Full text |
I*€ Précurseur.
On remarque depuis quelques jours un échange très actif de cour-
riers entre l’Angleterre, l’Autriche et la Russie.
— La police royale de Prusse d’Aix-la-Chapelle vient d’adresser une
instruction à tous les bourgmestres de l’arrondissement dans laquelle
elle prescrit de nouvelles mesures de rigueur envers les étrangers et
une surveillance sévère à l’égard des habitans de ces provinces, elle
appelle surtout leur attention sur les établissemens publics, les cafés ,
etc., et les conversations que l’on y lient.
ESPAGNE. — Madrid , 24 décembre.
Le ministre des finances, décidé à ne rien négliger pour tâcher d’assurer le
suecès des plans d’amélioration politique , compte, à ce qu’il paraît, sur plu-
sieurs sources de revenus : 1° une avance qu’il espère tirer des caisses de la
Havane ; 2° la réalisation du paiement des contributions extraordinaires de
guerre: et 5° enfin de nouvelles négociations avec divers fournisseurs que
l'on espère trouver traitables- La confiance du jeune ministre paraît s'être
communiquée aux habitués de la bourse. Les opérations, depuis deux jours,
Sont plus animées et plus favorables. On a appris avec plaisir dans les cercles
financiers que M. Mon devait faire compter à des créanciers de l’Etat, qui,
depuis plus d’un an, n’ont rien reçu, un mois sur leur arriéré. Cette répara-
tion partielle serait suivie par un autre acte non moins consolant. L'ordre
de M. Pizarro, qui réduisait le traitement des employés, sera révoqué.
On s’accorde généralement à dire qu’il faut au nouveau ministère pour
pouvoir se soutenir, trois circonstances: 1° réalisation d'un emprunt; 2°
succès militaires ; 3° assistance plus large et plus efficace des alliés de l’Espa-
gne. Là doivent tendre tous ses efforts. Il n’a pas à craindre l’opposition des
Cortès dans les mesures qu'il croira opportun d'adopter. Sur 126 députés pré-
sents, on en compte 80 fortement prononcés en faveur du ministère ; ils tien-
nent de fréquentes réunions à l'hôtel des Philippines. Là il a été décidé qu'il
était de l’intérêt du pays de soutenir le gouvernement.
Des interpellations adressées aux ministres des finances et de la guerre n’ont
amené que de nouveaux exposés de la situation fâcheuse du pays, sans indi-
cation des mesures à prendre pour y remédier. »
Les craintes conçues au sujet des dissentions entre les diverses fractions
du parti constitutionnel modéré se sont heureusement dissipées. On avait
craint, sur de fausses apparences, que le général Cordova, appuyé par M.Vil-
liers, ne se montrât hostile au nouveau cabinet ; mais grâce à la bonne lacti-
que et à l'habileté du comte de Toreno, ainsi qu'à la conciliation de certains
intérêts qu'on supposait à tort, devoir isoler le général Cordova des hommes
avec lesquels il a toujours été uni. ceux qui avaient espéré semer la division
par la méfiance en seraient,pour leurs peines. »
Bayonne, 27 décembre.
La nouvelle du passage de l’Ebre par l’expédition cariisle ne se confirme
pas. Il est question d’un mouvemeni de flanc de quelques bataillons sur la
Ribera ; cette marche est attribuée à quelques manœuvres combinées avec
Cabrera qui s’était avancé du côté de Saragosse et qui a été forcé de se retirer
par suite de l’attitude Imposante de ccttc ville. -
FRANCE. — Paris , l®r janvier.
OHHOMSgOS s-ff BRP1T8 EJ3 SAX02V.
France et Sicile. — Des dépêches sont arrivées cès jours de Naples
au ministère des affaires étrangères. Ün dit que le cabinet des Deux-
Siciles se montre disposé à terminer entièrement les différends com-
merciaux qui existaient entre les deux pays. 11 parait que le poste
d’ambassadeur va enfin être rempli et que le nouveau titulaire sera
chargé de négocier un nouveau traité de commerce entre la France et
les Deux-Siciles. On ne sait pas encore quel est le diplomate qui sera
envoyé à celte ambassade importante.
les ducs de wurtemberg et DK NEMOURS. — On se rappelle qu'il avait
été question du retour à Paris du prince de Wurtemberg et de la
princesse Marie , avant la fin du mois de décembre. Il parait qu’ils
ne sont plus attendus aux Tuileries que vers la fin du mois de mars.
