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" IÆ PItEeUIlSEUK , Hardi 5 Janvier 184Î.
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En ajoutant à ce chiffre 10 ouvrages joués au théâtre Choiseul ; 19,
aux Folies-Dramatiques ; 28, au Panthéon; et 55, à Saint-Antoine, on
trouve un total de 254 nouveautés. .
Les auteurs les plus productifs, en 1840, sont : M. Théaulon, qui
compte 10 pièces pour sa part ; Mil. Anicet, Bayard, Dumanoir, Martin
Lubize et Scribe, qui en ont eu 9; M. Saint Yves, 7; puis, figurent pour
0, MM. Brizebarre, Cogniard, Clairville et Ferdinand Laloue. Parmi les
auteurs figurent six dames, ce sont Mmes Ancelot, Béraud, Georges
Sand, Ferenci, Foa et feue Campan, dont on a exhumé une comédie
pour le théâtre Choiseul.
E*lsysâ©8j®BMie aïe Sa presse française.
La plupart des journaux de Paris sont consacrés aujourd’hui à la re-
production des discours adressés au roi à l’occasion de la nouvelle an-
née, et font quelques réflexions à ce sujet. Les organes de l’opposition
font la remarque que toutes les harangues àl’exceplionde celle du pré-
sident de la chambre des députés préconisent les bienfaits de la paix.
La mission que M. le baron Mounier a accomplie en Angleterre et la no-
mination de M.Bugeaud au gouvernement d’Alger sont aussi l’objet de
quelques réflexions.
Le CONSTITUTIONNEL comprend bien, dit-il, que M. d’Appony, au
nom de la diplomatie étrangère, exalte les avantages de la paix ; mais
il ne peut comprendre que des hommes chargés de parler au nom des
premiers corps de l’état, et qui ont eux-mémes de grandes et influen-
tes positions, viennent se faire l’écho des vœux qu’on exprime au nom
de l’étranger, ne tiennent pas plus compte des exigences de la dignité
nationale. Il donne une entière approbation à l’éloge que les diverses
harangues font du prince de Joinville.
Le COURRIER FRANÇAIS dit que la réponse de Louis-Philippe au dis-
cours du président de la chambre des députés, n’a pas été reproduite
par le Moniteur telle qu’elle a été prononcée :
« Certains passages, dit-il, et nous parlons des plus significatifs, ont
été prudemment supprimés. Les ministres n’ont pas voulu faire con-
naître à la France le langage que le roi, par leur conseil, avait tenu aux
députés. Parmi les passages qui ont été retranchés, on cite particuliè-
rement les paroles suivantes : « Le sacrifice que nous fesons en ce mo-
ment sera utile au monde, n Cette phrase était l’expression beaucoup
trop naïve de la politique du cabinet ; elle avait frappé les députés pré-
sents, comme l’aveu très accablant de l’humiliation à laquelle on nous
condamne. » ...
Le même journal s'exprime ainsi pour ce qui concerne la mission de
M. le baron Mounier :
i; M le baron Mounier n’a pas fait, quoi que l’on ait dit, un voyage
purement philantropique en Angleterre. Il revient très mécontent de
ce qu’il a vu et de ce qu’il a attendu. L’impitoyable égoïsme de la po-
litique anglaise s’est révélé, dit-on, à cet observateur intelligent, dans
toute sa nudité. M. Mounier doit avoir acquis la certitude que le pacha
d’Egypte serait exécuté à peu près aussi durement que s’il ne s’était
pas soumis sans condition. L’Angleterre n’entend lui laisser que l’om-
bre du pouvoir qu’elle confirme nominalement dans ses mains; afin
sans doute que les forts apprennent à ne pas compter sur la justice de
cette puissance, et que les faibles sachent à quoi s’en tenir sur sa géné-
rosité.
