Full text |
(N* 8.)
<>Itf S’ABONNE
A Anvers, du bureau dit
P récurseur, ruL* des Fagots,
n. 'ego, où ne trouve une —
boité aux lettres et où doi-
vent «'adresser tous les avis.
Ko Belgique et d l'etran-
chez tous le» directeurs
de* postes.
Pour toute la Hollande
chez Th. Lejeune Libraire E
Édite t à laHaye. .
v a Paris , à l'üHîcerOor-.
rcupoudu nce deLepelletier»
Roiirgriià 'et <*ompà£* y rue
Notre-Dame des Victoire»,
n. 18 ,ouon reçoit aussi le»
a nonce».
LÀ
ANVERS, DIMANCHE 8 JANVIER 1837.
E PRECERSEU
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTÉRAIRE.
(2,l‘° ANNEE.)
PAIX.
LIBERTÉ,
PROGRÈS,
ABONNEMENT.
■Pi»ç ;m ., .. 1-, BO lr.
» 6 mois . ' . 30 »
» 3 » i 15*
POUR LÀ 0ELG1QUB-
. Par 5 mujs . . 18 fr*
‘''^£U»*V“VÉTRANGRR.
Par 3 oiojs . 20 fr.
ARJHTONCIS.
25 eentimès la ligne»
La quatrième page cou—
■acrée aux annonce» , es.
affie-bëe b la bourse d’An ver
et à la bour*e des p.rjnp» ^
pales villes de commerce»
I
8 Janvier 1837.
OUVERTURE DU CANAL DU NORD.
Le projet d’unir ,par un lien naviguable, l’Escaut, la Meuse et
le Rhin est un projet de la plus haute portée, Conçu en partie, il y
a plus de deux cents ans, il n’a pu recevoir encore une exécution
complète, parla faute de divers événéments. Il avait même été en-
tièrement abandonné, lorsqu’il fut ressaisi, au commencement de
ce siècle, par le génie de Napoléon , qui l’agrandit encore , comme
il fesait de tout ce qu’il touchait. Après avoir fait revivre la pros-
périté du port d’Anvers , prospérité depuis si long temps morte, il
avait cherché le moyen de la rendre éternelle, et il avait com-
pris qu’il ne pouvait y avoir de moyen plus efficace, qu’un canal
unissant ce port à l’Allemagne et à la France, par la Meuse et par
le Rhin, en même temps qu’il lui assurerait son indépendance. Le
canal du Nord devait avoir ce résultat. Un décret de 1809 en auto-
risa l’exécution. Les travaux furent commencés à l’instant même
et furent, pendant déux années, poussés avec une très grande acti-
vité. Vers la fin de 1811, ils furent suspendus, à cause de la compli-
cation des choses politiques, et depuis lors ils n’ont pas été repris.
Cen’estcependantpas que, sous la domination hollandaise, onn’ait
Vivement sollicité la continuation et l’achèvement d’une entreprise
qui avait fait concevoir tant d’espérances. Mais, comme à toutes les
époques, les principaux obstacles avaient été apportés par la Hol-
lande elle-même, qui, entrevoyant la ruine des deux ports de Rotter-
dam et d’Amsterdam, avait été jusqu’à faire détruire violemment
les travaux et à s’opposer, les armes à la main, à celte mesure, les
instances les plus pressantes demeurèrent sans effet ; le gouverne-
ment d’alors repoussa l’offre de la province d’Anvers qui lui avait
prdposé de sc charger, à ses propres frais, de l’entière exécution de
ce Canal.
Aujourd’hui qu’il n’existe plus d’empêchements de ce genre, que
le gouvernement belge peut consulter l’intérêt direct delà Belgique,
sans être arrêté par la considération des intérêts de la Hollande, et
que d'ailleurs l’exécution de ce canal serait bien venue dans les pays
qui y sont particulièrement intéressés, en Prusse et en France, le
moment semble être arrivé de voir enfin se réaliser ce projet dont
les bons résultats pour notre commerce et pour notre industrie ne
sauraient être douteux.
