Full text |
LE JPlIÜCdMËÎJll, Jeudi 10 Août 184»
Cadix, 1! fut reçu à coups de canon par les forces espartéristes qui gar-
daient le passage et y attendaient l’ex-Régent II rebroussa sur Puerto-
Real, longeant la baie de Cadix, et de là, prenant la route de Porle-
Sainte-Marie, il marcha vivement à la rencontre d’Esparlero. Cette
rencontre eut lieu entre Puerto-Réal et Port-Sainte-Marie. Espartero
conservait toute sa cavalerie bien décidée à se battre.
Mais ce constant intérêt de sûreté personnelle qui l’avait porté à faire
prolonger le bombardement de Séville pour gagner le temps de s’éloi-
gner, le porta à lancer seuls sur Conclut les braves qui ne demandaient
qu’à mourir ou à vaincre pour lui, et pendant la méléeil se sauva à Port-
Ste-Marie, où il s’embarqua à la hâte avec son ministre de la guerre, le
général Nogueras; son ministre de l’intérieur, M. Gomez de la Sema, et
quelques officiers, au nombre desquels se trouvaitsans doute son bien-
àimé binage, et parvint à sauver en outre avec lui la caisse, le trésor du
quartier-général. Le bateau gagna au plus vite le large et s’abrita sous
le canon du vaisseau anglais le Malabar.
Pendant qu’il fuyait ainsi, Conclia sabrait et soumettait sa malheu-
reuse cavalerie, et faisait prisonniers le général Van Halen, comte de
Peracamps, éditeur responsable des bombardements de Barcelone et de
Séville; le général Alvarez, qui était capitaine-général de Grenade quand
cette ville s’insurgea ; le général Osset, qui, malgré son grade élevé,
conservait par exception le commandement du régiment de Luchana;
le général Osorio, dernier gouverneur espartériste de Tarragone, et
une foule d’autres officiers supérieurs plus ou moins compromis.
Espartero, parvenu, avec son bateau de salut, auprès du vaisseau an-
glais, n’y fut point admis tout d’abord. Ce commandant ne voulut le
recevoir à son bord qu’après avoir consulté le consul anglais de Cadix.
L'ordre de l’admettre tarda peu, et Espartero put enfin cesser de crain-
dre. Une fois à bord, il montra de l’hésitation sur le parti qu’il devait
prendre; ses compagnons l'engageaient à demander d’être conduit à
Cadix qui tenait encore pour lui. Celte idée lui souriait. Au milieu de la
délibération, l’on entend les cloches de Cadix sonner en signe de ré-
jouissance; le canon mêle ses saints à celui des cloches. Plus de doute,
Cadix a appris l’arrivée du Régent; Cadix le salue, Cadix l’attend; il faut
partir; et déjà l’on s’y préparait, quand on apprend que les cloches et
le canon de Cadix célèbrent... l’installation de la junte du pronuncia-
mento. « A Lisbonne! » s’écria le Régent; et à onze heures, le Malabar
faisait voile pour cette capitale.
Toutes ces nouvelles ont répandu à Madrid le plus vif enthousiasme.
On s’y est immédiatement occupé des récompenses à décerner à l’hé-
roïque Séville, et le 2, dans l’après-midi, est partie de la capitale une
commission composée du duc de Rivas, de D. Manuel Cortina.du mar-
quis de Valle-Hermoso, du comte de Montelirioset de don Fernando de
Las Rivas, laquelle est chargée de remettre à la municipalité de Séville,
de la part de la reine Isabelle, une couronne de laurier d’or, accompa-
gnée de la lettre suivante :
« Très excellente junte provisoire de salut public, illustre et vénéra-
ble chapitre métropolitain, très excellent ayuntamienlo, brave garde
nationale, vaillante garnison , et vous tous, héroïques habitants de la
très noble, loyale, illustre et invincible cité de Séville, salut;
» Emerveillée du grand courage que vous avez déployé, à l'aide du
Dieu des batailles et sous la protection de la Sainte-Vierge et du glo-
rieux Saint-Ferdinand, dans la dérense de vos antiques murailles et de
vos paisibles foyers, en butte à l’agression la plus injuste et la plus fé-
roce que les siècles aient vue; émerveillée de celle constante loyauté
envers ma personne, envers le trône et envers la constitution de l’Etat,
avec laquelle vous avez combattu pour défendre et ma personne, et le
trône et la constitution, je veux vous donner une marque de ma royale
reconnaissance,et j’envoie auprès de vous,comme commissaires MM....,
afin qu'ils vous présentent en mon nom royal une couronne de laurier
d’or, qui ornera désormais le cimier de l’écu dont vous a doté le sage
Toi Alphonse X.