Ün dit que le duc de Wurtemberg a servi d’intermédiaire pour ouvrir
des négociations afin de conclure une alliance matrimoniale entre le
duc de Nemours et une princesse de Vv'u; te nberg. ün sait que les fil-
les du roi Guillaume sont d’une beauté remarquable. Celle qui serait
destinée au duc de Nemours est âgée de 2i ans.
budget des finances. — Aussitôtque l’adresse en réponse au discours
du trône aura été votée, M. le ministre des finances do t presenter le
budget à la chambre des députes. Depuis 6 semaines, les employés rie
ce ministère sont occupés à réuinr tous les matériaux nécessaires pour
cette présentation. On assureque les prévisions de 1839, dépassent d’une
cinquantaine de millions celles de 1858. Il est vrai que pour rclabiir
l’équilibre , le ministre compte demander aussi des crédits supplé-
mentaires sur lesbudgelsde 1837 et 1838, afin de couvrir les dépenses
occasionnées par la dernière expédition dé üonstantine et celles que
nécessitent l’oceupation de notre nouvelle conquête.
commission de l’adresse. — La commission de l’adresse des députés
s’est réunie aujourd’hui; avant de se séparer, elle s’est occupée du
choix de son rapporteur. On nous assure que les voix se sont parta-
gées également, cinq contre cinq, entre M. Etienne et M. Saint-Marc
Girardin. On sait que le président de la chambre est membre né de la
commission de l’adresse, et que s’il a voix prépondérante dans les dé-
libérations, son vote au scrutin ne peut compter que pour une voix.
Si ce renseignement est exact, l’âge doit décider entre les deux con-
currens, et M. Etienne serait chargé de la rédaction du projet d’a-
dresse. Viendra ensuite la discussion de ce projet, et c’est alors qu’en
cas de partage la voix du président sera prépondérante. Or, il n’et pas
douteux que M. Dupin soit au nombre des cinq membres qui ont
nommé M. Etienne.
iiubert. —Hubert a subi hier un dernier interrogatoire. On dit que
l’instruction est terminée, et que l’on rédige l’acte d’accusation. Hu-
bert continue à montrer la même impassibilité et à se tenir dans un
système de complète dénégation,
influence rotale. — L’opposition voudrait annuler complètement
rinfiuence royale. C’est une erreur en théorie , une impossibilité en
fait. Théoriquement, la royauté est un pouvoir, elle a sa légitime part
d’action. En fait, la personne royale est une capacité éprouvée. Il y a
l’inévitable influence de l’homme capable. D’une autre part, les jour-
naux doctrinaires voudraient étendre démesurément la prérogative et
annuler la chambre. Pernicieux conseils de courtisans éconduits qui
cherchent à reconquérir par l’adulation lafaveur qu’ils ont perdue.Ces
doctrines iront se briser contre le double ccueil de la puissance parle-
mentaire et de la sagesse royale. (Le Temps.)
nécrologie. — Hier soir, M. Lefort, maire du premier arrondisse-
ment de Paris, s’est présenté chez M. le comte de Rambuteau, préfet,
qui reçoit tous les samedis. A peine avait-il passé le seuil de l’anti-
chambre, qu'il est tombé raide mort. M, Lefort avait le pressentiment
de sa fin prochaine; car il disait tout récemment qu’il n’espérait pas
voir le printemps.
clôture des maisons de jeux. —Conformément aux prescriptions de
la loi des finances rendue dans l’avant dernière session, toutes les mai-
sons de jeu de Paris ont été fermées aujourd’hui 31 décembre, à mi-
nuit précis. Un avis affiché dans toutes les salles prévenait les joueurs
que les parties ne se continueroient pas un seul instant au-delà du
terme fixé. Le Salon ou Cercla des Etrangers, la plus aristocratique
des maisons de la banque des jeux, qui n’était ouvert habituellement
qu’à onze heures du soir, pour fermer à trois ou quatre heures du
matin, avait, par extraordinaire, ouvert ce soir à neuf heures. Les
principaux habitués étaient avertis par lettres de cette disposition.
