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Vendredi S Janvier.
1883. — Üüaranie-huiüèffie année—
âBONNMBNTS *
Mua ass baraaax at «bas tou» la» Direet»*» 4a
poat* (franco de pot <), poar :
Anver*............. par trim*» trs, Vf 13.60
( » . . 16.-
ta Belgique.......{ » semestre » 30.—
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Foa i’atrwiKar, la* frai» d’expédlèwn eu au*-
feat abonnement pourrait JasqaV r«t«s
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PATiSMKNT PAR ANTICIPATION.
ON S'ABONNIS : A PARIS, à l’Agttut Havi».
Pla*a de la Bouraa; a Londres, ehez MM. Daviks
Prix du numéro i 20 centimes,
LE PRECURSEUR
Journal Politique, Commercial, Maritime, Littéraire et Artistique.
CHEMIN DE FER DE L’ETAT. — D'Anvers pour Maline* 5.40 m., B., 3.30»., B., — Four
Bruxelles o.to, Ö.3J, 7.20 JS., «.15 B., 9.50, 10.50 B., 12 E. 12.22, 1.15 B., 3.15 B., 3.54, 4.35 B.,
4.45, 5.54,6.5015., 8.20 B., 9.13, 10.15 E. — Termonda et Gand 5.50, 8.27, 1.23, 4.50, 7.23, E. —
Alost (par Te,-monde) 5.15, 9.50, 12.15, 3.54, 4.45, (par Bruxelles,) 5.15, 6.50, 7.40 B.,
9.15, 9.50, 12.15, 1.15, 3.15, 5.54, 6.50 E., 10.15 E. — Pour Louvain 5.15,5.40 B., 7.40,
9.15 E., 9.50, 1.15, 3.54, 4.45. 6.50. 7.28 E., 9. — Ninove, Grammont, Leaaiuet Ath (par
Bruxelles-Nord) 5.15. 10.50 E., 12.15, 3.54, 6.50 E. — Bruges, 0»tende (par Matines)
6.40,9.50, 12.15,3.54. 4.45 B.; (par Bruxelles) 5.15, 6.50,7.40 B., 9.50, 10.50 B., 12.15.10.15 B.,
3.15 B., 3.54, 4 45. — Courtrai. Mouscron, Tournai, Lille 5.15,9.50, 12.15, 3.54, 4.45. — Calai»
12.15, 4.45 B.. 1» at 2« el. — Tirlemont, Liège et Vervier* 5.15, 9.15 B., 12.15, 1.15 B., 3.54,
4.45 B., 5.55. — Landen 5.15, 9.50,12.15, 4.45 B., 5.55,6.50 B. — Spa 5.15, 9.15 B., 9.50, 12.15,
4.45 B. — Allemagne 5.15, 5.40 B., 9.15 B., 9.50, 12.15, 4.45 B., 10.15 B. — Boom 6.42, 8.25,
11.05, 1.50, 5.10, 7.45,10.20. Retour : 5.05, 7.38, 9.28,12.05, 3.20, 6.12, 8.50. — D'Anver» (Sud) A
Boom 5.50, 7.06, 10.04, 11.30, 4.17, 7.12 8.15. - De retour à 4.40, 6.21,7.55, 10.37,2.30,4 32, 7.14. -
D’Anver» a Eeekeren,Cappellen,Calmpthout,Es»chen et Roosendaal 6.08,7.20 B.,7.47,10.08,10.20,
2.30,3.17 B. 6.10,8.14. Pour Rotterd.,La Haye ot Amstard. 7.20 B., 10.20, 3.17 B.,6.42, 8.14.Pour
Rotterd.et La Haye en outre, 6.40 et 8.14 «oir.—De Bruxelles à Anvers 5.27,6.17 B.,7.22,8.(6 B.,
8.26 B.,9.53,10.50 B., 12.05B, 12.45, 2.33 B.,2.45, 3.40, 4.34, 4.59B., 5.36B.,6.32,8.05B.,9,10B ,12.
P. i. DELA MONTAGNI
DIRlCTBim-ÔÙRAKT.
BUREAUX : Rub dk l’Amman , 1.
Place du Muséb, Anvbrs
-CHEMIN DE FER GRAND CENTRAL BELGE. - D'AvVERS pour Lierre 6.13, 7.03, 9.25
10.55,1.06, 1.35, 5.02, 6.40, 7.10. — Aerschot, Louvain, 7.0s, 9.23. 1.35,5.02, 7.10. — OttignU»
Jrl6uru«, Lodelimart, Charleroi, 7.0i, 1.35, 5.0i. - Ber/ee, Walcourt, Ma-ienb., Vireur 7 08 1 35
AiX-ia-Chapelie 7.08,9.2,3 1,35, 5.02. - Héronthali. et furnhoat
o.iy, 10.57, 4.55,*7.12.
LIGNE D’ANVERS-GLADBACH. - R’anvkrs pour HèranthaU, MoU, Neerp«lt, Ruremosde,
«laaoaen. o.lo, 1.1 j, 6.40.
ANVERS (E»t) A GAND (par Boom 5.50, 8.27 mat., 1.23, 4.50, 7.23 «oir.
LIGNE D’ANVERS A CÔNTIGH. — D’anvers (Sud) pour fioboken, Wllryek, Vleax-Dle*.
Contich et Lierre 5, 8.12,9.20 h. matin. 3.15, 7.05,8.53 n. «oir.
PAYS DE WAES. — D’Anvers pour Gand 7.12, 8.55 B., 10.55, 2.05, 3.45 B. 5 10 K 7 30
— De Gand pour Anvers 4.25,7.(B. 8 B.,9.25 0.. in. 50. 2.20, S.15 B..5.25 B. 7 19 -xvu-',ov‘
BATEAUX A VAPEUR. — Du 22 Novembre 1882 au 31 janvier 1883. - d'anvers pour Ru-
pelmondeet Tamise 3 b. — De tamise pour Rupelmonde et Anvar* 7.15 h. — d’anvers pour
Rupolmonde 11 h. m. - De rupelmonde pour Anvers 12.30. - Les Dimanches et jours de fête
in 9 P°Ur KuPelmoüda et Anvers 7.30 et 12.30 h. - D’Anvers pour Rupelmonde et Tamise
Vendredi 5 Janvier.
