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IÆ PIIIXUKSEIR, «Jeudi Bf> Novembre fi 840,
sure, pour rendre superflu tout autre commentaire. Voici ces pièces :
RAPPORT AU ROI.
Sire,
Dans l'état actuel des lois et réglements qui concernent les bourses
de commerce, l'admission des effets publics du payset de l’étranger sur
ta cote officielle dépend exclusivement de l’arbitrage des chambres syn-
dicales.
CeLLe faculté, pour ainsi dire illimitée, de coter toute espèce de va-
leur, a donné naissance à l’agiotage sur les actions des sociétés indus-
trielles et, par suite, aux nombreux abus qui, en portant atteinte à
beaucoup de fortunes privées, ont tant contribué à discréditer ces so-
ciétés, à en dénaturer le but, enfin à fausser et à affaiblir l’esprit d’as-
sociation si éminemment utile en lui-môme.
A défaut des réglements nécessaires,ilarriva que l’action préventive,
que le code réserve à l’administration, put aisément être éludée.
Le gouvernement ayant refusé à plusieurs compagnies de se former
en sociétés anonymes, elles adoptèrent diverses autres formes, et, grâ-
ce à la faculté attribuée aux chambres syndicales, les actions des socié-
tés non autorisées furent aussi admises à la bourse.
Des dispositions restrictives ne pourraient, malheureusement, remé-
dier au passé; mais elles n’en seraient pas moins utiles pour l’avenir.
D’après le projet que j’ai cru devoir formuler, il ne serait permis dé-
sormais aux chambres syndicales des agents et courtiers, de coter un
effet public quelconque qu’avec l’assentiment préalable du gouverne-
ment.
M. le ministre de la justice, que j’ai consulté sur la légalité de cette
mesure, a reconnu qu’elle rentre complètement dans les droits du gou-
vernement.
Cette mesure serait donc conforme à la légalité, à l’intérét général, et
à l’intérêt bien compris des sociétés elles-mêmes. C’est avec la convic-
tion que son utilité sera appréciée par l’opinion publique, que j’ai l’hon-
neur de soumettre le projet d’arrêté ci-joint à 1a sanction de Votre Ma-
jesté.
Le ministre de l’intérieur,
Liedts.
LEOPOLD, Roi des Belges,
A lous présents et à venir, salut.
Vu l’article 11 de la loi du 28 ventôse an IX, ainsi conçu :
« Le gouvernement fera pour la police des bourses et, en général,
pour l’exécution de la présente loi, les réglements qui seront néces-
saires. »
Vu les art. 71,72,75 et 90 du code commerce ;
Vu les réglements particuliers des diverses bourses du royaume ;
Sur le rapport de notre ministre de l’intérieur.
Nous avons arrêté et arrêtons :
Art. Dr Dans le mois, à partir de la publication du présent arrêté, les
chambres syndicales transmettront à notre ministre de l’intérieur la
liste de tous les effets admis actuellement à la cote officielle de la bourse
près de laquelle elles exercent leurs fonctions.
Cette liste, arrêtée par notre ministre de l’intérieur, sera publiée par
le Moniteur.
Art. 2. A l’avenir, et à partir de la publication du présent arrêté, les
effets publics et autres susceptibles d’être cotés à la bourse, tels que ti-
Ires, obligations ou actions émises par des gouvernements étrangers,
par des compagnies, sociétés, établissements publics ou particuliers,
villes, communes, communautés, soit du pays, soit de l’étranger,à l'ex-
ception des effets publics émis par l'Etat, ne pourront plus être cotés
officiellement sans l’autorisation de notre ministre de l’intérieur.
Art. 5. Notre ministre de l’intérieur pourra s’il y a lieu, retirer l’auto-
risation de coter l’une ou l’autre des valeurs déjà portées sur la liste offi-
cielle ou qui y seront portées dans la suite.
Art. 4. Tout agent de change ou courtier qui aura contrevenu aux
dispositions du présent arrêté pourra être suspendu et même destitué.
Art. S. Notre ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du pré-
sent arrêté, qui sera inséré au bulletin officiel.
Donné à Bruxelles, le 15 novembre 1840.
(Suivent les signatures.)
FR.4ACE.
Paris, 17 novembre. — La Chambre des Pairs a commencé aujour-
d’hui la discussion de l’adresse en réponse au discours du trône.
(t'oit plus bas.)