La foule n’a cessé d’encombrer hier et aujourd’hui les maisons do
jeu, principalement au n° 154 du Palais-Royal et à Frascati. Plusieurs
scènes dramatiques ont signalé ces dernières séances de jeux publics.
Un ouvrier s’est tué eri sortant du n° 113. On cite deux jeunes gens
qui ont perdu des sommes assez considérables, et qui ne sont pas ren-
trés chez eux depuis hier. D’autres scènes ont eu leur côté plaisant.
Un particulier , fort bien vêtu, qui avait joué hier gros jeu et très-
malheureusement aun" 154, met au trente-un, le seul billet de mille
francs qui lui reste, et le perd; mais avant que le tailleur ait eu le
tems de s’en emparer, lejoueur se précipite sur son billet de mille frs.,
le saisit, et se sauve avec. On crie : au voleur ! les inspecteurs, chefs
de partie, garçons de salle, courent en masse après le fugitif; àla der-
nière porte il se voit près d’être atteint; il roule alors en boule son
billet, l’avale et se retourne, en ouvrant la bouche toute grande au
nez de ceux qui le poursuivaient.
On crie, on menace ; mais lorsque l’on vit que le billet était bel et
bien avalé, et qu’il n’y avait moyen ni de le reprendre, ni d’en avoir un
autre du joueur ruiné, on le laissa partir. On n’a pas su si celui-ci,
une fois dehors, avait pris quelque moyen pour rentrer en possession
du précieux papier.
Aujourd’hui toute la soirée, lessalonsdeFrascati étaittellcrnent pleins
que l’on pouvait à peine y remuer. Les tables de trente-un, de la rou-
1 tte et du craps, étaient couvertes d’argent. A dix heures, la foule était
t :11e, à i’inténeur, qu’il a fallut fermer les portes de la rue. De ce mo-
ment,personne n’est plus entré, mais une foule considérable s'est amas-
sée dans Ja rue Richelieu pour assister à ia sortie.
i mi h—m—m——i ■■ i
BELGIQUE.
ANVERS , 3 JANVIER.
Le Politique de Liège contient la nouvelle suivante , sous la date
d’hier :
u Une personne qui arrive à l’instant d’Aix-la-Chapelle nous in-
forme que le bruit était généralement répandu dans cette ville, que
le roi de Hanovre venait de succomber victime d’un assassinat commis
par un étudiant. »
---— — Ml —M— WW— .
Au commencement de la séance d’hier, M. d’Iloffschraiilt a inter-
pellé M. le ministre des affaires étrangères pour savoir s'il est vrai,
comme l’a annoncé le Journal des Débats , que le roi Louis-Philippe
rappelait les troupes envoyées sur la frontière : il a demandé en outre
haute voix ; mais Joé ne pouvait répondre, et mon père ne disait pas un seul
mot. Ma mère sortit de la cabine, examina tous les coins de la gabare, re-
garda dans la niche du chien pour voir si Joé n’était pas couché avec son ami
le matin. Joé n’élait nulle part, et elle rentra dans la cabine.
— Où est donc Joé ? demauda-t cite à mon père, l’alarme maternelle peinte
sur la figure.
Mon père ne répondit rien, mais ôtant sa pipe de sa bouche, il -en dirigea
le bout du côté de la rivière, la remit entre ses lèvres, et se mit à lâcher dou-
loureusement des bouffées de fumée.
— Quoi ! s’écria ma mère, voulez-vous dire que José est tombé dans l’eau?