ANNONCES :
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bureaux de M. louis legros,rue 4e i'Amman.l
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INISURTIOlVIi
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Réclame» (fin du Journal) la ligne....'..
Faite-divers, la ligne..........
Rubrique d’Anvers, la ligne .............
Réparation Judiciaire, la lign*..........
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. 1.—
2.—
2.50
8.—
Ce tari! n’est pas applicable aux annonce»
d émission et de souscription.
_ , —o—
y- Les annonces sont mesurées au Ligna-
nétre. — Les tttret te paient SC après Csspaci
tu ut occupent. On ne peut garantir les dates
U (ns4t*twns.
RÉSUMÉ POLITIQUE
Le Journal officiel français publie un décret du
président de la République, contresigné par le mi-
nistre de l’intérieur et des cultes et par le ministre
des finances, qui, de l’avis du conseil des ministres
•t le conseil d Etat entendu, ouvre, en l’absence du
Parlement, un crédit extraordinaire provisoire de
20.000 francs, à cette fin de pourvoir aux frais des
funérailles faites à M. Gambetta.
La date de la cérémonie funèbre a été reculée,
comme nous savons : elle a été définitivement fixée
par le gouvernement à samedi matin. Le cortège
partira à dix heures du Palais-Bourbon. Ce délai a
été décidé pour laisser aux nombreuses délégations
qui sont annoncées des départements, de l’Alsace-
Lorraine et de l’étranger, le temps de se rendre à
Paris. Le conseil général de la Seine et le conseil
municipal de Paris ont tenu hier une réunion com-
mune, sous la présidence de M. de Bouteiller, et
©ùt résolu de prendre part, en corps, aux obsèques.
Cef. exemple a été imité par un nombre considé-
rable d’assemblées départementales et communales.
Ng'us avons rapporté, sous la rubrique France,
les d Mails de la translation de la dépouille de M.
Gamb îtta au Palais-Bourbon, où elle est exposée
dans 1.» salle des fêtes, transformée en chambre
ardente. Une dépêche de Paris nous apprend ce
matin qne, dans l’après-dîner et la soirée d’hier,
150.000 personnes ont visité le Palais-Bourbon.
La Paix a publié un article bien remarqué où il
est dit que les étrangers qui s’imaginent que la
disparition de Gambetta constitue un danger pour
la République, se trompent étrangement. Une
autre illusion assez répandue, surtout en Allema-
gne, ajoute ce journal, consiste à croire que la
mort de Gambetta modifiera profondément, dans
le présent ou dans l’avenir, la politique extérieure
de la France. La France ne désire pas la guerre,
mais elle ne la craint pas non plus. Si la guerre lui
4tait imposée, elle la ferait sans Gambetta comme
elle l’aurait faite avec lui. Les dispositions belli-
queuses prêtées à l’éminent homme d’état n’au-
raient pas entraîné, malgré elle, la République à
la guerre. D’un autre côté, ce n’est pas la perte du
grand orateur qui lui ôtera la force de défendre,
en cas de nécessité, ses intérêts et son honneur.
On télégraphie de Londres au Temps que lord
Granville a adressé avant-hier au quai d’Orsay
une note portant que le cabinet britannique n’a
pas de nouvelles propositions à présenter au gou-
vernement français relativement à la question du
contrôle. Cette déclaration répond à la dernière
note par laquelle M. Duclerc, repoussant l’oflre
faite à la France de la présidence de la commis-
aion de la caisse de la Dette publique, exprimait
l’espoir que le gouvernement de la reine, mieux
éclairé sur les vues de la France, prendrait l'ini-
tiative de nouvelles propositions propres à donner
k*itisfaction aux intérêts français en Egypte.
(On mande de Rome qu’un homme misérablement
h* Villé a tiré hier trois coups de revolver sur
l’an.vbassadeur austro-hongrois près le Vatican. Les
coups’ ont manqué.
Une dépêche de Madrid annonce que le ministre
des finaL'COS d’Espagne, M. Camacho, a présenté
hier matin k'u conseil des ministres, son rapport
sur la situaiti m financière. Il y déclare que la pé-
riode des déficits est close, mais il est nécessaire,
ajoute-t-il, de li.miter les dépenses au strict néces-
,aUne fièvre de ré vision constitutionnelle s’est em-
parée d’un grand nombre d’Etats secondaires de
l’Europe • la question se trouve simultanément à
l’ordre du jour dans les deux Eta't» ibériques, dans
les Pays-Bas et en Roumanie. Le royaume du roi
Carol paraît devoir être le premier pays dans lequel
une satisfaction sera donnée à ces aspirations. L»
décision du Parlement de Bucarest, qui a fait mon
ter les deux anciennes Principautés-Unies dans la
hiérarchie internationale, fournirait une occasion
toute naturelle de reviser le pacte constitution-
nel ; il convient en effet, pour la bonne règle,
de mettre le titre fondamental de la dynastie en
harmonie avec la qualification royale décernée au
prince de Hohenzo liera par son peuple. Mais on ne
veut pas se borner à cette modification de pure
forme, et une agitation s’est produite en Roumanie
en faveur du remaniement de la Constitution dans
le sens d’une plus large admission des citoyens à
l’exercice des droits politiques et de l’abrogation
de certains vestiges du régime féodal qui subsistent
encore dans la législation roumaine.
Des lettres particulières de Saint-Péterbourg
annoncent que le czar aurait trouvé dimanche
dernier dans sa chambre à coucher une nouvelle
proclamation émanant du comité révolutionnaire
russe, demandant qu’enfin on commence la réalisa-
tion des réformes promises depuis si longtemps, et
ajoutant que le comité révolutionnaire est assez
fort dès à présent pour obtenir ces concessions au
besoin par la force.
Notre correspondant russe nous télégraphie que
le ministre de l’intérieur vient d’interdire la vente
au numéro du Golos, déjà si souvent suspendu, et
que M. Warsemaky, directeur de l’administration
de la presse, adonné sa démission.
On mande de Varna au Daily News :
Suivant des avis reçus de Constantinople, le con-
sul italien à Tripoli aurait été insulté à la prome-
nade par un officier turc.
Le consul aurait répondu à l’agresseur en le frap-
:pant, et l’aurait même blessé.
