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1885.
N° 1.
10° ANNEE.
ABONNEMENTS
Belgique . . . .25 francs.
Etranger port en sus). 28 francs.
L’année parue mise en
carton .... 30 francs.
ADMINISTRATION
Boulevard du Hainaut, 139
Bruxelles
L’ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D'ARCHITECTURE
DE BELGIQUE
déposé- BUREAUX : BOULEVARD DU HAINAUT, 139, BRUXELLES -déposé
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S’adresser à M. Ch. CLAESEN, éditeur
Rue du Jardin Botanique, 26
LIÉGE
DIRECTION
Rue Royale Sainte-Marie, 128
Schaerbeek
— 1 —
SOMMAIRE
Histoire de dix ans. — Société Centrale d’Architec-
ture de Belgique : XIIe Anniversaire de sa fondation ;
Assemblée générale du 9 janvier 1885 ; Excursion à
Lille. V. D. — Concours : Concours pour la construction
dune nouvelle Bourse à Amsterdam, exposition des
projets, R. Z.; Concours De l'Eau d'Andrimont ; Con-
cours Godecharles ; Concours Guislain à Gand; Con-
cours divers. — Le nouvel Athénée dé Bruxelles.
Le nouvel Hôpital de Molenbeek-Saint-Jean. — Nécro-
logie. — Faits divers.
HISTOIRE DE DIX ANS
Vous souvient-il encore, chers abonnés, de ces jeunes con-
frères qui, jadis, un rouleau bleu sous le bras, venaient solliciter
votre souscription à une publication nationale d’Architecture?
Connaissant les infructueux résultats des différentes tenta-
tives de ce genre, vous receviez avec une bienveillante compas-
sion ces pauvres diables pleins d’illusions sur le sort réservé
en Belgique, à une publication belge, spéciale à l’architecture.
Eh bien ! nous vous l’avouons en toute franchise, ces illu-
sions étaient bien un peu feintes; nous n’avions pas dans la
réussite de notre œuvre une confiance illimitée; notre rôle
était de croire au succès, il fallait entraîner les autres; mais
ce que nous possédions à un haut degré, c’est l’énergie et la
persévérance avec lesquelles, dans toute entreprise, quelque
téméraire qu’elle puisse paraître, on peut surmonter tous les
obstacles.
Aujourd’hui que notre chère Emulation est solidement
établie, qu’elle compte près de 500 abonnés, chiffre que nous
n’avions jamais osé espérer, il nous est agréable de jeter un
coup d’œil sur ces dix années de travail et de luttes incessantes
qui viennent de s'écouler.
* •¥■
Certes, les débuts furent difficiles, laborieux, pénibles
même. Nous disposions d’un capital de... 300 francs, et au bout
dela première année nous avions dépensé plus de 8,000 francs.
Cette dépense, inférieure du reste, à nos prévisions, était cou-
verte en grande partie, par de nombreux abonnements.
Tout avait été, par nous, mis en œuvre pour réduire cette
dépense: le dévouement désintéressé de tous était grand : les
uns s’occupaient de réunir les documents, d’autres de relevés
et des réductions des dessins minutes à l’échelle exigée par
notre format; ceux-ci étaient ensuite confiés aux quelques
rares dessinateurs autographes fraîchement éclos parmi nous,
qui travaillaient à des prix dérisoires et même gratuitement ;
d’autres encore, ceux-là même dont je vous rappelais tantôt
les visites, remplissaient avec conviction les fonctions de
placier en librairie qui leur étaient échues et recueillaient
laborieusement les abonnements ; leur commission consistait
régulièrement en remerciements votés en assemblée générale.
A
Tels furent les commencements difficiles, mais heureux, de
la revue l'Emulation. L’accueil qu’elle rencontra parmi nos con-
frères fut des plus sympathiques. Nos aînés, nos maîtres,
nous faisaient mille promesses de collaboration et d’encoura-
gement; certain d’entre eux alla même, dans son enthousiasme,
jusqu’à déclarer à l’un de nous que si l'argent venait à man-
quer nous pouvions nous adresser à lui.
Alors dans un élan généreux, unis par une même pensée,
les architectes vieux et jeunes banquetaient ensemble, célé-
braient la gloire, les succès de la jeune Société, buvaient à la
prospérité de la Société Centrale d’Architecture et souhaitaient
longue vie au journal l’Emulation.
