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1846. N. 363.
1XVEÏI8. Hlardi 3 y Déccaibre.
(IBöïïSüIèllI';
on s’abonne:
A Anvers au bureau du Précur-
seur , Bourse Anglaise , N° 1040,
en Belgique et à l'étranger chez
tous les Directeurs des Postes.
„ ECUR
Journal Politique, Commercial, Maritime et Littéraire.
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. V
1*AIX. — LIBERTÉ. — PROGRÈS.
ABONNEMENT PAR TRJtjMESTRH /
Pour Anvers, fSfr.; pour la pro-,
vince 18 fr.; pour PtUiauger 20 i')>y
Insertions 25 cenU&sftOa. Ugtfe.
Réclames 50 » »
29 Décembre.
Conservation «les tableaux de Rubens.
L’état dans lequel se trouvent plusieurs des tableaux de Ru-
bens qui ornent nos églises etjiotre musée, notamment la Des-
cente de Croix, inspire de légitimes inquiétudes à tous les amis
de notre gloire artistique. Ces chefs-d'œuvre, que nous vou-
drions tous transmettre intacts aux siècles futurs, comme une
des parts les plus précieuses du grand héritage que se lèguent
les générations, bien loin hélas! d’être intacts, menacent ruine
et périront prématurément, si, pendant qu’il en est temps en-
core, on ne porte remède au mal qui les a frappés.
Cette question, plusieurs fois agitée déjà par la presse, s’est
reproduite pour la première fois à la Chambre, dans une des
dernières séances.
A propos d’un article publié d’abord par le Précurseur, puis
par l’Indépendance et dû à M. Héris, M. Notliomb a appelé sur
ce point toute la sollicitude du gouvernement et des autorités
qui peuvent, parleur concours et leur influence, empêcher que
les magnifiques pages de Rubens ne tombent en poussière.
a Ce serait là un désastre, a-t-il dit, et un véritable affront
* pour la ville d’Anvers, pour le pays entier. »
Notre opinion est également que si, faute d’un secours op-
portun, on laissait s’empirer le mal au point qu’il devint in-
curable, ce serait une honte, nous ne dirons pas pour Auvers
seulement et pour la fabrique de l’église Notre-Dame, à qui ap-
partient la Descente de Croix, mais pour la Belgique entière
aui ne doit pas, d’une question de ce genre, faire une question
e compétence entre une ville, une fabrique d’église et le gou-
vernement, mais bien une question nationale. C’est ce qu’a très
bien compris et exprimé l’honorable M. Rogier, lorsqu’il a dit:
« Je ne chercherai pas à faire tomber sur le gouvernement la
» responsabilité de l’état où se trouvent les tableaux de la ca-
j> thédrale d’Anvers; le temps est le grand coupable, mais M.
» le ministre de l’intérieur a accusé l’administration commu-
» nale d’Anvers de négligence, voulant, en quelque sorte, éta-
» blir que la régence serait responsable, si on était exposé à
> une perte. Je n’inculperai ni le gouvernement ni la régence,
* mais je dirai que des tableaux semblables, au point de vue de
j> l'art, sont du domaine national, et, à ce titre, ils méritent toute
» la sollicitude du gouvernement. »
11 a très nettement posé la question sur son véritable terrain,
lorsqu’il a ajouté ceci :
a La restauration de ces tableaux doit être faite avec intel-
» ligence, en même temps qu’avec soin. Si elle est évaluée à 40
» ou 50,000 francs, il est évident que les ressources de l’église
» et du budget communal ne suffisent pas pour couvrir les
» frais d'une pareille restauration. Le gouvernement doit sen-
» tir la nécessité de se joindre à la ville et à l’église, pour faire
» exécuter cette opération. Des objets semblables sont sans
» prix Je sais que des tableaux ont été restaurés avec succès,
» qu’on est parvenu à rétablir en très bon état des tableaux
» sur lesquels l'action du temps s’était fait sentir, mais, plus
» les tableaux sont précieux, plus il faut prendre de précau-
» lions, pour avoir une restauration complète. Il serait déplo-
» rable que la main de quelque praticien inhabile vînt ajouter
» aux ravages du temps. Si les tableaux doivent périr,je préfère
» que ce soit par l'action du temps, plutôt que par celle d’un
» homme incapable. »
Toute la question est bien, en réalité, celle-là. Le gouverne-
ment doit s’eutendre avec l’autorité communale, et avec la
fabrique de l’église Notre-Dame, pour prendre sans retard une
résolution à ce sujet; nous disons sans retard, parce que, quand
bien même le mal ne serait pas aussi grand que le prétendent
quelques personnes, dont, après tout, on ne saurait blâmer les
alarmes, il est incontestable que plus tôt on procédera à la
restauration de ces tableaux, moins de dommages aussi on
aura à redouter et à réparer. La _ conservation de ces chefs-
d’œuvre sera plus certaine et meilleure, si l’on y travaille au-
jourd’hui que si on s’en occupe, dans cinq, dans dix, dans vingt
ans, c’est-à-dire quand leur état sera devenu tel qu’ils devront,
en quelque sorte, être condamnés. Voilà pourquoi il importe
FEUILLETON DU PRECURSEUR.
