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1843. - M.o 14.
AM VE RS , Samedi 14 Janvier.
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du PRÉCURSEUR, Bourse Anglaise
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PAIX. — LIBERTÉ. — PROGRÈS.
14 Janvier.
DU FOITI1TIEBCE DES VINS EN FUAJVCE.
On sait que depuis quelques années, l’industrie vinicole en
France, souffre beaucoup d’un état de choses dont elle n’entre-
voit la fin qu’au moyen d’une union douanière avec la Belgique.
On sait aussi qu’un comité, composé d’environ 150 députés avec
M. Manguin en qualité de président à leur tête, a été créé à
Paris, dans le but d’activer les démarches, d’exposer les besoins,
et de soigner les nombreux intérêts de l’industrie vinicole. Or,
ce comité en s’attachant à découvrir les remèdes propres à gué-
rir les maux des propriétaires et des vignerons , ne met pas
seulement en ligne de compte les bénéfices qui doivent néces-
sairement résulter d’un pins grand écoulement en Belgique;
mais il s'attache également à un autre point, qu'il n’est pas sans
importance pour la Belgique d'étudier avec attention, fl s’agit
de la diminution de la consommation des vins français depuis
40 ans, diminution qui, sans doute, n’est qu’apparente, si l’on
entend par vin tout le liquide rouge qui se consomme en France
et qui s’exporte à l’étranger.
Jusqu’ici l’on u’a pas semblé, chez nous, suffisamment com-
prendre toute l'importance de cette question. Cependant, elle
est d'un intérêt majeur. En France, nous avons vu plusieurs
journaux, entre autres la Presse, le Siècle, le Commerce, le
Constitutionnel elle Globe, exposer leurs opinions sur les causes
plus ou moins graves qui ont produit la diminution signalée.
En dernier lieu, le Journal des Débats lui-même s'est exprimé
à cet égard de la manière suivante :
« L’intérêt agricole éprouve actuellement une souffrance avérée, la
vente des vins est plus (pie pénible; jamais, de mémoire d’homme, les
propriétaires n’avaient subi des conditions aussi désastreuses. Les cho-
ses en sont à ce point que dans beaucoup de localités,unebonne récolte
est réputée une calamité.
» La commission qui est présidée par M. Manguin, l’un des députés
les plus éloquents de l’opposition, a pour secrétaire M. Lasalle; elle a
ouvert parmi les intéressés une sorte d’enquête; elle leur demande la
situation des vignobles,la variation de valeur; elle interroge ses clients
sur la falsification des vins, et vingt autres questions qui jetteront une
vive lumière dans les débats.
» La production des vins en France a éprouvé une augmentation
marquée depuis l’ancien régime; au lieu de 1,575,000 hectares, la vigne
s’étend aujourd’hui surplus de deux millions d’hectares; en outre, le
produit s’est accru de 650 litres par hectare.
« Eu égard aux progrès énormes des productions et des consomma-
tions de toute nature depuis 1788, il semblerait qu’un accroissement de
deux tiers de plus dans la production devrait être satisfaisant. Au fait,
il est excessif.
» Quelle est donc la cause qui pèse ainsi sur le marché et crée pour
le moins une exception à l'extension générale des débouchés et des
consommations ?
> Le commerce extérieur ne joue à l’égard de l’industrie vinicole
qu’un rôle secondaire, quoique pour les crûs de la Gironde (Bordeaux)
ii soit d’une importance extrême. Notre production se monte dans une
année abondante à 48 millions d’hectolitres.C’est trente-sept fois ce que
nous exportons.
» C’est la consommation intérieure qui est gênée; au lieu de s’agran-
dir en proportion de la prospérité générale, elle se réduit dans les
grands centres de consommation et surtout à Paris. Le siècle n’est
pourtant pas à l’abstinence. Qu’est-ce à dire donc ?
» Deux causes affectent le débouché de l’industrie vinicole à l’inté-
rieur : le droit d’octroi qui est à Paris de 20 centimes par litre; c’est,
dans beaucoup de cas, la valeur du vin. L’autre qui est la plus active, à
notre avis, c’est la falsification des vins qui s'opère dans l’enceinte des
barrières. Cette coupable industrie, contre laquelle l’hygiène publique
élève ses clameurs, a été encouragée, provoquée par les tarifs exagérés
de l’octroi. Elle a aujourd’hui sa clientelleassurée.
