Full text |
LE PRECURSEUR , Mardi flO Janvier 1848.
adressée, aujourd'hui même, aux deux Chambres Législatives,
et qui, nous n’en doutons aucunement, produira l’effet qu’on
peut raisonnablement en attendre :
A Messieurs les membres de la Chambre des Représentants.
Messieurs,
Les soussignés, négociants et fabricants de Chicorée de la ville d’An-
vers et de ses environs, ayant appris avec un vif étonnement que quel-
ques cultivateurs de Chicorée des Poitiers se sont adressés à la Législa-
ture, à l’effet de faire porter le droit d’entrée sur la Chicorée en racines,
à fr. 6-50 par 100 kilog., au lieu du droit de l'r. 3 que cette racine ac-
quitte en vertu de la loi du 7 avril 1838, croient devoir, dans l’intérét
bien entendu du Commerce et de l’Industrie, émettre quelques obser-
vations sur la portée réelle de la demande de ces cultivateurs.
La législation du 26 août 1822, n’accordait à la culture de la Chicorée
qu’un droit protecteur de 10 centimes par 100 kilog.; cependant, malgré
cette protection insignifiante, la production et le commerce de la Chi-
corée ont pris une extension que l’on peut dire considérable : les statis-
tiques commerciales des années 1831 à 1857, publiées par les soins du
gouvernement, en fournissent une preuve éclatante.
D’un autre côté, le droit de fis. 3 par 100 kilog., introduit par la lé-
gislation du 7 avril 1838, a eu pour résultat, d’abord de réduire sensi-
blement le mouvement commercial de la Chicorée, et ensuite de provo-
quer une hausse sur les prix de celle denrée au grand préjudice des
consommateurs nationaux (1). En outre,ce droit de frs.3 par 100 kilog.,
considéré par rapport au prix actuel de la Chicorée en racines, qui est
de 20 francs les 100 kilog.,constitue une protection de 24 à25 pour cent
(en y comprenant le fret et l’assurance maritimes de la Chicorée étran-
gère qui nous arrive en majeure partie de la Frise), en faveur de la pro-
duction nationale. Et veuillez remarquer. Messieurs, que cette protec-
tion en faveur de la culture indigène, pèse sur un produit agricole ser-
vant à la fois de matière première à une industrie importante et d’objet
de consommation pour les classes pauvre et moyenne. Vous remarque-
rez encore, Messieurs, que cette même protection dépasse la moyenne
de tous lesdroils protecteurs établis pour favoriser les différentes bran-
ches de l’industrie nationale contre l’introduction des produits similai-
res de l’étranger. . .
Les cultivateurs de Chicorée des Polders, non satisfaits de l’état actuel
des choses, demandent que la haute protection dont ils jouissent, soit
portée jusqu’à 45 à 50 pour cent. C’est donc un droit prohibitif qu’ils
préconisent,qu’ils voudraient voir établir et, par conséquent, l’érection
d’un monopole en leur faveur. La Législature, nous en avons la convic-
tion, ne saurait se prêter à une prétention aussi injuste qu’exorbitante.
S’il fallait des modifications à la loi existante, au lieu d’une augmen-
tation des droits d’entrée, c’est plutôt une diminution de ces mêmes
droits qu’il faudrait rechercher, et cela dans l’intérêt non-seulement du
commerce, de l’industrie et de la consommation intérieure, mais dans
celui de la production indigène elle-même. Il est bien évident que le
développement du commerce de la Chicorée ne peut que favoriser et
développer à son tour l’exportation des Chicorées nationales, qui sont
d’ailleurs préférées sur les marchés étrangers à celles de la Frise,à cause
de leur plus belle apparence. Le mouvement commercial des années
1835 et 1836, établit péremptoirement l’exactitude de notre assertion.
En effet, des 4,580,095 kilog. de Chicorée en racines importés pendant
ces deux années, 4,397,406 kil, sont entrés en consommation, et 182,689
kilog. ont été transités. D'un autre côté, les exportations de Chicorée
en racines qui ont eu lieu pendant celle même période, ont atteint le
chiffre de 6,936,546 kilog.. soit après défalcation des 182,089 kilog. ci-
dessus, 0,753,857 kilog. de Chicorées belges exclusivement.