C’est maintenant l’objet de bien des vœux individuels et de plu-
sieurs demandes communes. Une pétition que nous publions vient
d être, à ce sujet, adressée à la Chambre des Représentants, par le
Conseil municipal de Venloo. Déjà le conseil provincial d’Anvers et
celui du Limbourg avaient, à propos de la canalisation et de l’irri-
gation dé là Campine, manifesté le désir de voir le Gouvernement
et les Chambrés prendre les mesures nécessaires, pour le prompt
achèvement et l’ouverture du Canal du Nord. Ils considéraient l’ex-
istence de celle voie nouvelle comme le moyen le plus propre à
rendre productifs les terrains vagues et arides de celte région, qui
off re un triste contraste avec la plupart des autres parties du Roy-
aume , remarquables par la richesse de leur fécondité.
« Votre commission , disait au conseil provincial du Limbourg,
l’honorable M. Bontamps, pense que l’ouverture du canal du Nord
répondrait essentiellement à ce but, et que peu d’entreprises pour-
raient offrir plus d’avantages et pour l’intérêt général, et pour ce-
lui des deux provinces qu’il traverse. Ce canal, conçu sur de gran-
des dimensions , réunissant l’Escaut à la Meuse et au Rhin, fourni-
rait au port d’Anvers la communication la plus directe avec l’Alle-
FEUILLETOX
VISITE Z>E BONAPARTE AUX PVTKASmïES DE GIZSH.
ÉPISODE DE LA CAMPAGNE d’ÉGVPTE.
Il nous souvient d’avoir lu , dans un volume de ces mémoires fabriqués à la
vapeur, des détails extraordinaires sur cet incident assez léger de l’occupation
égyptienne. L’auteur, qui se nomme, à ce que nous croyons , M. A. de Beau-
chainps, y racontait avec un sérieux parfait comment Bonaparte .jaloux d’agir
par le merveilleux sur les imaginations orientales, avait trouvé le bel expédient
de réunir dans l’une des Pyramides de Chéops las cheyks, les imans et le muphti
du Caire ; puis, aux lueurs de mille flambeaux et en lace de la foule, d’ouvrir
bous ces voûtes séculaires une controverse religieuse et biblique, dans laquelle
les docteurs de la loi musulmane auraient été complettement battus.
Entre mille impossibilités , il en existe malheureusement une qui ruine
d’emblée la version : c’est que le caveau sépulcral le plus vaste de toutes les
Pyramides n’a guère que vingt pieds carrés , dont une portion est envahie par
le sarcophage de granit. Donc en supposant que Bonaparte se fût décidé à pé-
nétrer , autant sur les mains cpie sur les pieds , dans ces cavités méphitiques^
domaine depuis des siècles , d’une légion de chauvesouris aux ailes visqueuses
et à l’odeur de musc , il est évident qu’il n’y eût pas trouvé l’espace nécessaire
pour l’appareil d’une conférence théologique et d’une comédie religieuse. Il y
n plus : Bonaparte n’a jamais pénétré dans l’intérieur d’aucune Pyramide. Une
foi s seulement , escorté d’un état-major mi-partie de savans et d’officiers su-
périeurs , il alla saluer et voir de près les Titans de grès qui gardent la lisière
du désert lybiquc. Voici les détails de cette excursion dans toute leur sincérité
anecdotique. Ils sontde M. Geoffroy Saint-Hilaiie,qui les raconte avec une fraî-
cheur d’idées et une grâce d’expressions inséparables des souvenirs dejeunesse.
Il était du pèlerinage; écoutons-le :
La chose se passait dans les premiers mois de l’occupation. Le rayon des
Pyramides était encore infecté alors de nomades Arabes qui poussaient leurs
maraudes jusque sous les remparts du Caire, et massacraient ou pillaient les
explorateurs isolés. La prudence commandait donc quelques mesures défensi-
ves. On prit une cinquantaine de guides, qu’on embarqua sur des djermes, la
crue du Nil se trouvant alors à son maximum. D’autres barques furent mises à
la disposition des membres de l’institut et de la commission des sciences et
arts , qui tous s’empressèrent de profiter d’une occasion commode et sûre.