Mon père fit un signe de télé affirmatif, et travailla avec énergie à épaissir
le brouillard que la fumée formait autour de lui. Gn torrent de pleurs, de cris
et d’imprécations, succéda à cette annonce caractéristique. Mon père lui laissa
le temps d’épuiser sa douleur,et sa pipe finit à l'instant où elle cessait de crier:
il en secoua les cendres d’un air grave, en disant : « 1! n’y a fias de remède; ce
qui est fait est fait. » Et il se mit à remplir sa pipe.
— Pas de remède, s’écria-t-elle, mais il pouvait y en avoir !
— Il faut du sang-froid, dit mon père.
— Du sang-froid !... oui, vous prenez tout avec sang-rroid. Je suis sûre que
vous n’en manqueriez pas, si c’était moi qui me fusse noyée.... Hélas 1 bêlas !
mes deux pauvres enfants, les avoir perdus de celte manière !
— Cela ira mieux une autre fois, dit mon père imperturbable ; ainsi, Saliy,
n’en parlons plus. .
Mon père continua quelque temps à fumer sa pipe, et ma mère à s’essuyer
les yeux ; enfin mon père, qui avait le cœur bon. se leva de la caisse sur la-
quelle il était assis, emplit de gin une tasse à thé, et la présenta à nia mère,
qui ne put refuser cette offrande propitiatoire. Cette libation se réitéra plu-
sieurs fois; et le chagrin et le souvenir se noyant ensemble, disparurent com-
me deux amants qui meurent serrés dans les bras l’un de l’autre.
Cette belle métaphore terminera l'épisode de mon malheureux frère José.
Ce fut environ un an après cet événement, que ma mère me fil faire ma
première apparition dans le monde, sans autre assisiance que celle de dame
Nature, qui, je crois, est une excellente sage-femme, quand on la laisse faire.
Mon père, qui avait quelque idée du christianisme, me baptisa lui-même avec
une goutte d’eau qu’il prit au bout de sa pipe. Ma mère se passa de relevailles;
elle n’avait été qu’une seule fois dans une église, le jour de son mariage. Dans
Je fait, ni l’un ni l’autre ne quittaient la gabare, si ce n’est quand mon père
avait à prendre les ordres du propriétaire ou du surintendant, pour recevoir
ou décharger une cargaison, ou quand ii allait à terre pour acheter les objets
qui lui étaient nécessaires, ce qui n’arrivait guère qu’une fois par mois. Je
n’ai conservé que très peu de souvenirs de mon enfance ; mais je me rappelle
que la gabare était peinte en bleu et en rouge, et que ma mère avait coutume
de m’en faire admirer la beauté pour m’apaiser quand je criais. Je commencerai
donc mes mémoires à l’âge de 5 ans, et déjà je rendais quelques petits services
à mon père ; car j’étais aussi avancé que quelques enfans le sont à 10 ans: cela
peut paraître étrange.mais le fait est que, si j’avais peu d idées, du moins elles
étaient nettes et complètes. La gabarre.son équipement et sa destination
étaient le microcosme de mon imagination au berceau ; le petit nombred’ob-
■ets vers lesquels se dirigeaient mes idées s’imprimaient profondément dans
jm» mémoire, et je les comprenais parfaitement. Jusqu’au moment où je quit-
ta i la gabare, à l’âge de onze ans, les rives de ia Tamise formaient mon hori-
zon intellectuel : je comprenais quelque chose à la nature des arbres et des
maisons que je voyais : mais je crois que je ne savais pas que les arbres crois-
saient. Du moins, il mu semblait que je les avais toujours vus tels que je les
voyais, et je ne faisais aucune question à ce sujet. Mais à l’âge de dix ans . je
connaissais tous les noms particuliers qu'on donne à chaque partie de la Ta-
mise, b profondeur de l’eau, las hauts-fonds, la force et là direction descou-
rants, et même les heures du flux et du reflux, j’étais en étal de gouverner la
gabare, quand elle suivait la marée , et s’il me manquait quelque chose du
côté de la force , j’y suppléais par cette dextérité que donne une pratique
constante.
