Full text |
tion des Beaux-Arts, nous n’avons à signaler aucune
œuvre réellement savante. Dans la classe de l’en-
seignement, nous avons remarqué les travaux de
l’école de dessin technique dite Stroganoff, et du
musée d’art appliqué à l’industrie annexé à l’école
établie à Moscou. L’enseignement qui est donné
dans ces établissements donne des résultats remar-
quables, mais l’école d’architecture demande des
améliorations considérables.
*
* *
En Suisse, nous remarquons un projet d’école
polytechnique, par Smelbergh. Composition clas-
sique grecque assez froide, peu originale. Il y a
dans ce projet une tour d’observation d’un eliet très-
singulier. Dessin au lavis coloré assez habile.
De Davjnet, architecte à Berne, nous citerons
un projet de bains pour Lanjarou (Espagne), divers
hôtels et maisons exécutés, entre autres, l’hôtel
Schreîber, bonne composition, rendue par des des-
sins très-soignés.
M. Alioth, architecte à Bâle, expose diverses
études très-intéressantes, parmi lesquelles nous
citerons un projet d’hôtel de ville pour Hambourg,
très-étudié et rendu par de beaux dessins au lavis,
parmi lesquels une très-belle vue pittoresque.
L’architecte F. Jaeger est l’auteur du porche
des Beaux-Arts (facade, installation et décoration
de la section suisse).
*
* *
De la Grèce, bien peu de chose à dire! Les dis-
ciples d’Ictinus ne nous semblent pas, à en juger
par les œuvres exposées, faire de bien grands efforts
pour relever l’antique et illustre réputation artis-
tique des Hellènes. Citons cependant le palais de
justice en construction, le pcdais de la Chambre des
députés et un projet de fontaine très-remarquable.
*
* *
Il en est de même du Portugal, où cependant
nous constatons une bonne école, mais inféodée
complétement aux idées et au sentiment artistique
de l’école française. Nous remarquons une porte de
ville et une école d’équitation, par J. Monteiro,
architecte à Lisbonne.
*
* *
En Danemark, nous remarquons la bourse de
Copenhague, construite sous Christine IV (1619
à 1623) de style renaissance flamande (!).—Dessins
assez naïfs, mais très-sincères.
MM. Dahlerup et Petersen ont exposé les des-
sins du théâtre royal de Copenhague, construit de
1872 à 1874. — Donnée classique extrêmement
simple et sans caractère.
L’école danoise d’architecture en est encore aux
débuts, aux premiers essais.
*
* *
En Uruguay, nous devons citer une maison, très-
singulière de style, par F. Courras.
*
**
L’école d’architecture des Pays-Bas aurait dû
être mieux représentée; nous n’avons guère à citer
qu’un projet d’hôtel de ville en renaissance fla-
mande, d’un bon style, par H.-J. Vanden Brink.
Il est à regretter que cet architecte n’ait envoyé
que des photographies faites d’après ses dessins
qui, croyons-nous, auraient offert plus d’intérêt.
M.-P. Cuypers a envoyé les dessins, très-soi-
gnés, de plusieurs de ses œuvres, parmi lesquelles
il en est de très-remarquables par le style.
M.-B. Reinders a exposé un projet d’hôtel de
ville et J. Leliman un projet, très-étudié, d’une
cathédrale avec crypte.
De ce dernier architecte nous citerons encore une
sorte de monographie (planches et texte) du remar-
quable hôtel de ville de Leyde.
*
* *
L’Allemagne n’est représentée que par des vues
pittoresques de Nurenberg par l’éditeur L. Ritter
et le Bausteine, lre année, publié par quelques
artistes de Berlin. Cela ne suffit guère pour appré-
cier l’école allemande, qui compte cependant des
maîtres d’un talent supérieur et une académie
(Berlin) d’une organisation parfaite et qui forme de
brillants élèves.
*
* *
)
L’Ecole belge d’architecture aurait pu être
plus complétement représentée ; elle n’avait à
craindre le voisinage d’aucune des écoles dont-
nous avons parlé dans cette étude ; la comparaison
avec celles-ci n’eût pas été en sa défaveur.
La plupart de nos maîtres les plus réputés se
sont abstenus; nous ne pouvons guère expliquer
cette abstention que par la crainte de voir leurs
œuvres mal placées ou reléguées dans quelque coin
étroit et obscur, comme c’est malheureusement la
règle pour le salon d’architecture dans la plupart
des expositions.
Cependant, dans les autres sections, et notam-
ment dans celles de France et d’Angleterre, les
maîtres ont envoyé bon nombre de leurs œuvres
marquantes ; nos compatriotes auraient dû en faire
autant.
Les quelques œuvres exposées sont, outre cela,
éparpillées partie dans le salon des beaux-arts,
partie dans le compartiment belge de la rue des
Nations.
Nous citerons deux collections de dessins, plans,
élévations et coupes, de la célèbre abbaye de Vil-
lers ; l'une de M. C.Licot, l’autre de M. É. Coulon.
Ce sont de fort beaux dessins, que nous voudrions
voir reproduits par la gravure, surtout ceux de
M. Licot, qui sont très-habilement traités au trait
noir et d’un faire très-pittoresque.