s J’entends que cette couronne soit immédiatement bénie dans la
sainte église patriarcale, en présence du corps de saint Ferdinand,
avec la plus grande solennité et sous les yeux du chapitre, par le véné-
rable évêque des Canaries, qui réside en ce moment dans le diocèse, et
que, ensuite, elle soit portée processionnellement par mes commissai-
res à l’Hôtel-de-Ville, et là, remise par eux à la municipalité, pour que,
dans toutes les cérémonies publiques, elle la fasse porter devant elle
par un majordome, sur un coussin de velours.
n J’entends également que tous les ans, à l’anniversaire de votre hé-
roïque défense, le pavillon national soit arboré au sommet de la tour de
la cathédrale ; qu’il y demeure jour et nuit pendant un nombredejours
égal àcelui des jours pendant lesquels vous avez si glorieusement com-
battu ; qu’il soit salué par des salves royales d’artillerie au moment où
il sera arboré et au moment où il sera amené, et que les pièces qui fe-
ront ces salves soient situées à la place même qu’ont occupée les mor-
tiers au moyen desquels vous avez été si bravement bombardés.
« Après avoir été lue en public par mes commissaires, la présente let-
tre sera déposée aux archives de la ville avec le procès-verbal constatant
sa remise, ainsi que la bénédiction et le dépôt de la couronne. Deux co-
pies de chacun de ces documents, certifiées par le premier alcade con-
stitutionnel et par le doyen du chapitre ecclésiastique, seront déposées
l’une aux archives de la sainte église métropolitaine, l’autre au tribunal
supérieur de la province. Donnéen mon palaisdeMadrid,le2aoûl 1843.
* Par ordre de S. M., le président du conseil des ministres,
» Joaquin Maria I.opez. »
Une souscription a été ouverte en faveur des victimes des bombarde-
ments de Séville et de Reuss.et de nombreuses adresses de félicitations
ont été signées en l’honneurdela première de ces deux villes. Nous re-
marquons entres autres celles de la presse de Madrid, signée par les
directeurs des journaux de toutes les opinions.car élle est remarquable
surtout en raison du vœu de conciliation qui s’y exprime après la vic-
toire comme avant le combat. « Puisse, y est-il dit, puisse cette sainte
devise de Union, patrie et liberté, arrosée du sang des héroïques Sévil-
lans, se graver dans nos cœurs aussi profondément que le souvenir des
hauts faits qui nous ont arraché cette faible manifestation de notre en-
thousiasme et de notre admiration. > (La Presse).
— On lit dans une correspondance particulière datée de la vallée
d’Aran, 5 août : Le fameux carliste Cabecilla Torrès est entré hier en
Espagne par le port de Tabascans; il a avec lui cinquante hommes bien
armés; il a suivi les monts qui conduisent à la vallée de Paillas. Arrivé
au village de Noso, il y a pris quelque repos, puis il s’est dirigé sur Sor.
Quiconque connaît l’activité de ce chef considère comme un malheur
Bon arrivée en Catalogne.
— Les nouvelles de Barcelone du 2 offrent peu d'intérêt. MM. don
Rafaël Degollada et don Juan de Zafonl, nommés pour représenter la
junte de Barcelone, étaient partis la veille pour Madrid. Plusieurs offi-
ciers de la garde nationale se proposent de féliciter le gouvernement
sur l'exécution du programme du ministère Lopez.
