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L’ÉMULATION.
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coins de verdure que la fièvre de bâtir partout, d’utiliser le
moindre espace, a si parcimonieusement marchandé à beau-
coup de nos villes modernes, mais qu’Anvers a encore le
bonheur de posséder ; nous voulons parler de la brasserie et
malterie du Lion, rue Coeberger ; elle a attiré notre attention
nons eulement par sa conception assez originale qui dénote
la large part prise par l’architecte, mais surtout par l’excep-
tion faite en faveur de notre confrère Hompus, qui en a fait
les plans contrairement aux usages qui consistent, presque
toujours, à se passer de notre concours pour ce genre de con-
struction.
Il est vrai que le propriétaire de cette brasserie avait tout
lieu de se féliciter d’avoir précédemment confié au même
architecte la construction de sa maison d’habitation située
non loin de là, rue des Petits Coqs (Saint-Laurent). Cette
maison, plutôt de campagne que de ville, est bien conçue,
mais nous n’en aimons pas le genre d’architecture trop
symétrique, trop classique (le mot n’est peut-être pas tout
à fait juste), qui convient mieux aux maisons de ville.
C’est dans cette partie de la ville, rue Durlet, que s’est
construit, à la suite d’un concours qui a eu beaucoup de suc-
cès, il y a quatre ou cinq ans, le nouvel orphelinat de garçons
qui constitue l’œuvre capitale parmi celles élevées jusqu’ici
par nos estimables concitoyens L. et H. Blomme.
L'Emulation, qui publie actuellement cet orphelinat, aura
l’occasion, sans doute, de s’en occuper plus spécialement que
nous pourrions le faire dans cette revue, que nous devons
borner à de rapides appréciations d’ensemble.
C’est aussi à la suite d’un concours que M. Ernest Dieltjens
fut chargé d’ériger, rue Lozanne, l’hospice de vieillards.
Cette construction, en style ogival du xvie siècle avec
pignons en gradins, en briques de Boom et pierre blanche, a
beaucoup de caractère (2); c’est une œuvre jeune et forte qui
restera une des meilleures de notre heureux confrère, auquel
l’on doit aussi les plans de l’orphelinat de filles, rue Albert
Grisar, dont nous aimons beaucoup la disposition simple et
commode. Les façades, surtout la façade principale avec son
pavillon central de formes très tourmentées, nous plaisent
moins, quoique nous leur reconnaissions volontiers de l’ori-
ginalité et du goût.
Le gouvernement vient de charger M. E. Dieltjens de
l’étude de la nouvelle gare d’Anvers ; ce choix heureux nous
donne l’assurance de voir faire de cette gare, à laquelle, nous
assure-t-on, on donnera une importance capitale, un monu-
ment digne de notre artistique cité. Nous croyons cependant,
étant donnés les beaux résultats de concours dont les quelques
monuments que nous venons d’examiner sont de frappants
exemples, que le gouvernement aurait pu, comme cela s’est
du reste presque toujours fait à Anvers, s’adresser par la
voie d’un concours public à tous les architectes du pays.
Ce système, le seul équitable, a été suivi non seulement
par l’administration communale d’Anvers pour le Palais de
justice et le nouveau Musée dont nous attendrons l’achève-
ment pour nous occuper, mais surtout par l’administration
des hospices pour ses deux orphelinats, son asile de vieillards
et pour l’hôpital.
C’est dans ce dernier concours que Louis Baeckelmans
obtint la première prime et fut chargé d’exécuter ce projet ori-
ginal comprenant des infirmeries de forme circulaire qui
souleva des discussions si nombreuses et si intéressantes il y
a une dizaine d’années.
La mort vint le frapper avant qu’il eût pu mettre la main à
l’œuvre; l’exécution fut confiée à ses anciens élèves, MM. Jules
Bilmeyer et Jos. Van Riel, qui apportèrent, dans l’étude des
plans d’exécution et des détails qui n’étaient qu’esquissés,
toutes les ressources de leur féconde imagination ; dans celle
des systèmes de chauffage et de ventilation — question de la
plus haute importance dans un hôpital — ils utilisèrent tout
ce que la marche incessante et rapide du progrès moderne
mettait à leur disposition.
