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sonne de l’entrepreneur, que telle autre ne concerne quela partie- t
matérielle de la gestion et que par conséquent on ne peut adop-
tera cet égard un mesure qui serait juste quelquefois, mais quel-
quefois fort injuste. L’honorable membre demande que le liuit-
clos sur l’objet à l’ordre du jour seulement soit mis aux voix.
M. Jacobs demande le renvoi à une commission.
M. Pécher s’y oppose à raison de l’importance de la somme.
Après une longue discussion , dans laquelle un grand nombre
de membres se sont montrés les zélés partisans de la publicité, la
proposition de M. Lieds est mise aux voix. Il faut les 2|3 des votes
pour quela publicité continue. Le résultat des votes est de 13
voix pour la publicité et 12 voix contre la publicité.
En conséquence la séance publique est levée.
Nous ne donnons aujourd’hui que l’esquisse de cette dernière
partie de la séance ; nous y reviendrons dans un article spécial.
TURQUIE. — Constantinople , 1er décembre.
Une lettre particulière de Constantinople du îor décembre
nous apporte d’effrayans détails sur les progrès du fléau qui déci-
me cette ville, et auquel , d’après ce que nous avons dit hier, le
grand-seigneur, secondé par les chefs de la loi, songe enfin à
opposer autre chose quela résignation.
Les avis officiels arrivés le 30 novembre au bureau de la douane
portaient que le chiffre des morts avait dépassé 1,100 dans la
journée du 29.
Des imans assistés de médecins constataient à chaque porte le
nombre et la cause des décès.
Tous ceux qui ont pu s’éloigner l’ont fait ; mais les individus
qu’on rencontre dans les rues de Constantinople paraissent indif-
iérens à ce qui se passe.
A Péra , quartier des Européens, la consternation est visible.
Les affaires souffrent de cet état de choses. Les comestibles, le
poisson surtout, sont rares et chers, par la dimiminution énorme
des arrivages. Il n’est pas jusqu’à la publication du Moniteur otto-
man qui ne se trouve retardée par les circonstances.
■Quelques évaluations portent la|tnorlalité à 10,000par semaine,
ce qui serait encore plus que le chiffre officiel ; mais notre cor-
respondant, tout en signalant l’intensité du fléau, ajoute pourtant
qu’il doute que le chiffre de la mortalité soit aussi fort qu’on l’in-
dique ; il suppose qu’il est enflé pour forcera plus de prudence
«eux des Musulmans qui s’en fient trop à la prédestination et né-
gligent toute précaution.
BE LA FîtONTIÈSR SIS RUSSIE.
Quand les journaux anglais et français parlent du triomphe du parti russe
pur le parti allemand à la cour de St-Pétersburg, ils emploient une fausse dé-
nomination . bien que par elle-même la chose ne puisse souffrir aucun cloute,
îl ne saurait y avoir en Russie, et notamment à la cour, ou parmi la noblesse,
des partis, dans le véritable sens du mot. Pour qu’un parti puisse se former, il
faut qu’il existe des institutions, des traditions, des moeurs populaires , laissant
un jeu libre à l’individualisme et autorisant une façon de penser indépendante
sur les matières politiques 11 faut que • l’on puisse échanger les opinions
politiques, au moins verbalement, pour pouvoir arriver ainsi à un système
commun. Rien de tout cela n’existe en Russie. Toute individualité se perd
dans l’unité monarchique; toute opinion se tait devant la volonté de l’em-
pereur. D’ailleurs , les pensées indépendantes ne peuvent se manifester.
La police est trop vigilante, et les châtimens dépassent toute imagination.
D’un autre côté, les nationaux ont toujours vu d’un œil jaloux les étrangers
s’emparer des fonctions publiques, entourer le monarque , gouverner l’état et
préférer les institutions des antres pays aux institutions russes. L’insurrection
polonaise a changé cet état de choses; à l’enthousiasme national des Polonais,
il fallait opposer la fierté nationale des Russes, et l’empereur Nicolas com-
prit d’ufr' coup d’œil rapide celte nécessité , lorsqu'ayant reçu la nouvelle
de la révolution de Varsovie, il se rendit à la caserne des gardes et harangua
les soldats. C’est pourquoi le général Dkb.tsclî ne put terminer la campagne,
et Paskewitseh , un Russe dans Pâme, remporta la victoire de la ^nationa-
lité russe. Voilà pourquoi on éloigne en ce moment des hautes fonctions
de l’administration les étrangers ou les Allemands , comme on le appelle en
Russie , de même que les Orientaux appellent Francs les peuples européens.
