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IÆ PRECURSEUR , Vcmlfcili 20 Novembre 1810.
lilé élevée dans une société où la conquête avait rajeuni le droK antique
de la force par une consécration nouvelle. La possession du territoire
se trouvant étroitement liée au droit des personnes ensuivit les fortunes.
Des proviences furent liées à une domination étrangère, d’autres fu-
rent séparées de leur centre naturel par suite des innombrables vicis-
situdes du droit féodal, et l’essor des nationalités se trouva de toutes
parts comprimé par.l’autorité de prescriptions arbitraires. Ainsi, pour
ne rappeler qu’un seul exemple, les diverses provinces belgiques, dis-
putées tourna tour Comme 'fiefs de l’empire et de la France, devinrent
une pomme d’éternelle discorde au centre même de l’Europe. Le droit
des femmes livra les peuples à toutes les incertitudes de l’avenir, à ce
point que si l’on voulait désigner 1 institution politique la plus funeste
au monde depuis mille ans, personne n’hésiterait à indiquer la succes-
sion féminine. Par elle s’ouvrit, entre l’Angleterre et la France, une
guerre de trois siècles; le droit des femmes nous jeta sur l’Italie au mé-
pris de nos intérêts les plus évidents, et par lui la vaste monarchie es-
pagnole devint l’accessoire de l’héritage d’un prince flamand, petit-fils
de l’héritière de Bourgogne et fils de l’héritière de Castille, et deux fois
en moins d’un siècle le sort de l’Europe dépendit du choix d’une jeune
■fille.
La séparation profonde maintenue par les institutions féodales entre
les races humaines, l’antagonisme permanent de l’empire et de la pa-
pauté, expression de deux forces en lutte constante, opposaient un in-
vincible obstacle à la réalisation de la pensée politique embrassée par
Hildebrand, Conti et tant d’autres illustres pontifes avec l'enthousiaste
persévérance qu’inspirent les grandes choses. Les papes avaient pu
sauver l’Europe de l’invasion musulmane, inspirer et régler le mouve-
ment qui, en la jetant tout entière sur l’Asie, fit sonner l’heure de son
affranchissement politique; ils avaient pu, par de prodigieux efforts,
sauver l’inviolabilité du mariage et la sainteté delà famille, maintenir
les lois de l’église et préserver la discipline, compromises par un dan-
gereux contact avec la puissance seigneuriale; ils purent intervenir
entre les princes et les peuples, quelquefois prévenir la guerre, et tou-
jours en atténuer les rigueurs : mais il ne leur fut pas donné d’asseoir
les relations d’état à état, et d’imprimer à celles-ci une fixité que ne
comportaient ni le droit féodal, ni les mœurs d’une époque toute guer-
rière.
Arrivé au 17me siècle, l'auteur se livre à une appréciation savante
et ingénieuse de l'œuvre de Grotius. Il démontre l'insuffisance de son
point de départ, lui reproche avec raison de ne tenir aucun compte des
modifications qu’avait reçues le monde depuis 1 antiquité, ni des nou-
veaux éléments qui avaient régénéré la société humaine. Cependant
voici ce qu'il ajoute:
On nesaurait méconnaître assurément la grande autant qu’heureuse
influence de l’illustre Hollandais. Par la seule force de sa pensée et de
son savoir, il contribua à recréer pour les nations un code politique
dont les règles furent un bienfait, quelque arbitraire qu’en fût le prin-
cipe. S’il ne retrouva pas les titres perdus du genre humain, il lui en
donna du moins de provisoires, et releva dans le monde l’idée du droit,
encore qu’il la laissât sans garantie sérieuse. Ses successeurs et ses dis-
ciples, à commencer par Puffendorflf pour/finir par Gérard de Rayneval
acceptèrent et maintinrent son principe, mais ils substituèrent de plus
en plus l’autorité de la conscience humaine à celle des faits fournis par
d’expérience et par l’histoire. Le droit des gens se rationnalisa comme
la philosophie elle-même, et finit par se confondre complètement, chez
quelques publicistes modernes, avec le droit naturel proprement dit.