Bonaparte composa lui-même le personnel de sa djerme, et, pourbien constater
le caractère scientique de cette excursion, il n’y admit guères que des savans :
Monge, Berthollet, Costaz, Fourrier, Gcoffroy-St-llilaire, Gloutier, Purseval-
Grandmaison, Caffaielli, Berthier, Denon, Dommartin et quelques autres.
Le trajet par terre fut court; la navigation fut longue, à cause di s cou-
des du fleuve et de son lit incertain au milieu de la1 campagne inondée. Pour
utiliser le temps , Bonaparte jeta , comme il le fesait souvent , au milieu de
l’entretien, une question ardue d’économie politique. Cette science, qui venait
de naître sous les prolégomènes lumineux d’Adam Smith , comptait alors
parmi les esprits d’élite des enthousiastes passionnés. Caffareli était du nom-
bre. Il s’occupait autant d’économie politique que de génie , et songeait pmt-
être davantage au développement des richesses d’Egypte qu’à ses moyens dj
lemagne et la moins coûteuse; il contribuerait en même tems, plus
que tout autre entreprise , 'au bien-être et à la fertilisation de la
Campine. »
Tels nous semblent être en effet les avantages qui doivent résul-
ter de l’ouverture du canal du Nord, et nous partageons tout à fait
en cela l’opinion émise par la commission que le conseil provincial
du Limbourg avait chargée d’examiner le projet relatif à la canali-
sation de la campine. Nous aussi, nous croyons qu’il serait opportun
de terminer cette grande entreprise, pendant que les circonstances
le permettent, et que ce doit être un des premiers actes par lesquels
il convient que la Belgique signale la conquête de son indépen-
dance, parce que cet acte est un indice même de cette indépendance
et qu’il est de nature à l'affermir. |
Au reste, comme le remarque fort bien le rapporteur de la com-
mission , les frais d’exécution ne pourraient être considérables. En
effet, il existe une communication par eau de Lierre à Anvers ; la
partie du nord comprise entre Looscn et Neder weert a été emprun-
tée pour le canal de Maestricht à Bois-le-Duc ; il ne reste à achever
que la partie de Lierre par Herenthals jusqu’à Loosen, et celle de
Nederweert jusqu’à Venloo. La première a un développement d’en-
viron quatre-vingt-dix kilomètres et la seconde en a un de trente
cinq kilomètres seulement. Une {partie des terrains sont la propri-
été de l’État, et beaucoup de travaux de terrassement ontdéjàété faits.
Il n’est d’ailleurs pas douteux que lestroisprovincesd’Anvers, du
Limbourg et de Liège, plus spécialement intéressées à l’exécution
de ce canal, s’imposeraient des sacrifices, s’il le fallait, pour aider
le gouvernement à terminer une entreprise si avantageuse, pour le
pays entier, mais principalement pour elles.
Tant de motifs conuuaudent celte mesure , qu'il est à croire que
le gouvernement et les chambres se décideront à écouter les deman-
des qui leur sont adressées, et que la pétition suivante ne demeure-
ra pas sans résultat.
A LA CHAMBRE DES REPRÉSENT ANS,
Messieurs !
Au mois de mai 1831 les habitans de la ville de Venloo adressèrent une pé-
tition au Congrès national pour demander l’ouverture du Canal du Nord ,
projette et même en partie exécuté par le Gouvernement français.
Cette pétition fut accueillie avec une faveur plus qu’ordinaire, et les cir-
constances difficiles du moment seules, empêchèrent le Congrès d’y donner
suite.
