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IjE PRECOlSEm, Vendredi II Jamlcr 1343
Question «les Sucres.
Un grand nombre de journaux, dans la presse parisienne, se pronon-
cent en faveur du projet de loi du ministère, suri a suppression du su-
cre indigène: ta Presse, le Courrier français, la Quotidienne, la France,
le Commerce, défendent avec nous la cause de l’agriculture, de la navi-
gation, du commerce et des manufactures contre l’intérêt exclusif de
quelques fabriques donnant du travail à un petit nombre d’ouvriers et
placées dans un coin delà France où quelques hectares de son territoire
sont plantés en betteraves au lieu d’être semés de blé. Nous ne pouvons
que dire, à ce sujet, avec le Courrier français :
«Fabriquersur les lieux , moyennant un droit de 27 fr., une denrée
» qui ne peut être introduite en France qu’en acquittant un droit de
» 49 fr., bien qu’elle soit également française; priver tous les ans le Tré-
» sor d’un revenu de 15 à 20 millions de'francs ; faire perdre à la navi-
» gation un fret de 40,000 tonneaux; empêcher un accroissement de
» notre marine marchande de plus de 100 navires ; restreindre son pér-
il sonnel de plus de 2,000 matelots, enlever à notre agriculture, à notre
« commerce , à notre industrie le seul moyen d’échange qu’ils puissent
» offrir, pour le placement en pays étranger des produits de noire sol
a et de nos manufactures ! c’est là où nous a conduits le privilège ac-
« cordé aux betteraviers ! Assurément, il n’est plus possible, aujourd’hui
» que l’expérience nous a montré tous les vices de ce système, de pér-
il sévérer dans une si déplorable erreur. »
Le Courrier de Lyon publie un article fortement raisonné, où il ap-
prouve sans réserve le projet du gouvernement, de supprimer la fabri-
cation du sucre indigène. Tous les arguments du journal lyonnais se
résument dans ce cpii suit :
« Quoique partisans, en thèse générale, delà liberté de l’industrie et
ii du commerce.ou pour mieux dire, justement parce que nous en som-
n mes partisans, nous approuvons cette mesure, seul moyen de mettre
ii un terme à l’éternelle querelle du sucre de canne contre le sucre de
» betterave. Le sucre de betterave est en effet le fruit de la protection
h de fait, résultant, pour l’industrie indigène,du droit différentiel qui a
» jusqu’ici frappé le sucre des colonies,et sans lequel jamais l’industrie
h ne se fût avisée de mettre en pratique les ingénieuses découvertes de
« la chimie moderne. Et celle protection ne pouvait même se prévaloir
« de la mauvaise excuse alléguée pour en justifier d’autres, à savoir, la
« convenaneede favoriser la production nationale contre la concurren-
» ce étrangère, puisqu’iei, le produit protégé n’était pas plus français
» que celui contre lequel il était protégé. «
La chambre de commerce de Dunkerque (Nord) vient d’écrire à M. le
ministre du commerce et de l’agriculture une lettre dans laquelle elle
demande, comme les chambres de Nantes, Msrseille, Bordeaux et du
Havre, la suppression du sucre indigène.
Nous n’en avons pas fini avec les aménités de M. l’abbé de Genoude,
qui laissera dans le journalisme un pauvre souvenir, lia eu aujourd’hui
le triste courage,si c’en est un.d’adresser l’injure la plus basse au roi,en
l’appelant Sgakarei.ee! Nous n’avons pas nous, le courage de nous appe-
santir sur ces plates obscénités ; nous citons, quoique avec un profond
dégoût ; mais les Spartiates produisaient des hommes ivres au public,
pour enseigner la sobriété.