La commission de l’adresse de la Chambre des Députés s’est réunie
â onze heures du matin. Elle n’est restée que deux heures en séance.
On dit que M, Dupin a été nommé rédacteur de l’adresse, mais qu’il a
fait des difficultés pour accepter cette tâche délicate et difficile.
(Correspondance.)
— Le Messager dément, au nom du ministère, deux faits importants
dans les termes que voici :
« On lit dans la Gazette d'Augsbourg que le cabinet français ne don-
nera pas de suite à l’organisation des nouveaux régiments d’infanterie
et decavalerie, et on rapporte à ce sujet une conversation deM. Guizot
avec plusieurs ministres étrangers.
« Le fait et la conversation sont également controuvés. »
— Le Times publie une circulaire adressée, dit-il, par M. Guizot aux
agents diplomatiques français près les cours étrangères.
Cette publication esttout-à-fait inexacte.
— Des bruits de diverses natures se répandent ce matin dans Paris,
et deux faits assez caractéristiques les rendent fort vraisemblables. Ces
deux faits sont une baisse de près de 1 francà Tortoni, avant l’ouver-
ture de la bourse, et un article du Journal des Débats dont nous parle-
rons tout à l’heure.
Les bruits sont que le gouvernement vient d’ordonner une nouvelle
levée sur la classe de 1854, la mobilation complète de la garde nationale
et la formation de trente nouvelles batteries d’artillerie.
Ces mesures sont, dit-on, la réponse à la note de lord Palmerston de
la part d’un ministère qu’on accuse de vouloir la paix à tout prix.
Maintenant un mot sur l’article des Débats. On sait que ce journal qui
est aujourd’hui l’organe avoué du pouvoir, ne fait pas étourdiment et
àl’aventure des manifestations guerrières; eh bien ! ce journal qui avait
attendu jusqu’à ce jour pour dire son avis sur la note du 2 novembre,
déclare aujourd’hui que le gouvernement français fera la guerre aux
puissances si celles-ci essayent d’enlever l’Egypte à Méhémet-Ali. 11
soutient que la limite posée par la note du 8 octobre doit être opiniâ-
trement maintenue, parce que la politique officielle de M. Thiers était
bonne, si les fanfaronades de scs journaux étaient détestables.
h Nous ne voulons pas de la paix à tout prix, dit le Journal des Débats,
car nous sommes maintenant en mesure de faire une guerre politique,
c’est-à-dire une guerre en vue de l’équilibre européen et non pas une
guerre en vue d’une révolution intérieure. » (Corresp.)
et presque la satisfaction d’un chasseur qui raconte ses prouesses sur
le gibier. Habitué, depuis vingt ans, à se jouer de sa vie et de la vie des
autres, il envisageait la mort avec sang-froid. On ne pouvait, n’est-il
pas vrai, trouver un sujet plus «agréable» pour faire les études que
nous projettions?
Mon ami répondit à cette question, quelque peu américaine, par un
mouvement de tête et un murmure monosyllabique.
L’étranger reprit :
— 11 fut résolu que l’exécution aurait lieu dans l’intérieur de la pri-
son. Le schérif déclara qu’il donnerait son agrément à toutes les disposi-
tions que la loi ne défendait point. On fit venir de la faculté de Pensyl-
vanie une batterie voltaïque neuve formée de deux cents paires d’après
la méthode de Wollaston. Enfin on choisit un comité de vingt-deux per-
sonnes, parmi lesquelles je me trouvais, pour opérer et pour surveiller
les opérations.
Cependant Cobler ne savait pas encore quel jour il devait subir sa
peine. Quand ce jour fut venu, j’accompagnai le président du comité
dans la prison du condamné, avec lequel nous eûmes une conversation
sur des choses indifférentes. Il paraissait assez paisible, et se prêta de
bonne grâce à remplir d’airsortant de ses poumons unefiole que le pré-
sident ferma le plus hermétiquement possible. Le pouls de Cobler, que
j’interrogeai, en faignant de donner la main au malheureux, marquait
quatre-vingt pulsations par minute. Il se plaignait d’un léger mal de
tête.
— C’est le défaut d’exercice et de grand air qui en est cause, dit-il
avec un sourire forcé; bientôt je prendrai le grand air.
Je sentis, pendant que cette pensee lui advint à l’esprit, son pouls
marquer tour à tour cent dix-sept pulsations. Son cœur battait avec tant
de violence que l’on aurait pu en compter les mouvements à travers
l’étoffe de sa veste.