LÉGENDES ET CHRONIQUES ANVEESOISES. (1)
LE TOURNOI DU TRÉPASSÉ.
LÉGENDE DO XIII' SIÈCLE.
Il existait au XIII» siècle, à Anvers un espace de terrain appelé het
steekspel van den overtéeden, aux alentours duquel les bonnes femmes se
fussent bien gardées de rôder, sitôt la nuit venue, et qu’elles n’eussent
pas traversé pendant le jour sans faire dévotement le signe de la croix.
En prenant connaissance de ce fait, nous nous sommes dit que la
sombre malédiction qui pesait sur ce lieu, ne pouvait provenir que de
quelqu’évenement étrange qui s’y serait accompli ; et nous nous
sommes livré à des recherches minutieuses pour connaître cet événe-
ment. et pour essayer de retrouver l’emplacement qui lui servit de
théâtre-Des indices, qui résultent de rapprochements eide déductions
topographiques dont nous n’eunuyerons pas nos lecteurs, nous per-
mettent de supposer qu’il se trouvait à l’endroit correspondant au-
jourd’hui à la Place de Meir où vient aboutir la rue des Tanneurs. On
sait que le premier agrandissement de la ville, qui eut lieu en 1201,
n’en avait pas encore étendu les limites jusques-là, — Quoiqu’il en soit,
nous allons raconter la iradition qui se rattache au Tournoi du Tré-
passé : Cette tradition fit longtemps la terreur de nos pères, elle est
entièrement oubliée aujourd’hui : il ne peut donc qu’êlre agréable aux
Anversois de la voir raviver, — comme nous en avons déjà ravivé
plusieurs autres, qui ont reçu trop bon accueil pour que nous ne nous
fassions pas un devoir et un plaisir de continuer cette lâche.
Henri III, pelit-lils du Guerroyeurdont nous avons parlé dans notre
dernière chronique, élait très-différent de son aïeul; pieux et pacifique
il s’occupa d’améliorer le sort de ses sujets.; il concéda de nouveaux
droits aux habitants de Bruxelles, de Louvain et d’Anvers. Aussi est-il
désigné sous le nom de Henri-le-Doux (zachtmoedigen) dans l’histoire
de cette dernière ville quin’eûl àsubir aucune violente secousse sous
son règne, et qui a voulu rendre par là, hommage à son caractère, le-
quel à cet époque formait une rare exception.
Il était alors d’usage que les souverains plaçassent dans chaque ville
importante un gouverneur qui représentait leur pouvoir, comme l’é-
(1) Les Lé/jendes et Chroniques Jnversoises étant la propriété des édi-
teurs, la reproduction de ces feuilletons est formellement interdite.
de ne plus différer et de prendre le plus promptement possi-
ble une décision, quant au principe.