La population musulmane, vivement surexcitée,
portée en masse devant le palais du vali pour
M demander réparation de cet acte de violence.
Ls vali a télégraphié à la Porte pour l’informer
du fait.
De son côté, le consul a adressé à l’ambassade
italienne de Constantinople une dépêche dans la-
quelle il se plaint de la conduite de l’officier turc.
La Porte est, dit-on,vivement alarmée de cet in-
cident. Elle craint une occupation immédiate de
Tripoli par l’ItaMe. Mais cette crainte n’a évidem-
ment aucune rais on d’être. L’incident est un soi
de mince importances
En Knssie,
Malgré ses immenses ressources, la Russie
«St certainement la nation européenne qui a
le moins progressé pendant ces vingt dernières
années. Si le gouvernement actuel est animé
d’un esprit d’économie que n’avait pas son
prédécesseur, en revanche, il ne se montre
guère plus libéral. Nous ne voulons pas parler
cependant de la situation morale de cet em-
pire, auquel on refuse obstinément une Con-
stitution et qui est livré à l’arbitraire d’une
administration rapace et corrompue. C’est
de sa situation économique que nous enten-
dons dire quelques mots aujourd’hui.
Pour commencer, il faudrait remonter aux
grandes crises gouvernementales-russes, pour
retrouver un cours aussi bas du rouble-papier.
Il est évident que 197 marks pour 100 roubles
est un change qui ruinerait tout Etat occiden-
tal. Aussi les victimes sont-elles nombreuses
en Russie, mais en général la masse se préoc-
cupe médiocrement de ce qu’on paie le rouble
à Berlin ou ailleurs,et les politiciens haussent
dédaigneusement les épaules. C’est une er-
reur assez répandue en Europe de s’imaginer
que la Russie puisse se laisser influencer
par la politique économique de l’extérieur. On
est bien trop peu habitué, dans les sphères
gouvernementales de ce pays, à s’émouvoir
du malaise de populations entières, pour se
préoccuper de l’état du marché monétaire en
dehors des époques où l’Europe réclame le
payement de ses intérêts.
Quiconque examine un peu attentivement
la situation des finances russes ne saurait
s’étonner des soubressauts subis par le mar-
ché monétaire. On a bien vite fait d’attribuer
aux Israélites l’affaissement du change, mais
il faudrait prouver que ce sont aussi les Juifs
qui ont désorganisé les finances, dont l’ébran-
lement du crédit public n’est que la consé-
quence logique. Or, le Journal de Saint-Pé-
tersbourg a démontré, chiffres à l’appui, que
si l’industrie et le commerce ont particulière-
ment prospéré dans certaines parties de l’em-
pire, c’est aux juifs qu’ils le doivent.
On ne connaît plus en Russie que les bilans
en mali. Le budget de 1881 clôturait par un
déficit de 54 millions, et encore soupçonne-t-on
le gouvernement de ne pas avoir avoué toute
la vérité. Les principaux journaux financiers
de la capitale arrivaient en effet, dans leurs
évaluations, à un chiffre de 80 millions.
Cette année 1881, il e3t vrai, a été la der-
nière du règne d’Alexandre II, que l’on accu-
sait de dépenser sans compter. On a donc cru
qu’il suffirait de restreindre le nombre des
fonctionnaires, d’imposer un frein au luxe de
la cour et de grappiller quelques mil lions par-ci
par-là, pour rétablir l’équilibre. Vain effort,
car le mal n’a pas tant son origine dans le
gaspillage gouvernemental que dans la dimi-
nution de la production, et au lieu de réaliser
ce que nous appelons vulgairement mais éner-
giquement des économies de bouts de chan-
delles, il eût été plus sage de dépenser pour
ouvrir des débouchés nouveaux et assurer aux
producteurs, par des travaux publics et intelli-
gents, toutes les commodités et la sécurité
nécessaires. A la vérité, on a créé des lignes
de chemin de fer, mais dans des conditions si
malheureuses que le travail doit être refait.
Une de ces lignes, cependant, était pratique-
ment conçue et le commerce en attendait un
secours sérieux. Mais voici que la construc-
tion vient d’en être interrompue par un arrêté
du ministre de la guerre qui la déclare con-
traire aux intérêts de la défense de la fron-
tière !
Interrogez le cultivateur de Novgorod, de
Moscou, de Kursk, de Samora, il vous répon-
dra invariablement que l’agriculture péri-
clite, que la production du Sud comme la
production du Nord diminuent, la première
épuisée par une culture forcée, la seconde,
faute d’une administration capable de mettre
le rendement en rapport avec les frais d’ex-
ploitation.
Manque de moyens de transports, de gre-
niers et d’entrepôts. Faute de dépôts conve-
nables, le négociant, qui n’a que de rares
offres en automne,voit son grain se gâter dans
les meules. A-t-il le bonheur de posséder des
greniers, les sacs qu’il transporte à grand-
peine et à grands trais à la station lointaine,
moisissent pendant des semaines entières,
privés de l’abri le plus sommaire.
L’année qui vient de finir a été on ne peut
plus favorable à la récolte. Eh bien, la partie
le la production qui, après mille vicissitudes,
arrive enfin au port d’exportation, est si in-
fime qu’elle est impuissante à rémunérer les
frais de culture, de transport et de fret.
Le gouvernement ne fait rien pour remédier
à cette situation désastreuse. Le département
de la-guerre fait seul l’objet de sa solli-
citude. Ce n’est que pour les canons, pour
l’œuvre de la mort, qu’il s’impose des sacri-
fices. Il s’est imaginé qu’un conflit doit écla-
ter tôt ou tard, et son inquiétude lui fait
prendre pour une armée d’euvahissement la
moindre compagnie de soldats qui se pro-
mène le long des frontières de l’empire. De là
des concentrations de troupes qui n’ont pas
de raison d’être et des armements insensés,
ui engouffrent et immobilisent annuellement
es centaines de millions. Si le paysan gémit,
nu et défaillant d’abstinence, on lui répond
que l’intérêt de l’humanité et de la paix eu-
ropéenne commande ce formidable appareil de
guerre, qui étouffe la fortune publique dans
son cercle de fer.
Lettre de Bruxelles.
{Correspondance particulière du Précurseur.)
