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1841. —
ANVERS, Mardi 5 Janvier
Sidère Année.
ÜÊ
On s’abonne : à Anvers au bureau
du PRÉCURSEUR, Bourse Anglaise,
N.<* 1040 ; en Belgique et à l’étranger
chez tous les Directeurs des Postes.
JOURNAL POLITIQUE,
COMMERCIAL, MARITIME ET LITTÉRAIRE.
PAIX. — LIBERTÉ. — PROGRÈS.
Abortnément par trimestré;
Pour Anvers, 15 francs ; pour la pro-
vince, 18 frs. ; pour l'étranger,20 fr«k
Insertions 25 centimes pafr igné
BéeJameg 50 ki.
a janrier.
ui. raoi,T:, membre de e’académie eka.v-
ÇAISE.
On nous écrit de Paris, le 3 janvier :
La réception de M. Molé à l’Académie Française est devenue, par
la qualité du récipiendaire et par l’humeur querelleuse de M. Dupin,
une solennité plus politique que littéraire. Tout ancien serviteur de
Tempirequ il a été, tout dévoué qu’il est à la branche cadette des Bour-
bons, M. Molé n’a pas cessé d’être considéré par la caste aristocratique
comme lui appartenant par sa naissance, sa grande fortune et ses al-
liances. Aussi a-t-on, sans étonnement, vu les Mouchy, les Noailles, et
autres grandeurs boudeuses du faubourg Saint Germain apparaître en
nombre inaccoutumé dans la salle de l’Institut. Plusieurs étaient venus
là moins pour honorer le nouvel élu que pour se montrer, que pour
faire, en lieu public, acte de présence, sans trop se commettre avec la
roture littéraire et surtout pour saisir l'occasion d'applaudir, en nom-
breuse assemblée, à l'éloge d'un des membres de l’épiscopat français
dont l’opposition à la famille régnante n’avait jamais été ni dissimulée
ni flexible. Mais M. Molé a mis tant de mesure et d’adresse dans l'é-
loge, il s’est montré si habile à tourner les difficultés du sujet, que ses
auditeurs de qualité n’ont pu saisir l’occasion de faire éclater leurs
véritables sentiments ; il leur a fallu s’en retourner comme ils étaient
venus sans amener le monde parisien à s’occuper d'eux, à s’enquérir
où ils sont et ce qu'ils font ; sans même parvenir à satisfaire leur mau-
vaise humeur par quelque manifestation désobligeante. Pour peu que
celte bouderie continue, elle leur portera malheur; les jeunes femmes
deviendront vieilles sans que le monde ait su quelles aient été jeunes,
belles et riches et toutes les vieilles auront disparu sans que personne
s’en aperçoive et s’en plaigne.
La réponse de M. Dupin, on devait s’y attendre, n’a été ni aussi
adroite ni aussi prudente que le discours de M. Molé. Le ton colère
que M. Dupin a donné à sa voix, naturellement criarde, lorsque, faisant
l’éloge des ayeux de M. Molé, il a rappelé le concours prêté par l’un
d'eux au roi Charles VII pour l’aider à chasser les Anglais du royau-
me, a provoqué une explosion d’applaudissements politiques à laquelle
on était loin de s'attendre en tel lieu et en telle occurence. Les specta-
teurs de tous les rangs, de tous les régimes, de toutes les opinions ont
pris à cette manifestation des sentiments de l’orateur plébéien, une part
si haute, si générale qu’à plusieurs reprises la salle a retenti d’applau-
dissements d’une énergie vraiment effrayante pour les partisans du
maintien de la paix. Le malheureux traité du JB juillet a si cruellement
trompé la confiance des Français en la sincérité des sentiments mani-
festés à leur égard par le gouvernement de la Grande-Bretagne, qu’il
est à craindre que le retour à celle confiance soit désormais impossible.
De ce haut ressentiment national, M. Dupin est descendu à des rancu-
nes générales et moins nobles et par cela même, plus selon son carac-
tère. Il a loué, avec affectation, M. Molé de n’avoir ni lorsqu’il était au
pouvoir, ni après l’avoir quitté, trahi les secrets de l’Etat pour satis-
faire au besoin de sa justification. Celte attaque indirecte contre M.