Ce fut en ce moment que le greffier entra et lut à Henri Cobler l’ar-
rêt du schérif qui fixait au lendemain l’exécution. Le condamné pâlit,
ses traits se décomposèrent; un frisson convulsif qu’il cherchait à repri-
mer parcourut tous ses membres; ses pieds se crispèrent si violemment
que l’un des souliers de toile qu’il portait se creva. Toute la nuit qu’il
passa en prières avec le ministre, une fièvre ardente le dévora. Le len-
demain matin, quand il parut sur l’échafaud, il avait vieilli de dix ans.
La fatale plate-forme s’abattit le 20 décembre à deux heures dix-sept mi-
nutes. Quelques mouvements qui ressemblaient S des efforts semani-
Pliysionomie «le la presse française.
Les actes du ministère du 1” mars sont toujours l’objet delà polé-
mique des journaux de Paris à propos de la note de lord Palmerston ;
les uns continuent à lesdéfendre et les autres cherchent à en tirer parti,
aux dépens de M. Thiers, en faveur du nouveau cabinet.
Le COURRIER FRANÇAIS, le SIECLE et le CONSTITUTIONNEL, ré-
pondent aujourd’hui à l’article que le Journal des Débats publiait hier
pour gourmander le Constitutionnel de l’opinion qu’il émettait relative-
ment a quelques petites réformes dans la loi électorale. Les deux pre-
miers s’étonnent de ce que la feuille du château se soit si fortement élevée
contre une réforme si modérée, qu’elle aurait l’assentiment de la grande
majorité de la chambre. Le troisième, le Constitutionnel, s’exprime ainsi:
« En signalant le progrès que fait parmi les opinions modérées l’idée
de la réforme électorale, nous n’avons pas menacé la Chambre, nous
l’avons avertie; nous avons constaté un fait, rien de plus. Les rensei-
gnements sur lesquels nous nous sommes appuyés, et que le Journal
des Débats révoque en doute, ne seront pas aussi légèrement traités par
les députés eux-mêmes, qui, mieux que d’autres, sont en position de
connaître le sentiment de la majorité des citoyens.
Le SIECLE publie aussi le petit article suivant, qui, comme on le
verra plus bas, répond directement aux accusations insidieuses de la
Presse contre le cabinet du le mars :
« Plusieurs journaux affectent de répandre les bruits les plus invrai-
semblables sur les travaux et les discussions de la commission de l’a-
dresse, et toujours dans un sens défavorable au dernier cabinet, qui
craindrait, disent-ils, la révélation de ses actes, la communication des
documents, etc. Il est inutile d’avertir le public de l’intention dans la-
quelle ces bruits absurdes sont propagés. Ceux qui veulent se former
un jugement exempt d’erreur et de partialité doivent attendre la dis-
cussion. »
La PRESSE : « Nous avons rapporté hier, dit ce journal, les bruitsqui
circulaient au sujet des délibérations de la commission chargée de ré-
diger l’adresse de la chambre des députés. On sait que les deux mem-
bres qui défendent le ministère de M. Thiers s’opposent à la production
d’un certain nombre de pièces qui seraient de nature à jeter un
grand jour sur la marche des négociations. Aujourd’hui, nous avons
entendu raconter des détails d’une telle gravité, que nous n’y ajoute-
rons pas foi avant d’avoir sollicité de nouveaux renseignements. Est-il
vrai qu’une partie de ces pièces ait disparu du ministère des affaires
étrangères, et qu’il soit devenu impossible au nouveau cabinet d’en
donner à la commission une communication officielle ? Le fait est sé-
rieux et mérite une réponse. »
Le JOURNAL DES DÉBATS se décide à rompre le silence sur la note
de lord Palmerston et s’efforce de persuader qu’il n’éprouve aucun
embarras à dire ce qu’il en pense.
Cette note perd pour lui une grande partie de son importance, parce
que son langage est adressé, non au ministère actuel, mais à M. Thiers.
Faisant donc abstraction du ton leste et cavalier qui y règne,il s’expri-
me ainsi :
« Nous ne concevons pas en quoi elle pourrait embarrasser le gou-
vernement français. Le gouvernement français a marqué dans la note
du 8 octobre le terme au-delà duquel il ne fera plus aucune concession.
