier avec une jalouse inquiétude ; quel autre oserait contrain-
dre ses volontés ?
— Albobacen, le père de Boabdet, ce vieillard efféminé qui a abdiqué
sa couronne pour vivre au fond de ce palais entouré de ses femmes et
de ses esclaves. Mais quoi qu’il arrive, Alonzo, je resterai, je serai à toi.
— J’ai ta promesse, Zéhra, dit le chevalier en pressant de ses lèvres
la belle tête inclinée vers lui.
II y eut pour tous deux un moment de silence et de trouble ineffable
que Zéhra interrompit en jetant autour d’elle un regard inquiet, elle
dit d’une voix altérée : — Adieu ! adieu ! il faut nous quitter, Alonzo;
on s’éveille au palais, nous ne sommes plus en sûreté ici.
La jeune tille accompagna son amant jusqu’à l’issue secrète qui com-
muniquait de l’enceinte extérieure de murailles aux jardins du palais.
Le cheval d’AIonzo, attaché au tronc d’un arbre, piaffait d’impatience*
et soufflait, de ses naseaux deux long flots de fumée. C’était un cheval
noir et luisant comme un bloc de jais, à l’œil saillant et vif, au cou ner-
veux, à la peau frémissante. Alonzo s’élança sur le noble animal, et, le
contenant d’une main ferme, i! dit en se baissant vers Zébra :
— Demain, demain encore je te reverrai, au point du jour, ici. sous
i les palmiers. |