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Concours Godecharles.
Certains journaux quotidiens nous ont appris que la Com-
mission des bourses du Brabant avait renvoyé au gouverne-
ment le rapport du jury, parce qu’il u’était pas conforme aux
instructions de l’arrêté royal instituant les bourses Godecharles;
en effet, cet arrêté dit que le jury présentera, au choix de la Com-
mission, deux candidats ayant produit des œuvres méritoires.
Nous tiendrons nos lecteurs au courant du résultat de ce
conflit, assez anodin il est vrai, mais justifié par le sans-gêne
avec lequel certains jurys tiennent compte des conditions des
concours.
Concours Guislain à Gand.
Nous avons appris par les journaux quotidiens qu’un con-
cours était ouvert à Gand pour l’érection d’une statue au doc-
teur Joseph Guislain, le bienfaiteur des aliénés.
Le programme de ce concours impose aux artistes des
conditions tellement étranges, la composition du jury est tel-
lement bizarre, que nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire
de nous en occuper longuement. Nous dirons seulement que
les projets, qui doivent être remis le 31 mars prochain,
comprendront une maquette de 1 m. 23 de hauteur, des
dessins détaillés, etc., que le jury sera composé du président
du Comité Guislain, de son secrétaire et de trois personnes
compétentes dans les questions d’art (1). Ce jury fera des pro-
positions au Comité qui décidera en dernier ressort.
Nous ne voyons pas trop la nécessité de ce jury, quelque
bizarre qu’en soit la composition, si le Comité ne s’engage pas
à respecter sa décision. Mieux vaudrait faire juger le concours
par le président, le secrétaire et les autres membres incompé-
tents du Comité !
En dehors de l’exécution de l’œuvre primée (??...), dit le
programme, le Comité ne peut allouer aux concurrents aucune
récompense, aucune indemnité.
Et il s’agit d’une œuvre à laquelle on peut consacrer dix-
neuf mille francs!
Décidément, ces gens-là croient qu’une maquette de 1 m. 23
de hauteur et des dessins détaillés ne coûtent rien et que tous
les artistes belges ont des renies.
Allons, allons, chers amis : statuaires et architectes, mettez
vous à l’œuvre et bon courage !
Concours divers.
Allemagne. — Les musiciens de Leipzig viennent d’inaugurer
un monument destiné aux grandes auditions musicales, et pou-
vant contenir 1,500 auditeurs; il remplace l’antique Gewand-
haus (halle aux draps) où sedonnaient jusqu’ici tous les concerts.
C’est à la suite d’un concours, auquel prirent part 75 concur-
rents, que le 1er prix et l’exécution furent décernés aux
architectes Gropius et Schmieden, de Berlin, par le jury composé
de MM. Ferstel, Nikolaï et Rachdortf. Les façades sont traitées
en Renaissance italienne, la grande salle rectangulaire est ornée
de peintures décoratives et de médaillons consacrés aux grands
musiciens.
Le coût total du nouveau Gewandliaus est de 1,350,000 marks.
Italie. — Le concours ouvert à Rome pour le monument à
Cavour vient d’etre jugé; c’est le projet de M. Galletti qui a été
choisi. Au dessous de la statue, sur le devant du piédestal, un
groupe : Rome capitale; surles cotés, deux figures, VAction et la
Pensée; sur la face postérieure un lion tenant les écussons
réunis de Rome et de Turin. Ce monument, en bronze, granit
et marbre, aura 19 mètres de hauteur.
Autriche. — Un concours a été ouvert récemment à Vienne
pour l’érection d’un monument à la mémoire des victimes de
l’incendie du Ring-Theater, et les projets des 28 artistes qui y
ont pris part sont exposés en ce moment au Künstlerhaus. Il y
a beaucoup de talent dépensé dans les œuvres exposées, mais
le caractère y manque quelquefois ; le projet, dont la devise est
llumanitas, est particulièrement réussi et produit une grande
impression.
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LE NOUVEL ATHÉNÉE DE BRUXELLES
On vient de démolir entièrement la façade de l’ancien refuge
de Villers rue du Chêne, sur l’emplacement duquel on doit con-
struire le nouvel athénée. Cela dépasse les bornes de la plaisan-
terie !