Bruxelles, 4 janvier 1883
Le rapport qui a été fait par M. Ed. Pecher à la
dernière assemblée générale de l’association libé
raie d’Anversest un document du plus haut intérêt.
Il contient des renseignements et des détails que
chacun fera bien de méditer. Aux élections de
juin votre honorable bourgmestre M. de Wael
a obtenu dans la villè d’Anvers une majorité de
neuf cents voix. Il lui a fallu cette majorité
énorme pour être élu. Une cinquantaine de voix
de plus dans les cantons ruraux et la ville
d’Anvers, malgré la majorité considérable qu’elle
donnait à son bourgmestre,ne parvenait pas à avoir
de représentant au sein du parlement. C’est là une
situation extraordinaire, impossible, sur laquelle
on ne peut trop attirer l’attention. Sans doute les
remaniements de circonscriptions électorales sont
chose dangereuse et délicate. C’est un moyen dont
il ne faut pas abuser,parce que les représailles sont
à Redouter. On doit se dire si nous le faisons aujour-
d’hui iûs autres le feront à leur tour. L’échiquier
électoral peut en être profondément altéré et trou-
blé etles conditions de la lutte en être complètement
bouleversées. Mais enfin, lorsqu’on se trouve en
présence de faits injustes, contraires a» bon sens,
violant l’intérêt public.on doit bien aviserai doit y
avoir des solutions justes à mettre au lieu et place
des solutions injustes, bien qqe celles-ci aient i’an-
cienneté pour elles. Ce n’est point papce que des
abus durent depuis longtemps qu’ils doivent tou-
jours durer. Or, ici,y a-t-il abus? Est-ii admissible
qu’une ville de l’importance d’Anvers, qui a des
intérêts de tout premier ordre, qui représente la
force, la richesse et la prospérité du pays, est-il
admissible, dis-je, qu’une ville de cette importance
soit exposée à ne point pouvoir se faire entendre
dans les conseils de la nation. Une poignée d’élec-
teurs de la campagne, une poignée d’électeurs su-
bissant le joug du clergé, marchant à son comman-
dement, n’ayant pas d’autre volonté que la sienne
bien que sachant lire et écrire et c’en est fait de la
majorité de la ville d’Anvers ; cette poignée d’élec-
teurs de là campagne domine la ville d’Anvers, et
celle-ci est en leur merci. Est-ce une situation ra-
tionnelle ; est-elle juste et serait-ce un si grand
crime que de chercher à remplacer ce que tout le
monde ne peut s’empêcher de considérer comme
injuste.il y a d’autres situations identiques,dit-on;
il n’y a pas seulement qu’à Anvers où il y a des inté-
rêts opposés etoù les uns sontexposésàêtre étouffés
par les autres. Eh bien, soit, qu’on examine toutes
les situations; s’il y a des abus ailleurs qu’à Anvers
et dans un autre sens qu’à Anvers, pourquoi ne les
ferait-on pas disparaître? Il est certain qu8 ce n’est
pas en attendant sous l’orme que les solutions ar-
riveront. Elles ne tomberont pas toutes préparées
et toutes servies du ciel. Nous ne sommes plus au
temps des miracles. Nous y serions encoreque cela
ne nous avancerait pas beaucoup car les miracles
ne sont jamais appliqués aux choses de la poli-
tique. Et puis,même ceux qui vivaient de ce temps-
là n’ont jamais pu les vérifier par eux-mêmes, ce
qui est de nature à jeter quelque doute dans les
esprits. On eât d’accord ou du moins on semble
d’accord pour dire que le problème doit être examiné
dans son ensemble et sous toutes ses faces. Que ne
le fait-on pas ? On fonde des associations pour des
objets d’ordre tout spéculatif et d’une réalisation
encore fort éloignée. On annonçait dernièrement
que l’association pour la réforme électorale avait
tenu une séance plénière pour la constitution de
son comité général. Il s’agit pour cette association
non pas tant d’atteindre un but positif qu’un ré-
sultat négatif. Ce résultat c’est la démolition de
l’article 47 de la Constitution. Les membres de
cette association sont d’accord pour démolir. Ils ne
s’entendent pas du tout pour reconstruire, car il est
certain qu’il y a deux opiaions au moins parmi eux :
le3 uns sont pour le suffrage universel, les autres
pour la substitution de la capacité au cens, les uns
partagent l’avis de ce collaborateur de la Renie de
Belgique qui écrivait dernièrement le plus sérieuse-
ment du monde que plus un électeur est incapable
plus il est apte à bien choisir ses mandataires ! Les
autres au contraire n’ont pas cette confiance
aveugle dans l’incapacité de l’électeur; ils deman-
dent des électeurs capables, ils veulent fonder le
droit électoral sur l’instruction. Alors se présente
la question de savoir quel est le degré d'instruction
à exiger de l’électeur et comment on constatera sa
capacité. Toutes questions sur lesquelles on n’est
pas près de s’entendre et dont la solution n’est
même pas de nature à consolider l’opinion libé-
rale au pouvoir, car il est incontestable que
la thèse de la révision de la Constitution n’est
pas du tout populaire, qu’elle soulève de graves
dissentiments au sein de l’opinion libérale, c'est
une de ces questions qui divisent au lieu
d'unir, et ce n’est pas, on lésait, la division qui
fait la force. La question des circonscriptions élec-
torales est une question essentiellement pratique ;
sa solution produirait des effets immédiats. Ne
pensez-vous pas qu’il serait plus utile, dans l’intérêt
même de l'opinion libérale, de préparer par des
études sérieuses la solution de cette question que
de chercher à démolir l’article 47 de la Constitution,
avant même de savoir ce qu’on mettra à sa place !
Je me permets d’appeler l’attention des libéraux
sur ces humbles observations.
On sait que le prince et la princesse héré-
ditaire d’Allemagne célèbrent très prochaine-
ment leurs noces d’argent.
Le Roi et la Reine des Belges ont été invités
à cette cérémonie par lettres autographes du
couple princier.
La lettre de la princesse, pour appuyer l’in-
vitation, insistait sur l’amitié intime qui a
toujours existé entre notre souverain et le
père de la princesse, le prince Conrad. Son
Altesse rappelait également au Roi qu’il a été
l’un des princes qui ont assisté à son mariage,
le 25 janvier 1858.