« Pendant sa lune de miel, I’étabi.issemekt de jeieeet parut ne douter
» de rien. Tous ses rêves étaient charmants. On chantait la marseillaise
« sous ses fenêtres, il crut que toute la Francechanlait. Il était magni-
» fiquement doté, renté, apanagé, il se figura que la manne qui tombait
» du ciel pour lui en tombait pour tout le monde. En un mot, comme
» rien ne manquait à sa prospérité privée, il lui sembla que rien ne de-
» vait plus manquer à personne. Exactement comme Sganarrlle, qui
» ne veut pas qu’on chante misère à ses oreilles quand il a bien dîné. »
(Globe.)
On connaltle bruit qui a couru sur la résolution prise par M. Berryer
de se retirer à Rome dans une maison de dominicains. Il est bien vrai
que M. Berryer est jusqu’à présent inconsolable de la perte qu’il a faite
«lans la personne de sa femme, un des plus aimables et des plus beaux
caractères que l’on ait connus. L’esprit impressionnable de l’illustre
orateur a dû ne voir d’abord qu’un genre de consolation ouvert à une
douleur aussi profonde que celle qui s’est emparée de lui. Mais, grand
artiste, M. Berryer, nous l’espérons du moins, ne quittera pas encore
l’arène où de nouveaux succès l’attendent, et ses amis comptent sur
l’effet de la lutte qui va s’ouvrir dans quelques jours à la tribune légis-
lative, pour ramener M. Berryer sur la scène du monde.
L’on se rappelle qu’à la suite d’une perte analogue à celle qui frap-
pe M. Berryer, M. de Genoude avait aussi renoncé à la vie publique,
et s’était réfugié dans l’existence ecclésiastique, et que bientôt les luttes
du journalisme l’ont ramené à la direction de la Gazette de France.
Mystères de Paris.
On attribue au plus célèbre entrepreneur de causes perdues qui fleu-
risse à Paris et à un jeune rat de l’Opéra les prouesses suivantes. Mais
c’est à tort, selon nous, car l’un n’a pas assez de munificence et l’autre
n’a pas encore assez d’acquit pour que ce cancan soit même vraisem-
blable.
Lejeune rat venait d'entrer en ménage. Après avoir admiré et fait ad-
mirer pendant huit jours sa robe de mérinos, sa commode en noyer.son
châle kabyle, il se prit à regretter les temps heureux où il grignotait
du pain bien dur et des noix bien sèches. La pauvre petite s’ennuyait
comme un premier sujet affligé de quarante printemps. S’ennuyer à
seize ans, quand on est douée d'un nez à la Roxelane,d’une bouche qui
parle d’or! c’est malheureux, niais c’est naturel.... Tout lui déplaisait,
tout,depuis son chien Tony et sa chatte Filine, jusqu’à son maître à dan-
ser. Elle s’endormait aux Italiens, dans la loge de la commission; elle
bâillait à l’Opéra-Comique, toujours dans la loge de la commission; elle
rudoyait sa sœur, elle gourmandait sa mère, et. ô sacrilège! elle jetait
au feula Gazette des Tribunaux, que, par une galanterie de palais, elle
recevait tous les matins. Notre avocat ne fut pas le dernier à remarquer
ces affligeants syptômes; il était amoureux, et l’amour prête de l’esprit,
même à un avocat.
o Qu’avez-vous, mon ange, lui dit-il un soir qu’ellesemblait plussou-
cieuse encore qu’à l’ordinaire ? Vousneriez plus, vous ne tapez plus sur
votre piano, vous ne vous moquez plus de moi ; vous êtes malade ?
— Moi, monsieur, vous vous trompez: je suis gaie, très gaie, et je me
porte à merveille.
que, exorbitante; c’est l’âge d’or de la culture à Antigue ; ces salaires
ont été d’abord au taux de dix sous par jour, et il est probable qu’ils
vont y revenir prochainement; voici de quelle manière.