Pour ce qui est des moyens d’exécution, tout le monde sera,
pensons-nous , du même avis que M. Rogier, et dira comme
lui, que, si les tableaux de Rubens doivent périr, mieux vaut
que ce soit par l’action du temps, que par celle d’un praticien
inhabile. Ils n’ont déjà eu, hélas ! que trop à souffrir des mau-
vais procédés auxquels ils ont été soumis, lorsqu’on les a con-
fiés à des mains inexpérimentées ou inintelligentes.Ainsi,parmi
les causes principales qui ont concouru à les détériorer, quelle
est celle que l’on doit peut-être mettre en première ligne ? La
manière vicieuse dont ils ont été nettoyés. L’opération du net-
toiement est une des plus délicates, des plus difficiles de tou-
tes celles qui se rattachent à la restauratiou des tableaux. Elle
demande beaucoup d’études, d’expérience, de soin et de tact,
parce que les moyens à employer utilement varient, selon le
genre de peinture, et selon la nature de la crasse qu’il s’agit
d’enlever. Tel procédé sera excellent pour une toile, qui sera
très mauvais pour une autre et dévorera la couleur, au lieu de
la faire ressortir et de lui rendre son éclat. Mille tableaux
peut-être sont ainsi gâtés, chaque année, par des hommes qui
ne comprennent rien à cette partie essentielle de l'art.
Eh bien ! on a eu le malheur de nettoyer ainsi, car on appelle
cela nettoyer, plusieurs des pages capitales de Rubens,et ce sont
précisément celles-là qui ont le plus souffert. Les tableaux
médiocres, ceux qui sont cachés dans les endroits obscurs des
églises, sont les mieux conservés. Pourquoi? pareeque les net-
toyeurs ne les ont pas jugés dignes d’eux et que ces toiles ont ainsi
eu le bonheur d’échapper à leurs mains barbares. Il existe, de
Ru bens, un chef-d’œuvre qui a gardé sa fraîcheur et son lustre
primitifs. C’est le célèbre Chapeau de paille. A quelle cause
doit on l’attribuer ? à ce qu'il n’a jamais été nettoyé, jamais
verni. Le vernis qu’il a est un émail naturel qu’il a reçu du
temps.
La Descente de Croix et les principaux tableaux qui sont dans
nos églises ont passé par la main des vandales. Ainsi, au milieu
du siècle dernier, on a trouvé qu’ils étaient sales, et on les a
donnés à laver, h décrasser, comme on fait d’un habit taché; et
si nous prenons cette comparaison, ce n’est pas sans motif, car
à qui a-t-on confié ce soin ? nous le donnerions en mille à de-
viner : à un tailleur nommé Marckx (f).
Quelques années plus tard, ils furent renettoyés et retouchés
par Beschey. Cette double opération leur avait été funeste, mais
d’autres épreuves leur étaient réservées. Enlevés, en 179:2 et
transportés à Paris, où ils demeurèrent jusqu’au retour des
Bourbons, là encore ils furent mal traités. On les y vernit pour
la première fois, et Dieu sait de quel vernis! iis en ont beau-
coup souffert. Le voyage de Paris à Anvers leur a également
porté un grand préjudice, par ce qu’ils n’ont pas toujours été
i’objet de tous les ménagements qu’ils méritaient.
Toutes ces causes doivent être mises au nombre de celles qui
ont le plus influé sur la détérioration malheureusement pro-
gressive de ces chefs-d œuvres. On voitque si la main du temps
a été coupable eu cette affaire, celle des hommes l’a été aussi.
Que ce soit du moins une leçon dans les circonstances actuel-
les, et, puisqu’il s'agit, dans l’intérêt de l’art, pour l’honneur
national, de restaurer la Descente de Croix et d’autres toiles
capitales, qu’on ne remette ce soin qu’à un artiste qui ait fait
dès longtemps ses preuves dans ce genre tout spécial et qui,
par des travaux analogues menés à bonne fin, offre des garan-
ties de succès, bien positives et bien réelles. Il faut porter re-
mède dès aujourd’hui ; il en est temps, mais, comme dit M. Ro-
(I) M. Pilaer, consul de Portugal et amateur très distingué, de celte
époque, dit dans ses mémoires :
« Geobserveérd Anno 1773, 15julyophetautaarstukderCoor.bin-
» nen de Catedrale Kerke binnen dezer stad Antwerpen, door Petrus
» Paulus Rubens eigen handigh begonst en voltoid.zynde eene zynder
» aller perfectste werken.dat aan geen ander hoegenaamd dient te
» wei ken.