» De 1809 à 1841, la population parisienne est montée de 600,000 âmes
à 912,000, non compris la garnison, et sans compter 25,000 étrangers;
ch bien I fait incroyable, la consommation des vins au lieu de croître,
a décru dans le même rapport. En 1859, chaque habitant de Paris bu-
vait en moyenne 166 litres, en 1840 il n’en a plus consommé que 95. Et
ceci n’est point un accident passager : c’est un résultat permanent. On
peut hardiment dire que le déficit apparent de 71 litres par tête est le
résultat de la falsification.
n Voici la consommation de vins dans la ville de Paris :
» Consommation dans l’enceinte des murs,........ 971,000 hect.
» » i la banlieue,................ 708,000 »
» Expéditions à l’étranger et dans les départements. 521,000 »
Total----- 2,000,000 hect.
» Sans la falsification, le produit de la consommation s’élèverait à
1,500,000 hectolitres de plus, en prenant pour base les 71 litres de vins
dont il est parlé ci-dessus.
« En même temps, d’autres fraudes non moins repréhensihles s’at-
taquent à l’exportation de nos vins. Quelques commerçants sans ver-
gogne trompent leurs acheteurs lointains sur la quantité et la qualité;
sans doute la culture de la vigne a été introduite dans des contrées où
die n’existait pas il y a 50 ans et perfectionnée ailleurs; mais la qualité
exquise, inimitable de nos vins, leur assurerait partout la préférence, si
des mains honnêtes étaient toujours chargées de la livraison de nos
vins à l’étranger.
» La commission vinicole flétrit avec énergie cette double fraude in-
térieure et extérieure;elle appelle sur les falsifications au dedans et les
pacotilleurs au dehors, l’indignation publique et l’action de la loi. C’est
en effet de ce côté surtout qu’il convient de chercher le remède du mal.
Nous ne nous dissimulons pas ce qu’il a y de grave à restreindre la liberté
du commerce et de l’industrie C’est une sorte d’arche-sainte sur la-
quelle il ne faut porter la main qu’avec la plus extrême prudence; ce-
pendant le mal causé par l’abus de cette liberté eslau comble. Une loi
contre la falsification des vins, si elle est possible et nous la croyons
telle et surtout des réglements qui soumettraient à la surveillance non
des agents du fisc, mais des délégués du commerce lui-même, les expédi-
tions à l’étranger, auraient l’assentiment de l’opinion et produiraient
un grand bien.
” Ces mesures n’exclueraient pas la révision des octrois à Paris et ail-
leurs, et pour donner une idéede l’importance de lindustrie vinicole,
nous dirons qu’il représente une culture de 2 millions d’hectares sur
52 que contient le royaume; que le nombre des propriétaires est de 2
millions et la production de 500 à 600 millions de francs.Aucune indus-
trie n’agite autant de capitaux et n’occupe au tant de bras. »
Le Courrier de la Gironde, journal commercial de Bordeaux,
fiui reproduit également l’article du Journal des Débats, se féli-
cite de ce langage où toute la réalité des griefs de l’industrie
vinicole est exposée. La feuille bordelaise croit devoir prendre
acte des déclarations du Journal des Débats, et ajoute qu’elles
n ont point été faites sans que le gouvernement lui-même en ait
reconnu l’opportunité et sans qu’il ail pris la ferme résolution
de venir en aide à la plus intéressante production du sol.
Le remède proposé par le Journal des Débats de soumettre
les vins envoyés de France à l’étranger, à une espèce de comité-
contrôleur, est une mesure très grave et qui, si elle intéresse
vivement le commerce français, mérite non moins vivement de .
fixer l’attention du commerce des pays qui traitent activement
avec les départements vignobles de la France, ainsi que tous.les
consommateurs qui reçoivent leurs vins directement de ces
contrées.
Nous croyons que l’éveil donné au commerce belge peut lui
suffire pour le moment.