— Malgré les désastres causés à Séville par le bombardement et les
malheurs qui enont été la suilejes habitants ont eu la burlesque idée de
Suspendre au haut d’une longue perche , de manière à être vu des
assiégeants, un chat empaillé avec l’inscription suivante ;
Quand le régent aura digéré cette anguille,
Il pourra seulement pénétrer dans Séville.
FBAlliCE.
Paris, 8 août. — Par ordonnance royale dn 31 juillet, contre-signée
par M. le ducde Dalmalie, M. le lieutenant-général Bugeaud de la Picon-
nerie (Thornes-Robert), gouverneur général de l’Algérie, est élevé à la
dignité de maréchal de France.
M. le maréchal de camp Baraguey d’Hillers, commandant la province
de Constanline, a été promu au grade de lieutenant-général, et MM.
Tempoure, colonel du 15» régiment d’infanterie légère, et Korte, colo-
nel du l" régiment de chasseurs d’Afrique, ont été promus à celui de
maréchal de camp.
— Deux journaux du matin prétendent qu’il est question de rétablir
la charge de grand-aumônier de France, eu faveur de Mgr. le cardinal
de Lalour-d’Auvergne.
— Le Messager donne seulement sur l’évasion de quelques prison-
niers de la Force les lignes suivantes :
Quatre détenus se sont évadés ce matin de la prison de,la Force, par
suite de réparations qui se faisaient à une fosse d’aisances. _
Onze autres détenus ont tenté de s’évader également, mais lesuns
en ont été empêchés, et les autres, repris immédiatement, ont été aus-
sitôt réintégrés dans la prison.
— Les voussures et l’encadrement du grand plafond delà salle des
Pas-Perdus, à la chambre des députés, étant terminés, M. Horace Ver-
net va commencer les peintures du plafond ; il y tracera une des gran-
des scènes de notre histoire parlementaire. Toutes les peintures qu’on
exécute en ce moment au palais Bourbon devront être terminées pour
l’ouverture delà prochaine session.
— Suivant les documents officiels, il y a chaque? jour à Paris, en
moyenne : 1» Deux faillites déclarées; — 2° 315 dépôts d’objetsau mont-
de-piété; — 3» 50 ventes par autorité de justice; — 4° 2 morts violentes
et 3|5; — 5° 470 personnes qui entrent à l’hôpital; — 91 personnes qui
meurent; — 7» 5,000 exploits lancés par 242 huissiers; — 8» 78 crimes et
délits; — 9» une personne et 3|10 écrasée sur la voie publique et par les
voilures; — 10° enfin il faut que tous les jours les habitants de Paris
trouvent 4 millions de francs pour se loger, se nourrir, s’habiller et
payer l’impôt.
— On lit dans le Journal (le Cherbourg :
Nous apprenons que l’équipage d’un navire appartenant à l’Etat s’est
révolté contre ses chefs dans la journée de mardi dernier, et qu’à la suite
de cette révolte le bâtiment serait venu à la côte sous les falaises de
Cartaret. Les autorités locales auraient fait arrêter par la gendarmerie
et la garde nationale tous les hommes du bord, qui,nous dit-on,seraient
maintenant déposés à la prison de Valognes. Nous ne pouvons donner,
jusqu'à présent du moins, d’autres détails sur cette affaire.