Avant l’émancipation, le sucre se vendait à Londres à 15 liv. sterling
le boueaut, ce qui faisait 375 fr. Les planteurs trouvaient ce prix su-
perbe. L’émancipation a tellement réduitles récoltes de Démerari etde
la Jamaïque, qui étaient les deux principales colonies, que la rareté du
sucre l’a fait monter, sur le marché de Londres, au prix de34 liv. st. le
boueaut, ce qui fait 850 fr. Cette hausse exorbitante du sucre, qui est
en Angleterre une denrée de première nécessité, à cause de l’usage gé-
néral des boissons chaudes, a vivement excité les réclamations des con-
sommateurs. Les philanthropes eux-mêmes ne veulent passe résigner
à mettre dans leur café et dans leur thé du sucre qui coûte 20 sous la
livre; et le dernier cabinet anglais, ému par les réclamations des con-
sommateurs, avait annoncé une diminution de droits sur les ruimde
l’Inde, et fait pressentir un abaissement de tarifs sur les sucres étran-
gers. Il n’y a, en effet, que deux moyens de faire baisser le prix des su-
cres provenantdes colonies occidentales : c’est de diminuer les droits
qui pèsent sur eux, ou de diminuer les droils qui empêchent l’entrée
des étrangers. Il ne faut pas songer, du moins encore, au premier
moyen, parce que les droits sur les sucres des colonies occidentales
sont affectés au paiement désintérêts delà delle consolidée, et que
leur réduction entraînerait un bouleversement financier. Reste le se-
cond moyen, qui est l’abaissement des tarifs sur les sucres étrangers;
c’est à celui-là qu’on s’attend, dans un avenir plus ou moins rapproché.
Il est bien vrai que les philanthropes anglais, démentis violemment
par les résultats de l’émancipation des noirs, et rrappés dans leur intel-
ligence ou dans leur bonne foi, par la décadence évidente, constatée,
des colonies occidentales, et par la certitude de leur ruine prochaine,
font tout ce qu’ils peuvent pour dissimuler ou pour pallier les résultats
De leurs théories. Ils s’opposent à toute diminution des droits sur les
sucres étrangers et même' sur les sucres de l’Inde, parce que cette dimi-
nution porterait le dernier coup à la Jamaïque, à Démerari, à la Trini-
dad et à Antigue; mais il est évident que les philanthropes se lasseront
plus tôt de plaider pour leurs victimes, que les consommateurs anglais
ne se lasseront de plaider pour leur bourse; et à partir du moment où
les sucres de file de Cuba, de Porto-Ricco et du Brésil, entreront sur le
marché de Londres, le prix du sucre des colonies émancipées tombera;
et s’il tombe au-dessous de vingt-cinq livres sterling, le salaire des noirs
d’Antigue ne pourra plus être de dix-huit sous.
Tous les habitants me l’ont décteré; le salaire actuel est dû au prix
exorbitant du sucre.Cependant ils sont divisés sur le minimum au-des-
sous duquel leur ruine est certaine; les uns fixent ce minimum à vingt
livres sterling le boueaut, les autres le fixent à vingt-cinq. Je crois ces
deux chiffres également vrais, à cause de la fertilité variable des terres.
Ainsi, vienne une diminution dans le prix actuel du sucre, et elle va ve-
nir forcément, et la culture d’Antigue Sest radicalement atteinte; et si
cette diminution fait descendre le prix du sucre au-dessous de vingt-
— N’espérez pas me tromper. J’y vois clair, sans en avoir l’air, et je
vous enverrai un remède de ma façon.
— Monsieur...
— Oui, je vous adresserai un petit volume qui dissipera vos vapeurs.
— Encore vos Causes célèbres !... Je vous avertis que je neveux plus
de ces abominations-là.
— Mieux que cela, mon ange, »
Et le galant s’éloigna le nez au vent.
Le lendemain soir, le très mûr favori de Cujas se fit précéder par un
tout mince volume de forme oblongue, modestement relié, et qui, vu la
profession du donataire, devait contenir quelques portraits en robe
noire et en bonnet carré.Ce fut madame mère qui précéda au déballage
et à l’examen du précieux cadeau. Et précieux il était, car à peine eût-
elle jeté les yeux sur la première page qu’elle poussa un cri de joie. Sa
figure devint verte, rouge, bleue, blanche, violette; elle ne pouvait par-
ler, elle étouffait de bonheur. L’album contenait 25 billets de 500 francs
reliés.