Le Mornina-Chronicle nous avait déjà dit que la Porte, agissant sous
l’inspiration des cabinets qui ont signé le traité du 15 juillet, abolirait
en Egypte le monopole du sel, dont le pacha tire aujourd’hui toutes ses
ressources; mais il paraît que l’on ira plus loin, et que l’on procédera,
sous la surveillance de l’Angleterre, au désarmement du pacha. Méhé-
raet-Ali ne pourra tenir sur pied que le nombre de soldats qui aura été
fixé par la Porte, qui désignera elle-même les chefs de cette petite ar-
mée. On ne lui permettra pas d’avoir une flotte, et après avoir rendu la
flotte, il devra livrer aussi ses vaisseaux de haut bord. On ne lui lais-
sera que les frégates; encore devront-elles être placées sous la garde
des capitaines que le divan aura choisis. On fait main-basseien même
temps sur sa marine et sur son armée.
Voilà, si nous sommes bien instruits, iesrenseignementsque M. Mou-
nier a rapportés de Londres, a
Le COMMERCE fait observer que le corps diplomatique s’est écarté
de la coutume prescrite par les bienséances et l’étiquette et qui ne per-
met pas d’engager des questions politiques dans des compliments de
pure politesse, et contenue ainsi : « M. d’Appony a dit au nom du corps
diplomatique : u La Providence, pendant l’année qui vient de s'écouler
s'est signalée envers nous- par de nouveaux bienfaits, a Envers nous? en-
vers qui ? la France ne pouvait être comprise dans cette communauté
de biens départis si libéralement par la Providence.La France n’a, cette
année, à rendre grâce au ciel d’aucune faveur signalée.Un fléau terrible
a dévasté une partie de nos départements. La France blessée dans son
honneur, menacée dans son existence se voit contrainte à pourvoir à la
défense de son territoire, et même à en juger par les actes du gouver-
nement, à mettre sa capitale en sûreté. Si la Providence a été prodigue
de biens, ce n’est pas pour la France; c’est plutôt pour ses ennemis.
La suite de l’allocution ne permet, à cet égard, aucun doute : « Nous
sommes heureux, a poursuivi M. d'Appony, de penser que la sagesse
des Cabinets saura maintenir un état d'ordre f.t de paix, et qu'à l'abri
de leer accord, l’Europe continuera de marcher, etc. » Les termes sont
formels ; c’est la coalition qui parle, la coalition formée à l’exclusion de
la France, la coalition qui arme de toutes parts en face de nous, et qui
nous défend d’armer pour notre défense.»
Le NATIONAL est, à propos de la nomination du général Bugeaud ,
dans les plus sinistres prévisions pour les possessions françaises en
Afrique.A l’en croire, il ne serait venu à l’esprit des hommes du gouver-
nement d’envoyer M. Bugeaud à Alger, que pour préparer l’abandon
de la colonie. Le ministère, dit-il, ne pouvait arriver plus sûrement à
ce but, qu’en confiant ce gouvernementâ l’auteur du traité de la Tafna,
au créateur de la puissance d’Abd-el-Kader; attendu qu’à son arrivée à
Alger, il n’y aura pas un militaire, pas un habitant civil qui ne regarde
la colonie comme perdue.
BEIiClQCE.
Brexelles, 5 janvier. — LL. MM. ne quitteront qu’aujourd’hui le
château de Laeken, pour venir prendre à Bruxelles leur résidence d’hi-
ver.
— SL le baron Auguste Vander Straelen Ponthos, secrétaire de léga-
tion à Stockholm, est nommé secrétaire de légation à Washington.