L’exclusion s’applique notamment aux princes étrangers, parce qu’ils gê-
nent les Russes plus que les autres étrangers. Toutefois , ce parti pris se déve-
loppe sans effort ; mais lorsqu’on prétend à l’étranger que l’élément russe
poussera à la guerre ou montrera une grande ignorance du véritable état des
choses , en Russie il n’y a pas un homme assez influent ni assez riche pour vi-
ser à un but politique autre que la faveur de l’empereur. A cela , il faut ajou-
ter que, par suite des cliangemens opérés, l’empire acquiert chaque jour de la
force et de l’unité , mais ces avantages ne pourraient être dirigés dès à présent
vers l’extérieur, parce que les Russes ne sont pa9 encore assez habiles dans le
maniement des hautes fonctions publiques , et pasccque, d’un antre côté, l’ex-
clusion de toutes les sympathies allemandes pourrait refroidir les senlimeus
des puissances alliées. Aussi veille-t-on avec un soin spécial sur le maintien
des liens de famille qui unissent l’empereur à la maison royale de Prusse.
ESPAGNE. — Madrid, 21 décembre.
La séance des cortès n’a présenté qu’un faible intérêt. Le courrier va partir,
et jusqu’à ce moment voici ce qui a été fait : Le budget a été présenté à la
chambre , et la commission des finances doit procéder, dans un bref délai } à
l’examen de ce document , sur lequel elle fera son rapport.
Le gouvernement est sans nouvelles positives de Bilbao et de Gomez , et il
attend avec anxiété les détails officiels sur la détermination de Barcelone qui
refuse , à ce qu’on assure , de se soumettre à cette législation nouvelle.
On croit et l’on dit même que déjà , dans cette ville , la résistance a élevé
hautement la voix.
Narvaez paraît devoir séjourner avec sa division dans la capitale, et l’on croit
qu’aucune mesure rigoureuse ne sera adoptée contre Alaix , que l’on a intérêt
à ménager.
d’un passe-temps ordinaire qui n’eût présenté aucun péril. Ces hommes pri-
rent alors le chemin de leur bateau , et Ilighfield nous invita à venir trinquer
avec lui. Comme nous ne pouvions accepter, je lui serrai la main en signe d’e-
dieu et il s’éloigna avec ses camarades. Un quart-d’heure après , nous vîmas
leur bateau se mettre en mouvement; Ilighfield, qu’il était aisé de reconnaître
à sa haute taille , dirigeait la roue du gouvernai , et les autres prenant leur
place accoutumée pour la manœuvre du bateau qui portait une riche cargai-
son, entonnèrent ainsi leur chant de départ :
« Appuie fortement sur la rame de hêtre ; elle sc meut trop lentement;
long-temps*encore, en dépit de la vapeur, notre barque sillonnera les eaux
bouillonnantes de l’Ohio. »
Par degrés la marche du bateau s’accrut, et bientôt après il disparut avec la
rapidité d’un coursier d’Arabie.
Ilighfield était le représentant fidèle de ces courageux bateliers qui avaient
fait jusque-là tout le commerce des districts de l’Ouest ; bientôt ils ne purent
plus lutter contre les bateaux à vapeur; et, forcés d’abandonner leur industrie,
ils ne tardèrent pas à disparaître tout-à-fait de ces contrées. Il est difficile de
comprendre comment il se trouvait des hommes qui, pour un mince salaire ,
abandonnaient avec joie les travaux des champs pour se livrer au métier de ba-
telier qui, plus[qu'aucun autre, était entouré de fatigues, de privations et de pé-
rils.
Rien n’était propre comme les rudes travaux des bateliers à ruiner la con-
stitution la plus robuste , et. à hâter le terme de l’existence. On ne pourrait sc
faire une idée des fatigues de ces hommes , sortout lorsqu’il s’agissait de re-
monter la rivière , qui décrivait d’innombrables méandres. Le bateau ne mar-
chait qu’à l’aide de longues perches qu’ils appuyaient de toutes leurs forces
contre la poitrine. Il fallait être doué d’une vigueur peu commune pour pou-
voir résister à ces rudes travaux. En voyant ces hommes le dos voûté et la tête
touchant pour ainsi dire le plancher qui les portait, on eût dit des bœufs traî-
nant péniblement une charrette lourdement chargée ; leurs corps nus jusqu'à
îa ceinture, afin d’avoir plus de facilité dans leurs mouvemens et pour être ra-
fraîchis par la brise du fleuve , étaient exposés aux brûlans soleils de l’été ,
.M&mie aux longues pluies de l’automne. Quand ils avaient traîné le bateau
LE-
a
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S’il en faut croire certains bruits , le ministre de la guerre et le général Nar-
vaez ne sont pas parfaitement d’accord.