Deux heures après l’envoi, le grand avocat crut qu’il pouvait se pro-
duire avec avantage; il parut sémillant, pimpant, fringant, et il fut ac-
cueilli tout aussi froidement que par le passé.
« Vous n’avez donc pas reçu mon petit volume, dit-il tout interdit ?
— Si, mon cher monsieur.
— Eh bien ?
Le commencement m’a fort intéressée et j’attends le second volume
avec impatience. »
Le prodigue avocat était pris au piège.. Il fallait de toute force offrir
un second volume, sous peine de perdre tout le fruit du premier hom-
mage. Il s’exécuta, dit-on, de fort bonne grâce, et compléta l’ouvrage.
Seulement, pour éviter des suites si coûteuses, il eut soin d’écrire lui-
même sur le vingt-cinquième billet :
FIN DE DEUXIÈME ET DERNIER VOLUME.
(Charivari.)
KEÏÆIOUE.
Bruxelles, 5 janvier.— Le gouvernement a recommandé à ses agents
de faire recueillir avec soin les objets d’art et d’antiquité, que les fouil-
les nécessitées par les travaux publics pourraient faire découvrir. De
cette manière, la collection de l’Etat reçoit de temps à autre des accrois-
sements d’une certaine importance. M*. le ministre de l’intérieur vient
encore de faire déposer à la Bibliothèque royale différentes curiosités
trouvées dans des excavations faites sous le direction de M. l’ingénieur
Guioth, numismate zélé, à l’endroit dite Meyerens, près de Virton.Elles
consistent en 144 médailles romaines, dont 5 en argent et 2 en potin,
plus une médaille gauloise en électrum, un bracelçt à chaînette en bron-
ze, un chaton de bague en cornaline, et deux petites bagues en bronze.
— M Hart, à qui l’on doit déjà plusieurs médailles fort remarquables,
vient d’en exécuter une qui prouve tout à la fois un grand talent et une
grande activité. Le vote des Chambres belges à l’occasion de la mort de
S. A. R. le duc d’Orléans lui en a fourni le motif. Il a placé d’un côté le
portrait du duc dont la ressemblance est parfaite, et de l’autre il a re-
présenté la Belgique déposant une couronne sur un cercueil. Cet hom-
mage de l’artiste belge a été dignement compris par M. de Rumigny,
ambassadeurde Franceà Bruxelles, qui s’est empressé d’offrir à l’artiste
de mettre lui-même celle belle médaille sous les yeux du roi Louis-
Philippe. Nous croyons savoir que sa majesté la reine a accueilli l’ou-
vrage de M. Hart avec la même bienveillance.
— Voilà cinq jours consécutifs que l’arrivée des dépêches de France
éprouve un retard de trois ou quatre heures, sur le parcours de la fron-
tière à Bruxelles. C'est donc au service du chemin de fer qu'il faut s’en
prendre Je ce retard, et si rien n’y estchangé, comme la chosen’estque
trop probable, il en sera de même tout l’hiver. (Indépendant.)
— En conformité du jugement prononcé par le tribunal civil, en
cause des entrepreneurs des travaux du chemin de fer de la Vesdre,
contre l’état belge, les experts nommés devront :
1» Procéder à une comparaison entre les terrassements que le cahier
des charges avait indiqués et ceux qui ont été réellement exécutés ; 2°
spécifier les quantités et qualités de ces derniers et en évaluer le prix ;
3°accomplir la même opération quant aux travaux d’art ; 4° spécifier
les travaux imprévus et supplémentaires et en fixer le prix. Le juge-
ment leur prescrit d’ailleurs , de se diriger dans tout le cours de leurs
opérations d’après l’espritdu contrat d'entreprise et des motifs qui ser-
vent de base au jugement.