— On lit dans le Courrier Français :
« Cinq à six ports se sont disputé la ligne transatlantique que le gou-
vernement doit bientôt établir entre les Etats-Unis et la France. Le
Havre, pour justifier les prétentions qu’il avait à la possession de ces
grands paquebots, alléguait ses nombreuses relations avec New-York ;
Cherbourg, la sûreté de sa rade, la profondeur d’eau de ses bassins et
sa proximité de Paris ; Brest, l’importance de son arsenal et sa situa-
tion à l’entrée de la Manche ; Nantes et Bordeaux faisaient valoir l’ex-
cellence de leur mouillage et l’avantage qu’il offrirait à ces énormes na-
vires, en leur faisant éviter les passages si dangereux du canal britan-
nique. Le gouvernement, d’abord fort embarrassé de répondre à toutes
ces sollicitations et de prendre un parti conciliant entre tanld’exigen-
ces diverses, s’est positivement décidé, à ce qu’on assure, à accorder au
seul port de Cherbourg le privilège d'être le point de départ et d’arri-
vée du service océanique des Etats-Unis. »
— Depuis quelque temps on remarquait, sur l’avenue de St-Cloud,
une rangée d’une quinzaine d'arbres morts, et quelques autres dans
d’autres parties des avenues, et très éloignés des premiers, paraissant
avoir souffert par une cau^e unique, et que d’abord on avait attribuée
à une fuite de gaz ou la malveillance des voisins. Cesarbres ont étéexa-
minés avec soin par MM. Duval, horticulteur, et Leduc, pharmacien;ils
ont reconnu que leur mort ne pouvait être attribuée ni à l’une ni à l’au-
tre de ces causes, mais à la présence d’un insecte, le scolyte destruc-
teur, qui se multiplie d’une manière prodigieuse et vit dans le liber, se
nourrissant des ormes qu’il dévore entièrement et réduit en poussière.
Cette partie de l’arbre, la plus essentielle de toutes pour l’entretien de
la vie, puisque c’est par elle que s'expliquent tous les phénomènes de la
végétation, étant détruite, la circulation de la sève ne peut plus se faire
que d’une manière incomplète, c’est-à-dire par l’intérieur du ligneux;
le cambium ne peut plus s’étendre entre l’aubier et l’écorce pour former
les nouvelles couches du liber; une perturbation aussi grandedétermine
promptement la mort des végétaux. D’après les faits ci-dessus, ils ont
conclu qu'on devait immédiatement les abattre et les enlever au fur età
mesure, ainsi que leur écorce, qui doit être brûlée tout de suite, afin
d’empêcher que l’insecte se répande sur les autres et perpétue le mal;
que ceux qui les avoisinent doivent être enduits d’une couche de gou-
dron, après toutefois avoir raclé leur écorce avec une plane. Cette opé-
ration a pour but d’écarter les femelles qui voudraient y pondre, ou cel-
les qui y sont déjà, ainsi que leurs œufs.
— Bulletin de lu bourse. — La hausse a continué;cependant il ne
s’est fait que très peu d’affaires aujourd’hui comparativement à la bourse
d'hier. On a fermé à 81-20 et 122 75. La Banque de France a été cotée
3,277,50; l’actif 28 7|8 sans affaires ; la rente de Naples 107 ; l’emprunt
belge 1840 107 1|2; id. 1842 107 5|8; le p. c. Portugais a monté à 40 3|4 —
Il ne s’est fait que très peu d’opérations sur les chemins de fer à 683-75
le Rouen, et 605 l’Orléans.
HOLLANDE.
Suivant les exposés de situation des provinces , présentés aux Etats-
Provinciaux à l’ouverture de leur dernière session, le chiffre de la po-
pulation était, au 1" janvier 1843, comme il suit:
Brabanl-Seplentrional......... 378,707 âmes.
Gueldre....................... 554,477 •
Hollande-Méridionale.......... 54,1228 »
Hollande-Septentrionale..... 456,007 »
Zélande....................... 154,000 i
Utrecht .;................... 147,715 •
Frise.........;___.......... 235,141 »
Overysseî.............:..... 204,941 »
Groningue..................... 182,284 »
Drenthe.,......’..;..'...:..... 77,769 »
Limbourg...................... 195,079 »
Total pour le royaume... 2,927.347 âmes.
D’après ces exposés de situation, la po-
pulation était au D janvier 1842 de.... 2,899,638 »
Ce qui, en une année, constitue un ac-
croissement de ...................... 27,710 âmes.
— Bulletin de la beurse d'Amsterdam, du B août. — En Intégra-
les il se montrait quelque disposition pour l’achat, ce qui a rétabli un
peu la baisse des derniers jours. Les transactions on tété assez animées.