Il circule quelques bruits , dunt nous ignorons la source , sur la conduite
récente du général San Miguel, qui avait reçu l’ordre de marcher vers la Navar-
re . afin de faire une diversion utile à Bilbao , et de prendre une part active aux
opérations combinées de ce côté. Le générai n’a pas exécuté l’ordre du gouver-
nement. Si le fait est vrai, il a assumé sur lui une grande responsabilité. Un
homme d’honneur et de talent, comme lui, doit savoir que la première vertu
militaire est celle de la subordination. _ a
Le journal Y Estafette va être traduit devant un jury spécial , à la requête
de M. Alevras de Caballos, pour l’insertion d’un article diffamatoire. Le jury
est déjà composé. .
Une circulaire ministérielle, en date du 18 décembre, signée par le minis-
tre Lopez, porte , qu’à partir du l1» janvier 1857 , la délivrance des passeports
sera faite par les alcades constitutionnels. Les cortès devront, ultérieurement,
régler certaines dispositions financières relatives à cet objet.
Toute attaque contre Bilbao se trouve suspendue par suite du déplacement
que Villaréal a fait subir à son artillerie de siège. La Revista assure que la
division d’Esparlero , renforcée des 0,000 hommes de l’armée de réserve , ne
s’élève pas à moins de 20,000 combattans , tous animés des meilleures dispo-
sitions.Le chiffre des forces carlistes, au contraire, ne monte guère qu’à 15,000
hommes ; encore les soldats découragés par les fatigues d’un siège qui ne finit
pas, commencent-ils à exprimer tout haut leur mécontentement ?
L’occasion se présente donc plus favorable que jamais pour Espartero , de
porter à la faction un coup décisif. Espérons qu’après avoir tempo risé si long-
temps et si mal à propos , ce général sortira enfin d’une inaction qui chaque
jour rend plus critique la situation des lrabitans de Bilbao.
Alaix poursuit toujours la division de Gomez salis pouvoir l’atteindre ; au-
cune mesure n’a été prise par le gouvernement contre ce général, dont l’in-
subordination a eu pour triste résultat d’ajourner, en Andalousie , la destruc-
tion de la faction , qui serait probablement anéantie aujourd’hui , si Narvaez
avait été secondé dans ses mouvemens.
SUÈDE.
Les difficultés qui s’étaient élevées entre le gouvernement et
le storthing de la Norwège paraissent conciliées, et l’on est porté
à espérer que la confiance réciproque qui paraît régner à présent
dans tous leurs rapports ne sera plus troublée. Le gouvernement
de Stockholm a fait preuve , dans cette circonstance , d’une
grande habilité. L’irritation des esprits en Norwège devenait très
sérieuse, et l’on doit se réjouir de voir quela bonne intelligence
entre ces deux pays a pu être rétablie sans qu’on fût obligé d’en
venir à des mesures de sévérité.
Le roi Charles-Jean commence à souffrir des infirmités de la
vieillesse ; il n’est pas sorti de son appartement depuis le com-
mencement de la saison rigoureuse ; néanmoins il conserve
toute la force et la vivacité de son esprit , et montre la même
facilité dans son travail avee ses ministres. On parle à Stockholm
de la négociation d’un traité de commerce entre la Suède et la
Russie. L’industrie de la Suède a fait de grands progrès , depuis
dix ans , et ne peut que gagner chaque jour davantage par des
relations libres et amicales avec les pays voisins.
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ALLEMAGNE. —Francfort , 24- décembre.
L’industrie continue à prendre des déveîoppemens admirables.