Montesquieu énonça sur les limites du droit de guerre les opinions les
plus humaines. Rousseau, niant la légitimité de tous les pouvoirs non
■revêtus de la sanction populaire.élablit le droit inaliénable des nations
de ne dépendreque â’elles-mémes, et de n’élre régies que par leur pro-
pre souveraineté. Sous l’influence de la philosophie du XVIII- siècle, la
théorie restreignit les droits du gouvernement dans des limites de plus
en plus étroites, pendant qu’elle donnait un essor chaque jour plus libre
à ceux des individus et des nations.
....Achevons de nous rendre compte de ces idées, dont le congrès
'devienne a essayé la réhabilitation ; demandons-nous si le système fa-
meux de l’équilibre sur lequel lïKurope prétendit se constituer après la
grande scission du xviB siècle, présentait dans l’ordre politique plus de
garanties que le droit des gens n’en offrait dansl'ordre moral; recher-
chons si le maintien de ce système, opiniâtrement poursuivi, n'a pas
coûté à l'humanité autant de guerres qu’il a pu lui être donné d’en
prévenir.
Ce fut une ingénieuse idée que celle d’une pondération constituée de
telle sorte que les grandes puissances se maintinssent immobiles à raison
de l’égalité de leurs forces, et queleur équilibre même devint la garantie
de l’indépendance et de la sûreté des états d’un ordre inférieur. Dès
qu’on devait renoncer à fonder l'édifice européen sur l'idée d’un droit
inhérentà chaque nationalité, droit inviolable par lequel celle-ci vit et
se conserve au même titre que l'homme ou la famille elle-même, on ne
pouvait méconnaître ce qu’une telle théorie offrait au moins de spé-
cieux.
Dieu me garde assurément de reprocher au système de pondération
de n’avoir pas empêché la guerre dans le monde; cela serait aussi peu
fondé que d’imputer à crime à la thérapeutique l’existence même des
maladies. Mais je cherche vainement, je le confesse, quels embarras il a
prévenus, quelles vues ambitieuses il a pu contenir, à quelle violence et
A quelle injustice il a su résister, quelle faiblesse et quel bon droit il lui
a été donné de faire triompher en Europe depuis qu’on en essaiei’ap-
plication. L’erreur fondamentale de cesystème consiste à raisonner sur
les nations comme sur des choses inertes, sans tenir compte du mouve-
ment qui les modifieincessamment, et des révolutions qu’un homme ou
une idée introduit soudain dansles .relations de peuple à peuple. Cette
dynamique ne se préoccupe ni de.la pensée ni delà vie. et applique sé-
rieusement au monde de l'intelligence et des passions le mécanisme des
corps inanimés. Elle présuppose d’ailleurs, comment le méconnaître?
d’inimitié naturelle des peuples; elle pose la guerre en principe, comme
l’état normal du monde, et cherche à la conjurer par un obstacle tout
matériel, à la manière de Hobbes, qui prétendait arracher l’espèce hu-
maine à l’anarchie en l’invitant à se réfugier dans le despotisme. Lors-
qu’on creuse cette doctrine, on voitqu’elle repose sur la négation même
du droit, et qu’elle consacre, en lui opi>osant certains obstacles tempo-
raires, le triomphe définitif de la force.
La rivalité de l’Angleterre et de la Russie aspirant au même but par
des voies différentes, tel est le fait désormais Iropconstatécontre lequel
se débat vainement la conscience publique. Du moment où l’Europe
■enivrée d’une victoire attendue si long-temps, et prenant le soin de sa
vengeance pour une inspiration de bonne politique, s'accordait pour
abaisser la France au-delà d’une juste mesure ; du jour où celle-ci, re-
foulée loin du Rhin et dépouillée de la Savoie, cessait d’agir sur l'Alle-
magne et d’avoir pied sur l’Italie, il devait être évident pour tous les
esprits sérieux que la suprémaliecontinentalc passerait désormais sans
^contrepoids à un grand état où la force militaire n’est pas tempérée,
comme elle lefut toujours en France, par d’ardentes sympathies pour
l’humanité.