» Daar stond als dan een stallagie voor gesteld, en wierd door S'
» Marckx gesuivert, dewyl zeer vuylen qnalyk behandelt was geweest.
» dogh geensients beschadight, daar God , en Sl Lucas voor zy ge-
» looft. »
gier, ce remède, pour être efficace, doit être appliqué par un
praticien habile.
On lit dans l'Emancipation :
Quelques jours s’écouleront avant que le projet de loi et l’exposé des
motifs relalifs à la fondation de la société de commerce pour l’exporta-
lion des produits de l’industrie liuière. ne soient livrés à la publicité.
Les annexes destinées à jeter de la lumière sur la question rendront^
dit-on, ce document volumineux.
Voici, à ce qu’on nous rapporte, les principales bases sur lesquelles
,cette institution reposera :
La sociélè pourra exporter même sur les marchés européens, mais
à deux conditions :
La première d’acheter directement des fabricants, on des commer-
çants, par voie de publicité et de concurrence;
La seconde d’expédier sur ordre, c’est-à-dire de ne pouvoir faire
d’envoi sur consignation.
Il sera permis à la société d’exporter pour son compte non seule-
ment des produits de l’industrie linière, mais encore toute autre es-
pèce de tissus, pourvu qu’ils soient fabriqués dans les centres actuels
de fabrication de l’industrie linière; et enfin elle pourra se livrer à
l’exportation de tonte autre espèce de produits, en commission, aux
risques et périls des producteurs ou des acheteurs.
La direction de l'institution est à Gand. mais avec faculté de délé-
guer un de nos administrateurs pour être à la tête d’une sous-direc-
tion à Anvers.
Sur un capital social de six millions de francs, le gouvernement
fournit deux millions, garantit pendant les trois premières années l’in-
térêt à 4 et demi p. c. sur les quatre millions restants ; en cas de perle
du tiers du capital, la société est dissoute et la perte est subie parle
gouvernement, sur le capital qu’il a versé. De cette façon, tout le ca-
pital versé par les actionnaires est garanti par l’Etat. ”
La société sera gérée par des administrateurs., surveillée par des
commissaires, et un commissaire du gouvernement. Elle aura un direc-
teur gérant à Gand, un sous-directeur à Anvers. Ce sous-directeur sera
choisi parmi les administrateurs.
Parmi les hommes importants qui ont adhéré aux statuts de la so-
ciété et promis leurs concours, nous pouvons citer d’abord trois mem-
bresdu Sénat, M. le comte d’Hane de Potter. M. de Péliehy. Van
Huerne, M. le chevalier de Béthune, puis parmi les notabilités indus-
trielles et commerciales. MM. Rosseel. Grenier-Lefebvre, Peelers-Mo-
rel. Vercruysse-Bruneei, Hocedez, Malthyssens, Verreyt et Van der
Elst.
Il esi très vrai que M. de Rothschild a voulu que son nom fût inscrit
parmi les souscripteurs de cette société pour cinquante mille francs.
Ou noussignale comme dérivant déjà de ce projet de sociélé, deux
autres idées capitales : L’une consisterait à fonder à Anvers une so-
ciété d’armement qui, avec un capital de trois à quatre millions de
francs, construirait-des navires et naviguerait pour compte du com-
merce. L'autre idée est iaTondation d’un vaste établissement de blan-
chiment et d’apprél.
Encore un acte de loyauté de notre ministère.
Nous apprenons que M. Théodore Juste, vient d’êlre révoqué de ses
fonctions de secrétaire de la commission centrale d’instruction publi-
que,. fonctions qui lui avaient été conférées en 1845. On ne connait
pas Tes motifs qui ont pu donner lieu à une mesure aussi grave, aussi
violente.