Les Espagnols n’ont pu se maintenir au taux d'hier. Par contre,
les Portugais étaient demandés à des prix en hausse.
BELGIQUE.
Bruxelles, 9 août. — Les Bonné père et fils et Geens Se trouvent &
Bruxelles depuis hier. On espère que le sortde ces malheureux attirera
toute la sollicitude du gouvernement.
Hier soir, à 9 heures, ils ont été remercier les personnes tenant l’esta-
minet la Carpe, au Meyboom, ainsi que MM. les souscripteurs qui ont
bien voulu venir à leur secours.
Ce soir, à la même heure, ils feront la même démarche au Messager
de Louvain, rue de la Fourche, et demain soir à la Nouvelle Cour de
Bruxelles, chez le sieur Van Bever, rué des Sœurs-Noires, en face la
Petile-lle, où une liste de souscription est toujours ouverte en leur fa-
veur.
|
ANVERS, AO AOUT.
Hier après-midi, deux matelots du 5 mâts amér. Florida sont tombés
dans le petit bassin et auraient infailliblement péri , sans le secours du
sieur Dnrieux, employé de la douane,qui leur a tendu une longue
planche au moyen de laquelle ils se sont soutenus sur l’eau jusqu’à l'ar-
rivée d’un canot qui les a recueillis.
— La chaloupe de pêche Hoop, est arrivée ce matin ayant à bord en-
viron 600 schelvisch et 40 cabillauds.
— Le canotier de la barque suédoise Catharina s’est noyé acciden-
tellement celte nuit en tombant de son navire dans le petit bassin. Son
corps a été retrouvé ce malin et transporté à l’hôpital civil.
— Un avis de la Régence prévient le public, que la grande foire de
cette ville commencera le lundi 28 de ce mois et finira le 25 septembre
prochain.
— M. le docteur Durant, aide-major provisoire à bord de la Louise-
Marie.vient d’être confirmé dans son grade, par un arrêté royal récent.
C'est M. Durant qui a traité le malheureux ingénieur Simons, depuis
le jour de son embarquement. et ses soins incessants n’ont pas peu
contribué à alléger les dernières souffrances de notre compatriote.
— Un assassinat vient d’être commis dans la commune de Lede, près
d’Alost : la femme de Victor Devost, cultivateur dans cette commune,
entendant, vers minuit, du bruit dans sa cour, réveilla son époux.
Celui-ci s’arma d’une fourche et sortit de la maison. Il découvrit dans
la cour un individu qui s’éloigna à son approche et alla se réfugier dans
le jardin. Devost l’y suivit et, l’ayant atteint, une lutte s’engagea en-
tr’eux. Le malfaiteur s’arma d’un pistolet et le déchargea dans la poi-
trine de Devost.Dangereusement blessé, le fermier eut cependant assez
de force pour terrasser son assassin d’un coup de fourche et le tenir en
respect jusqu’à l'arrivée des personnes de sa maison. L’auteur de ce
crime, nommé François Roosen, âgé de 30 ans. domicilié dans la même
commune, a été mis à la disposition du procureur du roi à Termonde.
DevosLse trouve dans un état tellement alarmant qu’il a dû être admi-
nistré.
— Us nouveau Mozart. — S’il faut en croire le Court Journal, un
nouveau Mozart vient de s’élever tout à coup sur l’horizon du monde
musical. Lejeune professeur que la presse allemande proclame un pro-
dige de génie s’appelle Gade, et était encore tout récemment attaché à
l’orchestre de l’Opéra de Copenhague, où il jouait du violoncelle. Il a
commencé sa carrière de compositeur par une série de simples mélo-
dies. Un jour, le jeune Gade eut l’idée de se hasarder à la composition
d’une symphonie, et, après l’avoir terminée, il l’envoya à Leipsic, avec
une lettre, au célèbre Mendelssohn.