Il est bien vrai que depuis quelques années, les statistiques publiées
par le gouvernement établissent une exportation de Chicorées belges
dont le chiffre reste inférieur à celui des exportations de 1854, 1835 et
1836; mais nous pensons qu’il faut en attribuer la cause aux droit élevés
dont cette racine a été frappée en Angleterre en 1836. Il n’en résulte pas
moins de l’état actuel des choses, que les conditions de production de
la Chicorée en Belgique sont tout aussi économiques que dans les autres
pays, et qu’ainsi la protection de 24 à 25 pour cent dont jouit la Chicorée
indigène, n’est autre chose qu'une protection poussée jusqu’à ses der-
nières limites. Augmenter encore les droits qui pèsent sur la racine
étrangère,aurait pour résultat infaillible de rendre toutes les fabriques
du pays tributaires de l’agriculture, ce qui serait certainement un mal,
eu égard au grave préjudice dont par là le commerce et l’industrie se
trouveraient frappés.
La fabrication de la Chicorée a pris aujourd’hui une remarquable ex-
tension en Belgique; car, outre le chiffre des exportations rapporté dans
les publications officielles du Gouvernement,chiffre déjà fort important
par lui-même, il est suffisamment reconnu que plusieurs grandes fabri-
ques des Polders infiltrent en Hollande des quantités considérables de
leurs produits en poudre. Or, l’extension du droit protecteur détruirait
une grande partie du commerce de la Chicorée en Belgique en paraly-
sant complètement ses moyens d’action, et comme nous l’avons déjà
dit, elle provoquerait un renchérissement de cette denrée au grand pré-
judice des consommateurs.
D’ailleurs, vous n’ignorez pas, Messieurs, qu’un droit élevé sur l’im-
portation de la Chicorée en racines, celle-ci considérée comme matière
première, c’est-à-dire comme élément indispensable à l’industrie, est
une anomalie, un non-sens dans notre système économique. Car il est
de sa nature susceptible d’engendrer un monopole agricole que ni le
Gouvernement, ni la Législ iture, premiers gardiens de l’intérét géné-
ral du pays, ne peuvent tolérer en aucune manière.
Pour montrer jusqu’à quel point les réclamât ions des cultivateurs des
Polders sont dénués de tout fondement, nous allons recourir encore à
quelques chiffres dont la puissante argumentation ne souffrira nulle
contestation. Dans les 5 dernières années de 1837 à 1841, il a été mis en
consommation 1,578.972 kilog. de Chicorée étrangère, soit en moyenne
par année 315,794 kilog.; tandis que les 12 fabriques établies à Anvers
seulement, travaillent annuellement le quintuple de celte quantité, soit
environ 1,500,000 kilog. (2). Ce simple rapprochement donnera la mesure
pour apprécier à sa juste valeur la concurrence que l’on veut présen-
ter comme si redoutable, que la Chicorée étrangère peut faire à l’inté-
rieur à la production indigène. Il est, en outre,à remarquer que si pen-
dantces5dernièresannées,ila été introduilàla consommation 1,578,972
kilog. de Chicorée étrangère, il a été également exporté, en Chicorée
belge, 3,098,230 kilog.; pur conséquent, le double du chiffre de l’impor-
tation.
Nous comprendrions, à certains égards, que l’on voulût élever,et cela
dans l’intention de favoriser la fabrication nationale, les droits d’entrée
sur les Chicorées étrangères fabriquées en poudre, quoiqu’une pareille
mesure resterait à peu près sans effet,puisque sous l’empire de la légis-
lation actuelle,l’importation de cetlederirée se borne,année commune,
à 63,000 kilog. tout au plus.Mais vouloir imposer plus fortement l’intro-
duction de la Chicorée en racines étrangères,est unemesurequi devien-
drait désastreuse pour l’intérêt général de la nation.
Confiants,Messieurs.dans l’équité et la haute raison delà Législature,
nous osons espérer que vous n’accueillerez point les réclamations inso-
lites des cultivateurs des Polders.