Il maintient, nous en sommes convaincus, cette déclaration. La note
du 8 octobre a fait en Syrie toutes les concessions que la France pou-
vait faire, afin de n’en avoir plus aucune à faire en Syrie. Qu’importe,
nous le demandons,en présence de cette déclaration, une thèse de droit
public plus ou moins bien soutenue par la chancellerie anglaise sur le
pouvoir que le sultan a de destituer les pachas dont il n’est pas con-
tent ! »
Le gouvernement français et le parti constitutionnel ont cependant,
selon lui, une chose à faire, simple, mais difficile pourtant, c’est de re-
prendre les choses où elles étaient le ]<•«• août 1849, au moment où le trai-
té a été connu, avant que M. Thiers eût gâté la situation.
« L’honneur et le salut du pays dépendent, dit-il, delà manière dont
le gouvernement et les chambres sauront dire à l’Europe : Les trois
mois qui viennent de s’écouler sont comme non avenus quant aux fan-
faronades des journaux et à l’agitation des carrefours. Ils ne comptent
que pour les armements qui sont faits et que nous maintenons. »
Le MESSAGER s’efforce de rassurer les esprits en présentant la situa-
tion comme considérablement améliorée depuis l’avénement du nou-
veau ministère.
Le COMMERCE déclare que toute la question d’Orient consiste dans
Tacceptation ou la non acceptation du traité du 15 juillet. L’acceptation
pure et simple sans l’indépendance nettement formulée des possessions
accordées au vice-roi d’Egypte ne peut pas être autre chose que l’aban-
don de nos intéréts, le triomphe de l'Angleterre et la perte de l’Egypte.
Le COURRIER DE BORDEAUX, dans sa correspondance deParis,parle
delà majorité qui s’est formée dans la chambre des députés,non pas pour
le ministère, mais pour la paix, comme devant d’autant moins se dis-
soudre, que peu sympathique pour les personnes; elle adhère fortement
aux principes qu’il s’agit aujourd’hui de faire prévaloir. Mais il pense
qu'on ne sacrifie momentanément au nouveau cabinet tous les ressen-
timents que la conduite de quelques-uns de ses membres inspire, que
pour compter plus sévèrement avec lui dans quelques mois.
« Nous avons, dit-il, ensuite peu de chose à ajouter à la lettre de no-
tre correspondant de Paris, pource quiconcerne la politique intérieure.
La majorité du ministère n’est pas ministérielle; la position est forcée,
la majorité est systématique malgré elle, et de crainte d’avoir pis, elle
votera beaucoup de choses qu’elle sait mauvaises. Jamaisle grand pays
de France n’a été réduit à une position aussi fatale et aussi honteuse.
— Non ! pas même sous le directoire !
On remarquera que la note par laquelle lord Palmerston signifie à M.
Guizot, qu’aucune puissance n'a le droit de s'interposer entre la Porte-
Ottomane et son vassal, pour régler la portion plus ou moins grande de
ses domaines dont elle veut lui confier l’administration, ce qui veut dire
qu’on laissera exécuter la déchéance de Méhémet-Ali que les puissances
avaient paru improuver jusqu’à présent.
Cette note en arrivant à Paris en même temps que la nouvelle des nou-
veaux armements de l’Allemagne, rend assez gauche le rôle du minis-
tère français. La paix est une excellente chose. Mais le Cabinet doctri-
naire, pour ressaisir le pouvoir, s’est exposé à nous faire payer la paix
un peu cher ; à dire vrai, il obtient ses portefeuilles par dessus le mar-
ché ! »
Chambre des Pairs.
Séance du 17 novembre.
PRÉSIDENCE DE M. LE CHANCELIER PASQLTER.
On remarque au banc des ministres MM. Duchàtel, Teste, Martin (du
Nord), Soult, Guizot. M. le chancelier baron Pasquier s’assied au fau-
teuil à 1 heure et demie. La séance est ouverte à 1 heure trois quarts.
M. le duc d’Orléans est assis à côté de M. le duc Decazes.
m. bartiie donne lecture du projet d’adresse en réponse au discours
du trône :
« Sire,
* En approchant de votre trône, le premier besoin delà chambre des
pairs est de rendre grâce à la Providence qui, après avoir protégé, il y
a peu de jours, votre personne sacrée contre un horrible attentat, vient
de donner, par la naissance de votre petit-fils le duc de Chartres, un
nouveau gage de sécurité pour l’avenir de nos institutions.