Au reste, il est heureux de pouvoir constater ici que depuis
trois à quatre ans, le commerce de vins français en Belgique a
pris une route nouvelle. Peut-être ce revirement eut-il dù com-
mencer un peu plus tôt. On remarque, en effet, que nos prin-
cipales maisons de commerce tenant les vins de Bourgogne,
vont faire maintenant leurs achats par elles-mêmes et sur les
lieux de production. Celles d’Anvers, de Gand, de Bruxelles,
par exemple, qui traitent plus particulièrement les vins de Bor-
deaux, se rendent dans les vignobles et opèrent leurs transac-
tions avec les propriétaires eux-mêmes. Ce mode promet de
devenir d’une application générale, pour peu que le commerce
belge de vins français veuille user de ses capitaux et provoquer
ainsi une plus grande activité dans les affaires générales.
Toute l’attention de la presse parisienne se porte aujourd’hui
sur le choix qu’ont fait les divers bureaux de la Chambre, des
membres de la commission chargée de rédiger le projet d’a-
dresse en réponse au discours du trône. Le Journal des Débats
tout en reproduisant dans ses plus minutieux détails les discus-
sions qui ont eu lieu dans les bureaux, enregistre avec complai-
sance le succès du parti conservateur, qui, sur neuf nominations
en a obtenu huit. Il espère que ce résultat, qui au reste peut se
passer de commentaire, attirera toute l'attention du pays. —
Quant aux journaux de l’opposition, ils sont sobres de réflexions;
ils font seulement remarquer, que, bien que le parti conserva-
teur soit en grande majorité dans la commission de l’adresse,
il y a cependant parmi eux cinq membres qui se sont prononcés
contre les traités du droit de visite. Le Commerce, qui regarde
ce résultat comme un échec pour le ministère dans les dispo-
sitions où il se trouve à l’égard de ces traités, fait des vœux pour
qu’il aboutisse au dénouement que le pays en attend. — Le
Constitutionnel s’étend très longuement sur la progression ef-
frayante du chiffre des budgets, qui lui fait prévoir un avenir
chargé de sombres couleurs.
ESPAGNE.
Barcelone, le 6 janvier.
On lit dans le Conslftucional de ce jour.
Nous avons annoncé qu’il y aurait impossibilité de faire verser dans le
trésor les 12 millions formant la contribution extraordinaire dans le dé-
lai fixé par le capitaine-général; nous ne nous étions pas trompé.
La majorité des contribuables n’ayant pas d’argent comptant.il faudra
bien que le capitaine-général fixe de nouveaux délais. Beaucoup de
propriétaires montreront leurs baux, des artisans donneront un état de
leurs effets et objets mobiliers, mais ils ne pourront pas payer leur part
de la contribution. Que fera le capitaine-général contre ces malheureux?
leur fera-t-il sentir les effets de l’état de siège ; nous ne pouvons croire
qu’il veuille jeter la consternation parmi la population de notre ville, et
frapper de mort les richesses de la seconde cité du royaume.
— Les conseillers municipaux de Barcelone qui devaient se retirer le
Dr janvier ont adressé à la date du 29 décembre une exposition à la dé-
putation procinciale. Ils déclarent que rien ne les oblige à conserver ces
fonctions épineuses. Depuis le 1" janvier, si quelques-uns peuvent re-
connaître l’état exceptionnel qui pèse sur la ville, ce n’est pas une rai-
son pour que cette opinion soit partagée par les signataires incapables
d’adhérer à de semblables monstruosités. Avant tout, la constitution et
les lois ! En conséquence, ils prient la députation provinciale d’aviser à
leur remplacement, attendu qu’ils se regardent comme étant sans ca-
ractère municipal depuis le 1er janvier.
Le Constitucional, qui publie cette démission, pense qu’elle ne sera
point admise par la députation provinciale.
— On lit dans le /‘hare des Pyrénées, du 8 :
« 11 nous arrive dePampelune une nouvelle à laquelle il nous coûte
beaucoup d’ajouter foi; cependant elle est communiquée par une per-
sonne respectable.
» Il paraîtrait que le conseil de guerre siégeant à Pampelune, aurait
condamné à la peine de mort cent quatre-vingt et quelques personnes
de celles qui prirent part aux événements d’octobre 1841. Le général
O’Donnel figure en tête de la liste de ces condamnations.