Nous avions toujours cru, comme tout le monde, que si l’on
avait imposé à l’architecte M. Dekeyser la façade que l’on sait,
par un caprice étrange que nous avons vivement critiqué il
y a quelque temps, c’était pour utiliser ce spécimen d’archi-
tectureLouis XVI, dontl’ordonnancegénérale et surtout la porte
d’entrée ne manquaient pas de mérite, mais dont le caractère
convenait peu, on l’avouera, à un athénée du XIXe siècle.
Aujourd’hui qu’on démolit le tout, nous ne comprenons plus
l'imposition de ce style. Nous avons autant que personne le
respect des vestiges de l’architecture des siècles passés, mais
nous trouvons que l’œuvre dont il est question ne valait pas la
peine qu’on lui sacrifiât la façade d’un monument aussi impor-
tant que le nouvel athénée de Bruxelles.
Il n’est pas trop tard pour éviter cette faute et pour donner
à cet édifice, auquel on va consacrer plusieurs millions, une
façade qui indique mieux sa destination et qui soit plus en
rapport avec notre époque.
(1) Les deux premiers ne sont donc pas compétents ? Pourquoi les
nommer alors ?
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Le nouvel Hôpital de Molenbeek-Saint-Jean
On a inauguré, il y a environ un mois, le nouvel hôpital
de Molenbeek-Saint-Jean ; les articles élogieux publiés à cette
occasion par nos confrères de la presse quotidienne, nous avaient
inspiré le vif désir de nous rendre compte par nous-même
des mérites et des qualités exceptionnelles de ce monument.
Nous y avons été reçu par notre confrère, M. C. Delplace,
architecte et conseiller communal, qui en a dressé les plans et
dirigé les travaux avec un zèle et un désintéressement dignes
d’éloges, abandonnant, au prolit de l’œuvre d’humanité réalisée
par la commune, les honoraires auxquels il aurait pu prétendre.
L’hôpital de Molenbeek, destiné à recevoir environ 160 ma-
lades des deux sexes, a une surface bâtie de 3,400 mètres
carrés et n’a coûté pour la construction que 290,000 francs;
aussi appartient-il à cette catégorie de bâtiments élevés
avec une telle préoccupation d’économies exagérées qu’ils
n’ont rien de commun avec l’art architectural. La façade vers la
rue a seule été l’objet de quelque étude; si elle n’offre rien de
bien remarquable, elle ne présente en revanche aucun motif
sérieux de critique.
L’entrée se trouve dans la rue Vanden Bogaerde, l’une des
rues latérales à droite du boulevard Léopold IL A front de la
rue un bâtiment comprenant caves, rez-de-chaussée et un
étage, contient les bureaux de l’administraiion, la pharmacie
avec un petit laboratoire, l’habitation du directeur, le loge-
ment des infirmiers, etc.
Un couloir, à toiture vitrée d’un système de construction
fort primitif, conduit à un deuxième bâtiment dans lequel
sont installés : au rez-de-chaussée, les salles de consultation de
visite, d’opérations, le vestiaire, le dépôt de linge et de vête-
ments, les cabinets pour les bains avant l’admission à l’hôpital ; à
l’étage, six chambres pour les accouchées et leurs infirmières qui
se trouvent ainsi placées justement au-dessus des salles
d’opérations et de visite, dans toutes les conditions voulues pour
recevoir directement les miasmes et les émanations souvent
putrides qui se dégagent de ces salles.
Un second couloir semblable au premier, à droite duquel
sont très sommairement installées les chaudières à vapeur
servant au chauffage de tout l’établissement, conduit aux
locaux spécialement destinés aux malades.
La disposition générale de ceux-ci est conforme aux print-
cipes généralement admis pour les hôpitaux à pavillons isolés.
Les pavillons au nombre de huit sont rangés parallèlement
par groupes de quatre de chaque côté d’un jardin, au centre
duquel est placé le bâtiment contenant la cuisine et ses
dépendances, dont l’installation, un peu à l’étroit, nous a paru
cependant suffisante et assez complète.