Le grand artiste n’eût pas plutôt jeté les yeux sur le manuscrit, qu’il
y découvrit avec joie des beautés instrumentalesdupremierordre.il
fit procéder sur-le-champ à une répétition de l’ouvrage, et se hâta de
répondre à l’auteur en l’invitant à quitter immédiatementCopenhague
pour se rendre près de lui. Le jeune musicien, s’étant hâté de solliciter
iin congé, est raaintenantà Leipsic, oùil étudie sous la direction du gé-
néreux Mendelssohn.
Exposition triennale des Beaux-Arts.
Une foule de réclamations nous sont adressées, à l’égard de l’heure
indue à laquelle on ferme l’exposition. Ces réclamations nous semblent
très fondées : fermer le salon à 3 heures de l'après-midi, c’est éconduire
les visiteurs au beau milieu de la journée; en second lieu, les étrangers,
qui viennent visiter le salon,ont à peine le temps d’y passer une heure,
puisqu’ils arrivent ordinairement bien après midi par le chemin de fer.
Il faut avouer que l’on pourrait procéder ici tout autrement, et laisser
l'exposition ouverte jusqu’à 5 heures, par exemple. Tout le monde ga-
gnerait à cela.
Nous recommandons ces observations à l’administration dont la sur-
veillance s'étend sur le salon. En acquiesçant à ces réclamations, on
rendra un grand service à bon nombre de personnes qui désirent ad-
mirer le plus longtemps possible, les belles productions de nos pre-
miers artistes.
Statue de ltulient*. — Fête.
A la bonne heure ! Voilà ce qui s’appelle fêter un nouveau voisin !
Pierre-Paul ne peut faire moins cette fois-ci que de rendre la pareille
aux habitants de la Place-Verte.
Nous avons annoncé hier l’érection de la statue du grand peintre.
Dans la matinée, la plupart des habitants de la Place-Verte se sont en-
tendus pour organiser une petite fête qui aurait lieu le soir, et qui con-
sisterait d’abord dans l’illumination de leurs maisons, ensuite dans
quelques morceaux d’harmonie qui seraient exécutés aux pieds de là,
statue elle-même.
La direction de la Grande-Harmonie, invitée à participer à donner
plus d’éclat à celle petite fêle improvisée et toute de famille pour ainsi
dire, s'est empressée de prêter le concours de sa belle musique. Après
cela, M. le colonel du lO* régiment de ligne s’est engagé à envoyer la
musique de son régiment. De sorte que tout allait à souhait, d’autant
plus que le temps était magnifique; on jouissait réellement d’une atmos-
phère orientale.
Voyant tous ces préparatifs, la régence dont l’amour-propre était
piqué sans doute, a fini par envoyer quatre pyramides destinées à être
éclairées. Le cadeau a été reçu en souriant.
Vers 9 heures, quand la fêtea commencé, il était littéralement impos-
sible de circuler sur la Place-Verte, et les abords de cette jolie prome-
nade étaient à peine accessibles aux promeneurs. C’était un tohu-bohu
à faire peur! L’illumination était brillante, il n’y a pas à dire, l’hôtel
Rubens surtout qui, par-dessus le marché, s’était décoré d’une ving-
taine de pavillons de toute espèce et de toutes nations. L'hôtel de M. le
gouverneur de la province était également illuminé, ainsi que quelque*
autres maisons Marché-aux-CEufs et Marché-aux Souliers.
La fête s’est prolongée assez tard, et vers minuit seulement on com-
mençait à voir un peu clair dans la foule qui songeait enfin à aller re-
trouver son logis et son sommeil.
Les Acversois, et nous sommes du nombre, aiment beaucoup leur
Pierre-Paul ; mais ils n’auraient pas été fâchés de le voir autre part.
Maintenant c’est comme s’ils n’en avaient pas du tout, car le pauvre
Rubens disparaît entièrement dans la muraille grisâtre de la basilique.
Ce que c’est que de nous !