Organe «lésés concitoyens, le conseil communal de la ville de Venloo estime
qu’aujomd’hui que la Belgique est fortement et solidement constituée, et que
le développement extraordinaire qu’ont pris sou industrie et son commerce
qui pour atteindre leur ailtiqne splendeur s’attendent plus que l’ouver-
ture de communications nouvelles, qui les mettront à même de verser leurs
produits avec célérité et économie sur les marchés étrangers, ces motifs ont i
cessé d’exister et que le moment est venu pour vous adresser la même demande
d’autant plus, que la chambre est actuellement saisie de deux projets de loi ,
présentés pur sept de ses honorables membres, ayant pour but de consacrer une
somme très considérable a l’ouverture de lignes navigables nouvelles.
Il est hors de contestation Messieurs, qu'aucune autre voie de communication
de l’espèce à établir en Belgique ne pourrait offrir autant d’avantages sous tous
les rapports que celle que nous avons l’honneur de vous proposer, et que nulle
ne pourrait en même temps être établie à moins de frais, proportionnellement
à son développement et à ses dimensions.
En effet, joignant l’Escaut à la Meuse et celle-ci au Rhin par une ligue na-
vigable de grande dimension, le Canal du Nord mettrait le commerce d’Anvers
et celui d’une grande partie de la Belgique, en relation directe et peu dispen-
dieuse avec l’Allemagne, ce grand centre de consommation, et attirerait eu
retour dans nos ports de mer, les nombreux produits de son industrie desti-
nés pour les {wys d’outremer, qui prennent aujourd’hui tous, les voies de Ham-
bourg, de Brème et des ports de la Hollande.
défense. Bonaparte; qui n’aima jamais les économistes, cherchait tous les pré-
textes possibles pour le taquiner là-dessus.
Cette fois, il prit thème d’un plan de Caffarelli, qui tendait à faire profiter
les fermiers de la plus-value que leurs méthodes de perfectionnement attribue-
raient au sol qu’ils auraient cultivé. Ainsi, celui qui aurait changé une lande
en prairie ne se trouverait pas , en fin de bail. avoir travaillé pour un autre.
Sur ce problème et sur ses applications à l’agriculture égyptienne, s’engagea un 1
beau et vif débat oû Bonaparte se montra aussi hérissé de causticité subtile et
de verve d’objections que Caffarelli d’argumentation suivie et profonde. On
trompa ainsi les heures, et, quand on aborda, il n’y avait point de vaincu.
L’aspect des Pyramides, vues à quelques distance, n’était pas ce que nous
l’imaginions dans nos admirations vagues et préconçues. On n’est pas d’abord
saisi de surprise , écrasé de terreur. Au contraire, quand de loin on les regarde
ou n’y voit guères qu’une butte assise sur une base quadrangulaire. Les formes
anguleuses et inclinées du monument, semblent l’abaisser et le dissimuler. C’est
seulement à leur pied, et par un travail do comparaison , que l’on peut sentir
et comprendre l’importance colossale des Pyramides. On ne les voit si grandes
qu’en se voyant si petit. Bonaparte et ses compagnons furent eux-mêmes les
jouets de cette illusion d’optique.
Pour s'habituer aux proportions des tombeaux de Cheops, il leur fallut la sû-
reté du coup-d'œil géométrique et la promptitnde du calcul mental ; ils sondè-
rent pour ainsi du e les^profoiideurs de ces larges assises disposées comme autant
d’échelons vers le ciel, tinrent compte de cette inclination progressive et har-
monieuse qui trompait la vue , relevèi eut tous ces angles respectés par le tems,
et posèrent un chiffre sur le sommet de cette aiguille qu’ils n’avaient point at-
teint encore.
Ce fut Bonaparte qui donna le signal de l’escalade. « Qui monte le premier
en haut ? » s’écria-t-il ; et à cette seule parole , savans , officiers , généraux
s’élancèrent à la fois. En tète de tous était Monge , la cravate en sautoir , la
gourde-d’eau-de-vie en bandoulière. Jeune, malgré son âge, échevelé , ruisse-
lant de sueur, il gravissait avec une vivacité charmante les assises pyramidales.