— Le roulement des chambres pour le tribunal de pr instance de
Bruxelles se fait d’ordinaire pendant les vacances. Cette fois le roule-
ment s’est fait plus tard par suite des nombreuses nominations de ju-
ges de ce tribunal à la cour d’appel et des vacatures non encore pour-
possédée du démon, puisqu’elle se levait,agissait et parlait en dormant,
de telle sorte qu’elle faisait alors ce qu’elle n’aurait jamais pu faire éveil-
lée : ainsi, on l’avait vue une nuit ouvrir la fenêtre, monter sur le cham-
branle extérieur, et s'y tenir en équilibre sur un rebord large à peine
de quelques pouces, quoique, le jour précédent, elle n’eût pas la force
de sortir de son fauteuil et de se mettre debout en s’appuyant sur le
bras de son père. Je ne tentai pas même d’expliquer à cette servante
pieuse et crédule que le démon n’avait rien à faire dans les phénomènes
du somnambulisme.
Les matines sonnaient au couvent des capucins de Sestri,et je n’étais
pas encore las de promener ma plume sur le papier; je n’entendais que
le grincement de cette plume haletante dans le silence qui régnait au-
tour de moi, lorsque tout à coup, à des pas légers qui semblaient venir
du fond de mou alcôve, succéda un bruit de verroux et de serrure....
J’interrompis mon travail pour écouter, sans tourner la tête : il y avait
quelqu’un dans ma chambre ! Je regardai brusquement du côté où l’on
était entré, et je retins un cri de surprise etd’efïroi en voyant s’appro-
cher une femme vêtue de blanc, que j’aurais prise, à sa pâleur et à sa
démarche solennelle, pour un véritable spectre, si je n’avais reconnu la
jeune fille pâle de la villa Spinola. Elle s’était introduite chez moi par une
porte qui existait dans mon alcôve qui communiquait avec son apparte-
ment. Cette porte se trouvait bien close, quand j’avais été installé dans
cette chambre ; mais la clé était restée dans la serrure, à la disposition
des locataires delà chambre voisine.Une pareille visite, à pareille heure,
m’étonna d’autant plus, que je ne pensai pas d’abord qu’elle m’était
faite par une somnambule.
Je voulus aller a u devant de l’apparition, qui venait à moi sans aucune
hésitation; mais je fus comme enchaîné à ma place par une grosse pile
de livres que j’avais entassés sur mes genoux jusqu’à mou menton.
« Pardonnez-moi, mademoiselle, dis-je en montrant la raison de force
majeure qui me retenait assis; je ne m’attendais pas à l’honneur de
(Votre visite... »
Elle ne me répondit pas; mais, continuant à s’avancer comme si elle
glissait dans l’air, elle s’arrêta vis-à-vis de moi et commença une étrange
pantomime que je n’ai comprise que plus tard ; elle portait la main à
son cœur, puis à son front, et tendait les bras à un objet, invisible pour
moi, que son imagination lui représentait. Elle se laissa tomber sur une
chaise, croisa les bras, et prit la position d’une personne qui attend et
qui écoute. Je remarquai que ses yeux étaient fermés, et je me con-
vainquis qu’elle dormait.
« R«eoBt€iü-iiaôi, lisez-raoi quelque chose ! a me dit-elle d’une voix
vues. Ces vacatures ayant été remplies, le roulement vient de se faire
comme suite à partir du 1« janvier 1841 :
Première chambre : MM. Van Bellinghen, président; Leroux, Delcourt,
Vandewalle, juges; Wyns et Florkin, juges-suppléants; Van Parys,
substitut.
Deuxième chambre : MM. Ranwet, vice-président; Wafelaer, Leclercq,
juges; Conraetset Keymolen, juges-suppléants; Bemelmans, substitut.
Troisième chambre : MM. Van Damme, vice-président; Pardon, Dus-
sart, juges; Van Dievoet, juge-suppléant (le second juge-suppléant
reste à nommer); deDobbeleer, substitut.
A.VVliKS, 5 MISVIEB.
Hier, vers 4 heures de relevée, un feu de cheminée s’était déclaré à
l’hôtel de la Banque, Longue rue Neuve. Le feu avait pris à un dépôt
de suie qui s’était formé sur la plaque en tôle qui bouchait le manteau
de la cheminée et s’était communiqué aux pavois le long du tuyau.