Thiers absent a soulevé des murmures assez vifs. M. Mignet, ami par-
ticulier de M. Thiers, s’est, plus que tout autre , montré mécontent
de celte inconvenante boutade. Il se propose, dit-on , d’en faire
l’objet d’une réclamation spéciale, la première fois que l’Académie se
réunira, c’est-à-dire, dans quelques jours. Quoique ces réunions aient
lieu à huis-clos, ce qui s’y passe et s’y dit passe facilement, prompte-
ment au-dehors, et les partisans du scandale se rejouissent en pensant
que celui de la séance publique aura des suites plus ou moins divertis-
santes; quand il ne s’agit que d'un assaut de paroles, on sait que
M. Dupin a toute l’ardeur qu’il faut pour monter le premier et com-
battre vaillamment sur la brèche.
FUA.VCIÏ.
Paris, 3 janvier. — Le Moniteur publie une ordonnance datée du 29
décembre qui nomme M.le lieutenant-général Bugeaud, membre de la
chambre des députés, gouverneur-général de l’Algérie, en remplace-
ment de M. le comte Valée, autorisé à rentrer en France.
— Le comte Waleski est arrivé hier à Paris, de retour de sa mission
en Egypte.
FEUILLETON M PRÉCURSEUR.
■J1T3 Gtfna M.LLHSTTS.STJSa.
i.
Ala fin de l’automne de l’année 1838, j’allai me fixer à Sestri diPonento,
petite ville située sur le bord de la mer, entre Pegli et Cornigliano à
quelques lieues de Gènes. ° ’
Cette ville, ou plutôt ce charmant village, qui se mire avec une sorte
de coquetterie dans une mer bleue et presque toujours unie comme un
miroir, et qui semble s’épanouir joyeusement au milieu delà plus riche
campagne et sous le plus beau ciel du monde, ce village sans ruines
sans monuments, sans bibliothèque et sans académie, me promettait un
séjour poétique et solitaire, fort convenable à un philosophe à un écri-
vain, et surtout à un malade.
Quoique malade, j’étais alors occupé à composer un roman historique
sur les chastes amours de Louis XIX et de la noble Génoise Thomassine
Spinola. J’avais fait des recherches parmi les archives de plusieurs cou-
vents voisins de Sestri, pour y découvrir dans les obituaires et les actes
de donations pieuses quelques traces de mon héroïne, qui donna un si
rare exemple d’amour et de vertu, en résistant à la passion de son m-
tendio et en mourant de douleur lorsque le faux bruit de la mort du roi
de France se répandit à Gênes. Je croyais d’ailleurs être mieux inspiré,
dans l’exécution de mon ouvrage, par la vue des lieux que Thomassine
opinola avait habités jadis, et par les souvenirs de la délicieuse villa que
ses descendants possèdent encore à Sestri. C’était donc dans les jardins
de cette villa, ornée et entretenue avec tout le luxe des maisons de plai-
sance italiennes, que je passais des journées entières à lire et à rêver,
au murmure des carcades.et sous l’ombrage des dernières feuilles, qui
semblaient prêtes à se ranimer et à reverdir aux doux rayons du soleil
de novembre.
Un jour, en me promenant sur une terrasse bordée de vases et de
statues, j’aperçus en bas, auprès d’un bassin encadré de marbre blanc
etahmenté par des fontaines qui coulent nuiteljour, j’apereus plusieurs
personnes qui n ’avaient pas l’air de voyageurs de passage, et qui étaient
lü comme des hôtes familiers de la villa, quoique je ne les y eusse pas
encore vus. Ce ne pouvaient être les propriétaires, que je savais absens.
Je m approchai par une espèce d’instinct sympathique plutôt que par
un sentiment de curiosité. Je vis un vieillard et une femme d’un âge
mür, tous deux remplis de cette distinction extérieure qui révèle le
— La commission des fortifications doit se réunir lundi pour s’occu-
per de la question des servitudes militaires. Elle doit entendre encore
M. le maréchal Soult et M. le préfet de la Seine. (Journal des Débats.)
— Hier, avant le lever du rideau, à la Comédie-Française, un specta-
teur placé à la seconde galerie est tombé sur une dame placée à la pre-
mière galerie. La chute a été assez heureuse pour que les deux person-
nes aient pu rester au spectacle.
— On s’entretenait aujourd’hui à la bourse de la nouvelle disparition
d’un agent de change, le sieur H...