Ah! mes amis, quel enthousiasme! Que c’était beau!...
Cela dura trois ou quatre ans.
A
* *
Bientôt les succès de notre Société et de son organe s’ac-
centuèrent ; portèrent-ils ombrage à certains de ceux qui y
avaient d’abord tant applaudi? Trouvèrent-ils que nous ne
répondions qu’insuffisamment à leurs aspirations ? Toujours
2
est-il que la nécessité de fonder une véritable Société d’archi-
tectes, mais là, de vrais architectes, se faisait, disaient-ils,
vivement sentir.
Il paraît que nous n’étions que des farceurs, de faux archi-
tectes !
On parla même de créer un vrai journal d’Architecture !
Un comité provoqua une réunion à laquelle assistèrent une
quarantaine d’architectes, parmi lesquels, par hasard, quelques-
uns d’entre nous.
On exposa la question et divers titres furent proposés pour
la nouvelle Société ; il nous souvient même qu’un assistant
ayant indiqué celui de Société Centrale des Architectes (à
l’instar de Paris alors?), un autre fit observer justement qu’il
existait déjà une Société Centrale composée, il est vrai, ajouta-
t-on, en grande partie de jeunes gens! On n’osait dire que
c’était peu sérieux, mais on le pensait.
Enfin, on finit par ne pas s’entendre du tout: l’intolérance
des uns, l’indifférence de beaucoup d’autres firent échouer le
beau projet; dès la troisième réunion une scission se déclara,
le bureau se retira, le président en tête, et l’Association des
architectes belges fut mort-née.
Pendant que quelques-uns, transportant leurs dieux lares au
Cercle artistique, essayaient laborieusement et vainement de
reconstituer un comité, un groupe intransigeant qui compre-
nait les sommités de l’art architectural, s’affilia, sous le nom de
Chambre syndicale des Architectes, à l’Union syndicale, et
voulut célébrer ce mémorable événement par un banquet sur
l’organisation duquel, parait-il, on parvint difficilement à se
mettre d’accord.
A
* +
A ce propos, qu’on nous permette de rappeler le succès que
rencontra, auprès de certain membre de cette petite chapelle,
la proposition d’inviter à ce banquet quelques délégués de la
Société Centrale d’Architecture, au sein de laquelle ils avaient
été si souvent bien reçus ; un des membres les plus influents
déclara qu’il croyait inutile d’adresser pareille invitation à une
Société de jeunes gens, de gamins; le mot fut dit,... il fut
retenu ; l’assemblée s’inclina respectueusement, à l’exception
de quelques membres qui essayèrent vainement de timides
protestations.
Gamins! Le pensiez-vous vraiment, ô illustres Maîtres?
Gamins! ceux qui venaient de fonder le journal l'Emulation
dont vous vous étiez montrés, —• sincèrement, nous l’espé-
rons, — si vivement enthousiastes !
Gamins! ceux qui six ans plus tard devaient organiser et
installer en Belgique, malgré votre abstention qu’ils regrettaient,
la seule exposition d’architecture vraiment digne de ce nom.
Gamins! ceux qui ont su fonder et maintenir pendant treize
années une Société d’Architectes composée de plus de 130 mem-
bres alors que vous veniez de faire misérablement avorter, par
votre intransigeance, semblable tentative.
Allons donc, chers confrères, vous ne le pensiez pas !
★
* *
La Chambre syndicale des Architectes réussit néanmoins à
constituer un comité et, après quelques séances anodines, peu
suivies d’ailleurs, elle fit comme Dieu après la création... elle
se reposa.
Il faut croire qu’elle se repose toujours, car nous n’avons
jamais ouï parler de ses travaux.
Nous lui avons souvent demandé son avis sur les nôtres,
nos lettres sont restées sans réponse.
Est-ce vraiment de celte époque que date, entre jeunes et
vieux, cette sorte d’antipathie qui dégénéra bientôt en guerre
sourde que nous n’avions pas provoquée, au contraire? Nous
avions toujours montré une déférence parfaite pour nos aînés;
nous avions toujours reconnu la supériorité de talent de la
plupart d’entre eux.
Lorsqu’ils nous autorisaient à publier leurs œuvres, nous
nous considérions comme leurs obligés, et quant à l’argent offert
dans un élan inconsidéré très probablement, on nous connaît
assez pour qu’il soit inutile de déclarerque nous n’avons jamais
voulu profiter de cette offre.