Les pompiers qui se sont rendus sur les lieux, sont bientôt parvenus,
mais non sans quelque peine, éteindre le feu, puisqu’on a été obligé à
briser la mitre pour ramoner la cheminée avec des couvertures mouil-
lées qu’on emploie à cet effet dans ces sortes de circonstances.
— Les nommés Guillaume Versehueren, tisserand en soie, âgé de
76 ans, et Jeanne Sibik, son épouse, âgée de 72 ans, feront célébrer le 6
courant à l'église paroissiale de St.-Paul à Anvers, leur jubilé de 50 ans
de mariage, en présence de leur nombreuse famille.
— Le collége électoral de l’arrondissement de Philippeville (province
de Namur),est convoqué pour le 21 de ce mois, à l’effet d’élire un mem-
bre de la chambre des représentants, en remplacement de M. Seron.
— Le roi de Hollande vient de mettre à la pension les généraux Van
der Goltz, Van Geen, Van der Capellen, Boreel, Snouckaert,Van Schau-
burget de Perponeher.
— On mande de la Hollande que jamais, de mémoire d’homme, la
pêche du hareng n’a donné deplus mauvais résultats qu’en 1840.Cepen-
dant, on a expédié pour l’étranger 1705 barils entiers et 54755 seizièmes
de barils de ce poisson.
— On écrit de Dordrecht que les glaces devant cette ville sont consi-
dérablement diminuées en plusieurs endroits, et que quelques navires
venant de la mer sont arrivés déjà àlleilevoetsluis et au Brielle.
Nous avons à rendre compte du livre de M. Jobard, Rapporteur l’in-
dustrie française. La première partie a déjà paru. Une lecture rapide
nous y a fait remarquer la science profonde de toutes les branches in-
dustrielles, une exposition extrêmement lucide des procédés qu’em-
ploie l’industrie française et des résultats qu’elle a obtenus. Cet ouvrage
mérite un examen approfondi et sera l’objet d’un prochain article.
Corresiioudanee.
Anvers, 4 janvier 1841.
Monsieur le Rédacteur,
Ayant fait d’aussi louables appels à la charité publique de nos conci-
toyens en faveur des classes souffrantes par les rigueurs de la saison,
vous rendriez un bien grand service encore en travaillant par une série
d’articles quotidiens, à déraciner les saturnales du Lundi perdu que nos
bons Anversois encouragent si singulièrement en donnant scrupu-
leusement à toutes les bandes qui viennent les implorer, non pour
adoucir les rigueurs de la faim et du froid mais pour être absorbés en
masses de bierre et liqueurs au grand scandale de la morale publique.
Un grand nombre de maîtres-artisans désavouent déjà cet antique et
déplorable coutume. Il y a un moyen bien simple, il me semble, de le faire
tomber de suite. Ce serait une résolution générale de ne rien donner,
rien distribuer aux ouvriers ce jour-là, de le leur réserver, ou plutôt de
réserver l’offrande qu’on leur destine, à leurs familles en les leur faisant
pa»ser par l’intermédiaire des maîtres, etc., etc.
Votre abonné.
Le Constitutionnel publie un article sur la propriété littéraire et la
contrefaçon. Nos imprimeurs y sont rudement tancés. Leur commerce
n’est qu’une piraterie. La Belgique est pour les Français u n autre Alger
tout rempli de corsaires. Encore existe-t-il entre le premier Alger et le
second, certaine différence qui n’est pas à l’avantage de celui-ci :
«Lorsque les pirates africains, dit le Constitutionnel, armaient en course
pour aller éeumer la mer et prendre par la force le bien d’autrui, ils
avaient au moins deux excuses : la haine des infidèles et le péril Mais
les corsaires belges sont, à ce qu’on assure, nos alliés, nos amis; ils sont
presque de notre famille ; et ils exercent jusqu’à présent la contrefaçon
en toute sécurité! »
Toutefois le Constitutionnel ajoute que les bénéfices de la contrefaçon
sont assez médiocres: «Il est vrai, dit-il, que la facilité même du pillage
a prodigieusement accru la concurrence parmi les déprédateurs. Aussi
l’industrie de la contrefaçon est aujourd’hui fort compromise. On se
ruine à l’entreprendre, et l’on y fait souvent banqueroute à vendre les
biens d’autrui. Il n’y aura bientôt pour les contrefacteurs belges qu’un
moyen de salut, ce sera l’intervention d’une législation nationale qui
assure un privilège au premier contrefacteur. Une pareille loi est, dit-
on, vivement sollicitée par les libraires belges auprès de leur gouver-
nement. Ils affirment que c’est le seul moyen qui leurreste de s’enrichir
à nos dépens.»