Nous avons l’honneur, Messieurs, d’être avec le plus profond respect,
Vos très humbles et très obéissants serviteurs.
(Suivent les signatures).
Anvers, le 10 janvier 1843.
NOUVELLES DE L'INDE.
Le Journal des Débats publie beaucoup de faits nouveaux et extrême-
ment curieux, sur l’évacuation de l’Afghanistan par l’armée anglaise.
Nous reproduisons sa relation, qui ne fait pas double emploi, quant aux
détails, avec les nouvelles que nous avons extraites hier des journaux
de Bombay.
Voici comment il s’exprime:
a Les circonstances quiontsignalécette évacuation sont déplorables.
En vérité,si nous voulions prendre notre revanche des déclamations de
(1) En 1840, une hausse subite s’étant déclarée sur le prix de la Chi-
corée, par suite de quelques spéculations à l’exportation, on a eu à dé-
plorer pour les consommateurs représentés, en général, par les classes
pauvre et moyenne, une fraude nuisible à la santé publique. Quelques
fabricants pour pouvoir soutenir plus aisément la concurrence, opé-
raient un mélange de leur Chicorée avec de la tourbe et des glands brû-
lés et moulus. Ces ingrédients réduits en poudre et offrant à la vue une
certaine analogie avec la Chicorée, se vendaient de 5 !]2 à 6 1)2 1rs. les
50 kilog., tandis que la Chicorée fabriquée se vendait de 22 à 25 1rs. les
50 kilog. Et maintenant encore, nous n’hésitons pas à le dire, quand les.
prix de la Chicorée s’élèvent extraordinairement, la même fraude est
pratiquée par quelques-uns. Que l’on songe donc à ce qui en advien-
drait, si par de nouvelles entraves portées à l’importation de la racine
étrangère, on poussait forcément à la hausse de la Chicorée, et quelles
en seraient les conséquences pour une classe nombreuse de la popula-
tion !....
(2) Il existe à Anvers 12 fabriques de Chicorée, grandes et petites,
produisant environ.................. 1,527,000 kilog. par an.
Dans les Polders, il en est 2 fabriquant à
peu près............................. 171,000 » » »
Produit des fabriques d’Anvers et environs 1,698,000 kilog. par an.
A côté de cette fabrication importante, on estime la récolte de nos
Polders de 900,000 à 1 million kilog.
lord Palmerston, si nous voulions retourner contre l’Angleterre toutes
les accusations dont la presse anglaise n’a cessé de poursuivre nos gé-
néraux et le système de guerre qu’ils ont été forcés d’adopter enAlgérie
la tâche serait bien facile, plus que facile. Dans sa retraite, l’armée du
général Pollock a signalé son passage par des barbaries aussi odieuses
qu’inutiles.Tous les hommes qui sont tombés dans les mains des soldats
ont été mis à mort.etce n’étaient pas les Afghans qui leur avaient don-
né l’exemple de celte cruauté, car ils ont rendu sains et saufs tous les
prisonniers de 1841; tout ce que le fer ou le feu ont pu atteindre a été
brillé ou détruit; trois villes, dont l’une compte ou du moins comptait
plus de 60,000 habitants,ont été réduites en cendres; et pourquoi ? dans
quel but? Pour le sléril plaisir de satisfaire une des passions les moins
honorables de l’humanité, la passion de la vengeance. Ah ! ce n’est pas
ainsi que nos généraux et nos soldats se conduisent en Afrique! Si la
barbarie de leurs ennemis, qui, eux, ne savent pas, comme les Afghans
ce que c’est que faire des prisonniers,si les dures nécessités de la guerre
forcent nos généraux à des mesures d’une rigueur extrême, du moins
poursuivent-ils en Algérie un but positif, certain, honorable, glorieux;
au moins dans les sévérités dont ils sont les ministres, peuvent-ils se
consoler par les espérances de l’avenir; au moins sont-ils en droit de
croire qu’ils arracheront un jour ce pays à sa barbarie séculaire,car les
sacrifices sans cesse croissants que fait la France sont là pour prouverai!
monde que c’est une entreprise réelle, sérieuse, où le pays cherche au-
tre chose que l’occasion d’assouvir de brutales passions. Mais en ordon-
nant ces massacres et ces incendies.quel but pouvait se proposer le gé-
néral qui allait bientôt quitter l’Afghanistan pour toujours?