Le congrès de Vienne crut équilibrer le monde en dépouillant les fai-
bles au profit des forts, en obéissant à toutes les haines éveillées par no-
tre gloire, à toutes les ambitions mallieureusemf nt suscitées par notre
exemple. Tout entière à ses impressions du moment, cette assemblée ne
se préoccupa guère plus de l’avenir quedu passé, et son imprévoyance
prépara au monde la plus pénible des situations, soit que la liberté de
l’Europe Xùtmenacée par l’alliancedes deux puissances prépondérantes,
soit que son repos fût compromis par leurs querelles. Une politique im-
prévoyante autant que passionnée a grandi de ses propres mains ces
deux puissances colossales, qui stipulent aujourd’hui en souveraines sur
le sort de l’Orient, en attendant quelles règlentcelui de l’Europe. L’œu-
vre de Vienne commence à porter ses fruits, et le traité du 15 juillet
1840 a fait enfin apparaître à tous les yeux le (ferme qui se trouvait vir-
tuellement contenu dans les stipulations de 1815.
(La suite à demain.)
ESPAGNE.
Madrid, 10 novembre. — La Gazette de Madrid du 10 publie ce qui suit :
Déclaration du sérénissime infant don Francisco Antonio, et réponse de
la régence provisoire du royaume.
« A la régence du royaume ,
« La reine doua Maria-Christine de Bourbon étant absente du royaume
d’Espagne, et le conseil des ministres ne pouvant annuler les fonctions
de régent et de tuteur, la tutelle de mes augustes nièces, la reine dona
Isabelle II et l'infante dona Maria-Luisa, m’appartient de droit confor-
mément aux lois existantes, jusqu’à la décision des Cortès. L’intérêt
national et l’amitié que je porte aux filles de mon frère et roi me font
désirer de me charger immédiatement de leur tutelle. J’adresse donc la
présente déclaration à la régence provisoire, me confiant en la loyauté,
l’honneur et le patriotisme des membres qui la composent, et j’espère
que son appui et sa coopération me faciliteront l’exécution d’une charge
si élevée et si délicate.
Paris, le 25 octobre. Francisco Antonio, infant d’Espagne.
Itéponse au sérénissime infant don Francisco Antonio.
« La régence provisoire du royaume a reçu la déclaration de V. A.,
datée de Paris, le 25 octobre dernier, et le manisfeste qui l’accompagne
ayant pour objet de réclamer pour V. A. par suite de l’absence de S. M.
la reine-mère, la tutelle de notre reine dona Isabella 11 et de l'infante
dona Maria-Luisa. Comme cette matière est de la plus haute importance,
et renferme des questions graves et d’une solution difficile, la régence,
désirant agir avec prudence, a consulté le tribunal suprême de justice,
et aura l’honneur de vous informer en son temps du résultat de cette
consultation. Elle prie, en attendant, le Seigneur de conserver la vie de
V. A. pendantde longues années.
Madrid, le 3 novembre 1840.
Les membres de la régence provisoire du royaume. »
FRANCE.
Paris, 18 novembre. — La commission de l’adresse de la chambredes
députés s’est réunie hier à une heure.Elle est restée 2 heures en séance,
et a nommé M. Dupin rédacteur de l’adresse.
La commission se réunira demain pour prendre une résolution défi-
nitive.
Les commissaires de l’adresse ont déclaré à M. Dupin que s’il n’ac-
ceptait pas, ils nommeraient M. de Salvandy.à sa place. Cet argument
a fait cesser l’hésitation de M. Dupin.
Il est probable que son travail sera lu à la chambre dans la séance de
samedi prochain.
— Hier, la t resse demandait s'il était vrai que les travaux de la com-
mission de l’adresse, à la chambre des députés, fussent retardés par la
disparition de certaines pièces diplomatiques.
« Si le cabinet actuel, dit l’Univers, ne peut pas communiquer toutes
les pièces demandées, c’est uniquement, assurément, parce que M.
Thiers, pendant son ministère, a adressé un très petit nombre d’instruc-
tions diplomatiques à nos agents à l’étranger. »
Physionomie de la presse française.
Les journaux de Paris s’occupent aujourd’hui de la discussion qui a
commencé à la Chambre des Pairs sur le projet d’adresse en réponse
au discours du trûne. Leurs commentaires portent principalement sur
le paragraphe relatif aux affaires d’Orient : et, quant à l’ensemble du
projetd'adresse ils le trouvent généralementletonqui y règne pluséner-
gique que celui du discours du trône. — Les organes du 1" mars s’oc-
cupent aussi de l’article que le Journal des Débats publiait hier pour
expliquer son opinion sur la note de lord Palmerston du 2 novembre,
et l’attaquent vivement.