Deux longs promenoirs à toiture vitrée, en rampe du
sud-est au nord-ouest et passant à droite et à gauche de ce
dernier, relient entre eux et avec la cuisine les quatre pavillons
de chaque groupe; ceux-ci,à l’exception du dernier de chaque
groupe, n’ayant pas d’étage, et l’espace laissé entre eux étant plus
large que leur hauteur, l’air et le soleil peuvent y pénétrer
suffisamment.
Chaque pavillon se compose :
1° D’une chambre rectangulaire aux coins arrondis, cubant
environ 1,000 mètres cubes et destiné à recevoir 16 malades;
elle est largement éclairée, sur les longs côtés, au sud-est et
au nord-ouest, par une série de fenêtres ordinaires et, au bout,
les unes vers le sud-ouest, les autres vers le nord-est, par une
très large baie vitrée ;
2° De deux chambres pour malades isolés, d’un cabinet de
bains et de water-closets placés de chaque côté du vestibule
d’entrée.
Croyant isoler ces derniers, l’architecte a laissé entre eux et
le reste du pavillon un espace de moins d’un mètre qui, pro-
longé à travers la toiture, coupe celle-ci d’une façon disgra-
cieuse tout en n’atteignant pas le but proposé. Il est évident
que cette courette de 1 mètre de largeur sur 3 mètres de pro-
fondeur sera très mal ventilée et deviendra bientôt une cause
d’insalubrité. On aurait pu, nous paraît-il, sans augmenter
aucunement la dépense, éviter la mauvaise impression que
produit cette entaille et isoler plus efficacement les cabinets
d’aisance en les plaçant, entre les pavillons, le long des pro-
menoirs par lesquels on y aurait eu facilement accès.
Ces promenoirs, à cause surtout de leur système de con-
struction trop sommaire, de leur toiture et de leur paroi
vitrées, ont un aspect pauvre qui donne froid au visiteur et qui
doit impressionner péniblement les malheureux qui sont obligés
de recourir à l’hôpital ; il eût été certainement facile de leur
donner à peu de frais un air moins misérable. De plus, ces
grandes surfaces vitrées sont cause que, l’hiver, la température
de ces promenoirs est, quoi qu’on fasse, de beaucoup inférieure
à celle des salles, et, l’été, malgré le grand nombre de châssis
qu’on pourrait ouvrir dans les parois verticales, ce qui pro-
duira inévitablement des courants d’air, ils constitueront
toujours de véritables serres. Il sera donc constamment
dangereux de se promener dans ces promenoirs.
Nous avons dit, qu’a l’exception du dernier de chaque
groupe, les pavillons n’avaient pas d’étage; ces deux derniers,
sont en effet, surmontés, comme après coup, d’un étage pris
en majeure partie dans un comble à la Mansard; c’est à peine
s’il a 3m,50 à 4m,00 de hauteur. C’est là, dans de véritables
mansardes insuffisamment éclairées par des lucarnes circulaires
de 0m,80 de diamètre et quelques fenêtres-tabatières ména-
gées dans la toiture, qu’on a relégué, comme des pestiférés,
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les pauvres diables atteints de maladies contagieuses.
Les avait-on oubliés? Et n’aurait-on pas pu assigner des
locaux plus convenables et plus salubres à ces malades qui,
autant si pas plus que les autres, ont besoin d’air pur et
méritent toute sollicitude ?
On avouera que cette installation étrange constitue un
défaut capital auquel il est urgent d’apporter un énergique
remède, avant l’arrivée des fortes chaleurs; il sera impos-
sible de résister sous ces plombi, quels que puissent être
les mérites d’un système quelconque de ventilation artificielle.
Le chauffage de tout l’établissement se fait au moyen de deux
chaudières à bouilleurs tubulaires ; la vapeur est conduite,
par des tuyaux en fer à paroi très épaisse, dans les différents
locaux où elle circule dans des conduits cylindriques garnis
d’un très grand nombre d’ailes qui augmentent considérable-
ment la surface de chauffe.
Nous avons pu constater que ce chauffage donne les meil-
leurs résultats et permet d’atteindre, en cas de besoin, des
températures très élevées; mais, pour être complet, il devrait
chauffer aussi les promenoirs vitrés dans lesquels il faisait très
froid.