» C’est sous la présidence du général Goni, ancien chef carliste, que
ces sentences auraient été prononcées. «
— Suivant le Vizcaino Originario, journal de Bilbao, il paraît que la
nouvelle municipalité de cette ville n’est pas encore entrée en fonc-
tions. Au moment de prêter serment, elle a voulu ajouter à la formule
ordinaire qu’elle jurait de garder aussi obéissance à la loi du 25 octobre
1841 (celle qui confirme les fueros des provinces Basques). Le chef poli-
tique s’étant refusé à admettre cette addition au serment prescrit, la
municipalité s’est retirée, n’ayant pas voulu accepter ses fonctions au-
trement.
Madrid, 7 janvier— L a fête des Rois avait attiré, par ordre, beaucoup
de monde dans les salons du palais de Buena-Vista. Le comte d’Asallo,
introducteur des ambassadeurs, avait été chargé de prévenir le corps
diplomatique qu’entre une et deux heures, le régent serait disposé à le
recevoir en costume d’étiquette. On a voulu donnerde l’éclat à cette ré-
ception officielle, quia été plusnombreuseqne brillante. Il ne manquait
pas des gens quise rappelaient que depuis Ferdinand VII. il n’y avait
pas eu à la cour, à l’occasion de l’anniversaire du roi, la répétition d’un
semblable cérémonial; aussi, faisait-on remarquer que cette réception
offrait un étrange contraste avec les protestations modestes de l’hom-
me, dont l’unique ambition est de redevenir simple citoyen. Le langage
tenu par le Régent aux officiers de la garde nationale qui, avec les au-
torités civiles et militaires, affluaient dans les salons de S.A., a été signi-
ficatif. Le régent ne veut pas prolonger la minorité de la reine. Il est
bien décidé à soutenir les lois et à conserver intact le dépût sacré de la
constitution (nous publions textuellement d’après le journalExpecta-
dor, le discours de S. A.) On tire de ce langage très ferme et presque
menaçant, des inductions peu rassurantes pour la presse périodique.
Il ne serait pas étonnant que le gouvernement songeât à adopter des
mesures très énergiques contre la presse, dont la ligue pourrait, jus-
qu’à un certain point, l’effrayer à l’approche de la lutte électorale.
— Conformement à un ancien usage, le régent a reçu hier les nota-
bilités de Madrid. S. A. a répondu ce qui suit à l’allocution de M Ferraz,
inspecteur de la milice: q Les vieux que vous venez d’exprimer sont
a gravés dans mon cœur. Ces vœux, messieurs, vous n’aviez pas besoin^
» de les répéter, car j’ai bien compris les sentiments de la milice de Ma-
» drid, comme la milice a compris ceux du soldat citoyen qui n’a d’au-
» tre désir que le bonheur de sa nation, d’autre intérêt que la défense
« de la liberté, de la Constitution de 1857, du trône de notre reine et de
« l’indépendance nationale. En effet, messieurs, c’est à la milice de Ma-
» drid que j’ai confié récemment la garde de notre reine et de son au-
» guste sœur, la conservation de l’ordre et la défense de la liberté ; et
• cette fois, comme en octobre 1841, la milice ne m’a laissé rien à dési-
» rer. La milice de Madrid a bien mérité de la patrie. La milice peut
» compter sur le cœur du soldatqui parle ici, dès qu’il s’agira de défen-
» dre le drapeau national, ce drapeau quia pour devise : « La Constitu-
» tion de 1837 et le trône d’Isabelle II. n Nationaux, la reine et la patrie
» comptent sur nous pour la défense des lois, du trône, de la constilu-
» tion et de cette paix (pii nous a coûté si «lier. Si les ennemis de nos
» gloires, de notre liberté, de notre indépendance, si les ennemis du
n trône de notre reine et de la paix que nous avons su conquérir, vou-
1' laient porter atteinte à ces objets sacrés, je compte sur toute la rai-
» lice de Madrid, sur tous les Espagnols. Je n’ai, messieurs, d’autre dé-
» sir que la gloire de ma patrie; et mon cœur, qui ne m’a jamais trompé.
» me dit que l'heure n’est pas loin où l’Espagne aura le rang qui lui
» appartient.