Derrière lui venaient Costaz, Berthollet, Gloutier, Parsevnl, Berthier, Geoffroy-
Ssint-flilaire et une foule de jeunes officiers de l’état-major. C’était une prise
d’assaut dont les ombres des vieux Pharaons s’indignèrent sans doute. Quanta
Bonaparte, il était demeuré en bas de la Pyramide , animant son monde de la
voix et du geste, ou discutant encore avec Caffarelli, que sa jambe de bois pri-
vait du plaisir de l’ascension.
Cependant les assises étaient dures à gravir, soit à cause de leur nombre ,
soit à cause de leur hauteur ; le soleil était ardent, lajchaleur intolérable. Aussi
les moins intrépides se rebutèrent-ils à mi-chemin. Berthier fut du nombre.
Ayant rencontré Geoffroy-Saint-llilaire . il l’arrêta : « Ah ! ca, lui dit-il, nous
fesons là un métier de mousses! Que vous en semble ! si nous nous arrêtions.
Je suis excédé. * Geoffroy lui objecta l’honneur d’avoir gravi un monument
célèbre? « Bah ! insista berthier, nous dirons à Paris que nous avons grimpé
jusqu’au sommet, et s’ils ne le croient pas, ils viendront le voir. Qu’en pensez-
vous? » Par “complaisance, Geoffroy céda , et les voilà l’un et l’autre redes-
cendant une à une les assises qu’ils venaient de gravir ; mais il était dit que le
pauvre Berthier n’en serait pas quitté à si bon compte. A peine Bonaparte
l’eut-il appercu, que,se doutant de la supercherie, il lui cria: « Eh bien ! Ber-
thier , déjà de retour ? Le cœur vous manque, mon garçon! Ah! je devine,
Inutile de développer les avantages immenses qui en résulteraient pour la
Belgique et pour son industrie. Vous êtes trop éclairés, messieurs, pour ne
pas apprécier ces conséquences. Vous l’êtes trop aussi, pour que la construction
du chemin de fer d’Anvers à Cologne avec une destination analogue pourrait
arrêterjvotre détermination un seul instant. N’est ce pas en effet un des premier»
principes d’économie politique, et des plus incontestables, que la multi-
plicité et la facilité des communications qui font naître les relations* et l’ex-
périence n’a-t-elle pas démontré, que là où des canaux et des routes existaient
l’établissement de chemins de fer à côté de ces communications , n’a» nullement,
diminué l’importance du mouvement dontelles étaient’antérieuremeiit l’objet.
Il est de plus à observer , quelle Canal joignant le Rin près de neuf lieues
plus bas. serait plus à même ae servir aux transports de tous le pays situé au
dessous de cette ville.—Il traverserait le cercle riche et industrieux de Crefeld,
pour joindre le Rhin presque vis-à-vis de Dusseldorf, la capitale du ci-devant
grand Duché de Berg , lo centre le plus actif de l’industrie de la Prusse rhéna-
ne.
Aussi le simple fait que la question de l’ouverture du Canal du Nord a été
agitée dans la dernière session du conseil provincial du Limbourg, a excité l’in-
térêt do ce pays a tel point que déjà à Dusseldorf il se forme une société ano-
nyme pour demander au gouvernement Prussien la concession de la partie dix
Canal qui traverse son territoire , pour le cas oû la Belgique so déciderait à
achever lo restant de cette grande et belle entreprise.
Vous apprécierez de plus , Messieurs , combien les difficultés que le gou-
vernement prussien met à la construction de son territoire du chemin de fer
d’Anvers à Cologne devront influer sur la résolution que nous vous deman-
dons , d’autant plus que ces difficultés paraissent insurmontables.