Appel de ce jugement va du reste être interjeté de la part des entre-
preneurs; ceux-ci prétendent que celle décision leur accorde moins
que le gouvernement ne leur avait offert en termes d’arrangement.
ASîVERS , © JAUfVSEK.
Un cas extraordinaire dans les annales de la fécondité matrimoniale,
vient de se présenter dans une commune située non loin d’Anvers. La
femme de M. H .-F. Servais fils, lieutenant-colonel de la garde-civique
d’Anvers, sous-directeur agent des travaux de la maison de correction
de St-Bernard,vient de mettreau monde son seizième enfant(l2 sont en
vie) et son septième fils dont le nombre s’est succédé sans l’interruption
d’un enfant de l’autre sexe. A cette occasion, S.M.a daigné servir de par-
rain,et elle a délégué ses pleins pouvoirs à cet égard à M.le baron Diert,
conseiller provincial et bourgmestre d’Hemixem, qui a tenu l’enfant
sur les fonts baptismaux. Le fils de M. Servais a reçu les noms de Léo-
pold-Louis-Théodore-Cicercule. .Mme la baronne Diert a bien voulu rem-
plir les fonctions de marraine.
— M. André Van Hasselt, inspecteur provincial des colléges, écoles,
etc., s’est établi depuis quelques jours à Anvers, d’où il explore toutes
les communes environnantes.
— Un vol de lingeries a eu lieu mercredi soir à l’estaminet la Cloche,
rue Klapdorp. La police est à la recherche des voleurs.
— On écrit de Gand : La 15m» exposition de tableaux de la Société des
Amis des Beaux-Arts, s’ouvrira le 19 février prochain au vestibule du
palais de l’Université.
— Le Moniteur publie 1° un arrêté royal du 3! décembre, qui approuve
l’élection faitele 29octobre dernier, par l’Académie royalede médecine,
de membres honoraires belges et étrangers, au nombre de cinquante-
neuf ; 2° Un arrêté du même jour qui approuve l’état de classification
des communes démembrées de Hainay et d’Ombret-Ransa (province de
Liège); 3<> enfin divers arrêtés qui appliquentà certaines routes, les lois
sur le roulage et la voirie vicinale.
— Une ordonnance de M. de Page, premier président de la cour d’ap-
cinq livres sterling, pour les uns, au-dessous de vingt livres, pour les
autres,la culture d’Antigue est détruite. Les noirs n’auront plus même
dix-huit sous par jour ; et comme l'île ne se prête pas à la culture des
vivres , il faudra qu’ils émigrent ou qu’ils meurent de faim. Il est vrai
qu’ils mourront libres, ce qui sera une grande consolation.
Je vais vous montrer maintenant comment le maintien de la produc-
tion du sucre à Antigue, et l’accroissement dans l’importation des vi-
vres, depuis l’établissement du régime de la liberté, est une autre mys-
tification; et comment il faut toujours compter deux fois la monnaie
dont nous paient les philanthropes.
Le maintien de la production d’Antigue se montre avec des circon-
stances bien faites pour dépayser les esprits superficiels. Lors de l’é-
mancipation , c’est-à-dire en 1834, car les propriétaires d’Antigue se
croyaient si sûrs de leurs noirs, qu’ils ne voulurent même pas du sys-
tème préparatoire de l’apprentissage, la moitié des émancipés quitta
les habitations. Sur beaucoup d’entre elles, l’émigration n’alla que jus-
qu’au tiers. Certaines furent entièrement abandonnées,quelques-unes,
au vent de l’île, furent brûlées. Tous ces déserteurs se portèrent dans
les villes, pour être domestiques ou portefaix; plus tard, un grand nom-
bre passa à la Trinidad et à Démerari. Les habitations d’Antigue sont
donc restées, depuis sept ans, les unes avec les deux tiers, les autres
avecla moitiéde leurs travailleurs,etcependantellesont produit, terme
moyen, autant de sucre qu’auparavant. C’est donc là un grand témoi-
gnage en faveur du maintien du travail après la liberté des noirs? Pas
le moins du monde.