Le SIECLE se demande ce que signifie la recrudescence belliqueuse
du Journal des Débats, si cela veut dire qu’il a connaissance de la sou-
mission du pacha d’Egyple et de la grâce qui lui aurait été accordée, et
que ces faits étant accomplis, le ministère veut se donner l’air d’em-
porter par la force les conditions infligées à l’allié de la France. Il de-
mande aussi au Journal îles Débats, comment il a senti le besoin de se
diffamer lui-même, et quelle est la nouvelle comédie qu’il prépare. « Ja-
mais. ajoute-t-il, en France, sous aucun régime, jamais chez aucun
peuple il ne s'est rien passé de plus honteux que ce brusque revire-
ment dont nous avons été les témoins; et, par respect pour le pays, nous
vous en supplions, ne recommencez pas à donner un pareil spectacle. »
Le CONSTITUTIONNEL, qui s’occupe du môme sujet, s’applique ce
matin à établir une solidarité entre la France et le cabinet du 1« mars.
Quand les alliés répondaient à ce dernier, dit-il, ils entendaient bien
s’adressera la France; si donc il y a eu insulte elle existe pour le pays
aussi bien que pour le ministère.
Quand au projet d'adresse, voici comment le même journal l’apprécie:
« L’œuvre de M. Barthe ne brille ni par la (netteté ni par la précision.
Un interminable paragraphe est consacré à la question d’Orient, et il ne
dit pas tout ce qu’il devrait dire. Cependant il faut être juste. La Cham-
bre, qui a pris hier, à huis-clos, communication du projet, afaitdesages
observations auxquelles la commission a adhéré. S’il faut en croire des
bruits répandus, et qu’un journal reproduit ce matin, le bureaux au-
raient demandé des modifications importantes au projet, lesquelles ont
été accueillies. Cette assemblée, où siègent tant d’illustres généraux, n’a
pas cru devoir dire,par exemple,que la guerre était une extrémité redou-
table. Le paragraphe sur l'Espagnea été également purgé d’uneexpres-
sion qui était tout à la fois une inconvenance et une maladresse. Nous féli-
citons la noble Chambre des améliorations qu’elle a de prime abord in-
troduites dans son projet de réponse au discours du trône, et nous dé-
sirons que la discussion publique complète ce travail d’amélioration.
Telle qu’elle est cependant, l’adresse, nous n’hésitons pas à le recon-
naître, est plus explicite et plus énergique que le discours du trône. »
Le COURRIER FRANÇAIS dit que la Chambre des Pairs s'avise un peu
tard de déclarer que la France entière se lèverait comme un seulhomme
plutôt que de consentir à l’abaissement du pays.
« Cette déclaration, ajoute t-il, aurait produit quelque effet sous un
ministère énergique; elle n'a plus l’air que d’une fanfaronnade en face
d’un cabinet qui a déjà rendu la guerre impossible, et qui ne peut plus
obtenir la paix avec honneur. »
Dans un autre article il reproche ensuite au ministère de ne traîner
les choses en longueur que pour préparer les esprits aux changements
que la politique va subir.
« Ne pouvant, dit-il, ou ne voulant pas satisfaire les susceptibilités lé-
gitimes de l’honneur national, on s’arrange pour les tromper. Mais la
France ne prendra pas le change sur les intentions du cabinet. On sait
ce que M. Guizot est venu faire ; qu’il se hâte donc et qu'on ne nous ar-
rête pas plus long-temps dans la boue. »
Le JOURNAL DES DÉBATS trouve noble et ferme le projet d'adresse
aie la Chambredes Pairs.
« Toute la politique de la France y est résumée en peu de mots, dit-
il; au dehors, se mettre en mesure d’observer, avec une entière liberté
d’action, le cours des événements; tendre à la paix, dont le maintien
intéresse si essentiellement les progrès de la civilisation; être prêt à
faire la guerre si l’honneur de la France le demande; au dedans, com-
battra les factions et l’anarchie avec les lois existantes. Voilà le pro-
gramme que le projet d’Adresse propose au nouveau cabinet, et nous
ne doutons pas que la Chambre des Pairs ne l’adopte comme l’expres-
sion de ses vœux et de sa sagesse. »
La PRESSE ne voit dans l’adresse proposée qu’un seul paragraphe
qui soit remarquable, celui qui est relatif aux affaires d’Orient; quoique
fort développé il est fort difficile, selon lui, d’en saisir l’esprit.
