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La Société d’Archéologie de Bruxelles a tenu mardi passé
(5 février 1889) une importante séance. Elle avait à procéder
à la nomination d’une partie des membres de son bureau
pour 1889. A la suite de ces élections, le bureau de la Société
est composé comme suit : Président, M. le comte M. de
Nahuys; vice-président, M. Hagemans; conseillers, MM.Ver-
mersch et Destrée ; secrétaire général, M. Paul Saintenoy ;
secrétaires, MM. le baron de Loë, de Raadt et de Munck;
bibliothécaire, M. Louis Paris; conservateur des collections,
M. de Schryver; trésorier, M. Plisnier.
Une fois installé, le nouveau bureau a payé un juste tribut
d’hommages à M. Alphonse Wauters, son président sortant,
et a proposé de le nommer, en reconnaissance des services
qu’il a rendus, membre d’honneur de la Société, ce qui a été
voté par acclamation.
Parmi les communications faites à cette séance, signalons
la curieuse notice que M. Desirée a écrite sur un lustre du
XIIIe siècle en défenses de morse, trouvé à Bouvignes il y a quel-
ques années, et des mémoires intéressants lus par MM. le
comte de Nahuys, de Munck, de Raadt et Carly.
Somme toute, cette séance fait bien augurer de la vitalité
de cette jeune et vaillante Société.
Une très belle et vaste fresque du XIIe siècle vient d’être
découverte dans une des chapelles de la cathédrale de Canter-
bury. Elle représente l’apôtre saint Paul au moment où il
jette dans le feu le serpent qui vient de le mordre à la main.
M. Fouquié, ayant reçu des fragments de bleu provenant
d’une fresque de Pompéi, a procédé à leur analyse. Il y a
trouvé un silicate double de chaux et de cuivre, qu’il est par-
venu à reproduire. Ce bleu est inaltérable ; c’est le plus fixe
que l’on connaisse, et la découverte du savant minéralogiste
intéressera vivement la peinture. M. Berthelot a fait ressortir
l’importance de la communication. Il a ajouté qu’il s’agit du
bleu d’Alexandrie, dont la fabrication date de l’époque des
Ptolémées et qui fut importée en Italie vers les premiers
temps de notre ère. C’est à Pouzzoles, centre actif d’importa-
tion et d’industrie, que cette couleur devait se préparer ; c’est
là que les artistes décorateurs s’approvisionnaient.
M. Fouquié pense que le bleu en question était préparé
dans l’antiquité avec du sable et du carbonate de chaux sou-
mis à une haute température et additionnés de cuivre grillé.
On pulvérisait finement ce produit et on l’employait à la ma-
nière des ocres.
Tandis que l’attention des archéologues européens est tour-
née vers la Grèce, Chypre, l’Asie Mineure et l’Egypte, les
Américains poursuivent opiniâtrement et avec un grand suc-
cès leurs recherches dans les Etats du Sud-Ouest et spéciale-
ment en Arizona et dans le Nouveau Mexique.
Dans les vallées du Rio-Salado et de Cézila, Etat d’Arizona,
des villes entières, avec leurs monuments, cimetières, travaux
d’irrigation, ont été découvertes. Cette civilisation ressemble
à celle des Aztèques du Mexique. Les canaux et cours d’eau
artificiels montrent à quel degré de civilisation les popula-
tions étaient parvenues.
Les archéologues ont pu établir que plusieurs de ces villes
avaient une population d’au moins 90,000 habitants. Les
classes riches enterraient les morts sous les planchers de leur
maison ; les pauvres brûlaient les leurs et recueillaient les
cendres dans des urnes qu’on déposait ensuite dans des sépul-
cres.
On a inauguré, il y a peu de jours, au musée de Cluny,
dans la grande salle du palais des Thermes, une exposition
assurément rare et originale.
Il s’agit d’une exposition de cercueils anciens, datant de
l’époque de l’empereur Julien.
Ces cercueils, au nombre de huit, sont en pierre, tout d’une
pièce et dans un état de conservation parfaite.
Au milieu de la salle, s’élève aussi un autel gallo-romain,
dédié à Jupiter, sous le règne de Tibère, et qui fut trouvé sous
le chœur de l’église Notre-Dame, à Paris.
On vient de créer à l’Université de Rome un grand institut
d’archéologie, sous la direction du sénateur Fiorelli, le savant
à qui fut confiée la direction des fouilles de Pompéi.
Il y aura également des bourses d’études. Les élèves à qui
ces bourses seront octroyées auront à faire trois ans d’études
suivies avec séjour obligé à Rome, Naples et Athènes.
Des fouilles pratiquées depuis plus de trois ans par les sol-
dats français à Sousse, en Tunisie, sur l’emplacement de l’an-
cienne ville d’Hadrumète, ont amené la découverte d’une
nécropole punique d’un rare intérêt.
Les chambres funéraires, au lieu de contenir des squelettes,
avec des niches dans les parois pour les recevoir, comme la
plupart des nécropoles phéniciennes, sont remplies de grandes
jarres en terre, pleines d’ossements d’hommes, de femmes,
d’enfants, de vieillards. Tous ces os ont subi l’action du feu
et sont réduits en fragments noirs par endroits, calcinés,
comme ceux que l’on trouve dans les nécropoles romaines, où
la crémation était en usage. Des inscriptions puniques,
peintes sur un certain nombre de ces vases, ne laissent aucun
doute sur leur origine.