La Belgique continue à fournir son contingent parmi les homme*
dévoués qui vont annoncer l’Evangile dans toutes les parties du monde
habitables. M. F. de Coen, jeune prêtre du diocèse deGand, en dernier
lieu vicaire à Renaix, vient de s’embarquer à Anvers pour les missions
de l’Amérique du Nord. Il débarquera àSaiDt-Louis, d’où il ira plus tard
prêcher la foi chez tes peuplades sauvages au milieu desquelles le P. de
Smet a déjà obtenu de si grands résultats.
Statistique des chemins de fer belges.
Au moment où les tarifs des chemins de fer donnent lieu à des criti-
ques plus ou moins fondées, on ne lira peut-être pas sans intérêt les
notes suivantes, extraites d’un mémoire statistique sur le mouvement
comparatif des voyageurs et des recettes des chemins de fer belges en
1840, 1841 et 1842.
L’auteur de ce mémoire, M. Louis Duvivier, occupe à l’administra-
tion des chemins de fer belges, un emploi qui l’a mis à même de recueillir
les documents les plus exacts; son travail est fort remarquable et propre
à jeter des lumières nouvelles sur la question si complexe de l’exploita-
tion. Nous regrettons que son étendue ne nous permette pas de le re-
produire entièrement.
de ces sortes de productions qui n’ont plus le moindre rapport avec
l'art et perdraient certainement à être mises en regard du Fidèle Berger
de Pelzi. Nous n’en voulons pour preuve que ces deux lièvres ayant
l’air de vouloir se frotter mutuellement le museau. Il en est d’autres que
nous pourrions citer; mais nous aimons mieux que le public lui-même
en fasse justice.
L’Ecole flamande est en progrès, disions-nous tou t-à-l’heure, et nous
citions l’exposition de cette année comme le fait démonstratif de cette
assertion.Et rien n’est plus vrai.Seulement, le progrès que nous signa-
lons n’est pas complet en tous points, car il porte plutôt sur la forme
extérieure que sur le sentiment intérieur ; ce progrès est plutôt maté-
riel que spirituel, si nous pouvons nous exprimer ainsi ; il s’attache
plutôt à la recherche delà beauté plastique qu’à l’expression de ce cul-
te inné, rendu plus profond par l’observation et l’étude, et qui fit surgir
tant de chefs-d’œuvre sur le panneau de Raphaël et du Corrége, de Ru-
bens et de Michel-Ange.
Cette tendance de l’Ecole Flamande actuelle, lient peut être à l’esprit
de notre époque de scepticisme et de raillerie. Où sont aujourd'hui ces
croyances naïves et vivaces qui distinguèrent les âges passés? Nulle
part ; le doutea porté dans tous les lieux ses ravages désolants, et quand
l’âme n’écoute plus avec la ferveur chrétienne, il nous semble bien diffi-
cile sinon impossible qu’elle saisisse et rende l’expression de cette
beauté idéale qui doit être le but constant de l’art et qu’un grand pen-
seur (1) fait consister «dans un parfait accord entre la créature et sa
destinée. » Une œuvre d’art, Selon nous, doit agir directement sur les
sens; son essence est de poétiser, de diviniser les éléments de l’ordre
matériel L’art, ne peut-on le regarder comme la fleur de l’humanité—
fleure luxuriante et embaumée qui s’épanouit partout où l’âme humaine
se raffine et s'épure, grandit et s’élève vers la divinité ? La plus grande
(1) M. de Lamennais, Esquisse d'une philosophie.
vérité dans la plus grande beauté, étant donc ce qui constitue la perfec-
tion de l’art, il s’en suit que la plus belle forme possible exprimant l’idée
ou le sentiment le plus essentiellement vrai, sera l’idéal que l’artiste
devra poursuivre et qu’il devra rendre sous son aspect le plus saisissant.