Leurs Majestés ont immédiatement accepté
l’invitation de la façon la plus gracieuse.
Le Comité central de l’Association libérale
et constitutionnelle se réunit ce soir.
L’ordre du jour porte :
1° Installation de six membres élus le 31
décembre.
2° Nomination du bureau pour l’année 1883.
3° Projet de budget pour 1883.
La société de Gand 't Zal wel gaan nous
envoie une seconde lettre dans laquelle elle
affirme que nous sommes dans l’erreur en
disant, avec Y Indépendance, qu’une « immense
majorité » s’est prononcée contre la proposi-
tion de faire imprimer en français et en fla-
mand toutes les pièces relatives à la fête uni-
versitaire projetée. Un premier vote par assis
et levé fut douteux, ajoutent nos honorables
correspondants, et il fallut procéder à un se-
cond en se rangeant à droite et à gauche.
Nos honorables correspondants prétendent,
contrairement à nos renseignements person-
nels et à ceux de Y Indépendance, que tout au
plus dix étudiants flamands se sonl joints aux
Wallons,et non pas un «très grand nombre. »
Enfin, les opposants flamands ne consti-
tuaient pas un « petit noyau », puisque, à elle
seule, la société ’t Zal wel gaan compte déjà
une centaine de membres environ, qui, loin
d’être des « intransigeants », ont concouru
par leurs votes à sauvegarder les droits des
Wallons.
Nous donnons acte de leurs déclarations à
nos honorables correspondants,
Commerce, marine, finances, etc,
ijureaü veritas. — La direction du Bureau Veritas
vient dé publier 1a statistique suivante des sinistres
maritimes, signalés pendant le mois de novembre 1882,
concernant tous les pavillons :
Navires à voiles signalés perdus : 24 Allemands, 15
Américains, 39 Anglais, 1 Antrichien, 9 Danois, 3 3spa-
gnblâ, '15 Français, 3 Grecs, 7 Hollandais, 4 Italiens, 22
Norwégiens, l'Portugais, 5 Russes, 9 Suélqis, 1 Turc ;
total : 168. Dans ce nombre sont compris i> navires sup-
posés perdus par suite de défaut de nouvelles.
Navires à vapeur signalés perdus : i Allemand, 2
Américains. 18 Anglais, 2 Belges, 2 Français, 1 Grec, i
Suédois’; total : 27. Dans oo nombre sont compris 3
vapeurs supposés perdus par siffle fie déiflifl qe ngu-
. velles.
NOUVELLES ÉTRANGÈRES.
NOUVELLE GALLES DU SUD.
On télégraphie de Sydney, 3 janvier :
uzi J)ouvea.u Parlement a siégé aujourd’hui. Dans
i élection qui a eu lieu pour la présidence, lecandi-
dat de 1 opposition a été élu. Le ministère a im-
médiatement donné sa démission.
Lord Augustus Loftus, gouverneur, a chargé M.
Alexander Stuart, député d'Illa'wara, de la forma-
tion d un nouveau cabinet.
MONTÉNÉGRO.
Les journaux viennois parlent depuis quelques
jours de difficultés et d’inquiétudes sur les fron-
tières monténégrineset albanaises; plusieurs bandes
d insurgés se seraient reconstituées et se propose-
raient de pénétrer en Bosnie et en Herzégovine. Le
changement ministériel, survenu il y a quelques
jours à Cettigne, que nous avons annoncé, paraît
ne pas être étranger à ces évènements, l’ancien
ministre, M. Wrbiza, étant partisan de l’Autriche-
Hongrie, tandis que son successeur, M. Bozo-
Petrovics, en est l’ennemi.
AUTRICHE-HONGRIE.
On nous télégraphie de Vienne que la police de
Pesth a reçu l’avis d’un complot tramé contre la
vie du prince héréditaire d’Autriche-Hongrie, le
prince Rodolphe.
Des perquisitions très minutieuses ont été opé-
rées, mais elles n’ont abouti à aucun résultat con-
cluant. Toutefois, on continue à prendre des mesures
de précaution, et plusieurs ouvriers italiens, dont
les menées étaient signalées depuis quelque temps
à 1 autorité et qui avaient été arrêtés, n’ont pas
encore été relâchés.
ALLEMAGNE.
La Berliner Zeitung croit savoir de source
autorisée que, dès la rentrée du Reichstag, le gou-
vernement déposera un projet tendant à une aug-
mentation de l’effectif de l’artillerie dans la propor-
tion de 36 batteries. Chaque corps d’armée serait
prochainement pourvu de 19 batteries, tandis qu’il
n’en compte encore que 17. Il s’ensuit que l’armée
effective serait augmentée de 4,000 hommes.
Cette réforme ne serait pa3 la dernière qu’on se
propose d’introduire, la formation des treizièmes
compagnies étant réclamée dans les régions mili-
taires comme uue réforme indispensable, ce qui ne
serait encore qu’une étape vers la formation des
quatrièmes bataillons. « Naturellement, ajoute
ironiquement la feuille berlinoise, tout cela ne se
fait qu’en vue du maintien de la paix universelle. »
FRANCE.
MORT DE M. GAMBETTA.
A l’étranger.
Les dépêches de New-York reçues par les jour-
naux anglais constatent que la presse américaine
est unanime à considérer la mort de M. Gambetta
comme une grande perte pour la France.
Le New-York Times dit que le malheur qui
vient de frapper la République française est plus
grand que ne l’eût été en 1789 la mort de Was-
hiügton, s’il n’y avait pas eu à cette époque un
grand nombre d’hommes d’Etat et de patriotes en
Amérique.
Le New - York Herald dit que la France pleure
la perte du plus fort soutien de la troisième Ré-
publique. Si M. Gambetta, dit-il, avait vécu lors
de la première Révolution française, il aurait péri
sur l’échafaud, en laissant un nom impérissable
dans l’histoire.
Suivant la Tribune, M. Gambetta personnifiait
la troisième République.
Le Sun constate que la mort d’aucun homme, à
l’exception de celle du prince de Bismarck, ne pour-
rait exercer une influence aussi puissante sur la
politique européenne que la mort de M. Gambetta.
Le cercle de la Jeunesse nationale, à Madrid,
projette l’organisation d’une soirée littéraire en
l’honneur eten souvenir de M. Gambetta.