Nous parlions dernièrement du projet d’un chemin de fer que
vient d’autoriser l’Autriche, et qui unirait Milan à Venise; voici
qu’il est question d’un autre chemin de fer qui lierait Vienne avec
Prague , et pour lequel, dit-on , on a tout lieu d’espérer l’assen-
timent d.u gouvernement autrichien. Le nombre des raffineries de
sucre de betteraves augmente en Autriche aussi bien que dans les
états prussiens. La Hongrie où le mouvement industriel est im-
mense n’est pas la dernière , comme on pense bien , à fonder des
établissemens pour ce genre de fabrication. Les actions du che-
min de fer le Ferdinand haussent toujours , et les détenteurs es-
pèrent bien que la hausse ne s’arrêtera pas encore. Mais je veux
vous parler d’une autre entreprise industrielle, grande , noble ,
utile , celle du pont de Dessau , déjà fini et inauguré.
Savez-vous bien ce que c’est qu’un magnifique pont, construit
sur un torrent, dans une situation pareille à celle de Dessau?
Savez-vous combien de malheurs il prévient, combien d’indus-
tries il favorise, combien de communications il ranime, combien
de richesses il fait naître, sans compter le pain qu’il donne aux
ouvriers qui le construisent, et les bénédictions qu’il attire au
prince de qui toute la contrée reçoit cet immense bienfait? Ce
pont, commencé en 1834, vient d’être achevé cette année. L’in-
auguration en avait été fixée au 9 décembre, et une prière avait
été adressée au roi de Prusse par le duc de Dessau, afin que le
monarque assistât à cette inauguration , à l'exemple du feu roi
Frédéric-Guillaume II, en présence duquel fut inauguré l’ancien
pont que l’incendie a consumé. Le roi n’a pu venir en per-
sonne , mais il s'est fait dignement représenter. S. A. R.
le prince Guillaume de Prusse accompagné de S. A. R. le
prince Albert son frère, sont arrivés la veille de la fête. Après
les remerciemens de diverses députations du pays , le duc a fait
procédera la cérémonie. Le pont était couvert de couronnes de
fleurs, et des drapeaux flottaient au vent, portant les couleurs na-
tionales et les couleurs de Prusse. Les habitans du pays témoi-
gnaient leur joie par des acclamations. Les ouvriers, les charpen-
tiers, les maçons, armés de leurs outils et précédés de l’inten-
dance des bàtimens, s’étaient placés à l’entrée du pont, ayant à
leur tête les autorités de la ville.
| Le cortège se mit en marche , et la musique entonna un air
durant tout le jour, ils recevaient une chétive ration de whisky , et, après un
misérable souper qui se composait de viande à moitié brûlée et de pain noir et
mai cuit, ils s’étendaient sur le bateau, dans leurs habits, sans nul abri, et ré-
paraient. par quelques he.ures.de sommeil, leurs forces épuisées. Au point du jour,
ils étaient réveillés par le sifflet du pilote, et dès qu’ils avaient avalé unverrè
de whisky, ils se livraient à leurs travaux accoutumés.
C’est à ces bateaux que les marchands américains confiaient les plus riches
cargaisons, se contentant, pour toute garantie, delà signature du pilote,
dont !e navire fesait toute la for-tune ; et il était bien rare qu’on eût à se repen-
tir delà confiance qu’on avait accordée à ces bateliers, Parmieux se fit long-
temps remarquer Ilighfield. Doué d’une intelligence rare , il était destiné à
jouer un rôle distingué , dans quelque condition qu’il eût pluau sort de le je-
ter. Highfield joignait la force d’Hereule à la régularité des traits d’Antinous ;
il était accoutumé depuis son enfance à toutes sortes de dangers; son intrépidité
était extraordinaire et sa réputation s’étendait de Pittsburg à St.-Louis et à la
Nouvelle-Orléans,
Les fermiers qui vivaient sur les bords du fleuve avaient soin de vivre en
bonne intelligence avee Ilighfield, ceux qui étaientses ennemis avaient souvent
lieu à s’en repentir;', leurs propriétés étaient incessamment ravagées, et on
leur imposait de fortes contributions. II arrivait souvent qu’au milieu de la
nuit , Highfield , laissant ses compagnons fatigués se livrer aux douceurs du
sommeil, fesait une excursion dans les campagnes environnantes , et avant le
point du jour, il était de retour au bateau ,. chargé de riches dépouilles.