M. Juste ne faisant pas partie que nous sachions d’aucune associa-
tion libérale, serait-ce que les opinions très modérées, qu’il a énon-
cées dans ses ouvrages historiques aurait offusqué M de Theux ? mais
jusqu’ici la presse a été unanime dans les éloges qu’elle a décernés à
un des écrivains les plus populaires du pays.
M. Juste devait d’autant moins s’attendre à cet acte de brutalité ad-
ministrative que le 22 il recevait du ministre une lettre de convocation,
en sa qualité de secrétaire, pour assister à la session de la commission
qui devait se réunir le 28 ; et c’est le 24 qu’il a reçu le flrman ministé-
riel qui le destitue.
Cette mesure est un avis rassurant pour les fonctionnaires qui n’affi-
chent pas ouvertement des opinions selon les vœux de M. de Theux.
(Observateur).
NOUVELLES DE L’INDE.
Le courrier de Bombay, apportant les correspondancesde cette prési-
dence jusqu’à la date du 15 novembre, est passé vendredi soir par
Paris ,
La situation des affaires dans l’Inde était de plus en plus rassurante.
Les insurgés du Cachemire contre l’autorité de Goulab-Sing s’étaient
définitivement soumis.
Dans le Scinde tout se présentait aussi sous l’aspect le plus pacifique,
et deux régiments européens, cinq régiments de Cipayes, presque
toute la cavalerie régulière et l’artillerie ont reçu en conséquence l’or-
dre de repasser l’indus et de rentrer dans l’Inde C’est environ 7,000
hommes sur 15 000 dont on diminue l’armée du Seinde.
Dans l’Affghanistan, au contraire, tout semblait plongé dansla confu-
coutêteou mayeur, représentait le pouvoir du peuple.
Henri III avait, à Anvers, investi de cette fonction un richeseigneur
nommé Wilhem de Varicq, originaire de cette ville et qui prétendait
descendre directement d’un bâtard du duc Gothalon-le-Grand. Jean
Ir, à son avènement, le maintint en possession de son titre.
Wilhem avait passé la majeure partie de sa vie dans les camps. Il
avait été un des premiers guerriers de la Basse-Lotharingie qui sou-
tinrent les prétentions de Frédéric II, fils de l’empereur Henri VI,
lorsque ce jeune prince revendiqua la couronne germanique contre
Othon de Brunswick qui s’en était emparé. Il s’était trouvé à Bouvi-
gnes et y avait déployé unegrande valeur. Il n’avait cessé de s’atta-
cher à la fortune du monarque, qu’il suivit en Italie et plus tard en
Orient. Il n’élait revenu à Auvers qu’après la mort de son chef, en 1250.
C’est alors qu’il avait été appelé au poste éminent de représentant du
prince, dans la cité où il avait vu le jour.
Le sire de Varicq, quoiqu’âgé de plus de quarante ans, s’était marié
aussitôt après son retour ; mais, il ne conserva sa femme que peu de
temps : celle-ci mourut en donnant naissance à une fille qui reçut sur
les fonds baptismaux, le nom de Geneviève, très commun alors aux
Pays-Bas, en souvenir de la malheureuse victime de l’infâme Golo.
Wilhem, comme tous ceux dont la carrière a été une longue agita-
tion et qui sont revenus de toutes les Illusions qui avaient entouré
leurs premiers pas dans la vie, Wilhem n’avait plus d’autre bonheur
que l’amour de sa fille, d’autre espérance que de voir Geneviève gran-
dir en grâce et en beaulé.
Cependant, les armes l’ayant occupé depuis sa tendre jeunesse, il
avait encore conservé un grand faible pour cette profession ; mais
comme il avait fait serment de ne plus s’y livrer pour se consacrer tout
entier à son enfant, il avait trouvé le moyen de satisfaire ses goûts
belliqueux sans courir les dangers qui auraient pu en résulter s’il
s’était, comme jadis, rangé sous les drapeaux de quelque souverain
guerroyeur.