Pour quiconque a vu travailler le? noirs, il est constant que ce sont
les plus médiocres ouvriers du inonde. Ils consomment énormémentjet
ils produisent peu. On compte généralement, dans toutes les Antilles,
qu’il faut trois noirs pour faire le travail d’un blanc. Il ne faut pas.com-
me le prétendent les philanthropes, aller attribuer cette paresse et ce
mauvais emploi des forces à l’esclavage; cela est vrai pour les noirs li-
bres aussi bien que pour les autres, et cela est tout aussi vrai daps le
système fort répandu du travail à la tâche, où les noirs sont pourtant
intéressés à travailler vite, pour se reposer plus tôt et pour avoir du
temps à eux. Quand on dit qu’il faut trois noirs pour faire le travaild’un
blanc, cela s’entend des noirs laborieux; pour les autres, il en faut par
douzaines. Us ne font rien. Or, ces noirs indolents sont en fort grande
quantité sur les habitations. L’une dans l’autre, on peut les porter au
tiers. Il faut bien que cela soit ainsi. Il y a, à la Guadeloupe, des habita-
tions de trois cents noirs Leurs cases forment un gros et beau village,
Or, ces trois cents noirs cultivent;combien diriez-vous?Ils cultivent
cent hectares de terre, c’est-à-dire trois cents arpents du midi de la
France. Ces trois cents noirs sont aidés par quarante et par cinquante
paires de bœufs, et par trente et par quarante mulets; grosse besogne
que je me chargerais de faire, beaucoup mieux, avec quinze ouvriers de
l’Armagnac, aidés de dix paires de bœufs. Songez que ces trois cents
noirs cultivent des cannes, c’est-à-dire une plante qui demeure quinze
mois en terre, que serait-ce s’ils cultivaient des récoltes européennes
pel de Bruxelles, fixe l’ouverture des assises du Hainaut pourle premier
trimestre de 1845 au 26 janvier courant. M. le conseiller Bosquet est
nommé pour les présider.
— On écrit de Tirlemont : Notre ville, peuplée sons l’ancien régime
de nombre d’ordres religieux, mais où, depuis 1850, ancun couvent ne
s’était élevé, va voir s’établir dans son enceinte une corporation de do-
minicains. Ces religieux viennent de Garni où ils vivent sous la direc-
tion d’un moine espagnol de Lérida. Ils ont acquis des hospices civilsde
Tirlemont, au prix de 70,000 francs, l’église et une partie des bâtiments
de notre ancien béguinage.
— On écrit de Grammont, 3 janvier :
Le conseil communal vient de voter une médaille d’or de la valeur de
300 francs, laquelle sera offerte, au nom de sa ville natale, à notre con-
citoyen le peintre Eugène de Rlock, comme un gage de satisfaction pour
les succès que Cet artiste a obtenus dans son art. On se rappelle qu’en
moins d’un an, M. De Block a successivement remporté la grande mé-
daille d’or à l’exposition de Paris, et la médaille d'or à celle de Bruxelles.
Précédemment, et quoiqu’il fût encore bien jeune, il obtint, dans un
concours ouvert à l’exposition de Gand, le premier prix pour le tableau
de genre.
— M. le lieutenant-colonel du génie Cordemans, commissaire-général
du gouvernement près de la Société anonyme pour l’exploitation des
établissements de Seraing et de Liège, vient de mourir, des suites d’une
fièvre typhoïde. M. Cordemans était un de nos officiers les plus distin-
gués et sa perte sera vivement sentie. Il n’était âgé que de 53 ans.
— On écrit de Berlin, 31 décembre :
Tout le monde a admiré les magnifiques étrennes que la Reine a re-
çues lors de Noël, de son auguste époux. Elles consistent dans une dé-
coration très précieuse de l’ordre du Cygne, confectionnée par le joail-
lier de la cour Hossawer et garnie de rubis, de brillants et de diamants.