A Page de dix-sept ans , îlighfieid s’était enrôlé dans un corps de troupes
irrégulières qui campait dans le nord-ouest, aux frontières de PensylvUnie , et
dont la mission était de surveiller les mouvemens des peuplades indiennes et
de repousser leurs empiètemens. Ces batteurs d’estrade menaient la vie la plus
aventureuse : ils s’avancaient eri espions dans le. pays ennemi , et vivaient en
tout point comme les Peaux-Bouges du désert. Durant des semaines entières,
ils ne franchissaient pas les limites des bois, et se contentaient , pour toute
nourriture, de froment cuit au soleil et de viande salée, ils comptaient sur leur '
carabine pour se procurer les alimens nécessaires à la vie. La n.ui! iisdomiaient
au pied d’un arbre, à la belle étoile, enveloppés quelquefois dans unecouver-
national. Les voitures s'avancèrent alors. Dans la première se
trouvait le due avec le prince Guillaume , et le duc régnant
d’Anhait-Cœthen qui avait aussi été prié d’assister à la solennité;
puis, venaient la duchesse régnante de Dessau, le prince Albert,
les denxduchessesd’Anhalt etleprince héréditaireFrédéric;puis,
les membres de la famille ducale, puis la cour, enfin les voitures
de la ville et des environs, au nombre d’une centaine. Joignez à
ce spectacle les cris de joie d’un peuple bon , honnête et labo-
rieux, et vous verrez s’il faut désespérer de notre siècle. Je vous
le dis en vérité : toutes vos théories libérales ne valent pas le pont
de Dessau , ni une fabrique prussienne , ni un bateau à vapeur
sur le Danube. Nous verrons , qui de vous , fesant toujours des
phrases, ou de nous, fesant toujours des choses utiles, se trouvera le
plus avancé un jour dans la route du progrès et de l’humanité.
FRANCE. — Paris, 30 décembre.
L’ATTEKTAT. — NOUVEAUX BÉTAILS.
Ce matin , à huit heures , Meunier a été extrait de la Con-
ciergerie et transféré dans la prison du Luxembourg. Il a montré
à la sortie et pendant le trajet, une impassibilité qui tient de
l’abrutissement. On l’a déposé dans la chambre qu’ont occupée
Fieschi et Alibaud.
MM. Lavaux et Masson sont toujours en état d’arrestation •
on assure même qu’ils sont tous deux au secret. L’instruction a
appris que le pistolet saisi chez M. Lavaux et celui dont s’est
servi l’assassin appartenaient à M. Barré , qui les a reconnus ce
matin. Celui-ci exploitant naguère la maison de commerce, qu’il
a cédée depuis deux ans environ à M. Lavaux, y avait laissé ces
armes qu’il n’avait pas songé à réclamer.
11 paraît que quelques divisions existaient entre M. Barré et
M. Lavaux à l’occasion d’un mariage projeté entre ce dernier et
la fille de M. Barré. Des actes respectueux ont été signifiés , et la
tribunal de la Seine était sur le point de statuer sur l’opposition
formée au mariage, qui devait se célébrer dans quinze jours.
>* Comme nous l’avons dit hier, M. Lavaux, chez lequel Meunier
avait trauaillé en dernier lieu, et qui est dans la garde nationale
à cheval, fesait partie de l’esoorte qui accompagnait le roi au
moment où l’attentat a été commis.
Effrayé par la détonation , le cheval de M. Lavaux s’est abattu
et celui-ci explique que cette circonstance l’a empêché de voir
l’assassin et de le reconnaître.
Hier au soir , M. Colin, commissaire de police, accompagné
de plusieurs agens , s’est transporté dans un café, rue des Bou-
cheries-St-Germain, 8, et y a opéré l’arrestation du sieur Legoff,
typographe, âgé de 37 à 38 ans, demeurant à Paris, rue St-Benoît)
7 bis. 1res perquisitions ont été faites à ce domicile.
Un autre commissaire de police a aussi arrêté hier le sieur
Canolle, domicilié à Montmartre, qu’on dit être un ancien associé
de M. Lavaux et étroitement lié avec lui etM. Masson.
Aujourd’hui, dans la journée, M. le commissaire de police
Colin, chargé d’une commission rogatoire, délivrée par M. Zan-
giacomi, s’est transporté au domicile de M. Doche fils , rue Mon-
tholon, 32, pour y faire des perquisitions. Ce jeune homme est
dit-on , le commis principal de M. Lavaux, et parentpar alliance
de l’assassin.
Le sieur Prost, chaussonnier, cour-Batave , 8 , qui avait été
arrêté au moment de l'évènement, n’a pas été mis en liberté
comme on l’avait annoncé.
Il paraît que sur le lieu même du crime, il avait tenu des
propos injurieux et offensans pour la personne du roi.
Cet inculpé a été extrait hier du dépôt et conduit à son do-
micile, où M. le commissaire de police Gronfier-Chailly s’est livré
à de minutieuses perquisitions.