« C’est donc, ajoute-t-il, dans les commentaires qu’il faut chercher
l’esprit de la majorité. Mais ici les ténèbres nesonl guère moins épaisses.
Trois ou quatre orateurs ont pris la parole aujourd’hui. Tous ont ex-
primé des opinions divergentes. Ils ne se sont entendus que sur un seul
point, et cet accord mérite, par .sa rareté même, d’être soigneusement
constaté. C’est la politique du ministère du !«■ mars qui a eu les hon-
neurs de celte unanimité : tout le monde la blâme, tout le monde la
déplore; de tous les points de l’horizon on accourt pour lui jeter la
pierre.» _____________________
Chambre des Fairs.
ANGCiETER RE.
Londres, 17 novembre. — .Le prince Esterhazy a rendu aujourd’hui
visite à plusieurs membres du .cabinet; il devait être également reçu
par la reine. Malgré le retour du prince, le départ de M. de Nieumaûn
n’aura pas lieu de quelque temps.
. — Un terrible ouragan a régné sur les côtes d’Angleterre dans les
journées de vendredi et samedi derniers. Plusieurs bâtiments en rade
dans les ports de Douvres, de Ramsgate, de Southampton ont éprouvé
de fortes avaries; d’autres embarcations en mer ont dû se réfugier dans
les ports ; cependant on n’a pas à déplorer de sinistres considérables.
Quelques personnes à bord des petits bâtiments de la côteont cepen-
dant perdu la viepar l’échouementdesembarcations qu’elles montaient.
La tempête a causé dans le chantier de Southampton des dégâts qu’on
avait d’abord beaucoup exagérés et qu’on évalue à 2,000 livres. Un
sloop, du nom de Persévérance, a échoué près de Grimsey et.I’équipap-e
s’est noyé. ' "
Fin de la séance du 17 novembre.
m. le comte de montalembert, après avoir développé toutes les con-
sidérations, exposé tous les motifs qui, selon lui, rendent Méhémet-Ali
indigne des sympathies de la France , après avoir signalé les erreurs
du cabinet du l<r mars dans la question d’Orient, déclare, en résumé,
qu’il ne croit pas que le moment actuel soit opportun pour une guerre;
il croit à la force, à la grandeur, au courage de son pays, mais il ne
croit pas que la France doive prendre les armes dans une pareille oc-
casion, pour une pareille guerre. Il a soutenu le ministère du W mars;
mais il regrette ses fautes, et désire que ses successeurs ne les renou-
vellent pas.
m. villehain, ministre de l'instruction pcblique, répond an précé-
dent orateur. Il justifie la France d’avoir signé la note collective du 27
juillet 1839, et réfuté le reproche d’avoir repoussé la proposition faite
par l’Angleterre de forcer les Dardanelles. Une pareille proposition n’a
jamais eu lieu. Quant à la restitution de la Hotte ottomane, la France
l’avait conseillée à Méhémet-Ali ; mais le vice-roi s’y était refusé. La
France ne pouvait donc accepter le parti extrême de brûler et cette
flotte et la flotte égyptienne dans le port où elles étaient à l’abri ; cela,
dit M. le ministre de l’instruction publique, n’eût pas été humain,
c’eût été barbare.
M.Villemain explique comment la France et l'Angleterre n’ont pu
s’entendre, et comment alors le gouvernement français a dû adopter’
une politique qui n’engagerait pàp l’avenir.
m. le comte serrurier présente de longues considérations sur la situa-
tion de la Porte-Ottomane.
Séance du 18 novembre.
La séance est ouverte à une heure trois quarts.
On remarque dans la tribune diplomatique plusieurs députés. MM.-
Teste,Duchâtel.GuizoletCunin-Gridaine occupent le banc des ministres.
M. le secrétaire lit le procès-verbal de la première séance.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet d’adresse
en réponse au discours de la couronne.
m. cunin-gridaine monte à la tribune et donne lecture des deux pro-
jets de loi présentés à la Chambre des Députés pour indemnités à ac-
corder aux victimes des dernières inondations et pour réparations à*
faire aux ponts, digues et routes détruits par suite de ces sinistres.
m. le président invite la Chambre à se réunir immédiatement dans
les bureaux, mais la Chambre ayant décidé qu’elle ne procéderait pas
à la formation d’une commission, la séance continue.
m. PEI.F.T (de la Lozère) monte à la tribune pour donner des explica-
tions sur la conduite du ministère sortant. L’orateur, reprenant de très;
haut la question d’Orient, rappelle l’accord qui a long-temps existé
entre l’Angleterre et la France, au sujet de cette question, et leur désir
commun d’arracher Constantinople au protectorat de la Russie. Il fait
ensuite un court résumé des événements jusqu’à la bataille de Nézib
qui fut le signal d’un échange de négociations entre les deux puissan-
ces. C’est alors que le gouvernement francais signa la note du 27 juillet.