« Istalif, dit une lettre d’un officier anglais, était une jolie petite ville
de quinze mille âmes, à qui nous n’avions rien à reprocher que de se
trouver à mi-chemin entre Caboul et Charikar, où l’un de nos régiments
de Ghourkas (cavalerieirrégulière) a été détruit, l’année dernière, par
les Afghans.» Comme on était pressé par le temps et qu’on ne pouvait
pas pousser jusqu’à Charikar, c’est Istalif qui a été puni. Une brigade,
aux ordres du général Mac-Coskill, y est entrée dans les derniers jours
de septembre, après un combat insignifiant, et a commencé par passer
au fil de l’épée tout ce qui n’a pas pu échapper parla fuite.11 parait que
les cadavres et les blessés n’ont même pas été respectés. Les soldats
cipayes, par un surcroît de barbarie inqualifiable, mettaient le l'eu aux
vêtements de colon de leurs victimes, et faisaient ainsi brûler les morts
et les mourants, ce qui, dans leurs idées superstitieuses , doit appeler
les malédictions du ciel sur la postérité de ceux dont les restes ont ainsi
disparu sans recevoir les honneurs de la sépullure.Aprèsla tuerie,cinq
ou six cents femmes étaient restées dans les mainsdes vainqueurs; elle»
furent mises en liberté. Avaient-ellesété respectées comme l’avaient été
les dames européennes qui étaient tombées au pouvoirdesAfghansà la
suite des désastres de l’hiver passé ? Il ne paraît pas toutefois que les
soldats se soient vu enlever leurs prisonnières avec plaisir.
« Deux soldats du 9» régiment d’infanterie de l’armée royale s’étaient
» emparés en même temps d’une jolie fille d’environ quatorze ans, et ne
» voulant pas se battre pour décider la contestation, ils convinrent de
» la jouer aux dés, en imposant pour condition au gagnant d’en faire
» une honnête femme, et de l’épouser aussitôt qu’il rencontrerait un
» prêtre pour bénir son union. Après la partie, le gagnant s’en allait
<■ bras dessus, bras dessous avec sa future, lorsque l’ordre lui fut donné
» de la mettre en liberté. En vain protesta-t-il de ses bonnes intentions;
• il fallut se rendre, mais ce ne fut pas sans peine. — Un capitaine du
» 26», s’étant choisi une jeune beauté au milieu d’un lot de belles tout
» éplorées, acheta pour sa sultane un magnifique trousseau de chemi-
• ses brodées d’or, de pantalons comme en portent les femmes du pays,
» et qni,après le pillage,se vendaient presquepourrien.il avaità peine
» conclu son marché, que l’ordre arriva de mettre la belle en liberté,
» laquelle ne se le fit pas dire deux fois, et se sauva à toutes jambes. Si
» j’avais connu toute l’ingratitude du cœur féminin, disait le capitaine,
» on ne m’aurait certes pas pris à acheter toute celte garde-robe ! »
» Après un pillage en règle,la ville fut complètement livrée aux flam-
mes, et la brigade du général Mac-Caskill se replia sur Caboul, où se
préparait une autre tragédie.