La ventilation des salles de malades ne nous a pas paru
aussi satisfaisante que le chauffage : l’air nouveau, venant de
l’extérieur, est introduit par une série d’ouvertures, placées sous
chaque fenêtre et dont la section à l’intérieur (le registre régu-
lateur était entièrement ouvert) est environ le quadruple de la
section vers l’extérieur, ce qui évite une vitesse trop grande,
atténuée encore par des plaques de percussion qui forcent l’air
frais à faire un circuit.
L’air vicié est évacué par quatre gaines, de section ample-
ment suffisante, placées aux angles arrondis de la salle et dans
lesquelles l’appel est fait par des foyers au gaz; mais les
orifices sont, selon nous, placés à trop grande distance du sol,
pour que l’air des couches inférieures qui, plus que tout autre,
est chargé de miasmes, soit assez souvent renouvelé. De plus,
au moment de notre visite, les foyers au gaz ne brûlaient pas
et le courant avait lieu en sens inverse : l’air extérieur avait
accès dans la salle par les gaines devant servira l’évacuation,
et celle-ci ne pouvait avoir lieu que par une ouverture pratiquée
dans le plafond; elle devait être incontestablement insuffisante.
L’installation de la ventilation, celte chose si importante
dans un hôpital, est donc, à notre avis, foin d’être complète et
ne nous a pas paru sérieusement étudiée; il fallait évidemment
multiplier les orifices d’évacuation, de manière à en avoir un à
côté de chaque lit de malade; les placer le plus bas possible,
dans le pavement même, et faire entrer l’air frais par le haut.
L’hôpital de Molenbeek-Saint-Jean témoigne des vifs senti-
ments d’humanité qui animent i’édilité de cette pauvre et popu-
leuse commune, qui s’est imposée de lourds sacrifices pour
réaliser une œuvre d’urgente nécessité; il fait honneur au
dévouement de notre confrère M. G. Delplace qui a su mener
cette œuvre à bonne fin ; si son installation est loin d’être
idéale, on ne peut lui contester quelques qualités et l’on doit
surtout tenir compte de l’excessive médiocrité des ressources
dont il disposait.
Nous devons ajouter aussi que rien, dans cette construction,
ne motive les éloges pompeux de certains de nos confrères de
la presse quotidienne qui nous avaient paru quelque peu
extravagants.
NÉCROLOGIE
Nous apprenons la mort de M. Désiré Sauvage, architecte à
Lille, président de la Société régionale des Architectes du Nord
de la France.
Nous prenons une pari bien vive à la perte que viennent
d’éprouver nos confrères français.
M. Sauvage était architecte agréé pour les travaux publics,
membre de la commission départementale des bâtiments civils,
administrateur des écoles académiques de la ville de Lille,
vice-président delà commission d’assainissement des logements
insalubres.
Il a exercé très honorablement sa profession pendant 35 ans
et il a exécuté un grand nombre de travaux importants, tant
pour les communes que pour les particuliers.
Tous ses collègues sont unanimes à reconnaître les qualités
rares qui le distinguaient; sa parfaite intégrité et la rectitude
de son jugement lui avaient valu d’être très souvent choisi comme
expert par les tribunaux, dans les affaires les plus délicates.
La Société des Architectes, dont il était l’un des fondateurs,
et qui l’avait appelé trois fois à la présidence, perd en lui un
de ses membres les plus capables et les plus dévoués; aussi
emporte-t-il avec lui l’estime générale et les sincères regrets,
non seulement de ses confrères, mais encore de tous ceux qui
ont été en rapport avec cet homme de bien.
FAITS DIVERS
Un de nos confrères, M. E. Serrure, architecte communal à
Saint-Nicolas, membre protecteur de la Société Centrale d’Ar-
chitecture, vient d’être l’objet d’une manifestation flatteuse de
la part de ses concitoyens, à l’occasion de son jubilé de vingt-
cinq années de services comme professeur de la classe d’archi
tecture à l’Académie de cette ville.
Un grand nombre de personnes assistaient à la fête qui a eu
lieu dans la grande salle de l’Académie.
Divers objets lui furent offerts, notamment son portrait et
son buste, par ses élèves et ses anciens élèves.
La Société Centrale d’Architecture s’est associée à cette
manifestation en adressant un télégramme de chaleureuses
félicitations à notre sympathique confrère. |