» La France, se reposant avec confiance sur les dispositions dont les
Etats de l'Europe n’ont cessé de répéter les assurances, donnait un libre
essor à cet esprit d’entreprises et de travaux pacifiques favorable au dé-
veloppement de la richesse publique et au bonheur des nations lorsque
des événements graves sont venus altérer une harmonie qui paraissait
si bien établie. Dans de telles circonstances, Votre Majesté a résolu d’a-
vancer l’époque de la session des chambres : la chambre des pairs la re-
mercie de cette résolution. Sire, vous avez voulu vous placer au milieu
des conseils delà nation et réclamer le concours éclairé des grands corps
de l’Etat, avant d’engager votre gouvernement sur des questions qui se
lient à tous les intérêts de la patrie. Le traité conclu entre l’empereur
d’Autriche, la reine de la Grande-Bretagne, le roi de Prusse, l’empereur
de Russie et la Porte ottomane, pour régler les rapports du sultan et du
pacha d’Egypte, et les actes dont il a été suivi, ont déterminé V. M. à
prendre des mesures qui permissent à la France d’observer, avec une
entière liberté d’action, le cours des événements en Orient. Sire, la po-
litique de votre gouvernement, pendant dix années, a concouru effica-
cement à préserver l’humanité de ces conflagrations qui suspendent le
progrès de la civilisation, et dont les peuples subissent long-temps les
funestes conséquences ; mais la dignité d’une nation, c’est la vie même;
et nous savons combien la dignité de la France est chère au cœur de
son roi : les Français se lèveraient à votre voix et seraient prêts à tous
les sacrifices plu tôt que de conseil tir à l’abaissement de leur patrie. Tou-
tefois, nous l’espérons, une politique juste et désintéressée prévaudra
dans les conseils de l’Europe, et le maintien de l’équilibre entre les puis-
sances préviendra des nécessités devant lesquelles la France reculerait
d'autant moins que son gouvernement aurait fait tout ce que l’honneur
permettait pour les lui épargner.
» Votre Majesté a manifesté, dans toutes les circonstances, l’intérêt
qu’elle portail à l’Espagne. La France s’associe à ses vœux pour la sta-
bilité du trône de la reine Isabelle II et des institutions qui lui servent
de base. Ce serait avec douleur que nous verrions cette ancienne alliée
de la France, à peine échappée aux horreurs de la guerre civile, livrée
au fléau de l’anarchie.
» L’envoi de nouvelles forces navales, pour obtenir la juste satisfac-
tion demandée à la république argentine, prouve que la protection de
votre gouvernement s’étend sur tous les points où sont engagés des
intérêts français.
» La valeur de nos soldats s’est de nouveau signalée en Algérie dans
plusieurs expéditions que le succès a couronnées. Deux de vos fils en
ont partagé les périls; la France connaît depuis long temps leur dé-
vouement et leur patriotisme. La Chambre des Pairs compte sur la
constance des efforts de votre gouvernement pour garantir la sûreté
et la prospérité de nos établissements en Afrique.
» La loi du budget et les dispositions relatives aux charges inatten-
dues imposées au pays, seront l’objet d’un sérieux examen. Si l’équili-
bre entre les recettes et les dépenses doit être momentanément rompu,
nous aimons à penser que les soins d’une administration sévère et
éclairée parviendront bientôt à le rétablir.
» La Chambre des Pairs examinera avec le même soin les autres lois
que Votre Majesté ordonnera de lui présenter ; mais nous ne pouvons
différer de la remercier de sa vive sollicitude pour les populations que
de grands désastres viennent d’atteindre, nous accueillerons avec em-
pressement les propositions qui nous seront faites à ce sujet.
» La tentative insensée dont la ville de Boulogne a été le théâtre, a
prouvé combien les factions se trompent sur les sentiments de la
France. La garde nationale, l’armée, la population entière ont rivalisé
de zèle et de dévouement.
» Sire, les passions anarchiques n’ont pas été découragées par leur
impuissance. Elles se sont efforcées d’entretenir une agitation favora-
ble à leurs criminels projets. Elles ont même tenté d’égarer à leur pro-
fit les nobles susceptibilités d’une nation généreuse. L’exécution ferme
et persévérante des lois existantes, est le premier devoir du gouverne-
ment. Les lois ne doivent jamais sommeiller. Les libertés publiques
elles-mêmes se trouveraient compromises, si des attaques répétées con-
tre les principes inviolables de la Constitution et contre les bases sur
lesquelles la société repose, parvenaient à troubler la conscience publi-
que et à ébranler la foi du pays dans son avenir.