» L’œuvre de destruction s’accomplit à Caboul avec un raffinement
de barbarie systématique et rusée qu’il est difficile de qualifier En ar-
rivant sous les murs de cette ville, le 15 septembre, les Anglais la trou-
vèrent déserte. Les exemples qu’ils avaient déjà faits avaient mit en
fuite toute la population. Occupé à obtenir la libération des prisonniers
anglais, le général Pollock ne manifesta d’abord aucune mauvaise in-
tention contre la ville. Les troupes restèrent campées au dehors, des
gardes furent placées aux portes; il fut interdit à aucun soldat de les
franchir; on aurait dit une armée amie, une armée de pieux dévots, car
le révérend M. Allen profita de l’inactivité des soldats pendant ces jours
de repos, pour leur débiter plusieurs sermons sur la miséricorde de
Dieu qui leur rendait leurs camarades prisonniers A une sérémonie
solennelle à laquelle tous les Européens assistèrent des soldats choisis
du 15»régiment d'infanterie légère chaulèrent des psaumes pour célé-
brer la délivrance des captifs. Cette exacte discipline de l’armée, ces
exercices pieux ayant rendu quelque confiance aux malheureux habi-
tants, un grand nombre d’entre eux se hasardèrent à rentrer dans leurs
maisons. Mais quand il trouva la ville convenablement remplie, c’est-à-
dire le 9 octobre, le général Pollock ordonna au colonel Richmond d’y
entrer avec sa brigade et de la détruire. Excepté le Balahissar, ou châ-
teau royal, et le quartier habité par les Kizzil-Bashis, tribue d’origine
persane, amenée jadis dans le pays par Nadir-Shah, et qui s’était tou-
jours montrée l’amie des Anglais, toute la ville fut livrée aux flammes»
» A Djellalabad les mêmes scènes se répétèrent, et il est peut-être
plus difficile encore de dire pourquoi cette malheureuse ville fut si cruel-
lement traitée. Lorsqu’au mois de novembre 1841, le général Sale, tra-
qué par les Ghildjis, eL près de succomber sous le nombre de ses enne-
mis, s’était présenté devant Djellalabad, les portes lui en avaient été
ouvertes sans résistance. Il n’apportait avec lui que pour deux jours de
vivres ; les habitants lui en fournirent et à crédit. Plus tard, quand il
vit qu’il lui fallait passer l’hiver dans cette ville, quand il comprit qu’il
ne pourrait pas être dégagé avant le printemps, et quand il crut, pour
éviter d’être pris par famine avec sa petite garnison, devoir expulser
les habitants, ceux-ci se laissèrent chasser de leurs maisons sans mot
dire, et en lui abandonnant leurs vivres. Qu’avait donc fait cette mal-
heureuse ville pour être traitée avec tant de cruauté, pour être complè-
tement détruite et brûlée?
» Voilà donc près de cent mille habitants dont les maisons ont été
incendiées au commencement de l’hiver, et dans un climat où cette sai-
son est presque aussi rigoureuse qu’en Russie. C’est affreux; mais ce
qu’il y a de plus odieux peut-être encore dans toutes ces barbaries, c’est
qu’en faisant la guerre, comme ils l’ont laite aux seuls habitants des
villes, les Anglais ont sévi contre des populations inoffensives, et non
pas contre les tr/bus qui en 1841 ont détruit l’armée du général Elphin-
slone. Dans l’Afghanistan comme dans l’Algérie, la population guerrière
esL celle qui parcourt les campagnes avec ses troupeaux ; les villes ne
sont habitées que par des juifs, des Arméniens, des Indous, des Cache-
miriens. des Tadjiks. des esclaves, des marchands, des gens de métier,
c’est-à-dire par des étrangers, par des gens d’humeur tranquille, paci-
liques par intérêt, et qu’on n’a jamais vus prendre un mousquet dans
toutes les guerres dont ce malheureux pays est le théâtre depuis si
long-temps. Gr, ce sont ces gens-là qui auront à supporter le fardeau
de la vengeance anglaise, et c’est indigne ! Ceux qu’il fallait poursuivre,
puisqu’on voulait à tout prix se venger, c’étaient les Ghildjis, les Afri-
dis, les Channaris, les Mohmends, les Othman-Khaïls, tous ceux enfin
que le général Pollock s’est bien gardé d’aller chercher dans leurs mon-
tagnes, pour faire tomber tout le poidsde sa colère sur de pauvres cita-
dins. En un mot, lé général Pollock a fait ce queferait un général fran-
cais qui, ayant à punir en Algérie une révolte des Flittas ou des Béni-
Âmer, irait se mettre à brûler Mostaganemou Mascara; il a commis une
barbarie sans excuse.