Cette note fixait d’une manière irrévocable la politique de la France.
Depuis, un rapprochement a eu lieu entre la Russie et l’Angleterre au
détriment de l’alliance française. Mais parce que l’Angleterre se sépa-
rait de nous, était-ce une raison pour changer de politique ? Etait-il
juste, quand la France avait sanctionné les résultats de la bataille de
Nézib, était-il juste qu’elle fit partie d’une coalition tendant à annuler
ces résultats ?
m. guizot. (Profonde sensation.) L’orateur dit que le cabinet actuel
n’a pas de passé à défendre et que par conséquent lui membre de ce ca-
binet ne répondra pas aux interpellations qui lui ont été adressées; mais
qu’il importe néanmoins, ajoute-t-il, de préciser la politique que le mi-
nistère est disposé à suivre. Le discours île la couronne est l’expression
de cette politique. M. le ministre réfuté ce qui a été dit au sujet d’enga-
gements pris par la France, vis-à-vis du pacha; il réduità sa juste valeur
cette solidarité que l’on a voulu établir entre les intérêts de la France et
les intérêts de l’Egypte. Si des armements ont été ordonnés, s’ils sont
maintenus, c’est que les puissances pourraient être entraînées dans
l’exécution du traité du 15 juillet plus loin qu’elles ne le voudraient elles-
mêmes. Ces armements sont logiques comme mesures préventives,
mais n’ont pas d’autre portée; car, ajoute l’orateur, nous croyons à la
paix, nous y travaillons; c’est là notre politique hautement proclamée.
L’orateur réfute ensuite les sophismes que l’opposition ne cesse de
mettre en avant pour faire voir la France insultée là où elle ne l'est pas.
La déterminationprise par les quatre puissances,enagissant de concert
sans la coopération de la France, constitue, ainsi que le reconnaît M. le
ministre, un mauvais procédé, un manque d’égards, mais elle ne con-
stitue pas une insulte. Qu’a fait l’Angleterre ? A trois ou quatre reprises
différentes, elle a invité la France à s’associer à sa politique et ce n’est
que sur le refus obstiné et formel de la France qu’elle s’est décidée à
signer sans elle le traité du 15 juillet. On a dit, poursuit l’orateur, que la
France perdra toute influence en Europe, si elle ne sait pas recourir à
la guerre ; mais. Dieu merci, la guerre est un moyen d’influence com-
plètement usé. Qu’on n’aille pas parler de sanglantes réparations, de
vengeances; qu’on laisse seulement la France penser, prospérer, vivre
riche et tranquille au sein de la liberté et elle sera plus sûre de son in-
fluence qu’en appelant à son aide le régimede la force matérielle et bru-
tale! C’est encore un lieu commun de conversation et de tribune que
cette influence n’a cessé de baisser depuis dix ans. Jamais pourtant la
France n’avait joué un aussi grand rôle dans les affaires d’Europe. Elle a
conquis, moralement parlant, la Belgique qui lui était hostile, la Suisse
qui lui était hostile, l’Espagne qui lui était également hostile.
m. de MONTALEMiiERT demande la parole pour répondre, dit-il, à un
fait personnel, mais il se borne à reprocher à M. Guizot son obstination
à vouloir la paix à tout prix.
m. guizot se lève vivement et dit qu’il ne voudra jamais cette paix au
prix du déshonneur de la France. Il repousse toute interprétation que
l’on aurait pu donner dans ce sens à ses paroles. (Vives marques d’ap-
probation.)
M. Guizot descend pour la seconde fois de la tribune. La Chambre,
silencieuse et recueillie pendant tout le discours du noble orateur, se li-
vre à de bruyants commentaires.
m. le comte de boisst lit un discours que le tumulte nous empêche
d’entendre. Personne ne demandant la parole, M. le président lit le pro-
jet d’adresse.