» Sire, les épreuves qui vous ont été imposées n’auront servi qu’à
faire éclater l’amour et la reconnaissance des Français ; ils ont partagé
les angoisses de votre auguste famille ; ils savent que toutes vos pen-
sées sont pour la France! La Chambre des Pairs, dévouée à votre dy-
nastie nationale, est toujours heureuse de vous offrir son concours
pour l'accomplissement de la grande mission que la Providence vous
a donnée. »
m. de dreitx-brêzé, premier orateur inscrit, prend la parole. L’ora-
teur, après avoir déclaré que les circonstances sont trop graves pour
qu’il vienne faire une opposition violente, s’élève contre le traité du 15
juillet, qui nous exclut, dit-il, du conseil des Rois, qui prive la France
du degré d’influence qui lui appartient dans les affaires du monde.
Il eût voulu que le lendemain de la communication de ce traité, le gou-
vernement eût envoyé une flotte à Alexandrie et une armée sur le Rhin ;
car l’honneur, s’écrie M. de Dreux-Brézé, n’est pas seulement pour la
France le premier des sentiments c’est aussi le premier des intérêts.
L’orateur attaque le cabinet du l«r mars qu’il accuse d’avoir compro-
mis la politique française à l’extérieur et d’avoir laissé les factions se
développer à l’intérieur. Upasseen revue le mémorandum de M. Thiers,
et la note du 8 octobre. Rien, dit-il, dans ces deux documents ne res-
semble à une protestation. M. Thiers s’est contenté de transformer la
question dont il a fait une question égyptienne.
m. le baron ch. DiuuN s’élève contre cet aveugle esprit d’opposition
qui ne recule pas devant l’idée de sacrifier les intérêts de 32 millions
d’Occidenlaux aux intérêts de 2 millions d’Orientaux. Dans une suite
de sages raisonnements, que l’heure avancée ne nous permet pas de
reproduire, il dégage complètement de la question égyptienne la ques-
tion d’honneur national.
L’orateur démontre que la guerre est aussi à craindre pour l’Angle-
terre que pour nous. Rappelant ce qui s’est passé dans les meetings te-
nus à Birminghan, l’orateur regrette qu’au lieu de s’associer à ces no-
bles manifestations, nos grandes cités telles que Lyon, Rouen, n’aient
fait entendre que des chants sanguinaires. On a, poursuit l’orateur,
étrangement abusé de ce mot d’équilibre européen. Par uneaberration
bizarre, c’est sur les intérêts de l’Egypte que l’on a placé la paix du
monde ; c’est pour l’Egypte que l’on ne craint pas de compromettre
l’honneur, le sang et l’avenir de la France.
Quand l’orateur a parlé des millions sacrifiés par le dernier cabinet,
M. Peletde la Lozère a demandé la parole.
m. le comte de MONTAi.EMBERT déclare à la tribune, qu’il vient défendre
| testèrent ; à deux heures vingt minutes, l’âme de Cobler était devant
■ son créateur.
Le médecin américain rapporta ensuite diverses observations sur la
| manière dont le sang se glace dans un cadavre tué de mort violente,
j Trois minutes après l’exécution, le pouls donnait cent quarante pulsa-
! tions ; puis il battit durant deux minutes deux cent quarante fois ; la
cinquième et la sixième minutes en amenèrent trois cents ; il y en eut
cent cinquante-cinq à la septième : à la huitième il n’y avait plus rien.
Les deux auditeurs du docteur américain se regardèrent avec épou-
vante et se demandèrent par un coup-d’œil muet comment il s'était
trouvé des hommes assez dévoués à la science pour faire de semblables
études.
Il reprit après une courte pose, et avec le môme sang-froid que s’il
eût parlé de l’opéra de la veille:
— Quant au cœur, pendant quatre minutes ses bruits devinrent
sourds, mais rien ne dérangea leur rhythme ; ensuite on les entendit
reprendre de la force ; il n’y avait plus de bruit appréciable à la dou-
zième minute.