C’est hier, dans la matinée, que ce personnage a pris la fuite, se diri-
geant sur Bruxelles. M. le procureur du roi, entre les mains duquel une
plainte a été immédiatement déposée, par une personne dont la fortune
entière était dans la main du coupable, a aussitôt commis un juge d’ins-
truction, et a fait apposer les scellés sur tous les livres, pièces et carnets.
— On écrit de Toulon, le 29 décembre :
Hier, dans la soirée, M. l’amiral Lalande, commandant l’escadre de
réserve de la Méditerranée, a amené son pavillon de commandement;
son remplaçant n’est pas encore désigné. Provisoirement M. le contre-
amiral Hugon a le commandement des deux escadres réunies.
— On écrit de Beims, 31 décembre :
« Cette nuit, vers minuit, un Crime affreux a été commis dans la rue
de Coucy. Depuis quelque temps, le sieur Prévot-Donizet avait Vu sa
femme former une instance pour obtenir une séparationdecorps, auto-
riséejpar de mauvais traitements. Cette infortunée,obligée d’abandonner
l’habitation commune, résistait aux sollicitations de son mari, qui insis-
tait pour venir chez elle.Lorsquequelque nécessité d’affaires l’obligeait
à s’entretenir avec lui,elle avait pris le parti de se mettre à sa fenêtre et
de lui répondre à distance. La nuit dernière, Prévot-Donizot appelle sa,
femme, placeau même instant une échelle contre le murde la maison
se précipite dans la chambre et frappe celle qu’il avait désignée pour
victime d’un violent coup de couteau dans la gorge. H sort, furieux,
égaré, et se rend immédiatementau poste de l’Ilôtel-de-ville, en criant:
«Elle est morte, je l’ai tuée! » Le malheureux a été arrêté.
» On s’est empressé de courir à la demeure de sa femme, on n’a trouvé
qu’un cadavre. Ce matin, on voit au corps-de-garde l’échelle qui était
placée contre le mur, et qui est couverte de sang. »
« P. S. L’infortunée iMnxi Prévot-Donizet est morte presqueinstanta-
nément. Elle n’était âgée que de vingt-quatre ans. Sa petite fille, âgée
de cinq à six ans, jetait les hauts cris sur le corps de sa mère, quand
on a pénétré dans la maison.
— Le prince Louis-Napoléon a adressé la lettre suivante àlord Dudley
Stuart :
« Château dé Ham, 25 décembre.
« Mon cher lord Dudley, connaissant l'intérêt que vous portez aux
Polonais, je voudrais que vous fussiez mon interprète auprès de la per-
sonne, nommée V. W., habitant rue Ducale, St.-James Square, et dont
la jambe a été amputée par suite de blessures reçues à Boulogne. Jelui
envoie provisoirement 1,000 fr. ; mais je voudrais” lui accorder une peti-
te pension jusqu’à ce qu’il se trouve en position de pouvoir obtenir de
l’emploi. Je vous prie donc de me dire comment je devrai lui faire par-
venir l’argent et si réellement il a perdu les secours dont il jouissait
comme réfugié. Dans les deux cas dites ce que je devrais lui donner.
» Je vous demande pardon pour la peine que jevous donne et je vous
prie de recevoir l’assurance de mes sentiments distingués.
« Vous pouvez m’écrire à mon adresse à Ham, département de la
Somme. Signé Napoléon-Louis. »
Hier soir le 3 p. c. français a fortement monté, on faisait 76-95, 77 fr.
et même 77-05 fin courant pour 1500 fr. de rente. Ce matin peu d’affai-
res. On offrait à 77-05 fin courant au Café de Paris. Ce sont les découverts
commencés le mois dernier qui rachètent et font monter les prix. En
politique on ne disait rien de nouveau.