» Disons-le cependant, l'opinion s’est déjà,en partie, dans l’Inde,pro-
noncée contre ses ignobles et atroces excès, et nous ne doutons pas
qu’en Angleterre aussi ils ne soulèvent l’indignation de tous les cœurs
généreux. Néanmoins le gouverneur-général lord Ellenborough s’ap-
prêle à recevoir magnifiquement à Firouzipore son armée victorieuse. ■.
île l’Afghanistan.Des invitations ont été adressées à tous les princes du
pays pour les fêles militaires qui se préparent,et qui doivent dit-on sur-
passer toutes les magnificencesde l’ancienne cour des empereurs mon-
gols. Déjà on élève un arc de triomphe sous lequel l’armée de l’Indus
défilera, traînant après elle,comme trophées de ses victoires, les portes
du tombeau de Mahmond le Ghaznédive, enlevées à Ghazna et les vingt
quatre pièces de canon prises,enl839,sur l’émir Dost-Mohammed.Ce der-
nier détail ne sera sans doute pas le moins curieux de la cérémonie ; car
il est bon de savoir que l’armée anglaise revient de l’Afghanistan après
y avoir elle-même perdu son artillerie; ses propres pièces ont été prises
par les Afghans ou détruites par ordre des généraux qui manquaient de
moyens de transport pour les ramener.Dost-Mohammedavec sa famille
et tous les prisonniers Afghans aujourd’hui détenus dans l’Inde assiste-
ront à ces fètes.après quoi le gouverneur-général leur permettra de re-
tourner comme ils pourront dans leur pays. Puis le gouvernement de
l’Inde britannique se croira libéré de toute obligation vis à-vis de l’Af-
ghanistan; il y a porté le désordreet fait la guerre pendant trois ans, il
y laisse l’anarchie pour des siècles peut-être. »
AAGLETEKKE .
Londres , 7 janvier. — On lit dans le Morning-Post :
On dit, dans des cercles qui sont ordinairement très bien informés,
que le gouvernement français a reçu des îles Marquises des dépêches
qui renfermaient des nouvelles très sérieuses. Suivant ces dépêches,
l’officier qui avait étélaissé par l’amiral Dupetit-Thouars pour comman-
der l’une de ces îles, aurait été tué. On ajoute que tous les Français for-
mant la garnison de l’île seraient tombés également sous les coups des
sauvages. Les mêmes récits annoncent aussi qu’un vaisseau de guerre
anglais était arrivé en vue des Marquises.
— Le Times annonce un nouvel incendie considérable à Liverpool
dans les ateliers deMM. Foster et Steward, entrepreneurs de bâtiments.
Une immense quantité de bois de construction a été la proie des flam-
mes. Au départ du courrier on travaillait à se rendre maître du feu.
— City article du Courier: quatre heures. —L’arrivée de la malle
de l’Inde a un peu dissipé la sombre préoccupation qu’avait fait naître
le relevé du revenu. La réouverture des livres delà banque pour les
transferts, a contribué aussi à donner plus d’activité au marché, mais
ce ne sera que la semaine prochaine que le paiement des dividendes
produira son effet. Les consolidés ont fait au comptant 94 1[2 5[8 dito
en compte 94 Ii2,5|8. Bons de l’échiquier, 60 à 62 sh. de prime.
ESPAGNE.
Madrid, 1 "janvier. — Le régent est entré en ville à une heure et de-
mie. Les autorités civiles et militaires avaient été l’attendre hors de
portes de la ville avec une députation de la municipalité. Le cortège de
S. A. était nombreux; il était entouré d’un brillant état-major dans le-
quel on distinguait les généraux Rodil, Grasset, Ferraz, Iriarte, et beau-
coup d’autres. Le général Chacon, nouveau capitaine-général de Madrid
ne faisait pas partie du corlége, son absence a été remarquée. Deux es-
cadrons de la garde nationale à cheval servaient d’escorte au régent,
qui s’est rendu immédiatement au palais de Buena-Vista. Toutes les
troupes ont défilé sous le balcon. Cette parade militaire a été froide et
sans enthousiasme. A trois heures, le régent était rentré à Buena-Vista
en apparence peu satisfait de cet accueil. L’illumination ce soir est par-
tielle et très pauvre. La ville même n’avait pas l’aspect ordinaire d’une
fête. Les rassemblements étaientclair-semés sur le passage des troupes.