J’avais onze ans quand une catastrophe subite et inattendue fut cause d'un
grand changement dans ma vie; mais avant d’en parler , Il faut que je dise
encore quelques mots de mon père et de ma mère , et que je conduise leur
histoire jusqu’à cette époque. La passion de ma mère pour les liqueurs spiri-
lucuses n'avait fait que s’accroître avec le temps, comme cela arrive toujours,
et sa corpulence avait augmenté dans la même proportion. Elle était*alors
une montagne rie chair, telle que je n’en ai jamais vue depuis ce temps, mais
‘ je n eu remarquais pas la difformité dégoûtante, parce que cette augmentation
s’était opérée insensiblement, et peut-être aussi parce que je n’avais jamais
vu d autre femme que de loin. Pendant les deux dernières années , elle avait
rarement quitté son lit; et bien certainement elle ne se traînait pas hors de
la cabine nne fois par semaine . car son obésité et son état constant d’i-
vresse l’en rendait incapable. Mou père allait à terre un quart d’heure
de temps en temps, pour acheter nos provisions, qui consistaient prin-
cipalement en gin, en tabac, en harengs saurs, et en biscuits avariés
Ou juge bien que, d’après une telle nourriture, je devais être un grand bu-
veur ; mais j’étais strictement lenu à l’eau, car il restait encore à ma mère as-
sez de bon sens pour dire que le gin ne valait rien pour les enfants. Pendant
ce temps, il s’était opéré aussi un grand changement dans mon père. Il me
laissait alors la conduite de la gabare, et il ne venait sur le tillac que lorsque
j’avais besoin d’aide pour passer sous les ponts, ou pour diriger convenable-
ment notre bâtiment à travers la foule de navires de toutes espèces dont la
rivière était quelquefois couverte, li passait alors la plupart du temps dans la
cabine à aider ma mère à vider une grande bouteille de grès. La femme avait
tenté l'homme, et tous deux partageaient avec plaisir le fruit défendu du ge-
névrier. Telle était la situation des affaires dans notre petit royaume à l’épo-
que de ta catastrophe que je vais rapporter.
Par une belle soirée d'élé, tandis que nous flottions sur la Tamise avec une
cargaison de charbon que nous portions un peu au-dessus de Putncy-Bridge,
une forle bri6e qui nous était contraire retarda notre marche ; et quand nous
étions à un mille et demi de notre destination, nous fûmes obligés de jeter
t’ancre. Mou père, qui s’attendait à arriver le soir, avait eu soin de ne pas
s’enivrer. Il me rappela qu’ii fallait que nous fussions à Putney-Bridge le len-
demain de bonne heure, et m’ayant recommandé de ne dormir que d’un œil ,
il descendit dans la cabine pour se dédommager de son abstinence. Je resta
donc en possession du pont et de mon souper; carjcne prenais jamais mes
repas dans la cabine, dont l'atmosphère imprégnée de gin et de tabac m’était
insupportable. Je couchais même sur le pont, à moins que les nuits ne fussent
extrêmement froides, et je faisais ma chambre de la loge du chien . qui était
mort depuis deux ans et qui n’avait pas été remplacé. Je venais de finir mon
souper, j’avais fait le tour du pont pour voir si tout allait bien, et n’ayant
que, si l’affaire de la forêt de Grünenwald est lout-à-fait terminée, le
gouvernement rappelle également les troupes qui sont actuellement
dans le Luxembourg, afin de diminuer les charges dont cette mal*
heureuse province se trouve déjà obérée.
M. le ministre a répondu qu’il n’avait reçu aucune communication
officielle de la nouvelle donnée par le Journal des Débats ; que quant
à l’exploitation de la forêt de Grünenwald, elle était entièrement sus-
pendue; mais que pour ce qui concerne le rappel des troupes envoyées
dans le Luxembourg , c’était une question à examiner par le gouverne-
ment et sur laquelle il ne pouvait s’expliquer en ce moment.
La chambre a abordé ensuite la partie la plus importante du budget
de la guerre , celle qui concerne les soldes et masses de l’armée. La
discussion s’est engagée sur les réductions proposées par la section
centrale sur la réserve et l’effectif de l'infanterie.