Le mariage de la princesse Mathilde, fille du prince Jérôme et nièce
de l’empereur Napoléon, avec M. Anatole DemidolT, a donné lien à la
protestation qu’on va lire:
« Considérant que Napoléon, empereur des Français élu également
par le peuple français, n’avait pu conquérir et n’avait en effet conquis
que pour le peuple français, le peuple français puissance suprême qui
lui avait légué l’exercice du pouvoir souverain ;
» Considérant que les conquêtes conservées, faites d’abord par le
général français bonaparte, ensuite par l’empereur des Français Napo-
léon. faites pour le peuple français, qui les avait payées de son sang, ap-
partiennent au peuple français;
>> Considérant que l’empereur Napoléon ne pouvait pas disposer d’une
propriété qui appartenait au peuple français ;
i> Considérant que l’épée de François J'-r, conquise pour le peuple
français, est un apanage du peuple français, et que le peuple français a
seul le droit de la regarder comme son bien ;
n Considérant que par son testament olographe fait à Sainte-Hélène,
dans son lit de mort, l’empereur Napoléon a donné l’épée de François
ƒ" au prince Jérôme-Napoléon, son frère; qu’en donnant cette épée
l’empereur Napoléon a donné ce qui n’était pas à lui, et que cette dona-
tion est très certainement l’effet de la maladie de ce grand homme, la
rang social avant d’annoncer la fortune, et qui ne s’acquiert pas en
même temps que celle-ci. L’homme avait quelque chose de glacial et de
sévère dans la physionomie; la femme, offrait la douceur et la tristesse
peintesàla fois sur son visage. Ils causaient à voix basse, en contemplant
une jeune fille assise et immobile dans un fauteuil. Je remarquai alors
cette jeune fille, et je n’eus plus d’yeux que pour elle.
De longues descriptions ne rendraient pas exactement le caractère
gracieux et mélancolique de sa figure et de sa pose : la figure, où la
beauté et la noblesse des traits n’étaient point altérées par une pâleur
mate qui manquait de vie, recevait toute son expression de ses grands
yeux bleus, au regard fixe, pénétrant et suave; la pose, quoique simple
et imprévue, tirait de son abandon même un charme infini et s'harmo-
niait merveilleusement avec l’air d’indifférence complète et de souf-
france habituelle répandu dans toute la personne de cette intéressante
inconnue. Elle avait ia tète penchée, les bras pendants, le corps affaissé
comme par son propre poids; elle ne faisait aucun mouvement, si ce
n’est que par intervalle elle jetait dans l’eau quelques miettes de pain
que les cygnes poursuivaient à l’envi, en passant et repassant devant
elle. A ses côtés,se tenaitdebout le concierge-jardinier de la villa, qui la
considérait en silence ; à ses pieds, s’était placé avec recueillement une
compagne, une sœur peut-être, belle et jeune comme elle, mais non pas
comme elle atteinte d’une maladie incurable. Cette amie essayait parfois
de distraire la pauvre malade, en chantantdes romances françaises bien
lugubres ou bien sentimentales, avec accompagnement de guitare.
Je restai long-temps en observation sans être vu, et je me plaisais à
bâtir dans mon imagination tout un roman intime sur les relations de
ces personnages entre eux; mais le froissement des feuilles sèches sous
mes pas attira l’attention du concierge-jardinier, qui leva la tête et me
salua très humblement, en me donnant de l'eccellenza comme toujours.
Il ne se borna pas à m’avoir découvert et reconnu, car il s’empressa de
me désigner du doigt aux deux jeunes filles, et de me nommer sans
doute, sans omettre aucun des renseignements qu’il pouvait fournir
sur mon compte; car les deux jeunes filles, à qui il s’adressait avec cette
volubilité de paroles et cette vivacité de pantomime qu’on rencontre
partout en Italie, dirigèrent aussitôt leurs regards vers la terrasse où
j’étais. La malade parut s’éveiller en sursaut; elle s’agita dans son fau-
teuil, se souleva deux fois avec effort, et arrêta sur moi ses yeux bleus
qui s’agrandissaient encore en ce moment et s’allumaient ainsi que des
charbons ardents... La lionted’être surpris en flagrant délit de curiosité
m’empêcha de soutenir cette confrontation, et, rougissant comme un
coupable, je m’enfuis avec tant de hâte et de trouble, que j’oubliai sur
le socle d’un vase le livre que j’y avais déposé.