» Je suis le chef de l’Etat, le régent du royaume pendant la minorité
» de notre auguste Reine; 22 mois manquent encore pour que S. M. ait
" atteint sa majorité. Mon cœur m’annonee qu’alors je pourrai dire :
* Madame, j’ai la gloire de vous remettre les destinées d’une nation
» grande, indépendante; sigrande,qu’elleestredoutée. — Voilàceque
» dit mon cœur, et je crois qu’il ne me trompera pas. Ce but atteint, je
ii me retirerai près du foyer domestique, je me confondrai dans les
ii rangs de mes compatriotes, et je n’aurai rien à désirer ; mais si de
» mon coin du feu je voyais péricliter le trône et cette Constitution que
» nous avons tous jurée, jerevolerai à leur défense, je présenterai cette
n poitrine de diamant (este pecho île diamante) à nos ennemis, et je sa-
» crifierai mille fois la vie s’il le fallait pour sauver la liberté, le trône
a d’Isabelle II, et la Constitution qui noos régit. » (Cris d’enthousiasme
de : Vive le liègenl / — S. A. répond : Vivent les compatriotes ! — L’as-
sistance crie : Vive l’espéran ce de la nation ! )
« Nationaux ! Tels sont les sentiments du véritable espagnol ! Si des
" ennemis de notre gloire, de notre liberté, veulent tenir l’honneur de
» ce soldat, de cet espagnol qui leur parle, je vous autorise à dire qu’ils
» sont des vilains (viilanos); (bien ! bien !) qu’ils sont des traîtres, que
» vous avez dû, vous, comprendre le cœur d’un homme qui ne sait pas
» tromper. (Vive le régent !) Le temps vole, le temps est court, le temps
ii fera connaître la sincérité du cœur de ce soldat citoyen, de ce vieux
» espagnol (.Espagnol rancio), (bien ! bien !) qui ne veut que la gloire
« de sa patrie. Moi, nationaux, je n’aspire à rien au-delà. » (Le salon
retentit de vivats.)
Le commandant du bataillon d’artillerie de la milice, M. de Vallabriga,
dit : « Seigneur, nous serions tous prêts à nous sacrier pour votre dé-
ii fense, s’il était des hommes assez scélérats pour attenter à votre vie.
ii Nous mourrions tous pour votre défense. (Tous !... répètent lesnatio-
n naux.) Mais personne n’oserait commettre un tel attentat. » (Nouvel-
les acclamations.)
M. Felice, commandant du Ô« bataillon, prend la parole pour témoi-
gner queie discours deS. A. a arraché des larmes d’enthousiasme à tous
ies miliciens.
— Pour conjurer l’orage et pour résister aux tendances du gouver-
nement, la coalition met en œuvre les grands moyens. On parle d’une
fusion entre les coalisés et les modérés, et d’ouvertures déjà faites au
marquis de Casa-Iruja, par MM. Collantes et Cortina. Il s’agirait de tra-
vailler les élections dans l’intérêt commun.
Ce qui parait plus positif que cette combinaison, c’est la résolution
adoptée par la coalition d’adresser à la nation un manifeste dans lequel
seraient passés en revue tous les événements arrivés depuis le 28 mai.
La rédaction du manifeste doit être confiée à M. Cortina, l’une des meil-
leures plumes de la coalition, et dans le cas oû le projet serait approuvé
dans la réunion de ce soir, dès demain il serait livré à l’impression. Ce
manifeste remplacera l’acte d’accusation qui devait, au début des tra-
vaux législatifs, être formulé contre le ministère. (Ecodel Comercio.)
— Avant-hier, un courrier extraordinaire est parti de l’ambassade
de France, avec la réponse du cabinet à la demande d’une réparation
formelle que le cabinet des Tuileries avait exigée relativement aux ou-
trages et insultes dont M. de Lesseps a été l’objet à l’occasion des évéa
nements de Barcelone. Nous ne savons pas quel est précisément le con«
tenu de la réponse de M.le comte d’Almodovar au cabinet des Tuileries,
mais nous avons de justes moLifs pour croire que les termes en sont as-
sez conciliants. {Heraldo, du 7.)
— On dit qu’au moment où le général Rodil présenta à la signature
du Régent le décret de dissolution des Cortès, M. Linage lui dit : «Il
faut signer : Ni le ministère actuel, ni aucun autre ministère n’obtiendra
des Cortès une approbation de notre conduite à Barcelone; gagnons du
temps. Quand les événements seront moins récents, il sera plus facile
de calmer les opinions. » Alors, le général Espartero prit la plume et dit
en signant : « Si une Reine a été exilée, peu importe qu’un général le
soit aussi. » Peut-être le général Espartero est-il doué déplus de pré-
voyance que ses conseillers intimes. {Sol, du 7.)