MM. Castelar et Satmeron y assisteront.
Les jeunes Tchèques de Prague, de Raudnitz, de
Kuttenburg et de Przibrau opt envoyé, à l’occa-
sion de la mort de M. Gambetta, des télégrammes
de condoléance à M. Grévy.
Voici les termes du télégramme des Tchèques de
Raudnitz :
« Notre nation pleure avec toute la France au
sujet de la perte irréparable qu’elle vient de faire.
Celui qui est mort n’était pas seulement le plus
grand des enfants de la France, et le fondateur et
le soutien de la République, mais aussi le plus
puissant ami des Slaves et le promoteur de l’idée
d’une alliance entre les nations latines et le peuple
slave contre l’ennemi. »
Les adresses.
Les adresses continuent à arriver en grand nom-
bre à la famille de M. Gambetta, à ses amis et à la
la République française.
Voici celle du syndicat générai de la presse répu-
blicaine départementale, remise à M. Spuller,
député de la Seine :
■ Paris, 4 janvier 1883.
» Monsieur le député et cher confrère,
» La France républicaine vient de perdre un
grand citoyen et un grand orateur. Elle pleure
l’homme illustre qui, pendant quatorze ans, a jeté
un si vif éclat sur la tribune française ; qui a, par
son ardent patriotisme et par sa prodigieuse acti-
vité, relevé les courages à l’heure où le pays était
envahi par l’étranger ; qui a, par son indomptable
énergie, et par sa foi dans l’avenir de nos institu-
tions républicaines, triomphé des résistances des
partis monarchiques.
« Représentants de la presse républicaine dépar-
tementale appartenant à toutes les nuances de
l’opinion démocratique, nous venons déposer notre
tribut de reconnaissance sur la tombe de l’homme
qui, par l’union, a mené le parti républicain à la
victoire.
» Interprètes des sentiments de gratitude qui
animent nos populations, nous avons pris unanime-
ment la résolution d’assister aux obsèques de M.
Gambetta, »
La translation du corps.
La translation à Paris de la dépouille mortelle de
M. Gambetta a eu lieu avant-hier soir.Les trains de
banlieue n’ont cessé d’amener des visiteurs jusqu’au
moment de la levée fiu corps. A cinq fleures, l’af-
fiuence est considérable. Devant la maison mor-
tuaire, dont les trois fenêtres du rez-de-chausséo
seules sont éclairées, dans le jardin où la nuit
commence à tomber, des groupes stationnent,
causant à voix basse. A côté d’eux sont installées
flis taflles avec iqs registres où les nouveaux visi-
teurs signent tour à tour, à la lumière tremb’o-
tante d’une bougie. De ci, de là sont échelonnés les
gardiens de la brigade de Sèvres. A l’entrée de la
salle d’exposition, les pompiers de Sèvres forment
: la garde d’honneur. Pas le moindre bruit au çle-
I flqrs. Seul, le sifflet strident dé la locomotive, sur
Ja ligne de Versailles, interrompt de temps à autre
le silence du fieu.
Des ouvriers en habits de travail, des femmes
qu’accompagnent des jeunes enfants se mêient aux
députés, aux sénateurs et aux amis du défont. On
traverse lentement la salle d’Exposition. Ce cer-
cueil caché sous des fleurs, la simplicité du spec-
tacle, causent à tous une indicible impression. Des
jeunes gens de Vill9-d’Avray arrivent en foule te-
nant à saluer une dernière fois ladépouilledu grand
patriote.
Le funèbre cortège, suivi d’une quantité de voi-
tures,s’est mis en marche et,parti de Ville-d’Avray
à 7 heures,-il e3t arrivé à Paris, au Palais-Bourbon,
à 8 1/2 heures.
An Palais-Bourbon.
Le président de la Chambre et MmaBrisson, ac-
compagnés de MM. Pierre Legrand, Devès, Madier
de Montjau, Hébrard, Honnoré, Margaine, Nadaud,
Caze, Joseph Reinacfl, Barrère, Déroulède, Cornu-
det, Journault,docteur Fieuzal,Ferdinand Dreyfus,
Bastien-Lepage, Riyet, Floquet, se sont rendus au-
devant du cercueil. Les huissiers de la Chambre
des députés, en grand uniforme, étaient rangés à
droite et à gauche du passage.
Dès que les porteurs du cercueil sont entrés,une
profonde émotion s’estemparéede toute l’assistance.
Par une attention touchante, M. Brisson l’a fait
déposer dans son propre cabinet de travail, qui
avait été aussi celui de M. Gambetta pendant qu’il
était président de la Chambre. M. Brisson a essayé
de parler, mais il n’a pu que dire: “Je voudrais
dire quelques mots au sujet de la perte immense
que nous venons de faire. Je ne m’en sens pas la
force.et je ne sais sijel’aurai jamais.-Il a embrassé
avec émotion M. Spuller, qui, en proie lui-même à
une vive douleur, n’a pu que le remercier briève-
ment.
M. Léris a également remercié M. Henri Brisson
au nom de la famille de M. Gambetta.
Le corps été gardé dans la nuit par MM. Joseph
Arnaud, Paul Déroulède, Thomson, Cendre et
Mercier. Il sera gardé cette nuit par MM. Marcel-
lin Pellet, Caze, Reinach, Rabagny, Depret, Passi
et Buette.
La Chambre ardente.
C’est la salle des fêtes du Palais Bourbon qui ser-
vira de chambre funéraire.
Il a été décidé que la galerie des Fêtes serait
tendue de noir, ornée de drapeaux et d’écussons.
Sur lademandedeM.Proust, M.Logerotte, sous-
secrétaire d’Etat aux beaux-arts, a autorisé le
conservateur du mobilier national à mettre à la
disposition de l’administration des pompes funèbres
tous les objets nécessaires pour la décoration de la
salle où repose le cercueil et du convoi.
Les ouvriers ont passé la nuit pour transformer
lasalle des Fêtes et n’ont achevé leur besogne que
ce matin.
Le cercueil sera recouvert d’une drapeau trico-
lore au lieu d’un drap mortuaire.
La l'ouïe au Palais-Bourbon.