M. le ministre de la guerre examinant une à une toutes les objec-
tions de la section centrale, a démontré en premier lieu , quant à la
réserve, la nécessité de sa réunion chaque année pour que les hommes
qui en font partie demeurent dans la conviction qu’ils appartiennent
encore à l’armée, qu’ils peuvent être appelés au premier jour , qu’ils
doivent soigner et ménager les effets d’équipement laissés en leur pos-
session. A l’égard de la réduction de l’effectif de l’infanterie, M. le mi-
nistre a particulièrement insisté sur ce que cette réduction replace-
rait précisément l’armée sur le pied où elle se trouvait lors de la dis-
cussion du budget de 1837, alors qu’il y avait presqu’unanimilé dans
la chambre pour se plaindre qu’elle n’eut pas une attitude assez res-
pectable. Toutefois le ministre consentait à diverses réductions s’éle-
vant ensemble à 267,000 francs.
Nous recevons à l’instant la nouvelle que des ordres ont été donnés
en Angleterre pour l’expédition immédiate de 1,600 hommes de la
garde royale pour le Canada. On désaprouve généralement ces mesures
et la société de la réforme de Westminster, vient de convoquer un
meeting public pour jeudi, afin de protester hautement contre la con-
duite des ministres. Le corps royal est composé d’hommes de5 pieds8
pouces.
D’après les derniers avis, -de l’Irlande, il parait que le parti religieux
y désapprouve aussi fortement la guerre contre le Canada. Et Ton se
demande à ce sujet s’il serait prudent d’envoyer des régimens Irlan-
dans cette contrée, après de pareils témoignages de sympathie.
Des lettres du Canada datées de Montréal, le 11 décembre, arrivées
le 1er du courant à Londres, portaient que les troupes de la reine
étaient en possession de St.-Johns, St.-Charles, St.-Dénis et de plu-
sieurs autres places importantes. On se rappelle que c’est de St.-Denis
que les troupes commandées par le colonel Gore furent repoussées par
les canadiens.
On nous adresse la lettre suivante;
Monsieur le Rédacteur ,
Jé viens de lire dans votre n° du 31 décembre, une lettre sur l’é-
clairage d’Anvers. J’ai remarqué avec étonnement qu’on y disait que
les Actionnaires de Bruxelles avaient adressé des observations sévères
à l’Administration de la Société Anversoise du gaz.
La lettre signée à la bourse de Bruxelles n’était au contraire qu’un
assentiment anticipé donné par les actionnaires à plusieurs projets
d'économie et de réforme dont l’Administration avait d'avance pris
l’initiative.
Quand au conseil bénévole donné par votre abonné de substituer
au gaz de résine le gaz à la houille, je pense que ni la régence d’An-
vers, ni les particuliers ne voudraient l’accepter, car tout le monde ,
sait, combien est détestable l’emploi de ce dernier. Pour appuyer mon
opinion d’un seul fait, je vous dirai, Monsieur, queles consommateurs t
t de Bruxelles trouvent des inconvénients tellement graves au gaz de o
houille que plusieurs d’entre eux n’ont point hésité à adopter le gaz !
de résine portatif, de Mr. Bodard, malgré la différence énorme de 3
prix, et le désagrément d'avoir des reservoirs à domicile. Ce gaz , très f
médiocre du reste, se vend 50 frs., les mille pieds cubes , tandis qu’à
Anvers, en qualité bien supérieure, on ne le fait payer que 27 frs.
Ge peu de lignes suffiront, je l’espère, pour paraliser l’effet de la
lettre malveillante de votre abonné, et vous m’obligerez en leur réser-
vant une place dans votre prochain numéro.
Agréez, etc. [in Actionnaire de Bruxelles.