— Espartero semble avoir des craintes sérieuses pour l’avenir. Il
vient de donner des ordres à plusieurs régiments de marcher sur Ma-
drid; quelques personnes prétendent qu’on s’attend à des troubles,
d’autres disent que le Régent prend ses précautions afin de pouvoir,
sans danger, ratifier le traité avec l’Angleterre, sévir même contre la
presse.
Deux régiments venus de Luchana doivent entrer après-demain à
Madrid.
On assure que la députation de Sarragosse s’est refusée à toute con-
tribution qui ne serait pas votée parla Chambre.
— El Patriote fait les réflexions suivantes sur la dissolution des Cor-
tès : La Chambre des Députés actuelle était incompatible avec l’existen-
ce de tous les cabinets. Composée qu’elle était d’éléments inconcilia-
bles, une majorité ne pouvait émaner de son sein. Aujourd’hui les Cortès
de 1841 sont dissoutes. Les bons citoyens ne devront pas oublier les
laçons de l’expérience, et jetant les yeux sur la dernière législature, ils
verront quels hommes il faut envoyer à la Chambre, s’ils veulent enfin
une assemblée qui s’occupe des intérêts du pays, et ne gaspille pas le
temps en interpellations âcres, inopportunes. Le moment n’est pas venu
pour nous de parler des nouvelles élections. Dans ce qui précède nous
n’avons voulu que donner un avis aux électeurs.
— On lit dans le même journal :
Un journal a dit que S. M. a répondu très sèchement aux compliments
du Régent Nous pouvons affirmer que S. M. a accuelli l’invincible duc
avec la plus grande amabilité. On a dit aussi que les ministres étaient
en désaccord au sujet de la dissolution des Cortès. Nous pouvons affir-
mer que cette mesure a été arrêtée à l’unanimité.
S. M. se trouve déjà beaucoup mieux.
FRANCE.
Paris, 12 janvier. — Une discussion importante a eu lieu hier dans les
bureaux de la chambre. La nomination des commissaires chargés de
rédiger le projet d’adresse ouvre un champ très large aux interpella-
tions de toute espèce.
On serait tenté de croire que l’opposition a choisi pourchamp de ba-
taille la question du droit de visite. Tel est du moins le texte qoe la plu-
part des députés de la gauche et du tiers-parti ont développé avec le
plus de complaisance. Toutefois, les hommes éminents de l’opposition
ne font pas très grand fonds sur le droit de visite; M. Tliiers, par exem-
ple, n’en a pas dit un mot. M. Barrot en revanche a beaucoup parlé des
traités de 1851 et de 1835; mais M. Barrot a parlé de ces traités,comme
il parle de beaucoup de choses, sans être bien certain de les avoir ëlu-
diées.On sait d’ailleurs ce quec’est que l’éloquence de M. Barrot dans les
questions d’affaires; et ceux qui se souviennent de son diseours sur
l’Orient, ceux qui ont admiré la pompe et la majesté avec lesquelles il
brouillait incessamment les faits et les dates, ne trouveront jamais sur-
prenant que M. Barrot aime à se perdre dans de vagues généralités.
Nous remarquons que l’opposition a usé encore une fois dé ce petit
machiavélisme tout à fait innocent qui consiste à choisir ses candidats
dans les rangs de ses adversaires. L’opposition a pris pour candidat M .
Lamartine,quoique l’illustre orateur n’ait absolument rien fait jusqu’ici,
que nous sachions, pour mériter ce dangereux honneur; aussi Iestra-
gème de la gauche a-t-il complètement échoué.
M. Dupin a été nommé à l’unanimité. II est donc a présumer que M.
Dupin a réuni plusieurs voix de l’opposition. On verra néanmoins que
sur le point capital du débat, l’opinion de M. Dupin est beaucoup plus
conforme aux principes de la majorité conservatrice qu’aux préjugés
de la gauche. Personne n'a mieux réfuté le système d’abrogation immé-
diate que M. Barrot développait à la même heure dans un autre bureau.
Huit bureaux sur neuf ont nommé des commissaires appartenant à |