Comment le CoMSh'/MWonne/peut-il accueillir de pareilles suppositions?
La mesure dont il parle, en admettant qu’il en fût sérieusement ques-
tionnerait rejetée d’emblée. 11 ne se trouverait en Belgiqueni un minis-
tre pour la proposer, ni un député pour l’appuyer. Nous doutons fort,
pour notre compte, qu’aucun imprimeur ait songé à solliciter un tel
privilège.
11 serait temps de traiter la question de la contrefaçon autrement que
par de vaines déclamations. Il ne nous a jamais semblé impossible de
concilier les intérêts de la littérature française avec ceux de la librairie
étrangère. Il y a plus de deux ans et demi, nous avons indiqué une com-
binaison qui nous semblait propre à mettre tout le monde d’accord. Il
s’agissait d’autoriser la réimpression des ouvrages français en Belgique,
moyennant un droit à acquitter par nos imprimeurs, aü profit des écri-
vains. Pour rendre possible la conclusion d’un pareil arrangement, il
faudrait que les autres états, et la France elle-même, prissent des enga-
gements analogues envers les auteurs étrangers. Car la France possède,
elle aussi, des ateliers de contrefaçon. Tout en nous comparant aux pi-
rates algériens, elle nourrit au sein de sa librairie plus d’un Abd-el-Ka-
der, plus d’un Achinet-Bey, corsaires typographiques qui arment en
course contre les littératures anglaise, allemande et italienne, et exécu-
tent chaque jour quelque nouvelle et lucrative razia sur les domaines
de lord Byron, ou sur les terres de Klopstock et d Alfieri.
Si vous voulez attaquer la contrefaçon au-dehors, attaquez-la chez
douce et impérieuse à la fois.
Je ne savais quel parti suivre, et je me tus. Elle exprimait toujours
dans sa pose une attention si fixe et si persévérante, que j’eus la pensée
de l’éprouver. Mais, commeje gardais le silence,elle fitun geste de dé-
pit et renouvela sa prière avec un accent plus tendre et plus mélodieux
encore.
« Oh ! contez, contez-moi ! dit-elle ; vous me ferez tant de bien ! »
Cette fois, j’obéis et je lus, faute de mieux, un chapitre du roman de
Thomassine Spinola, que j’avais là justement sous la main. Elle écouta,
dans une immobilitéabsoluequeluidonnaituneressemblanceeffrayanle
avec la statue d’un tombeau en marbre blanc. Quand je cessai cette lec-
ture, faite à voix basse et presque inintelligible, elle recommença de
porter la main à son cœur et à son front; puis elle rentra dans sa cham-
bre, dont elle referma la porte soigneusement. Aux premières lueurs
du matin, je ne dormais pas encore.