Cet ordre a été fondé en 1440 par le prince-électeur Frédéric II, et re-
nouvelé ensuite par son frère, le prince-électeur Albert. Eu égard à son
ancienneté, on le considère comme le premier ordre de la famille royale
de Prusse, et de sa dynastie. Après la réforme, cet ordre est venu à
s'éteindre, et n’a pas en tout duré au-delà d’un siècle. Le présent qui
vient d’être fait à la Reine indiquerait peut-être qu’on veut encore une
fois le renouveler. -
lia poste et Ses journaux.
Depuis'la nouvelle organisation des postes en ce qui concerne les
abonnements aux journaux, les employés du bureau de Bruxelles, qui
probablement ne trouvent pas leur compte au nouveau réglement,
sont d’une négligence blâmable pour tout ce qui concerne les abonne-
ments et la distribution des journaux. Plusieurs plaintes nous sontpar-
venues à ce sujet et nous croyons de notre devoir de les signaler à l’at-
tentionde M. le ministre des travaux publics. Nous verrons s’il n’aura
pas le pouvoir de faire exécuter ses ordres bien qu’ils semblent déplaire
à MM. les employés.
Voici la copie des deux dernières lettres que nous avons reçues de
Bruxelles :
( De lettre. )
Bruxelles, le 5 janvier 1845.
Monsieur l’éditeur du Précurseur,
Nous prenons la liberté de vous écrire afin de connaître le motif
pour lequel le Précurseur ainsi que ses Tablettes ne nous sont plus par-
venus depuis le D courant. Nous sommes étonnés de cette interruption
dans l’envoi de votre journal, qui nous prive des nouvelles commer-
ciales de votre ville, très importantes à connaître pour nous. Abonnés
depuis plusieurs années à votre feuille, jamais nous n’avons éprouvé
d’interruption dans son envoi, et maintenant voilà que sans motif le
bureau de Bruxelles nous la refuse. Après plusieurs demandes on nous
a répondu que nous n’y avions plus droit n’étant plus abonnés et que
pour le recevoirde nouveau nous devionsrenouvelernotreabonnement.
Nous l’avons fait et payé un trimestre par anticipation; mais nous pen-
sions bien qu’une fois abonné à une feuilie.on était censé continuer son
abonnementjusqu’à ce qu’on le contredisait formellement. Veuillez donc
soigner à ce que votre journal nous parvienne régulièrement comme
d’habitude et nous vous prions de nous faire parvenir les Gazettes et les
Tablettes qui ne nous ont plus été remises à dater du premier courant
à ce jour.
Agréez, etc.
( 2e lettre. )
Bruxelles , 5 janvier 1843.
Monsieur l’éditeur,
J’ai pris un abonnement à votre journal, le 2 courant, au bureau de
la poste de cette ville, et vois avec étonnement que je n’en ai encore
reçu aucun numéro.Je vous prie donede me faire tenir au plus tôt tous
les'numéros arriérés qui entrent dans mon abonnement, et le journal
régulièrement tous les jours.
J’espère que vous vous empresserez à satisfaire à ma demande, et ai
l’honneur de vous saluer.
Notre collaborateur de Bruxelles nous écrit de son côté pour se plain-
dre du retard qu’il éprouve depuis le 1er janvier dans la remise à domi-
cile de sa feuille. Ce retard ne nous étonne plus et s’explique même par
les lignes suivantes que nous trouvonsce matin dans le Courrier Belge :
« La distribution des journaux qui se faisait dès le malin ne se fait
» plus qu’entre 9 et 10 heures. Tous les négociants qui ont des boites à
» la poste ont beau frapper aux ouvreaux; ils ne s’ouvrent que pour en
h laisser sortir des refus non-motivés.Pendant ce temps, les solliciteurs
» réduits à regarder par les fentes aperçoivent M. le distributeur tran-
» quillement occupé à lire un journal.
h Ce matin il y a eu grand désordre dans lasalle d’attente. »
Nous aurons soin de signaler par la voie de notre journal chaque irré-
gularité qui sera signalée. Nous savons de bonne source que dans sa
dernière circulaire aux directeurs des postes,M.le ministre des travaux
publics annonce qu’il sera sévi rigoureusementcontreles employés qui
refuseraient les abonnements ou donneraient lieu à des plaintes fondées
de la part des abonnés aux feuilles publiques. Lorsque nous aurons fait
connaître les abus, ce sera au gouvernement d’y porter remède en exé-
cutant ses réglements.
|pr-.■«•.tito. _T=wvT.y«
qui ne demeurent en terre que huit mois ?