La séance continue.
BEUC2IQUE.
Bruxelles, 20 septembre. — C’est aujourd’hui à midi que sera reçue
par le roi la députation de la chambre, chargée de lui présenter l’adresse.
Chambre «les Représentante.
Séance du 18 novembre.
( PRÉSIDENCE DE M. FAI.LON. )
(Suite. — Voir le Précurseur d’hier.)
La chambre adopte par 50 voix contre 1 (M. Jadot), les projets de loi
conférânt la naturalisation ordinaire aux pétitionnaires suivants : MM.
1. Le comte Arrivabène, rentier à Gaesbeek.
2. H. J. Dupont, négociant à Dour, arrondissement de Mons.
3. Eug. L. F. Robert, receveur du chemin de fer à Matines.
4. H. Félix Ange Verdust, commis des accises, à Beveren.
5. Ch. Soyez, à Tilleul (Liège).
fi. Martial Duvernay, chapelier, à Nieuport.
7. Marie Joseph Abel Detraud, instituteur, à Ville-Pommerœul.
8. H. Joseph Baux, instituteur, à Florennes.
9. J. Baptiste Weterings, pharmacien, à Bruxelles.
10. F. A. C. Joseph Catleau, cultivateur, à Néchin.
11. A. Joseph Dubrule, cultivateur, à Ramegnies-Chin.
12. J. Baptiste Durule, cultivateur, à Ramegnies-Chin.
13. L. J. üruinel, cultivateur, à Neher.
14. A. J. Cholleau, typographe, à Bruxelles.
15. Ern. Jeannin, sergent d artillerie, à Anvers.
16. Casimir Wibault, fermier, à Bleharies, près de Tournay.
17. F\ C. üebruich, major pensionné, à Namur.
18. H. Rogissarl, négociant, à Mino (Virton).
19. J. N. Begasse, fabricant, à Liège.
20. D. F. G. Bryckx, fabricant de tabac, à Fûmes.
'41. Th. Biolley, commis de commerce, àVerviers.
22. A. A. C. Dernancourt, fermier, à Maulde.
23. R. F. J. Lefebvre, cultivateur, à Hérinnes.
24. J. Pascal-Léopold Casin, propriétaire, à Lens.
Les demandes suivantes en naturalisation ont obtenu toutes la majo-
rité absolue :
MM. J.-J. Marchand, marchand de bois, à Scory (Hainaut).
Begrand, commissionnaire à Halency (Luxembourg).
Anl.-Napol. Uubue, instituteur, à Bruxelles.
Pierre Aulard, major du 16- régiment d’infanterie.
Firmin Lavisé, aide-de-camp du général Buzen.
Ainand-Louis Tardieu, sténographe de la chambre.
Constant Lenowsky, capitaine d’état-major.
Cliris.-Théob. Pellerin, capitaine d’état-major général.
.Pierre-Louis Petit, lieutenant de vaisseau.
Henri Schuster, négociant, à Bruxelles.
Egide-Rodolphe-Nicolas Arenzt, professeur à l’université catholique.
Jacques-Nathan Maurice, chirurgien-pédicure, à Bruxelles.
Amélie Wood, négociante à Bruxelles.
Christian Thiédé, médecin à Namur.
Jean-Nicolas Zerran, capitaine de navire.
Antoine Esehussier, épicier à Bruges.
Antoine Gabriel de Becdelièvre, rentier à Aubin Neufchûteau.
Jean-Baptiste Gabriel Lemaire, tonnelier à Nieuport.
L’ordre du jour appelle ensuite le rapport des pétitions.
m. lange (député du Hainaut, que l’on confond souvent avec M. de
Langhe de la Flandre Occidentale) premier rapporteur, a présenté plu-
sieurs rapports, parmi lesquels nous remarquons le suivant :
Par pétition du 23 janvier 1840.
Le sieur Lion, de Bruxelles, invoquela justice de la chambre pour ob-
tenir un dédommagement du chef des pertes qu’il a essuyées sur une
fourniture desoixante-quatre chevaux de racedanoiseetallemandequ il
a faite au gouvernement. _
Les principaux motifs que le sieur Lion fait valoir, à l’appui de sa
demanderont : que ses achatsétaient conclus lorsque le gouvernement
prussien publia, le 28 janvier 1839, un décret qui prohibait la sortie des |