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Nous savons fort bien qu’on nous répondra que le mot est
entré dans l’usage courant en Belgique pour désigner le grand
vestibule d’un château, mais il n’en est pas moins vrai, par
contre, qu’il fera sourire ceux qui connaissent la véritable
valeur du terme.
Admettons pourtant que ce que nous prenons pour un ves-
tibule dans le canevas du concours, soit un hall dans la vraie
acception du terme
Pourquoi alors lui donner comme hauteur maxima 5m7o ?
Ne fallait-il pas laisser aux concurrents l’option de couvrir
leur hall par une de ces belles charpentes lambrissées à l’instar
de Westminster hall de Londres ou de Saint-John College
hall de Cambridge ?
Nous nous demandons encore comment les concurrents
concilieront l’application d’éléments nouveaux demandés par
le programme avec l’étroitesse de vue du canevas.
Pourquoi cette absence de grandeur, ce souci du bourgeoi-
sisme étroit? Laissez donc aux jeunes gens auxquels vous
vous adressez l’option d’être grands, d’être larges dans leurs
compositions, sans circonscrire celles-ci dans des limites étroi-
tes alors surtout que d’autre part vous faites appel aux concep-
tions nouvelles et aux applications d’éléments non encore utilisés,
de la flore ou de la faune.
Bref, pour conclure, beaucoup de bonne volonté, d’excel-
lentes intentions qui — nous ne pouvons espérer le con-
traire — ne trouveront dans l’application que des résultats
médiocres de par les conditions défectueuses du concours.
BIBLIOGRAPHIE (1)
Des hautes études d’architecture, par M. César Daly.
Paris, André Daly et Cie, 1888. Une brochure in-8°, 44 pages.
Le vaillant et infatigable directeur de la Revue d’Architecture,
qui, depuis près d’un demi-siècle, étudie dans son recueil les
grandes questions touchant l’étude de l’architecture et les
réformes qu’il y a lieu d’apporter à son enseignement, vient de
faire paraître une brochure qui constitue, en quelque sorte, un
appel aux corps constitués et aux architectes indépendants en
faveur des Hautes Etudes d’architecture.
Ainsi que le dit à juste titre M. César Daly, « la somme de
« talent, d’ingéniosité, d’invention, de savoir et d’habileté
« technique et esthétique, répandue à travers la corporation
« des architectes est énorme. Il s’agit d’opérer la concentra-
« tion de ces mérites, grâce à la création des Hautes Etudes
« d’architecture. Seules les Hautes Etudes peuvent harmoni-
« ser et amener à des principes communs, les idées et les sen-
« timents qui animent le groupe tout entier des architectes ;
« idées et sentiments qui, dans un temps donné et dans 'des
« conditions sociales qui se constituent rapidement autour
« de nous, feront naître l’unité doctrinale de notre art et éclore
« un style nouveau d’architecture. Duc a voulu hâter cette
« éclosion par la fondation de son concours en faveur des
« Hautes Etudes d’architecture. C’est à Duc — un précur-
« seur — que je dédie cet appel. S’il vivait encore, il serait,
« malgré son grand âge, le premier à combattre le bon com-
« bat. C’est en invoquant son souvenir sympathique que
« j’adresse et soumets ce travail à mes confrères. »
M. César Daly, examinant ce qu’on a fait jusqu’à ce jour
pour les Hautes Etudes, constate, à regret, que tous ceux qui
auraient pu prendre l’initiative d’une généreuse et large pro-
pagande en faveur des réformes nécessaires, se sont tus et ont
fait montre d’idées optimistes exagérées.
Qu’a fait l’Institut de France que l’on peut considérer
comme le Sénat de l’art, c’est-à-dire une institution conserva-
trice des grandes traditions esthétiques ? Au lieu d’amplifier et
d’appliquer, dans les programmes des concours Duc, les idées
de son fondateur qui voulait « déterminer le style et la forme
« des éléments ds l’architecture moderne », l’Institut s’est
borné à ouvrir, tous les deux ans, un concours quelconque
de la valeur de ceux de l’Ecole des Beaux-Arts ; aussi les sept
épreuves qui ont eu lieu jusqu’ici n’ont pas révélé de ten-
dances nouvelles, au contraire.
M. César Daly adresse le même reproche d’inertie aux Dio-
césains, aussi exclusifs et aussi intolérants que les Académi-
ciens, aux prix de Rome et aux architectes diplômés qui con-
stituent une sorte d’aristocratie égoïste et hostile à toute
réforme, aux Sociétés d’architecture qui n’ont jamais cherché
un remède à la confusion manifeste des idées de notre époque
d’éclectisme à outrance ; enfin à l’Ecole des Beaux-Arts, qui
se contente de former de brillants soldats de l’armée architec-
turale, sans songer à l’état-major et aux généraux futurs.
M. César Daly conclut en demandant, à l’occasion de l’Ex-
position universelle, la convocation d’un Congrès pour étu-
dier l’importante question des Hautes Etudes : un corps con-
stitué nommerait une commission des voies et moyens qui
élaborerait un programme et organiserait le Congrès. Celui-ci
(1) Les ouvrages renseignés sous la rubrique Bibliographie sont en vente
chez notre éditeur M. Ch. Claesen, à Liége.
constituerait une commission d’études qui discuterait le pro-
gramme avec ses auteurs. Le programme étant définitivement
approuvé par le Congrès, des délégués défendraient les Hautes
Etudes auprès du gouvernement, dont on demanderait le
concours. Si celui-ci était refusé, le Congrès pourrait — à
l’américaine ou à l’anglaise, ce qui serait préférable — créer
une Ecole libre des Hautes Etudes.