Hier, bien avant midi, la foule stationnait sur le
quai d’Orsay, attendant l’ouverture des portes du
Palais-Bourbon. A midi, les ouvriers des pompes
funèbres mettaient la dernière main aux tentures
des portes: de larges draperies noires à liseré d’ar-
gent, relevées par des patères de même métal.
En quelques instants la foule devient compacte
sur le quai ; la circulation devient de plus en plus
difficile sur le pont de la Concorde. Au fur et à
mesura que les curieux arrivent, ils forment la
queue qui gagne bientôt la rue de Bourgogne,
envahit le trottoir longeant de ce côté le Pa-
lais-Bourbon et débouche sur la place du Palais-
Bourbon.
Le service d’ordre est fait par des gardiens de la
paix qui font prendre la file aux nouveaux arri-
vants et par des gardes républicains à cheval. Les
voitures arrivent si suivies et si nombreuses
qu’elle3 ne peuvent marcher qu’au pas à partir du
pont de la Concorde.
De tous côtés on vend le portrait et la biogrrphie
de M. Gambetta.
Quand les portes du Palais-Bourbon s’ouvrent,
la foule s’ébranle et pénètre avec ordre dans le
Palais. L’émotion gagne un grand nombre de per-
sonnes, dont les yeux se remplissent de larmes.
L’intérieur du Palais, décoré avec une simplicité
grandiose, produit une profonde impression sur les
curieux qui défilent lentement La galerie des Ta-
pisseries, latérale à celle des Fêtes, est complète-
ment tendue de noir. Toute la colonnade est en-
tièrement cachée par des draperies semblables à
celles de la porte surmontées de palmes de laurier.
Dans la rotonde d’entrée également tendue de
noir, sont allumés quatre lampadaires ; les lustres
de la galerie, allumés également, répandent une
lumière triste et jaunâtre sur ia foule. Da distance
8n distance, des portières ont été simulées avec des
tentures et des gardiens de la paix y sont placés
qui surveillent le défilé de la foule.
Eu sortant de la galerie, la foule pénètre dans la
salle des Fêtes, où le corps est exposé. Le cercueil
est placé sous le catafalque ayant servi à M. Thiers
et dont on a enlevé les emblèmes religieux.
C’est un catafalque à quatre colonnettes noires, à
chapiteaux et à bases d’argent reposant sur un
socle élevé entouré de marches recouvertes de
tentures noires lamées d’argent.
Les couleurs tricolores du drapeau jeté sur le
cercueil sont légèrement voilées par un crêpe.
Huit lampadaires brûlent autour du corps :
quatre auprès des colonnes du catafalque et quatre
aux coins du socle. Contre les murs, au pied de3
tentures, des massifs de verdure ont été déposés
autour du socle. Les draperies noires de la salle
sont relevées de trophées de drapeaux tricolores
avec des palmes de laurier.
Enavant du catafalque, une balustrade est établie
le long de laquelle passe la foule. Les amis de M.
Gambetta, parmi lesquels nous remarquons MM.
Waldeck-Rousseau, Dalcasse, docteur Fieuzal,
Abbal, se tiennent autour du corps, ainsi que les
huissiers de la Chambre en grande tenue.
Les marches du socle sont jonchées de couronnes
et de bouquets. Détail touchant ; dès que les ouvriers
ont eu terminé, à onze heures et demie, leurs pré-
paratifs dans la salle des fêtes, la première cou-
ronne déposée l’a été par Mm* Grévy, en présence
des questeurs et des amis de M. Gambetta.
Sont venues ensuite, les mains pleines de fleurs,
Mmes Brisson, Arnaud de l’Àriège, et un grand
nombre d’autres dames. A côté des bouquets dépo-
sés par elles, on a placé les couronnes de Stras-
bourg, Metz, Colmar et de plusieurs autres vifles,
Les couloirs du Balais Bourfloq sont envaflis par
une fouie de personnes apportant de3 couronnes,
des adresses, ou par des délégués venant se faire
inscrire pour le cortège funèbre.
La physionomie delà salle des Pas-Perdus est
singulièrement animée.
Les obsèques.
Le conseil des ministres s’est réuni hier matin, à
l’Elysée, sous la présidence de M. Grévy, et s’est
exclusivement occupé des mesures à prendre pour
les funérailles.
Le.» obsèques étant nationales, le gouvernement
s’est réservé le droit absolu de tout régler. Eu ce
qui concerne les discours, MM. Fallières et Davès,
ministres de l’intérieur et de la justice, ont été dé-
légués par le conseil pour s’entendre avec les amis
de Gambetta. Ils doivent également régler l’orga-
nisation des cordons du poêle.
Il a été décidé en conseil que le gouvernement
prendrait la parole aux obsèques. Ce sera le prési-
dent du conseil ou, à son défaut, le ministre de la
justice qui parlera. La Chambre et le Sénat parle-
ront également par l’organe de leurs présidents
respectifs.
Conformément à l’article 16 du décret de messidor
an XII, le garde des sceaux a convoqué tous les
membres des cours et tribunaux de Paris à assister
aux obsèques.
Le ministre de la guerre a, de son côté, convoqué
tous les commandants de corps d’armée.
Le ministre de l’instruction publique a décidé
que les classes seraient suspendues dans tous le3
lycées et collèges de Paris le jour des obsèques
Le gouvernement a été informé par J M. Leris
beau-frère de l’illustre mort, que la famille consen-
tait à ce que les obsèques de Gambetta fussent ab-
solument civiles.
L’inhumation provisoire aura décidément lieu au
cimetière du Père-Lachaise.
Il est question de faire prononcer les discours
officiels au Palais-Bourbon au moment du départ et
les autres discours au cimetière, mais rien n’est
encore arrêté définitivement.
L’Union républicaine a décidé qn’aucun discours
ne serait prononcé au nom du groupe.
M. Lepère a dit : « Nous sommes de la famille et
la famille ne parle jamais. »
Gambetta intime.
Sous ce titre, le Voltaire publie un article
où il rappelle différents traits de la jeunesse
de Gambetta :
Voici Gambetta étudiant :
Gambetta n’était pas seulement un brillant éco-
lier, qui fl ittait l’amour-propre paternel, mais un
de ces esprits curieux et ailés à qui, de bonne
heure, l’horizon de la province ne suffit plus et qui
l’ont déjà franchi cent fois dans leurs rêves de col-
lège. Le bachelier impétueux s’était donc élancé à
de nouvelles luttes intellectuelles.