L’hôpital d’Anvers, réserves faites du système d’infirmeries
circulaires encore en discussion aujourd’hui, peut être consi-
déré, tant au point de vue de la facilité des services et de
(2) Nous sommes heureux de nous trouver en communion d’idées avec
notre honorable correspondant. L’Emulation a égalementpublié VI» année,
pl. 48 à 52, les plans et façades de l’hospice de vieillards.
(Note de la Rédaction.)
l’hygiène qu’au point de vue artistique, comme un modèle du
genre (3).
Nous ne voudrions pas terminer cette trop rapide revue
des , œuvres remarquables d’architecture si nombreuses à
Anvers sans dire un mot de l’escalier de l’hôtel de ville que
nous devons à l’ancien architecte communal Dens. Lorsqu’on
y pénètre par l’entrée rue des Orfèvres, la première impres-
sion est bonne : ce mélange de marbres blanc et noir, ces boi-
series curieuses, ces cuivres, ce riche plafond aux robustes
sculptures, forment un ensemble somptueux et bien décoratif,
mais on est bientôt désillusionné par la lourdeur parfois
grossière des détails : ces couronnements de portes aux
masses informes, ces cariatides disproportionnées qui les
encadrent, ces figures de musiciens ambulants mal bâtis qui
supportent le plafond sont-elles bien la reproduction d’anciens
éléments flamands? S’il en est ainsi, mais nous en doutons,
on aurait mieux fait de s’inspirer d’une meilleure époque de
la renaissance flamande.
*
Et, quand nous aurons signalé les maisons récemment
construites dans l’ancienne ville par MM. Blomme, notam-
ment celle place de Meir, n° 7, l’hôtel Van Put, rue Neuve,
dans lesquelles nous retrouvons les mêmes qualités que dans
les autres œuvres de ces architectes que nous avons eu l’occa-
sion de signaler plusieurs fois au cours de cet article, quand
nous aurons cité la maison avenue De Keyser, n° 56 de
M. J.-J. Winders qui a montré ici qu’en restant simple il
peut faire bien ; une autre encore, rue Mercator, de notre
jeune confrère Carreels, d’ordonnance et d’allure plus mo-
destes que In ’t Valkennest, nous croyons avoir donné, saine-
ment et conciensieusement, notre humble avis sur la plupart
des monuments et habitations dignes d’attention qui ont été
élevés à Anvers depuis un quart de siècle, dans lesquels on est
heureux de constater un incontestable et progressif réveil de
l’art architectural, nous croyons avoir rempli scrupuleuse-
ment la mission délicate que notre Direction a bien voulu
nous confier.
(A continuer.)
CONCOURS
Concours de la Société des Architectes anversois
a Société des Architectes anversois a donné cette
année, un pavillon de pilotage, comme sujet de son
concours biennal, et elle a été bien inspirée si l’on
en juge par le nombre et la valeur des projets
exposés. Parmi les i5 envois il en est peu qui
soient faibles et, chose rare, il n’y en a pas un qui soit ridi-
cule. Le jugement dont le procès-verbal a déjà paru dans
l’Émulation a généralement été accueilli favorablement, mais
comme dans tous les concours passés, et l’on peut ajouter har-
diment comme dans tous les concours futurs, il se trouve un
certain nombre de concurrents qui prétendent avoir été sacri-
fiés injustement.
Il est impossible qu’un jugement réponde au sentiment de
tous ; aussi ne nous occuperons-nous pas de savoir si le projet
classé quatrième méritait mieux que sa place et si celui venant
en seconde ligne devait avancer au premier rang, comme le
veulent les uns, ou ne pas être primé du tout, comme le pré-
tendent les autres. A notre avis les quatre projets primés sont
certes au-dessus de la moyenne et aucun des autres ne peut
leur être préféré.
Le projet ayant obtenu la première prime et qui a pour
auteur M. Franz Devestel est traité avec une sobriété qui a
dû contribuer beaucoup à le maintenir au rang qu’il occupe.
Si l’étude du plan laisse à désirer en plus d’un point, par
contre les façades donnent bien l’idée d’un édifice tel qu’un
pavillon de pilotage. Elles sont conçues dans une renaissance,
flamande en certains endroits, italienne ou plutôt florentine
(3) Dont feraient bien de s’inspirer nos nombreux confrères chargés
de construire des hôpitaux à Louvain, à Saint-Josse-ten-Noode, à Ander-
lecht, dans la plupart des communes de l’agglomération bruxelloise et
pour lesquels le choix de l’architecte n'a pas toujours été bien heureux.
(Note de la Rédaction.) |