A quatre heures, la nouvelle municipalité a prêté le serment d’usage
entre les mains de l’ancienne municipalité et du chef politique. L’opi-
nion générale est que les Cortès seront convoquées pour le 10 janvier et
que la Gazette ne tardera pas à publier le décret. Il est impossible que
les choses demeurent long-temps dans cet état exceptionnel.
— Le Corresponsal du janvier presse le gouvernement de finir. Il
faut, dit-il, que demain même la Gazette publie le décret de convocation
ou de dissolution des corps législatifs. Si le gouvernement se décide à
convoquer les Chambres pour essayer leuropinion, sauf à les dissoudre
dans le cas où elles feraient opposition à ses actes, il fera bien de s’é-
pargner une convocation, car le résultat n’est pas douteux, cette tacti-
que ne servirait qu’à prolonger une situation violente aussi insuppor-
table pour le pays que pour les hommes qui sont au pouvoir.
SUISSE.
GExèvE,20 décembre.—Il y a eu à Genève, hier, une tentative d’insur-
rection radicale, que la bonne contenance des autorités et des citoyens
ligués pour la défense de l’ordre public a fort heureusement déjouée.
Tout s’est borné de la part des clubistes à des cris séditieux, à des me-
naces de vengeance, et à quelques voies de fait commises sur la per-
sonne d’individus isolés. Les émeutiers, ayant manqué leur coup, met-
tent l’alarme répandue dans le public et les désordres de cette journée
sur le compte des défenseurs du gouvernement qu’ils se disposaient à
renverser, et, peu soucieux de se contredire, annoncent à peu près à
jour fixe un nouveau mouvement. La Poix du Peuple, feuille rédigée à
peu près dans le style du Père Duchesne par des hommes dignes de suc-
céder aux Jacques Roux, aux Chaumette et aux Hébert, encourage la
populace de Genève à tous les attentats, dénonce les plus honorables
citoyens à la justice populaire, et invoque des lois pour la répression de
la richesse. Il n’y en a malheureusement point à Genève pour la ré-
pression commise par la voie de la presse anarchique.
Un pareil état de choses parait trop violent pour durer, et doit iné-
vitablement, selon toutes les probabilités, aboulirà une crise prochaine
dont nous sommes mal placés pour oser prédire le résultat ; mais nous
sommes peu surpris d’apprendre, par le rapport des journaux de Ge-
nève, que le commerce de celte ville est en souffrance; que les consom-
mations de luxe y ont sensiblement diminué au détriment du fisc et au
préjudice de la classe qui vit de la dépense des riches, et que le malaise
y succède déjà de proche en proche à l’heureuse aisance qui y régnait
auparavant. Comme ville lettrée, où l’enseignement académique figure
au nombre des principales branches d’industrie, Genève doit craindre
de voir promptement tarir cette sourcede revenu: ses écoles publiques,
ses instituts, ses pensionnats cesseraient d’être fréquentés par la jeu-
nesse étrangère, si l’anarchie, sous ses formes les plus brutales, deve-
nait, pour ainsi dire, l’état normal de cette cité, livrée en proie à quel-
ques centaines de tyrans du plus bas étage.
A considérer la situation politique actuelle de Genève sous un point
de vue différent, et sans nous préoccuper trop sérieusement des con-
séquences que les troubles d’un petit Etat voisin peuvent avoir pour la
France, il ne nous est pas entièrement permis de fermer les yeux sur
les éventualités qu’a fait naître pour notre pays une révolution que la
propagande radicale européenne a suscitée à nos portes. D’un jour à
l’autre, le pouvoir, ou plutôt la force matérielle, peut tomber à Genève
dans de telles mains que cette ville frontière devienne le champ d’asile,
la trésorerie, l’arsenal, le quartier-général et la place d’armes de ces
bandes de factieux de tous les pays qui ont déclaré une guerre à mort
à l’ordre social en Europe. Comme en février 1834, et avec plus de chan-
ces de succès, quelques centaines d’aventuriers politiques pourraient
quelque jour revenir s’embusquer dans les murs de Genève, pour de
là tendre la main aux mécontents des Etats limitrophes, et rallier sous
la bannière de l’insurrection tout ce que la Suisse, la Savoie et nos dé-
partements frontières renferment d’hommes de désordre.