Ici se présente l’objection que le gouvernement prussien ne serait pas dis-
posé davantage à accueillir favorablement la proposition de la jonction de
l’Escaut au Rhin, par le moyen d’un canal, mais il est à observer, que le motif
principal, qui jusqu’à présent n fait rejetter ou ajourner indéfiniment en
Prusse toutes les demandes en concessions de chemin de fer, à l’exception d’uu
seul , le monopole de la poste , n’existe pas pour les canaux, et de plus ta cir-
constance que près des doux tiers des dépenses de celui à ouvrir sont déjà fai-
tes, exercerait sans doute une grande influence sur la décision.
En effet d’après les devis estimatifs de l’administration des ponts et chaus-
sées de France, la «omme totale de la dépense du canal de jonction delaMeuso
au Rhin devait être de fr. 0,0)1,564. 24 et celle réellement employée au mo-
ment de l’abandon des travaux étaitde fr. 3,900.047. 30 de sorte que pour cetto
section le restant de la dépense à faire ne serait que de fr. 2,110,716. 94 dont
environ la moitié seulement incomberait à la partie prussienne, par le grand
nombre de travaux d’art nécessaires dans la partie belge de la Meuse à la fron-
tière de Prusse, quoiqu’ayant infiniment moins de développement.
En sus des avantages énormes et incontestables que le canal du Nord pro-
curerait au grand commerce, qu’il contribuerait éminemment à l’activité do
nos ports de mer et de notre marine marchande,il établirait une voie de com-
munication intérieure des plus utiles que la Belgique possède. — Traversant
dans leur plus grande largeur les arides bruyères de la Campine , il donnerait à
une masse énorme de terrains vagues une valeur inconnue jusqu’à présent.
Une population active et laborieuse s’établirait bientôt sur ses bords , et pro-
curerait à ce pays privé de communications, un moyen facile pour l’écoulement
de ses bois, sans valeur jusqu’à présent, et pour se procurer des engrais do
l’étranger, principal et presqu’oniquo moyen de défrichement des bruyères,
ce canal contribuerait plus que toute autre entriprise à la fertilisation de ce»
vastes landes dont la Campine est composée, et qui forment un disparate aussi
extraordinaire avec les autres parties riches et populeuses de la Belgique sil-
lonnées de routes et de canaux dans toutes les directions , tandis que la mal-
lieu reuse Campine en est restée presqu’entièrement privée jusqu’à présent.
Ainsi en accueillant favorablement la demande que nous nous permettons
devons adresser, tout en pourvoyant aux grands intérêts du pays, vous ferex
un ucte de justice envers une partis considérable de la Belgique, dont les ha-
bitans pauvres et ciairsémés sur le sol ingrat qu’ils habitent, ont donné millo
preuves de dévouement à la chose publique , et d’un patriotisme qui ne s’est
jamais démenti un seul instant, nonobstant qu’eux seuls aient perdu jusqu’à
présenta l’établissement de l’ordre actuel des choses.
Comme moyen de communication intérieure, la section du canal du Nord
comprise entre l’Escaut et la Meuse, aurait encore une bien grande importance-
par ses deux embouchures dans cette dernière rivière, à quinze lieues de dis-
tance l’une de l'autre, la première au point de jonction principal vis-à-vis de
Venloo et la seconde près de Maestricht, au moyen du canal deJIois-le-Duc ,
auquel il se réunirait à Loosen. — Il établirait ainsi une communication di-
recte entre tous les pays riverains de la Meuse et les porte d’Anvers et d’Ostendo
ainsi que toutes les contrées intermédiaires. — Il rendrait en même temps à la
mon pauvre ami ! Elle n’est pas en haut de la Pyramide, mais , parole d’hon-
neur , elle n’est pas en bas non plus. * Berthier n’entendit même pas les der-
niers mots de la phrase. A peine eut-il compris le sarcasme de Bonaparte ,
qu’il sc tourna vers Geoffroy : « Allons, plus de paresse , voisin ; il m’attend
là-bas pour m'accabler ; remontons. « Et ils remontèrent.