Puis quelques œuvres de M. E. Carpentier,
dont nous citerons surtout le projet d’église parois-
siale pour Spa, d’un très-beau style, oeuvre savante
habilement rendue par de beaux dessins.
De M. V. Jamaer, la façade de son habitation,
composition de style flamand dont nous avons déjà
parlé, et que l’on revoit avec plaisir.
De M. V. Dumortier, un dessin géométral de
l’état actuel de l’église Sainte-Waudru, à Mons,
dessin très-sincère, mais d’une coloration froide et
terne.
De M. De Larabrie, son projet, déjà connu, de
palais de justice pour Charleroi.
De M, Buyschaert, une villa à Groenendael,
près Bruxelles, œuvre très-originale et assez pitto-
resque.
Enfin de M. A. Samyn, de beaux dessins du
temple maçonnique en construction à Bruxelles ;
composition de style égyptien (naturellement) très-
étudiée et d’un beau caractère.
Pour compléter cette sorte de nomenclature, fai-
sons une incursion dans l’exposition ouverte dans
la section belge. Nous y trouverons la splendide
maquette du Palais de Justice de M. Poelaert;
la façade principale de la belle gare de Tournai,
par M. H. Beyaert, dessin bien mal placé (soit dit
en passant). — Nous aurons l’occasion dans peu
d’étudier cette façade.—Citons encore un projet de
château très-original et d’un dessin très-ferme, bien
qu’un peu pâle,par J.Fonteyne et,pour finir, l’hôtel
des Monnaies qu’expose le gouvernement. E. A.
Causerie d’Architecure
Quel est le jeune architecte qui, dès scs premiers pas dans
la longue étude des différents styles qui séparent notre fan-
taisie architecturale, quelquefois savante, mais souvent aussi
peu raisonnée que dépourvue d’esthétique, n’ait rêvé du nou-
veau style, du style xIxe siècle?
Tous, je ne crains pas de l’affirmer, tous nous avons passé
par cette illusion produite par un enthousiasme juvénile.
Depuis, nous nous sommes calmés, nous sommes rentrés dans
l’ornière; quelques-uns se laissant aller au mécanisme de la
routine, les autres, plus clairvoyants, s’entourant des maté-
riaux, des principes que nous ont laissés les siècles écoulés,
s’ingéniant à les combiner entre eux, cherchant des effets nou-
veaux, évitant avec soin les lieux communs et débarrassant
les styles qu’ils interprètent des erreurs de logique et d’esthé-
tique.
*
* *
Ce n’est guère que cela aujourd’hui, et nous trouvons en ces
faits une définition de l’art architectural moderne. Cette défi-
nition sera complète en ajoutant que nous recommençons la
renaissance qui ne nous a pas donné un nombre bien consi-
dérable de chefs-d’œuvre et que nous la recommençons sous
l’influence d’idées, de mœurs, de sentiments tout nouveaux.
Le rôle des écoles modernes d’architecture est extrêmement
intéressant à étudier, et rien n’est plus instructif pour nous,
jeunes, que de pénétrer le sentiment intime des maîtres qui
nous précèdent immédiatement, de fouiller leurs œuvres pour
en faire jaillir la pensée, pour en découvrir les principes.
L’architecte moderne se trouve dans cette situation du jeune
peintre qui, après un trop long séjour sur les bancs acadé-
miques et de trop longues études de composition d’après le
mannequin, ressent un jour la pressente nécessité de consulter,
de travailler la nature, c’est-à-dire qui, fatigué de ne pouvoir
composer des tableaux, se met avec ardeur à copier les tableaux
de la vie de tous les jours.
*
* *
La Renaissance, issue d’un enthousiasme de l’art ancien,
subit et, partant, incomplétement éclairé, est tombée dans
bien des erreurs, a faussé complétement l’esthétique de
cet art.
En pouvait-il être autrement d’ailleurs? Les artistes du xvIe et
du xvIIe siècle ne possédaient pas les moyens admirables dont
nous disposons et qui nous permettent de répandre à profu-
sion, gravures et photographies, les reproductions des chefs-
d’œuvre de l’art. En outre, les dernières convulsions de l’art
ogival mis à la torture par des architectes ignorants des pro-
cédés des maîtres de l’œuvre du moyen âge, de leur technique
et de leur esthétique, avaient vu jaillir cette renaissance.
C'est donc au milieu d’une ignorance relative que nous
voyons introduire dans nos contrées les formes et les éléments
des monuments de l’Italie; mais avec ces matériaux, les
artistes n’introduisirent ni le sentiment, ni les proportions, ni
l’harmonie ; ils composèrent, rêvant des monuments de Rome
et de Gênes, mais ils composèrent selon leur sentiment intime
et greffant sur le tout une imagination qui n’était pas guidée
par la science.
Aussi voyons-nous rapidement s’épurer cette renaissance,
et, loin de s’accentuer comme caractère, de devenir à propre-
ment parler un style, elle se rapproche par une suite de trans-
formations de ce qui fut son origine et elle nous ramène au
classique pur.