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Quoi qu’il en soit et quoi qu’on puisse dire, cette guerre
sourde existe ; nous n’en voulons pour preuves que l’absence
de réponse à nos lettres, l’abstention absolue et presque géné-
rale, à notre exposition de l’année dernière, des membres de la
Chambre syndicale qui, obéissant comme à un mot d’ordre,
accueillirent presque tous par des réponses vagues ou par des
refus d’exposer, les nombreuses démarches que nous fîmes
auprès d’eux et qui s’abstinrent même de paraître au banquet
d’ouverture.
A
y- *
Nous en voyons une preuve surtout dans le dénigrement
systématique dont certains confrères accablent l'Emulation dont
ils trouvent les planches mal choisies, mal rendues (1), dans
laquelle ils refusent absolument de publier leurs œuvres, sous
divers prétextes dont le meilleur ne vaut rien : les uns parce
qu’ils n’ont pas de dessins suffisants ou que telle œuvre a cessé
de leur plaire, les autres parce qu’un des dessins qu’ils
nous avaient confiés a été quelque peu souillé par un des-
sinateur malpropre, ce qui constitue un léger malheur dont
nous ne pouvons cependant pas être rendus responsables ;
d’autres enfin, parce qu’ils vont publier eux-mêmes telle de
leurs œuvres que nous leur demandions.
Et voilà comment on nous encourage, voilà comment on
nous aide ! .
Alors que dans presque tous les pays, en France, en Alle-
magne, en Hollande, les architectes, même ceux de grande
réputation, sont honorés lorsqu’un journal publie leurs œuvres,
en Belgique il faudrait pour ainsi dire se mettre à genoux
devant les grands lamas de l’architecture pour obtenir les
leur’s.
Parole d’honneur, c’est à dégoûter du métier les gens les
plus dévoués !
Depuis plus de dix ans nous avons consacré à l’intérêt de
tous notre argent et notre temps; certains mêmes ont poussé
le dévouement jusqu’à négliger leur besogne personnelle au
bénéfice du journal.
Tous nos efforts n’ont eu en vue que son amélioration, tant
dans le mode de publication que dans le choix des œuvres;
nous n’avons jamais recherché les bénéfices pécuniaires, au
contraire, nous avons eu souvent à enregistrer des pertes et,
n’était la fondation, au sein de la Société Centrale, d’une
Société coopérative au capital de 4,000 francs, souscrits inté-
gralement par une trentaine de membres, il y a longtemps
qu’on ne parlerait plus de l’Emulation.
Nous n’avons jamais eu en vue qu’un intérêt, celui de l’art
architectural en Belgique ; on ne sait pas assez dans le public
ce qu’il faut de courage et d’abnégation pour persister dans
pareille tâche, à travers les tracas, les embarras d’argent,
les ennuis des réclamations parfois peu polies et toujours
désagréables de quelque abonné grincheux.
A
* *
Qu’on nous pardonne cette tirade panégyrique de nos travaux;
nous parlons assez rarement de nous dans l’Emulation pour
qu’on excuse la mauvaise humeur de cette sortie peut-être un
peu violente de gens ulcérés, mais non découragés.
Forts de l’appui de ceux qui nous témoignent leur sympathie
et ils sont nombreux, malgré l’indifférence ou la sourde hosti-
lité des autres, sans autre espoir de récompense que celle que
donne la satisfaction de soi-même, nous poursuivrons éner-
giquement l’accomplissement de la noble tâche que nous nous
sommes volontairement imposée.
Si, touchés par la grâce, revenus à des sentiments plus
généreux, nos excellents confrères consentaient, comme nous,
à oublier les mesquines rivalités, à faire taire cette espèce de
jalousie inavouable que nous déplorons sincèrement, dont on
nie vainement l’existence, nous leur tendrions fraternellement
( 1) Nous reconnaissons franchement que certaines planches ont été
mal dessinées, mais est-ce une raison suffisante pour cesser toute colla-
boration, sans considérer que dans un pays aussi petit que le notre, les
ressources d'une publication spéciale sont fort restreintes et qu’elles ne
permettent pas d’employer toujours des dessinateurs de premier ordre
qui, du reste, sont rares en Belgique. |