Le programme des cours est esquissé dans la brochure que
nous analysons, et l’énoncé des questions proposées par l’au-
teur indique toute l’importance qu’une semblable institution
pourrait et devrait avoir. En voici quelques-unes :
1° Les styles historiques d’architecture, montrant comment cha-
cun est né d’un état précédent de l’architecture et a préparé
un état subséquent, c’est-à-dire un style nouveau ; et
20 Les écoles d’architecture (classique, gothique, rationaliste,
éclectique et sceptique) considérées : dans les causes qui leur
ont donné naissance; dans leurs doctrines, leur utilité et
même leur nécessité provisoire ; dans les lois esthétiques par
lesquelles ces écoles se rapprochent et celles par lesquelles
elles s’écartent les unes des autres ; dans leur tendance actuelle
à une concentration générale sur le terrain neutre de l’éclec-
tisme, et ce qui pourra résulter de cette concentration, etc.;
3° Les esthétiques historiques et l’esthétique scientifique moderne en
voie de création.
40 L’architecture comparée : Ressemblances et différences
entre les styles, entre chaque classe de monuments de chaque
style, entre tous les monuments constructifs et décoratifs de
•chaque style, etc.
5° Les progrès des sciences considérés au point de vue de leur
influence sur l’architecture.
6° Les progrès de la technologie et de l’industrie, ou des sciences
appliquées, considérés au point de vue précédemment indiqué.
7° L’influence sur l’architecture des progrès accomplis dans la
grande circulation terrestre et maritime, et le développement
chaque jour plus accentué du mouvement commercial et
financier, etc.
Bien que le savant directeur de la Revue ne donne ce qui
précède que comme une esquisse rapide et incomplète, cette
liste renferme en germe les éléments d’un enseignement des
plus intéressants et qu’un architecte ne devrait pas ignorer ;
c’est en approfondissant le côté philosophique de ce vaste
problème que l’on arrivera à saisir et à fixer les lois du trans-
formisme inéluctable auxquelles sont assujetties, à travers les
siècles, toutes les conceptions artistiques.
La question des Hautes Etudes est posée à son heure ;
après avoir été interrompues pendant plus de soixante ans,
de 1789 à 1855, les études artistiques ont pris un essor
imprévu, mais en s’éparpillant et en touchant à trop de sujets
à la fois, d’où la période actuelle, toute de transition, et carac-
térisée par un éclectisme outrancier qui est, dit M. Daly, « le
« pillage et l’utilisation plus ou moins habile des vieux monu-
« ments, mais pas du tout la conservation des grandes tradi-
« tions historiques. »
Il y avait urgence à adresser un appel aux architectes, et ce
sera un éternel honneur pour M. César Daly d’avoir, à ce sujet,
présenté ses idées personnelles avec la largeur de vues qui
caractérise ses belles études sur l’évolution de l’architecture.
Vienne le Congrès que M. Daly souhaite voir convoquer à
bref délai, et la réforme des Hautes Etudes deviendra une
nécessité internationale. Cette nécessité se fait surtout sentir
dans l’enseignement artistique en Belgique, et l’examen de la
situation qui est faite aux architectes mériterait une étude
spéciale, presque un examen de conscience que nous devrions
avoir le courage de faire et surtout de proclamer bien haut à
la face de nos corps constitués, aussi inertes et rétrogrades
que ceux auxquels s’adresse notre éminent confrère français.
Terminons en consignant ici les vives félicitations que
M. Daly mérite à tous égards pour sa vaillante initiative et
qui lui vaudra la reconnaissance des architectes de tous les
pays. J. Brunfaut.
L’Architectonik de la construction moderne, par
Rodolphe Redtenbacher. — Berlin, Ernst et Korn, 1888.
Un fort volume in-8°.
Cet ouvrage est destiné à examiner de près les problèmes
de la construction moderne, suivant l’étude des éléments de
l’art de bâtir du moyen âge et de la Renaissance, et suivant la
Tektonik, ouvrage du même auteur, qui expose les principes
des formes artistiques qui sont du domaine de l’architecte, de
l’ingénieur et de l’industriel.
L’auteur s’est inspiré dans beaucoup de cas de l’école de
Dresde, où la renaissance moderne a été traitée d’une façon
sérieuse par feu le professeur Nicolaï. Il examine les parties
principales d’une construction, les bâtiments à différents
usages, leur groupement, le tracé des rues et même les déco-
rations pour fêtes.
Ce livre doit, d’après l’auteur, aider l’architecte dans maintes
questions. Suivons-le et indiquons les points saillants de son
œuvre.
Le chapitre A, les murs, nous montre la maçonnerie polygo-
nale employée dans l’antiquité ; les fig. 2,3 et 4 sont des exem-
ples du Temple de Thémis à Rhamnos; plus récentes sont
la fortication de Vérone, fig. 5, et les murs de quai à Cologne ;
puis la maçonnerie en moellons et en moellons et briques du moyen âge
dont les fig. 10 à 14 donnent de curieux exemples. Le système
indiqué fig. 10 a été employé par les Romains et après eux
par le moyen âge jusqu’au XIVe siècle et se trouve exécuté en
briques aux murs d’enceinte de Ravenne du VIe siècle, fig. 11,
et aux châteaux du moyen âge, fig. 12. A l’article maçonneries
en pierres de taille d’une grande dimension, l’auteur nous dit
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L’ÉMULATION.
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