Il faut faire {grâce aux lecteurs à qui ceci ne parait déjà peut-être que
trop horrible. Mais le titre les a prévenus de ce qu’ils trouveraient dans
ce feuilleton, et qu’ils se tiennent pour avertis que la suite n’a rien de
moins hideux.
Lorsque le corps fut descendu de l’échafaud, quarante-sept minutes
après l’exécution, on le porta dans une pièce voisine, sur une table iso-
lée avec de la cire. On coupa la corde ; on établit au moyen d’une per-
foration de la tranchée artère, une respiration artificielle, et l’on plaça
deux pôles de la batterie électrique, le positif sur le côté gauche duco’l,
le négatif sur la septième côté gauche. Je frissonnai d’horreur.monsieur !
Car tous les organes de la respiration tressaillirent : le nez se dilata, lu
poitrine se gonfla, les lèvres s’ouvrirent et s’agitèrent ! J’entendis dis-
tinctement l’air entrer et sortir des poumons. On changea de place le
pôle négatif ; quand on le posa au-dessous de l’ombilic, le cadavre,mes-
sieurs, semblait avoir retrouvé une existence complète. Une bougie
présentée aux narines fut soufflée par la force de l’aspiration, les bras
s’agitaient, les cuisses et les jambes tremblaient,les paupières s’ent rou-
vraient et laissaient voir un œil vitreux. Enfin, tout-à-coup Cobler, ou
plutôt ce qui avait été Cobler, se dressa sur son séant, étendit les b. as,
releva la tête ; et l’opérateur qui promenait le pôle négatif sur le sujet
recula lui-même d’horreur. On aurait dit que le cadavre ressuscitait.
I Je vous tiens quitte des détails scientifiques et des expériences que le
I comité de Lancastre continua à faire. De haut intérêt pour les hommes
de l’art, ils ne le seraient point pour ceux qui demandent à ces causeries
| du dimanche des émotions ou des distractions. Après deux heures d’en-
tretien, le docteur et son compagnon prirent congédu médecin anglais,
qui racontait des choses si pleines d’épouvante, avec son imperturbable
sang-froid, ses mains blanches, ses joues roses, ses cheveux blonds, et
qui était monté sur l’échafaud pendant une exécution pour mieux étu-
dier les dernières convulsions de cet homme, pour poser sa main sur le
I cœur de l’agonisant, pour en compter les pulsations et les sentir peu à
( peu s’éteindre.
— Vous êtes pâle, mon ami, dit le docteur en sortant.
— On leserailàmoins.Aquoi peuvent servir ces atroces expériences ?
— A surprendre quelques traces du grand secret de la vie, répliqua-
t-il. Dieu ne livre les plus faibles parcelles de ses divers secrets qu’à la
persévérance, au courage et au travail. La science rend cruel. Si vous
saviez à combien d’animaux coûte chaque jour la vie, l'étude des moin-
dres phénomènes de l’organisation. Les caves du collége de France re-
gorgent des victimes de M. Magendie. Il y a là de pauvres chiens qui
meurent de faim, d’autres qui expii ent à demi-disséqués. Dans un livre
que mon célèbre confrère, le docteur Amussai.a publié sur l'introduc-
tion de l'air dans les peines, il y raconte ingénûment que ses expérien-
ces ont accablé de cruelles tortures et tue des milliers de lapins, des
bandes de chevaux, des meutes de chiens et des troupeaux de moutons.
Il est vrai que nous n’allons point encore, comme les Américains, jus-
qu’aux hommes livrés aux bourreaux; nous nous contentons de faire
des amputations en plein amphithéâtre et de professer au chevet des
agonisants. Mais, je vous le répète, la science est à ce prix-là; c’est à
prendre ou à laisser; on n’a point d’autre choix. La fin sanctifie les
moyens. Du reste, croyez-m’en, quelle que soit l’habitude que l’on ait
de pareilles choses, le cœur ne s’y blase jamais. Il faut plus de courage
qu’on ne le croit pour promener le scalpel sur une pauvre créature que
la maladie a frappée, et dont l’existence dépend souvent du sang-froid
avec lequel on opère. Aussi la profession de chirurgien, si noble dans
son but,exige-t-elle une abnégation et un dévouement que le monde ne
soupçonne pas, et pour lesquels il ne se montre que trop injuste.
Nous voici revenus sur le boulevard; reprenez votre promenade et
votre douce flânerie. Moi je vais visiter des malades, entendre des
plaintes et faire des ingrats. S. Henri BERTHOUD. |