Le jour suivant, à la villa Spinola, je me mis naturellement en rap-
port de connaissance avec lord C.. et sa famille. D’après les éloges que
le concierge-jardinier lui avait faits de mon cccellenza, il méjugea digne
de recevoir ses confidences, et m initia sans aucune réticence à des se-
crets que je ne me serais jamais permis de lui arracher. Il me dit que sa
fille avait été élevée en France, et que cette éducation, dans un des
meilleurs pensionnats de Paris, fut la source de tous leurs malheurs. La
jeune personne, séduite par de mauvais conseils et de mauvaises lec-
tures, s’était abandonnée aux entraînements de son imagination roma-
nesque, et avait conçu de l’amour, un amour insensé, pour un jeune
homme qu’elle ne pouvait épouser. Ce jeune homme était un écrivain
fort estimé dans les lettres, mais sans nom et sans titre dans le monde
aristocratique, sans fortune héréditaire, et sans autre position sociale
que celle qu’il devait à son talent. Le père s’était formellement opposé
aux projets des amants : il avait éloigné le jeune homme et surveillé de
si près la jeune fille, qu’elle ne put le revoir ni correspondre avec lui;
elle n’eut pas même la consolation de lire les ouvrages qu’il publiait, et
que lord C.. ne laissait pénétrer sous aucune forme jusqu’à la malheu-
reuse victime d’un amour, en quelque sorte, littéraire. Le chagrin ne
tarda pas à porter ses fruits, et cette amante au désespoir fut frappée à
mort. Le voyage d’Italie accéléra les progrès du mal incurable qui la
dévorait; car elle se sentait mourir, et on avait mis plus de deux cents
lieues entre elle et celui qu’elle aimait! Je plaignis cette passion funeste,
qui allait se réfugier dans le cercueil comme dans un asile inviolable, et
je gémis au fond de l’âme en regardaut avec des larmes la mourante,
qui me regardait aussi avec un sourire angélique.
vous en même temps; n’ayez pas deux poids et deux mesures; ne tolé-
rez point, de la part de vos compatriotes, ce que vous reprochez avec
tant d’amertume aux étrangers. (Observateur.)
La Russie, la France et l'Angleterre, tel est le titre qui précède les
principaux articles des journaux anglais.
La Russie sera-t-elle l’alliée de la France ou de l’Angleterre ? La
France peut-elle avoir des alliés? A quoi peuvent lui servir des alliances?
Voilà quelles sont les questions traitées par ces journaux.
Sans contredit, l’article le plus remarquable est celui publié par le
Times. Le voici :
« Notre correspondant de Paris nous mande que la note de la Russie
a été communiquée au corps diplomatique, mais non officiellement. On
ne peut pas en publier le texte; mais voici la substance de ce document :
La note a été remise samedi dernier par le comte Pahlen à M. Guizot;
elle peut être regardée comme la réponse à une communication adres-
sée par le cabinet des Tuileries au comte de Nesselrode depuis le chan-
gement du cabinet français. Dans cette communication M. Guizot dé-
clarait que la politique du cabinet français avait pour principal objet
d’assurer le maintien delà paix en Europe, et que la France,acquiesçant
aux vœux exprimés dans le memorandum de lord Palmerston du 17
juillet dernier, adressé à l’ambassadeur de France à Londres au nom
des autres grandes puissances, était disposée à offrir son appui moral
(imoral support) pour le réglement de la question d’Orient par les voies
pacifiques. C’est à la suite de ces déclarations ou ouvertures que le ca-
binet de Saint-Pétersbourg a adressé à M. Guizot la note dont nous ve-
nons de parler, et que la presse française a analysée.
11 est bon d’observer que ce n’est pas tant la teneur du document lui-
même que les explications verbales de M. de Pahlen qui ont causé une
très agréable surprise au cabinet des Tuileries. Le comte a donné l’as-
surance à M. Guizot que son souverain appréciait trop les avantages
de l’amitié de la France pour ne pas saisir l’occasion de renouveler d’an-
ciennes relations d’amitié avec elle, et d’appuyer l’intervention de son
gouvernement en faveur de Méhémet-Ali.