Lors donc que les habitations d’Antigue ont été abandonnées par le
tiers des émancipés.elies n’ont rien perdu en forces réelles, parce que les
noirs qui fuyaient l’agriculture étaient deceux qui faisaient du nombre
sans faire de la besogne ; et comme d’ailleurs, après l’émancipation, les
propriétaires ne payaient les noirs que selon leur travail, ceux-ci, pressés
par le besoin,ont donné sérieusement la somme d’effortsdonl ils étaient,
capables. Cette première circonstance montre donc que le maintien de la
production d’Antigue ne prouve pas précisément en faveurde la liberté
des noirs;en voici une seconde qui prouve contre elle.
Avant l’émancipation, les propriétaires habillaient les noirs, eux et
leurs enfants;et de plus, ils leur accordaient, pour représenter la nour-
riture,un jour par semaine,le samedi,pour cultiver des jardins,dont le
produit était à eux.Depuis l’émancipation,les propriétaires ne les nour-
rissent plus,ne les habillent plus, ne leur donnent plus de jour, ils leur
paient vingt-cinq sous par jour de travailjil est clair que les noirs y ont
perdu. Antigue, je l’ai déjà dit, ne produit pas de vivres, à moins que
dans les terres privilégiées, réservées pour la canne. Les propriétaires
étaient donc obligés de nourrir leurs esclaves avec des vivres tirés d’Eu-
rope ou des Etats-Unis.Et savez-vous quelle est la nourriture régulière,
obligée,de chaque esclave? Trois pois de farine et trois livres de morue
par semaine, sans compter les distributions de sirop qui se fontjusqu'à
trois fois par jour, en temps de roulaison. Les farines de France et des
Etats-Unis,la morneet le harengdes pêcheries anglaises,coûtaient donc
fort cher aux propriétaires d’Antigue. Un grand nombre d’entre eux,
résidant en Angleterre,furent effrayés des comptes de gestion que leur
présentaient annuellement leurs commissionnaires de Liverpool et de
Londres.Tous.d’un commun accord.consacrèrent des terres.en quanti-
té fort notable et des meilleures.à la plantation de vivres,pour soulager,
d’autant les dépenses de leur fuisance-raloir.Or,à l’époque de l’émanci-
pation,voici ce qui est arrivé. Les propriétaires, n’ayant plus à nourrir
les noirs, ont rendu à la culture de la canne les terres qu’ils en avaient
distraites pour planter des vivres; ce qui fait que non-seulement Anti -
gue a dû produire autant de sucre,terme moyen.depuis qu’avant 1834,
mais encore que ses produits auraient dû augmenter de tout le revenu
des terres rendues par l’émancipation à la culture de la canne.
Le maintien du revenu d’Antigue. depuis l’émancipation, ne prouve
donc pas sa prospérité : vous allez voir qu’il en est de même pour l’aug-
mentation des vivres introduits, établie par les registres de la douane.
Ceci ne veut que deux mots.
Il est bien clair que l’importation des objets de nécessité première a
dû augmenter à Antigue, depuis l’émancipation, puisque, avant 1834,
les propriétaires plantaient des vivres, en quantité fort considérable, et
que depuis lors, ils n’en plantent plus. Il a donc fallu que les noirs de-
mandassent au commerce extérieur ce que les habitations avaient cessé
de produire.
(la suite prochainement.)
A. GRANIER DE CASSAGNAC. |