gloire de la France, et dont la devise patriotique fut toujours : Tou
pour le peuple français;
» Considérant que le prince Jérôme-Napoléon possède illicitement l’é-
pée de François Je-, puisque son titre de possession est essentiellement
nul;
» Considérant que le prince Jérôme-Napoléon en mariant sa fille, la
princesse Mathilde, avec M. le comte Jnatole de Demidoff, lui donne,
comme faisant partie de sa dot,ainsi quele constate le contrat demariage,
l’épée de François Dr à la condition que ladite épée appartiendra aux
enfants ou descendants issus de ce mariage, qu’elle appartiendra,l’épée,
à M. le comte Jnatole de Demidoff, époux de la princesse Mathilde ;
« Considérant que M. le comte Jnatole de Demidoff, époux de la prin-
cesse Mathilde, est sujet de l’empereur de Russie; que les enfants ou
descendants issus de son mariageavec cette princesse seront également
sujets de l’empereur de Russie ; que par conséquent, l’épée de Fran-
çois Jcr, par l’abandon qu’en fail le prince Jérôme-Napoléon, tombera ,
en définitive, dans le domaine russe;
« Considérant que l’empereur Napoléon, en se trompant comme il s’est
trompé sur sa faculté de donation, n’à jamais pensé que l’épée Fran-
çois 1er, doublement française et par son origine et par la conquête fran-
çaise, pourrait un jour être léguée à des sujets d’un souverain étranger;
» Je soussigné, citoyen français, de passage à Florence, exerçant un
droit et remplissant un devoir, proteste contre les dispositions du dona-
teur et du donataire de l’épée de François Jcr, et, autant qu’il est en moi,
loin de ma patrie, requiers lé prince Jérôme-Napoléon de restituer cette
arme au peuple français.
» Fait en double original, dont je dépose l’un entre les mains de M. le
ministre plénipotentiaire de France en Toscane, pour servir et valoir ce
que déraison, et dont je remets l’autre au prince Jérôme-Napoléon,afin
qu’il ne puisse pas prendre cause d’ignorance.
« Florence, le 18 décembre 1840.
pons (de l’Hérault.) »
Tribunaux.
Hier matin, deux artistes également célèbres, MM. Haumann et Pa-
nofka, se trouvaient en présence à la barrede la cinquième chambre ; il
s’agissait entre eux de la filiation légitime, contesté par l’un, soutenue
par l’autre, d’un violon attribué à Joseph Guarnerius ; voici dans quel-
les circonstances.
Au mois de novembre 1839, M. Haumann, sur la demande même de
M. Panofka, céda à celui-ci, moyennant 3,000 fr., un violon qu’il garan-
tit être delà facture de Joseph Guarnerius.L’acquéreur enchante s’em-
pressa de montrer à une foule de connaisseurs le violon devenu bientôt
l’objet de son idolâtrie ; mais son ravissement dura peu. Quelques dou-
tes sérieux s’élevèrent sur l’authenticité de l’instrument précieux : de
là une demande en résiliation de la vente. Le 27 mars dernier, intervint
un jugement qui donna à trois experts luthiers la mission de décider
cette grave question : MM. Raimbaux, Lacoste et Sallé déposèrent, le
17juilletsuivant, un rapport dont la conclusion est ainsi conçue :
« Nous avons examiné le violon qui nous a été présenté, portant l’é-
tiquette de Joseph Guarnerius, 1731 :
» Nous déclarons que ce violon est bien de Joseph Guarnerius dans
toutes ses parties...
» Seulement, ajoutent les experts, nous avons remarqué que le vernis
de la table supérieure avait été remis presqu’en totalité, et que l’étiquette
mentionnée ci-dessus n’est pas de l’auteur, ainsi qu’une pièce cassée
adhérente à la table supérieure, là où pose l'âtne. «
Sur les conclusions conformes deM. Mahou, avocat du roi.letribunal,
par les motifs plaidés au nom de M. Panofka, déclare résolue la vente,
ordonne la restitution de la somme payée , sans dommages intérêts, et
condamne M. Haumann aux dépens. (Droit.)
Théâtres. — Pièee» représentées e«i ISIO t
Voici la nomenclature des pièces jouées sur les principaux théâtres
de Paris pendant l’année 1840 :
Jcadémie royale île Musique. — Le Drapier, opéra en 3 actes; les Mar-
tyrs, opéra en 4 actes; le Diable amoureux, ballet pantomime; Loyse de
Montfort, scène lyrique; la Favorite, opéra en trois actes.
Théâtre-Français. — L’Ecole du Monde, comédie eh cinq actes; la Ca-
lomnie, comédie en 5 actes; Cosima, drame; Souvenirs de la marquise
de V..., com. en acte ; Eudoxie, ou le menuisier de Harlem,| com. en
1 acte;Japhet, ou la Recherched’un père,com. en 3 actes; Latréaumont,
drame; le Verre d’Eau, com. en 5 actes.