Il est superflu de commenter ces déclarations; elles semblent confir-
mer tout ce qui a été dit ou écrit récemment sur la probabilité d’une
prochaine alliance entre la France et la Russie avec toutes ses consé-
quences funestes pour l'Angleterre. »
Plusieurs journaux interprètent comme mesure de désarmement les
congés définitifs délivrés parle gouvernement français aux militaires
dont la durée légale du service a été accomplie le 51 décembre l840.Ces
journaux sont dans l’erreur, le ministre de la guerre exécute simple-
ment la loi sur le recrutement ; il n’aurait pu, sans violer la Charte et
cette loi, retenir ces militaires sous les drapeaux un jour de plus, puis-
que, comme en Belgique, le contingent de l’armée est fixé annuelle-
ment, afin de pouvoir renvoyer les recrues à l’expiration exacte du
temps de service. Les crédits demandés pour le budget de la guerre,
prouvent que loin de vouloir réduire l’armée, elle sera maintenue,
même en 1842, à son complet maximum.
Plusieurs journaux allemands reviennent sur les explications qu’au
sujet des armements, M. Guizot a données aux cabinets de Vienneetde
Berlin; tous s’accordent à dire que ces explications sont fort tranquilli-
santes; mais tous aussi disent qu’elles ne sont pas de nature à permettre
le désarmement de l’Allemagne; tous disent que, vu la tournure queles
choses ont prises en France, les états allemands doivent rester sur le
qui-vive et se préparer, afin de ne pas être surpris par les événements-
On mande de Yienne. 28 décembre : A ce que l’on assure, l’ordre a été
donné d’ici à la flottille autrichienne sur les côtes de Syrie, de venir hi-
verner dans les ports de la mer Adriatique.On s’attend donc à voir bien-
tôt revenir ici l’archiduc Frédéric. (Gaz. de Cologne.)
Nouvelles diverses.
On écrit de Liège, 4 janvier :
Nousapprenons de source certaine que l’ouverture du chemin defer
d’Ans à la Meusene pourra avoir lieu au plutôt qu’à la fin de Juillet pro-
chain. Il est donc très probable que les fêtes à l’occasion de l’inaugura-
tion de la statue de Grétry, pourront être données en même temps.
Nous apprenons que la fabrique de l’église de St.-Denis vient de
recevoir la copie du tableau de Raphaël, représentant S^.-Cécile, qu’elle
avait commandée à notre compatriote, M. L. Bruis. Cette copie, d’après
l’avis des amateurs, surpasse encore en exactitude et en fini celle du
Christ descendu de la croix, d’après Fra Bartolomeo.
Nous espérons que la fabrique ferabienlôt jouir le public du nouveau
travail de M. Bruis.
— On écrit de Bruges, 4 janvier :
La compagnie des chasseurs-éclaireurs de la garde civique de cette
ville, vient de recevoir de la part du ministre des carabines à la Hortolo.
L’essai en a été fait hier au local de la Société de Saint-Sébastien. On
peut tirer quarante coups par minute et sans amorce.
— On écrit d’Ostende : « Au matin de jeudi dernier, un vieillard, as-
sistant au service funèbre d’une de ses voisines et porteur du poêle,
donnant un pas de conduite à l’enterrement, fut surpris d’une faiblesse
sur la route vers le cimetière, s’asseoit et meurt; l’enterrement eut
lieu et les porteurs ramenèrent en ville, sur la même civière le nouveau
décédé. »
— On écrit de Luxembourg, 26 décembre : Notre gouvernement
grand-ducal vient d’ordonner une enquête qui a pour but de recueillir
les opinions des principaux industriels et négociations du pays, sur les
avantages et les désavantages que la réunion au système des douanes
allemandes pourrait entraîner pour le commerce et l’industrie.
Il n’y a guère plus d’une semaine que cette enquête est commencée,
et déjà un grand nombre de personnes que cette question intéresse
ont déposé leur déclaration. Les sieurs Battia, de Lafontaineet Ant. Pes-
catore sont occupés à ce travail, et il semble que l’on a surtout pour but
d’éviter les difficultés quecausela conclusion définitive des négociations
qui se prolongent à Berlin depuis plus de 20 mois. (Gaz. de Cologne.)