Il ouvrait des tournois et des joûtes auxquels il conviait la noblesse
du pays et de l’étranger, et dont il élait toujours un des principaux
acteurs. .
Tout le monde sait que dans les temps que régnait l’ancienne che-
valerie, on appelait Tournois toutes sortes de courses et combats mili-
taires qui se fesaient d'après certaines règle», entre plusieurs cheva-
liers et leurs écuyers par diverlissementet par galanterie. On nommait
joutes,des combats singuliers qui se fesaient dans le Tournoi, (dont
elles étaient ordinairement une partie,) d’homme à homme et avec la
lance ou la dague.
Les Allemands, les Français et les Anglais se disputent la gloire d’a-
voir, les premiers institué, les tournois, dont l’origine remonte au IX=
siècle et qui doivent avoir pris naissance chez le premier de ces peuples.
Le tournoi était annoncé la veille du jour où il devait avoir lieu par
les proclamations des officiers d’armes. Les divers champions venaient
visiter la place, précédés d’un hérault qui criait : « Seigneurs, cheva-
liers, demain aurez le tournoi, où prouesse sera vendue et achetée au
fer et à l’acier.. On conçoit quelle impression devait produire sur
les esprits de telles proclamations. On solennisait cette veille des
tournois, dit M. de Jaucourt, par des espèces de joûtes appelés, tantôt
essais ou épreuves, tantôt les vespres du tournoi, et quelque fois es-
crimie, où les écuyers s’essayaient les uns contre les autres avec des
armes plus légères à porter, et plus aisées à manier que celles des che-
valiers, plus faciles à rompre, et moins dangereuse» pour ceux qu’elles
blessaient. C'était le prélude du spectacle appelé le grand tournoi ou
le maître éprouve, que les plus braves et les plus adroits chevaliers de-
vaient donner le lendemain.
Dans les premiers temps les dames s’abstinrent d’assister aux grands
tournois, mais l’horreur de voir répandre le s^flg finit, par céder, dans
le cœur de ce sexe né sensible, à l’i n cfi fiauone n eo re plus puissante qui
le porte vers tout ce qui appartient an «erttimeut de la gloire, ou qui
peut causer de l’émotion. Les dames, doue, «^coururent bienlôten
foule aux tournois, et celte époqpe dut être celle delà plus grande,cé-
lébrité de ces exercices. — Pendant qu’on préparait' les tices; ou éta-
lait aux alentours les écusarmoriés deéetix qui aspiraient à y combat-
tre ; et si. parmi eux, il se trouvait quelqu’un Boni'une dame eut sujet
de se plaindre.soil parce qu’il avait maLparlé d ette ou pour quelqu’au
Ire offense, elle touchait son écu pour le recommander aux juges du
tournoi, c’est-à-dire pour en obtenir justice Ceux ci informaient, et si
lecrime était prouvé, lecoupable étaitexiléfdu combat. S’il s’avisait
de s’y présenter, une grêle de coups, que tous les autres chevaliers
faisaient tomber sur lui, le punissait- desa témérité et lui apprenait à
respecter l’honneur du sexe et les lois de la chevalerie. Il n’échappait à
son sort qu'en réclamant à haute voix, la merci des daines
Le sire de Varicq, pour célébrer le douz.ième anniversaire de la nais-
sance de Geneviève, fit, au printemps de l’année 1263, proclamer dans
les principales villes des Pays-Bas, de France et d’Allemagne qu'un
grand tournoi aurait lieu le mois suivant dans une plaine mm loin des
remparts d’Anvers, et qu’il y conviait tout noble homme, désireux de
s’illustrer eu prouvant sa valeur.
Plus de cinquante chevaliers, accompagnés de leurs servants, ré-
pondirent à cet appel. Jamais on n’avait vu à Anvers un aussi grand
déploiement de riches bannières et de splendides armures. Le champ-
cio» avait été préparé avec un luxe tout à fait digne de l'illustre noblesse
qu’il devait recevoir. Aux alentours s’élevaieul des tentes et des pavil-
lon recouverts d’etoffes brillantes et destinés aux spectateurs < t aux |