Ce danger n’a rien d’absolument chimérique : nous savons même de
bonne source qu’il avait, dès l'origine des troubles de Genève, fortement
éveillé l’attention du gouvernement français et avait donné lieu desa
part à des communications confidentielles'.auxquelles il s’est sans doute
réservé de donner plus tard, le cas échéant, un caractère péremptoire
et officiel. Le motif le plus spécieux de sécurité qu’on puisse alléguer
contre la craindre des nouveaux dangers qui pourraient nous venir de
la Suisse, c’est que l’autorité centrale de la Confédération helvétique
passe dans ce moment même, et pour deux années consécutives, de
Berne à Lucerne, où le parti conservateur estremontéau pouvoir,mais
où rien, non plus que dans le reste de la Suisse, n’offre de bien fortes
garanties de stabilité. Aujourd’hui représentant du parti de l’ordre et
de la paix, le canton de Lucerne peut demain retomber sous le joug
des mêmes démagogues radicaux qui faillirent allumer la guerre, il y
a quatre ans, entre la Suisse et la France. (C. de Lyon.)
FRANCE.
Paris, 8 janvier. — Aujourd’hui dimanche pas de bourse.
— M. le capitaine de vaisseau Bruat est nommé gouverneur des îles
Marquises. On assure que ses appointements seront portés à la somme
de 60,000 fr. ' (J. des Débats.)
— On écrit de Brest :
« La corvette de charge la Meurthe, récemment mise à la mer au port
de Lorient, est attendue à Brest, où elle vient achever son armement. Ce
bâtiment est destiné à faire partie de l’expédition des îles Marquises.
» Le brick le Zèbre, sera conduit en rade aujourd’hui, si le temps le
permet.
» Les vents contraires retiennent toujours la frégate la Cléopâtre en
appareillage pour les mers du Sud. »
— Un journal du matin dit que l’on s’entretenait hier à l’ambassade
d’Espagne de l’arrivée d’un plénipotentiaire envoyé par le régent Es-
partero, chargé d’une mission extraordinaire près du gouvernement
français.
— *M. et M»' Bourjade, anciens marchands de draps, avaient déjà fêté
religieusement en 1817, la cinquantième année de leur mariage. Il y a
peu de jours, ils ont fêté à Saint-Germain-l’Auxerrois le soixante-quin-
zième anniversaire de leur union. M. Bourjade a 97 ans et sa femme 93.
— La cour de cassation, conformément aux conclusions de M. le pro-
cureur-général,a rejeté, dans son audience de ce jour,le pourvoi contre
l’arrêt de condamnation prononcé contre le sieur Hourdequin.
REUGIQUE.
Brcxem.es, 9 janvier. — Aux réceptions du jour de l’an, le roi s’est
longuement entretenu avec les membres de l’administration commu-
nale, de tout ce qui se rapporte à l’agrandissement et à l’embellissement
de la capitale; il parait s’être prononcé en faveur de l’incorporation des
faubourgs, sans dissimuler toutefois les difficultés que cette réunion
pourra rencontrer et qui la retarderont peut-être; il a parlé des sacri-
fices qu’il a faits pour les théâtres de Bruxelles, qui, depuis son avène-
ment au trône, lui ont coûté plus de seize cent mille francs : « Je veux,
a-t-il dit en prenant congé de nos magistrats municipaux, faire de
Bruxelles, une grande, une belle, et une bonne ville. »
ANVERS , ÎO J ANVIER.
Le temps continue d’être orageux ; le vent depuis hier soir souffle
avec une nouvelle violence de la partie S.-O. accompagné de pluie.
Deux chaloupes de pêche , parties le 19 décembre, sont rentrées au-
jourd’hui par suite du mauvais temps et de la perte de leurs amorces. |