— On écrit de Berlin, 25 décembre, au Journal de Francfort :
» Hier, on faisait circuler, dans les salons d’un des principaux mem-
bres de notre corps diplomatique la liste des généraux que l’Allemagne
mettrait probablement à la tête de ses troupes, dans le cas où il serait
nécessaire de mettre sur pied une armée complète d’observation.
» Du côté de l’Autriche, on remarquait les noms suivants : le land-
grave de Hesse Hombourg, le prince Windisch-Grætz, le baron d’Asper,
qui aurait pour chef d’état-major le baron de Hess.
» Du côté de la Prusse : le baron de Grolmann, le prince Charles de
Prusse, M. Neyrach, le comte de Græben, le colonel Rudowitz„ comme
chef-d’état-majordu comte de Gæben.
Je demandai à lordC... quel était le nom du jeune homme qu’il avait
refusé d’unir à sa fille : il haussa les épaules, et me répondiL d’un ton
bourru, qu’il ne l’avait jamais su ni voulu le savoir, et que d’ailleurs
ces gens-là n’avaient pas de nom. J’évitai de contrecarrer ses préjugés
à cet égard, et je me bornai à lui faire entendre que le bonheur et la
vie de sa fille valaient bien un sacrifice d’ambition ou de vanité. Il haus-
sa encore les épaules, et, rompant la suite d’un entretien qui lui déplai-
sait, il s’enquit de ce que la villa Spinola avait pu coûter à ses fonda-
teurs, et il prit de là un texte d’éloges pour les jardins anglais en géné-
ral, et pour le parc de Windsor en particulier.
Les nuits suivantes, je fus visité comme la première fois par la som-
nambule, qui vint encore solliciter de moi des lectures ou des récits. Je
lui lus de la sorte, chapitre par chapitre, le roman que je composais alors.
Je m’aperçus que ma docilité à satisfaire la fantaisie de la malade en-
dormie produisait sur elle un effet salutaire, en la calmant et en lui fai-
sant mieux supporter l’absence de son ami.Je songeai donc à prolonger
ce singulier traitement, que les médecins n’avaient garde de deviner,
et j’écrivis à mes confrères de Paris pour les prier de m’envoyer quel-
ques pièces inédites de leur portefeuille. Je voulais, disais-je, en for-
mer un recueil d’autographes que je devais déposer à la bibliothèque
Laurentienne de Florence, comme un hommage de la littérature fran-
çaise en expiation du célèbre pâté d’encre de Paul-Louis Courier.
Mes chers confrères ne me firent pas long-temps attendre leur ré-
ponse : les pièces dûment signées m’arrivèrent à la fois, et aussitôt,
sans avoir réfléchi à la conséquence d’une telle démarche, je m’empres-
sai de les porter à la poitrinaire, qui m’attendait dans la villa Spinola,
où j’avais coutume d’aller tous les jours lui tenir compagnie, presque
sans prononcer une parole, mais aussi sans la quitter des yeux. Je lui
remis le manuscrit, qu’elle feuilleta d’une main tremblante, et je lui
expliquai comme quoi j’étais auprès d’elle l'ambassadeur de tous les gens
de lettres français, qui s’informaient de ses nouvelles et faisaient des
vœux pour son rétablissement... Elle ne m’entendit pas, car elle venait
de perdre connaissance, en approchant de ses lèvres le manuscrit que
je lui avais présenté.
On la transporta évanouie à l’auberge; elle ne revint à elle que pour
agoniser et mourir le soir même.
J’ai toujours soupçonné, en m’accusant d’avoir hâté sa mort, qu’elle
avait entrevu la signature de son amant dans la pièce que je viens pu-
blier ici comme un regret à sa mémoire.
(La fin à demain.) P.-L. JACOB, Biblîopkbie. |