Si nous feuilletons les pages de l’histoire de l’Art, nous voyons que
cette perfection portée jusqu’à l’idéal, a été atteinte deux fois, à deux
époques différentes, dans des siècles divers. L’une eL la première de ces
époques, est celle qui fut l’apogée du beau païen et dont, pour l’art,
Phidias devint la plus belle personnification. La seconde est celle qui
fit éclore le beau chrétien et se symbolisa par le règne du Sanzio. Le
principe qui domine l’art grec, n’est-ce pas la beauté humaine divini-
sée, le repos dans la force, la sérénité dans la jouissance, comme un
élégant écrivain l’a nommé ? L’art chrétien,au contraire, c’est la beauté
divine incarnée, le triomphe sur les sens, la résignation dans la dou-
leur, la béatitude dans la joie. Dans le premier de ces deux arts, il faut
avant tout chercher et voir la magnificence de la forme; dans le second,
c’est plutôt la grandeur morale qui resplendit. Chez tous deux éclate
et règne une souveraine harmonie, c’est-à-dire la beauté idéale.
C’est de ce point de vue élevé que doit dériver le principe que l’artis-
te ne peut perdrede vue s’il comprend toute la grahdeur de sa mission,
s’il est pénétré du caractère sacerdotal dont il est revêtu. Mais si, pour
nous, l’artiste est le prêtre de l’art, nous ne pouvons nous empêcher de
faire l’aveu que notre époque de dévergondage intellectuel, n’est pas
tout-à-fait dénaturé à inspirer à l’artiste le sentiment desa haute di-
gnité Cependant, nous dirons que même en présence du nouvel état
de choses qui enveloppe l’art de tous côtés, il est indispensable que l’ar-
tiSte remonte par la pensée, par l’étude à ces types suprêmes qui
furent dans l’art païen le Jupiter olympien et la Minerve du Parthé-
non, et dans l’art chrétien le Christ et la Vierge Marie. Il faut
que ces types d’une beauté et d’une pureté si célestes, il les grave
dans sa mémoire , qu’il se pénètre de leur essence, qu’il reste en
| une espèce de contemplation intérieure devant ces formes harmonieu-
ses A côté de cette nécessité est l’écueil, c’est-à-dire l’imitation ser-
vile, et il faut que l’artiste soit créateur. « L’art, dit encore M. de La-
mennais dans son Esquisse d’une philosophie, l'art correspond au pou-
voir que l’homme possède de revêtir l’idée d’une forme sensible qui la
manifeste extérieurement, d’incarner dans la nature les types éternels;
il est pour l’homme ce qu’est en Dieu la puissance créatrice. » Belle*
paroles qui résument toute une théorie de l’art.
Là ne se borne pas encore la tâche de l’artiste, car cette tâche est. im-
mense; l’appellation de sacerdoce indiqueassez son étendue. Quand un
auteur s'écriait que l’art moderne n’a pas encore trouvé sa philosophie,
il n'était pas loin de la vérité, et ceci lient encore à l esprit sceptique et
superficiel de l'époque actuelle. Il appartient au génie, qu’il soit peintre
ou poète, qu’il manie le ciseau ou le burin, d’imprimer à l’art une im-
pulsion forte et toujours nouvelle, de donner à ses œuvres unebaseso-
lide. G’est de cette manière qu’il parlera à tous au nom de tous; c’6"
ainsi qu’il découvrira la pensée de son siècle. C’est également ainsi qu 11
acquerra la condition, l’apanage de ceux que les générations appellent
les maîtres. . .
Nous le savons : la tâche est immense , ardue. Mais c’est ainsi que
nous comprenons celle de l’artiste. Nous savons aussi qu’il y a beau-
coup d’appelés, mais peu d’élus. Cela ne doit pas nous faire désespérer
de l’art, car l’art ne périt pas - il se cache, se dissimule, ou pour mieux
dire il s’endort quand ses prêtres portent la profanation jusque dan*
son sanctuaire. C'est donc de la fusion de l’art païen et de l’art chré-
tien que doit sortir pour l’artiste cette admirable perfection qui sera
non pas la création du beau, qui existe et est immuable, mais ce qu on
pourrait appeler le produit d’une inculcation suprême. .
Dans le cours de celte revue, nous verrons jusqu'à quel point I hcoi
Flamande a compris cette expression de l’art qui n’est que l’eslbeu-
que mêlée à la connaissance exacte de la forme.
HENRI DE BRÈS. |