Pour saisir la valeur de l’apostrophe de Bonaparte, il faut savoir que le pau-
vre Berthier était venu en Egypte avec une blessure incurable dans le cœur.
A Milan, durant la dernière campagne, il avait connu et aimé Mmc Visconti .
et cette passion italienne obsédait sa pensée. II en avait perdu lo sommeil et
l’appétit. Des premiers il fut atteint de cette nostalgie qui parcourut les rang9
de l’armée ; des premiers il s’habitua à ne voir l’Egypte que comme une terre
d’exil et de larmes. La chose en était alors à ce point que l’on craignait pour
sa raisoç. Dans son logement de la place Ezbekié, il avait arrangé un boudoir,
ou plutôt une chapelle votive, oû, sur une sorte d’autel orné de fleurs, figu-
rait le portrait de son idole. Chaque matin , et avant toute affaire, il s’y enfer-
mait dans une adoration contemplative; de deux heures il n’étaii visible pour
personne. Bonaparte aimait Berthier; il avait tout essayé punir le guérir, rai-
sonnemens, conseils , duretés. Battu dans ces diverses épreuves, il s’était ré-
fugié dans le sarcasme; c’était sa dernière arme. Elle ne guérit pas Berthier;
il fallut le ramener en France après la victoire d’Aboukir.
Cependant l’oscalado de la Pyramide était terminée. Parvenus sur son faît»
tronqué, les officiers et les savans faisaient honneur à la gourde de Monge , et
jouissaient du spectacle que leur offrait la vaste plaine gisant à leurs pieds
dans un rayon de dix lieues. De là , on pouvait suivre les méandres du fleuve
enchâssé dans sa double rive, verte et sinueuse; onjplanait sut le Moquattan %
montagne naturelle , moins haute que cette montagne factice, on voyait la
capitale abaisser devant le regard ses plus hautes coupoles et scs plus hardi»
minarets, tandis que dans un horizon immense, le désert déroulait les ondes
do ses sables qui semblaient battre les dernières assises du monument.
Du haut de l’aiguille séculaire, quel essor dut prendre la pensée dans ce»
cerveaux d’élite! Là , sous leurs pieds, était l’œuvre Ja plus grandiose des bra»
humains, comme constance et comme immensité. Ces mêmes Pyramides,
Diodore en avait compté les deux cent trois assises ; Hérodote avait dit quel
nombre d’aulx et d’oignons furent consommés par les ouvriers qui les bâtirent;
Strabon les avait affectées à la sépulture des rois Pharaoniens ; Pline avait
suppulé les générations qui y employèrent leurs sueurs comme un ciment.
Tout dans l’antiquité, rappelait leur nom et leur gloire ! Qu’on juge si un tel
rapprochement ne dut pas saisir la pensée de nos explorateurs, et si leur ima-
gination ne fut pas travaillée alors deees souvenirs qui semblaient s’etre posés
comme un delta luminieux sur l’aiguille monumentale ?
Bonij arte, demeuré au pied delà Pyramide semble y avoir délaissé le côté poé-
tiquedeson aspect pour s’absorber dans un toisé|géométrique. Les résultats de sa
Yisite, il ne les écrivit que dix-huit ans plus tard , à Saint-Hélène. Les voici :
a La roche sur laquelle est assise celte Pyramide est 130 pieds au-dessus du
Nil, 134 au-dessus du Mekias , 143 au-dessus de la mer Bouge. 173 ou-dessu»
do la Méditerranée. Sur le plateau . ou hase supérieure de la Pyramide tron-
quée , on est élevé de 551 pud< au-dessus de la vallée du Nil, 599 au-dessus de
la Méditerranée. Cette Pyramide a 1,128,000 toises cubes ; ou des pierres pour
faire une muraille de 4 toises de haut, une de large pendant 565 lieues , ou «Ai
quoi ceindre l’Egypte d’El Barothron à Syène, et de Suez à Raphia, en Syrie. |