Opéra Comique. %— La fille du Régiment, op. 1 acte ; Carline, op. 1
acte ; l’Elève de Presbourg, op. ! acte; la Perruche, op. 1 act ; Zanetta,
ou jouer avec le feu, op. 5 acte ; le Cent-Suisse, op. 1 acte ; l’Opéra à la
Cour, op. 3 acte; l’Automate de Vaucanson, op. 1 acte ; la reine Jeanne
de Naples,op. 3 actes; la Rose de Péronue, op. 3. actes.
Théâtre Italien. — Lucrezia di Borgia, op.
Théâtre de le Renaissance. — Les Deux Couronnes, C. 1 a. ; le Mari de
la fauvette, v. ; les Pages de Louis XII, v.; le Jeune Caissier, c. 3 a. ; la
Fille du Cid, tragédie.
Ainsi, l’Académie royale de Musique a donné 5 ouvrages ; le Théâtre-
Français, 5; l’Opéra Comique, 10; le Théâtre Italien, 1; la Renaissance,
5;le Gymnase, 18; le Vaudeville, 22; les Variétés, 24; le Palais-Royal, 23;
la Gaîté, 15;l’Ambigu-Comique, 18; la Porte-Saint-Martin; 8;le Cirque, S,
Deux heures après, au détour d’une allée où je marchais au hasard,
l’âme pleine de pensées rompues et indécises, qui revenaient sans cesse
à cette jeune fille pâle que j’avais vue en quelque sorte ressusciter à
mon nom, je fus tiré de mon soliloque mental par le refrain d'eccellenta
trois ou quatre fois répété âmes oreilles. Le concierge-jardinier de la
villa Spinola m’abordait en me présentant les quelques fleurs qu’il avait
soin de cueillir pour moi tous les jours, et qui me permettaient de rap-
porter aValberqo un souvenir embaumé de ma promenade méditative,
« Signor, me dit-il avec des saluts redoublés, il y a là-dcdausune pe-
tite flore de la part de la signera. » ,
C’était une fleur d’immortelle blanche que la jeune fille pâle (ainsi
que je me la désignais à moi-même) avait voulu ajouter au bouquet que
le concierge faisait pour moi. Je n’attachai aucune idée particulière à
l’envoi de cette fleur, et je le regardai comme une de ces politesses ré-
ciproques que les voyageurs échangent si facilement à la première ren-
contre. Le concierge me raconta que cette jeune personne,appartenant
à une riche famille anglaise, était étique, c’est-à-dire mortellement at-
taquée de ia poitrine, et qu’elle venait de France en Italie pour deman-
der à ce climat bienfaisant une guérison que l’art n’espérait pas à
moins d’un miracle. . . , ,
En rentrant à l’auberge, j’appris que la famille anglaise que j avais
rencontrée à la villa Spinola occupait un logement voisin du mien, et
qu’elle se proposait de rester à Sestri pendant tout l’hiver. Le triste
état de la malade m’avait assez frappé pour que je jugeasse qu’il ne se
prolongerait pas jusqu’au printemps. J’en fis la réflexion devant I’Iiote*
qui me répondit que lord C... n'avait pas l’inlention de lui faire tort et
s’était engagé à payer tous les frais et indemnitésqu’océasiônne la mort
d’un étique en Italie ; car on brûle, par mesure hygiénique, tous les
effets mobiliers à l’usage de la personne défunte, et même, de peur de
la contagion, les murs de la chambre qu’elle habitait sont recrépis à
neuf, les boiseries lavées à l’eau de chaux, le plancher gratté et remis
en couleur, et tout ce qui est fer purifié au feu. Dans la prévision d’un
pareil cas, lord C... avait déposé deux mille francs entre les mains du
curé do Sestri.
Le soir même, je me trouvai face fl face avec lord C... sur le palier de
nos appartements. Nousuous saliiâmesconnne des gens destinés à vi*
vre sous le même toit. Plus avant dans la soirée, j’entendis des sanglots
et des plaintes à travers la cloison qui séparait ma chambre de celle de
la malade. La servante, qui vint renouveler l’huile de ma latnpe.pour
qn’ellepùt veiller aussi long-temps que moi, ajouta quelques détails à
ceux que l’hôte m’avait communiqués sur la fille de lord C.,,; elle me
confia que cette jeune malade était non-seulement étique, tnais entier# |