Nous, lisons dans le Constitutionnel des Flandres :
Nous apprenons à l’instant qu’après avoir fait samedi dernier la paie
aux ouvriers terrassiers, maçons, tailleurs de pierre et charpentiers ,
occupés sur la section du chemin de fer de Gand à Bruges et de Bru-
ges à Ostende, ou en a renvoyé plus des trois quarts; nous ignorons
quels sont les motifs de cette mesure, car le temps est encore très fa-
plus rien à faire, je m’éiais étendu sur le tillac, livré aux méditations profon-
des d'un enfant de onze ans, contemplant les astres qui tantôt brillaient dans
le firmament, tantôt disparaissaient sous des masses de vapeurs, et se remon-
traient ensuite de nouveau , me demandant de quoi ils étaient faits, et com-
ment ils se trouvaient !à. Tout à coup, j’entendis des cris perçants, et avant
que j’eusse le temps de me lever, mon père sortit de la cabine et passa à côté
cïe moi. Ses yeux et tous ses traits annonçaient la terreur, et ses jambes un
état d’ivresse complète. Les cris redoublaient pendant qu'il courait d’un pas
chancelant vers le bord de la bagare. Il se pencha , comme pour puiser de
l’eau, et, dans sa précipitation, il tomba dans la rivière , ia tête la première ;
je courus à l’endroit où il avait disparu . mais je ne vis que quelques cercles
tracés sur la surface de l’eau, et qui s'effacèrent en un instant. Sa disparition
soudaine, sa mort évidente, me firent rester quelques secondes dan9 un étal
de stupeur. J’en fus tiré par les cris que ma mère continuait à pousser, et
qui devenaient plus faibles de moment en moment, et je rn empressai d’aller
à son aide.
fîXUne fumée épaisse et empyreumatique sortait de l’écoutilie de la cabine, et
formait une colonne qui s’élevait en droite ligne vers le ciel, car le vent avait
cessé. J’essayai de descendre, mais je fus obligé de reculer à la hâte; la fumée
m’aurait étouffé en moins d’une demi-minute. Je fis alors ce qu’aurait fait
tout autre enfant de mon âge, je m’assis sur le pont, et je pleurai amèrement.
Au bout de quelques minutes, n’entendant plus de cris, je levai la tête, que je
tenais appuyée sur mes mains, et je vis que toute fumée avait disparu. Je me
rapprochai alors de l'écoutille: il en sortait encore une odeur forte; mais je
sentis que je pouvais la supporter. Je descendis les trois marches qui condui-
saient dans la cabine, en m’écriant : Ma mère I Point de réponse; je m’arrêtai
à l’entrée. La lampe attachée à la cloison de l'arrière brûlait encore, et je
pouvais voir distinctement tous les coinsdelacabine.Rien n’était bi ûlé, les ri-
deaux mêmes du lit de ma mère ôtaient intacts. Respirant à peine d’étormement
et de crainte, je m’écriai encore une fois, d'une voix tremblante : Ma mère !
et ne recevant pas plus de réponse que la première fois, je restai plus d’une
minute hésitant et ne sachant que faire. Enfin je m'approchai du lit, et je me
hasardai à en tirer les rideaux. Au lieu de ma mère, je vis au milieu du lit co
qui me parut une masse noire et informe; j’avançai la main pour In toucher,
et je sentis une substance onctueuse comme de la paix. Je poussai un cri
d’horreur, et remontant avec précipitation sur le pont, je tombai sur les plan-
ches en y arrivant, et je restai plongé dans un état de stupéfaction qui dura
plusieurs heures
Commeii pourrait s’élever dans l’esprit du lecteur quelques doutes sur la
cause de la mort de ma mère, je dois l’informer ici qu’elle périt de cette mort
épouvantable qui frappe quelquefois, quoique rarement, ceux qui boivent
avec excès des liqueurs spiritucuses. Les événements de cette espèce n’arri-
vent peut-être qu'une fois par siècle, mais on en connaît des cas authentiques.
Elle mourut de ce qu’on appelle combustion spontanée, c’est-à-dire de l'in—
flammaiion des gaz engendrés par ces liqueurs absorbées dans le système; Il
est à présumer que ies cris de ma mère, la fumée qui sortait de son corps, et
l'odeur qu’il exhalait, firent perdre l’esprit à mon père, qui avait lui-même
bu plus que de raison; et ce fut ainsi que je mo vis enlever, au même instant,
les deux auteurs de mes jours, l'un par l’eau, l’autre par !e feu.
C’est également ainsi que ma tâche sc trouve rempiler
■ |