* *
Il appartient à notre époque de recommencer l’œuvre, le
travail de trois siècles, et ce sera l’une de ses gloires. Il lui
incombait de condamner toutes les erreurs commises, de
retrouver la voie véritable.
Pour cela il fallait remonter, pour nous contrées, jusqu’au
moyen âge, reprendre l’art au xiiic siècle, étudier dans les
innombrables et splendides édifices du xIue, du xIve et du
xve siècle les principes de l’art monumental, de la vraie archi--
tecture ; de pénétrer intimement cet art que les gens du xvIe au
xvIII0 siècle traitaient de barbare. Il fallait recommencer l’étude
de l’art grandiose des Égyptiens, des Grecs et des Romains, et
demander à tant de chefs-d’œuvre le secret de leurs admirables
beautés.
C’est ce qu’ont fait les maîtres de la fin du xvIIIe et du com-
mencement du xIxe siècle; c’est à eux que nous devons les
principes et les idées; c’est à eux que nous devons de pénétrer
aussi rapidement et avec tant de certitude au plus intime du
caractère et de l’esthétique des grandes époques de l’art archi-
tectural.
C’est grâce à ces moyens d’éducation artistique que nous
pouvons dépouiller la Renaissance de ses erreurs de logique, de
son esthétique faussée par ces inconséquences mêmes; que
nous pouvons, tout en conservant son caractère, en faire un
art raisonné, parfaitement architectural.
*
* *
Nous nous trouvons dans une sorte de situation transitoire,
semblable à celle qui sépare l’art ogival de l’art gallo-romain
ou qui les réunit; nous ne faisons guère que préparer la voie,
établir les principes qui, éparpillés aujourd’hui ou encore
embryonnaires, réunis dans peu de temps, conduiront à cette
fin si impatiemment attendue : un art caractéristique apparte-
nant au xIx° siècle.
Ce sera l’architecture raisonnée, ramenée aux principes pri-
mordiaux; elle perdra quelque peu de ce qu’elle a de trop
décoratif encore, pour devenir un art monumental et con-
structif.
*
* *
Mais nous n’en sommes pas encore là, tant s’en faut ; les
idées sont encore bien confuses, et les rivalités d’écoles, les
partis pris personnels font éclore des œuvres que les époques
les plus ignorantes ne répudieraient certes pas. Les savantes
recherches dans l’art des siècles écoulés ont conduit à l’éclec-
tisme, et ce qui devrait n’être qu’un guide semble être consi-
déré comme une règle, un principe.
Cette situation est fatale pour l’art architectural ; elle serait
désastreuse si elle était générale, car elle aurait pour consé-
quence l’étiolement de l’imagination. Elle l’est tout autant
peut-être que ce que l’on a appelé le byzantinisme, c’est-à-dire
que les règles infaillibles et immuables, les ordres formels, les
types consacrés (1).
* *
Sur ce que les maîtres ont créé spontanément, pourquoi
établir des systèmes, alors que nous n’avons à leur demander
que des indications, des enseignements !
Cette crainte de l’éclectisme absolu nous ferait presque
admettre la fantaisie jusqu’à la licence, car elle nous laisse au
moins la liberté et l’imagination qui font la vie de l’art, alors
que le système, fauteur d’uniformité, le conprime et l’étouffe.
Et cependant, dans la Renaissance même, dans cet art où
tout est fantaisie, imprévu, originalité, nous trouvons, sous
une autre forme, cette tendance à système dans l’application
de motifs empruntés à l’art ancien pour les appliquer à des
destinations tout autres, au mépris du sentiment et de la
logique.
*
* *
L’art n’est pas le fruit direct de la raison, car il S'appellerait
la science. L’art est une tige sauvage qui pousse librement et
qui fleurit, même sans culture. Le talent des grands hommes,
des artistes, est d’y greffer les hautes et fécondes pensées; mais
l’art lui-même ne se greffe pas sur la réflexion. Avant de réflé-
chir il faut avoir vu (2).
*
Et pour bien voir, ce qui est indispensable lorsqu’on veut
créer, il faut que l’imagination soit aidée par la science et non
pas dirigée par elle; l’une ne doit être que le guide de l’autre
et ne doit avoir pour but que de déterminer la forme exacte,
matérielle, de la pensée, de la forme conçue par l’imagination.
Il est, dit-on, des peintres qui composent au pinceau, c’est-
à-dire directement et en peignant; voilà une forme sensible
de notre pensée; ces artistes font tout le travail de composi-
tion par l’imagination, et nous nous les représentons fermant
les yeux et unissant, en quelque sorte, la faculté physique de
voir à celle intellectuelle de concevoir.
Mais pour le peintre, tout est dans la nature, sous l’une ou
l’autre forme, matérielle ou immatérielle; pour l’architecte,
tout est dans la science, son imagination et son sentiment. Les
(1) Ce qui est frappant de nos jours en Grèce, où l’on en est encore à la
tradition gréco-byzantine.
(2) W. Burger. Trésors d’art en Angleterre.
— 76 —
— 77 —
— 78 — |