— On disait aujourd’hui, qu’hier à six heures du soir , plu-
sieurs individus avaient été arrêtés comme fesant partie d’une
société républicaine, qui se réunissait dans un café des environs
de la place de la Madeleine. Mais rien ne fait supposer que ces
arrestations aient quelque rapport avec l’affaire de Meunier.
— Un témoin a confirmé aujourd’hui le propos de Meunier ,
que nous avons rapporté : Je suis le numéro deux ! Mais ce témoin
a ajouté qu’en descendant de la voiture qui l’avait amené des
Tuileries à la Conciergerie , l’accusé aurait dit , en affectant un
air souriant et dégagé : « Ce que je vous ai dit tout-à-V heure
n’était qu’une plaisanterie, ma société ri existe pas! » [Le Droit.)
CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
Séance du 50 décembre. —présidence de m. bédogh.
À une beure la séance est ouverte et le procès-verbal adopté.
On passe au scrutin pour la suite de la nomination des trois derniers secré-
taires. Hier, M. Boissy d’Angias a été nommé à cette fonction. En Toici lo
résultat :
Nombre de volons 524, majorité 103 ; ont obtenu MM. Félix Réal 174 voix ,
Joubert 172, Piscatorv 108, Vivier 154, Malleville 117, Vatout55, Scho-
nen 10.
MM.FélixRéral, Joubert Piscatory sont proclamés secrétaires de la chambre.
M. Bedoch a la parole. I! s’exprime en ces termes :
Messieurs et chers collègues ,
C’est pour la troisième fois que mon âge m’appelle à l’honneur de vous pré-
sider, mais je ne vous dissimule pas de ces fonctions exercées pour la session d«
ture ; et de retour au camp, ils montraient avec moins d’orgueil la peaux d’une
panthère qu’ils avaient eue à combattre , qu’une touffe de cheveux enlevée à la
iête d’un indien qu’ils avaient scalpé.
Cependant, les Peaux-Rouges, chassés de ces contrées, se rétirèrent peu à
peu vers les lacs de l’Ouest et au-delà du Hississipi. Le corps de batteurs d'es-
trade dont Highfield était un des principaux chefs , fut détruit. et les reitres à
qui leurs mœurs et leurs coutumes rendaient intolérables les lois de la civilisa-
tion, se réunirent les uns aux Indiens, et d’autres, ne pouvant abandonner
leur vie errante et aventureuse, aux bateliers des rivières. Highfield fut du
nombre de ces derniers ; en peu de temps il fut maître d’un bateau , et il acquit
une grande réputation.
Quelques années après mon voyage à Cincinnati, mes affa'ves m’appelèrent
à la Nouvelle-Orléans. A bord du bateau à vapeur sur lequel je m’étais embar-
qué à Louisville , je reconnus dans la personne du pilote un homme qui avait
été patron d’un de ces bateaux qui fesaieut seuls le commerce de ces contrées
avant, l’introduction de la vapeur. Je le priai do me dire ce qu’étaient devenu*
ses anciens camarades.
« Lorsque nous vîmes, me répondit le pilote , que nous ne pouvions plu*
lutter contre les bateaux à vapeur, nous abandonnâmes notre métier; ceux qui
avaient quelque intelligence ont été heureux de se voir admis comme pilotes
sur les bateaux à vapeur; un grand nombre d’autres se sont réunis aux curava-
nes qui vont trafiquer avec les peuplades situées au-delà des montagues de
l’Ouest; et d’autres enfin se sont faits planteurs.
» —■ Et mon vieil ami Highfield, savez-vous ce qu’il est devenu?
« — Highfield/ ine répondit-il, il a perdu la vie dans une éohaufTourée.
Forcé de renoncer à son industrie , ne pouvant consentir à accepter les fonc-
tions de pilote qu’on lui offrait sur plusieurs bateaux , et sentant qu’il n’était
pas fait pour !a vie civilisée , il se retira dans le Missouri. Environ un an après
comme ii s’exercait. après avoir bu immodérément, au pat d’étain , il visa
un.peu trop bas. sa balie frappa son malheureux compagnon au front, et l’éten-
dit raide mort. Un ami de celui-ci, soupçonnant Ilighfield d’avoir agi aves
préméditation, voulut venger sa mort, et sans lui donner le temps de re-char-*
ger sa carabine, il tira sur lui prestpie à bout por'ant, et le tua. » |