Cette découverte est un fait nouveau et d’un grand intérêt,
car jusqu’ici il était universellement admis que les Phéniciens
d’Afrique comme de Syrie ne brûlaient pas leurs morts. C’est
la première fois qu’on se trouve en présence de populations
puniques pratiquant la crémation. D’après les inscriptions, la
nécropole doit être antérieure à la domination romaine ou
contemporaine du commencement de cette domination. En
tous cas, ceci donne à penser que l’incinération n’était pas
aussi contraire qu’on l’a dit aux croyances religieuses des
populations phéniciennes et qu’elle a été pratiquée par elles
en Afrique à une certaine époque, en même temps que l’inhu-
mation.
M. Geffroy, directeur de l’Ecole française de Rome, donne
des nouvelles des fouilles que le P. Germano exécute dans le
sous-sol de l’église des Saints-Jean et Paul. Outre les fresques
signalées déjà par M. Edm. Le Blant, le P. Germano a
retrouvé une nouvelle chambre, à laquelle on n’accède que
par un trou, dans lequel lui seul est descendu. Il affirme qu’il
a vu sur les murs de cette chambre de précieuses et belles
peintures païennes du 11e siècle.
Revue de la presse
Nous avons parlé récemment de l’Opéra de
Paris et des injustes critiques que l’on adresse à
son auteur. Voici que nos confrères quotidiens
attaquent maintenant l’architecte du Burgtheater
de Vienne. A preuve les lignes suivantes de l’In-
dépendance belge :
Comme, de l’accord unanime de la presse et du puhlic, le
nouveau Burgtheater, qui a coûté 3o millions de francs et
dont la construction a duré quinze ans, est une œuvre abso-
lument ratée en tant que théâtre, le journal semi-officiel
Abendpost a cru devoir plaider les circonstances atténuantes
pour l’architecte en chef, M. le baron Hasenauer. Seulement
il s’y est pris un peu à la façon de l’ours de la fable.
C’est bien M. de Hasenauer qui a dirigé les constructions,
qui a touché pendant quinze ans des honoraires très élevés,
qui, finalement, a été décoré le jour de l’inauguration, mais
les plans d’après lesquels il a procédé n’émanent pas de lui.
Ils étaient dus au célèbre architecte Godfried Semper, décédé
il y a une dizaine d’années, qui les avait établis de concert
avec le directeur du Théâtre Impérial, le baron Dingelstedt,
mort également. C’est à ces deux trépassés qu’il faut s’en
prendre si les loges sont établies de façon que trois personnes
sur cinq ne voient rien, si l’acoustique est défectueuse, si la
place manque pour installer les décors et si l’on a oublié de
réserver l’espace nécessaire pour le cabinet du directeur et des
régisseurs. M. de Hasenauer a été le bras qui exécute, mais
son cerveau n’a rien conçu.
Ce plaidoyer avait deux inconvénients. D’abord de mettre
en branle contre l’infortuné architecte, les mauvaises langues
et les railleurs.
Elles ne se sont pas privées de faire remarquer que la révéla-
tion de l’Abendpost arrivait post-factum pour désarmer les cri-
tiques, et elles ont demandé si la paternité des plans, tenue
signeusement secrète jusque-là, aurait été attribuée aussi à feu
Semper, si le nouveau Burgtheater avait été proclamé par
tous comme une merveille de confort et d’entente scénique.
Pour ne pas avoir l’air de rejeter une responsabilité qu’il
aurait revendiquée avec empressement en cas de succès,
M. de Hasenauer a dû désavouer son défenseur, plus empressé
qu’adroit, de l’Abendpost, et déclarer que plans et exécution
étaient son œuvre. A la bonne heure! J’avais peine à croire
que Semper, dont le nouveau théâtre de Dresde restera
comme le modèle d’un édifice dramatique élégant, commode,
confortable, où tout le monde voit et où chacun entend, ait
trempé en quoi que ce soit dans la gigantesque gaffe architec-
tonique du Franzenring. Il y avait vraiment quelque courage
à repousser la perche tendue par Y Abendpost, et les collègues de
M. de Hasenauer se sont empressés de lui voter une adresse
de félicitations. Mais le second inconvénient est plus grave,
on ne saurait y remédier avec des polémiques ni l’atténuer
par des ovations. Semper ou Hasenauer, c’est blanc bonnet et
bonnet blanc ; les défauts de l’agencement intérieur restent les
mêmes sans être modifiés d’un iota. Tout d’abord on a opposé
en haut lieu un nonpossmnus inébranlable à toutes les demandes
de changement et de modification ; aujourd’hui les fiers
Sicambres de l’intendance sont obligés de courber la tête et
de promettre que les changements réclamés seront exécutés
dans la mesure du possible, en partie pendant les congés de
Pâques, en partie pendant les grandes vacances. Cela coûtera
beau à la liste civile.
Tout cela, c’est la faute à l’architecte.
C’est convenu.
Pauvre « bouc émissaire - va!
A la séance du 28 septembre 1888 de l’Académie des inscrip-
tions et belles-lettres de France, M. Siméon Luce a commu-
niqué un mémoire intitulé : Jean, duc de Berry, d’après deux
registres de sa chambre des deniers.
Parmi les traits saillants du mémoire, on remarque surtout
le suivant :
Le duc Jean importa dans les églises de France, l’un des
tout premiers, l’orgue à pédale inventé par le Brabançon
Louis Van Vaelbelie, mort en 1358.
Le Bulletin monumental, si habilement dirigé par M. le comte
de Marsy, a publié dans ses nos 4 et 5 de 1888 une étude de
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L’ÉMULATION.
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