C’était, en dehors de l’école, un joyeux et bruyan t
garçon, effilé à cette époque, la tête fière et d’un
galbe énergique sous de longs cheveux dru plantés
et rejetés derrière l’oreille, ia bouche épanouie, la
lèvre inférieure naturellement éloquente l’œil
gauche rayonnant et pétillant de feu, l’œil droit
large ouvert et mort dans son orbite. Déplorable
accident de son enfance, ainsi que cela est conté
dans un livre publié ces jours derniers. A l’âge de
huit ans, le jeune Léon avait eu la malheureuse
idée de regarder de trop près le travail d’un coute-
lier son voisin.
Les anciens étudiants qui se sont assis en même
temps que Gambetta sur les bancs de la Faculté
de droit, se rappellent qu’il n’a tenu qu’à lui de de-
venir un agrégé qui, de l’avis de ses professeurs,
eût été l’honneur de l’école enseignante. Ceux qui
fréquentaient la Sorbonne n’ont pas oublié le con-
disciple assidu qui faisait sa joie d’un cours de lit-
térature grecque plus qu’un aspirant à la licence
ès-lettres. Dèmosthène se mettait dans la bouche
les petits cailloux de la mer et déclamait sur le
rivage pour corriger son bégaiement ; l’étudiant
Gambetta, rentré dans sa chambre, se plaisait à
réciter, en les raminant du ton et du geste, les plus
beaux morceaux de l’orateur grec ; il mâchait, lui,
pour exercer sa langue, les pierres précieuses de
Dèmosthène.
Ainsi que nous l’avons dit nous même, Gam-
betta ne pouvait rester longtemps avocat !
Il plaidait peu ; il était à l’étroit dans les procès
ordinaires du Palais de justice; il avait la voix trop
retentissante pour une chambre de tribunal et le
poing trop solide pour la barre de l’avocat.
Les seules élections de 1863 furent pour lui une
révélation. Ce Méridional de vingt-cinq ans, à la
parole bouillante comme le sang, pressentit plus
vivement son avenir et, dès lors, les séances du
corps législatif n’eurent pas d’auditeur plus assidu
que lui. Il y démêlait tous les fils qui mènent une
Assemblée, et il mesurait la hauteur de la tribune,
se mettant par la pensée à la place de l’orateur et
faisant à part soi, le discours qui eût dû être pro-
noncé. Il avait le plan et les secrets du champ de
bataille parlementaire et il n’attendait plus que le
moment d’y paraître à son tour.
Novembre 1868? Vous vous souvenez? La tombe
de Baudin venait d’être découverte ; la fosse de
l’empire s’entr’ouvrait.
Un matin, Gambetta descendit, joyeux, ses quatre
étages de la rue Bonaparte. Il allait au Palais-de-
Justice, non point plaider pour Delescluze, qui
était d’une fierté trop farouche pour vouloir être
défendu, mais abîmer sous les périodes les
plus flétrissantes de'Cicéron, sous les expressions
les plus écrasantes de Salluste, traduites dans un
français au fer rouge, sous un tonnerre de paroles
qui grondait en lui depuis dix ans, et qui pouvait
enfla éclater en pleine lumière, le régime du Deux-
Décembre et le gouvernement de Napoléon III.
Quelques mois après, il était deux fois élu
député : à Marseille et à Paris.
BELGIQUE.
Bruxelles, 5 janvier.
Le parquet n’a pas fait de descente hier à Molen-
beeck ; il attend de nouveaux renseignements.
Tout ce qu’il lui a été humainement possible de faire
jusqu’ici, il l’a fait et, comme la police locale, il ne
s’est épargné ni peine» ni fatigues.
Le moindre indice a donné lieu à des perquisitions
et à des interrogatoires sans nombre et, comme non'
le disait hier un magistrat, les dépositions des jW*
petites compagnes de Marie Walschaert, lojQ d’aider
ia justice, n ont fait jusqu’à présent que là mettra sur
de fausses pistes.qui ont peut-être douné le temps aux
assassins de s’éloigner ou tout au moins de faire dis-
paraître des objets compromettants.
Ces enfants varient souvent dans leurs déclarations
et ne sont jamais sûres de ce qu’elles disen*
C’est ainsi qu’il y a quelques jours elles ont formel-
lement reconnu, pour être un des auteurs du crime
un vagabond qui, le jour de l'assassinat, était écrouà
aux Petits-Carmes, ““
Toutefois, le* magistrats instructeurs tiennent aveo
raison a contrôler immédiatement la moindre décla-
ration,
Une déclaration Importante a été faite hier au com-
missariat de police de Molenbeek.
A 3 h. 1/2, un nommé V..., garçon boucher à Schaar-
beek, a déclaré que, lç jour du 'crime, il a rencontré
rue Mommaerts, à 4 h. 1/2, un individu avec une
petite fille portant un parapluie et une robe écossaise
absolument pareille à celle qui ôtait exposée au com-
missariat,
Quelque temps après, V... est entré dans un esta-
minet au numéro 60 de la rue du Jardinier, à proxi-
mité du lieu où le cadavre de Marie Walschaert a été
j découvert, et le même individu rencontré précédem-
ment avec la petite fille y est arrivé et a pris une
consommation,
Cet individu paraissait troublé.
Y... persiste à dire que cet homme est le nommé
M..., un cocher interrogé déjà plusieurs fois dès le
début de l’instruction.
M. l’officier de police Mooreman s’est rendu avec
V... à l’estaminet en question et a longuement inter-
rogé la patronne de l’etablissement. Celle-ci déclare
quen effet, dans la soirée du crime, V... etM...se
trouvaient tous deux dans son estaminet, mais elle ne
peut préciser à quelle heure.
Toutefois, la patronne se rappelle que dans cette
soirée M... lui a dit qu’au moment où il rentrait chez
loi pour remiser sa voiture dans la ferme des époux
Sicard — c’est à dire à l’endroit où a été trouvé le ca-
davre — il avait cru voir un ivrogne aux prises avec
la poiiee et qu’il avait offert aux agents de conduire
le pochard au bureau.
M... a ôté invité,à la suite de ces différentes décla-
rations, à passer au commissariat, où il a été con-
fronté ayeç Y... |