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ftSâftÜff. li'
MîVBHS, Jeudi il Janvier.
(^Uiiioi'/Jiiiie Aimée.)
LE PREGUR8EIR
. ' e» a'.lmiat s
à âüv^ïs »u bureau du Pkécuhsemb»
Bourse Anglaise • ^040, en Belgi-
que cl a l’étranger' chez tou. les Di-
recteurs des Postes,
41 Janvier.
La Chambre a continué hier la discussion du budget
de la justice, qui désormais ne saurait donner lieu a de
longs débats, car les questions réservées sont moins une
affairé de budget, qu’uiiç cause de législation spéciale.
Un seul objet l’a réellement occupée ; c’est la réduc-
tion du traitement alloué jusqu’à ce jour à Mgr. 1 arche-
vêque-cardinal de Malines. Ce traitement était de 30,0üQ
francs, tandis que celui des ministres du ltoi n est que
de 21,000. — La section centrale a trouvé que c’était
une anomalie et a jugé que nul ne devait recevoir des
appointements fixes plus élevés que ceux des premiers
fonctionnaires de l’Etat. , 0.
Elle avait en conséquence proposé de réduire a 21 ,uuu
francs, comme maximum, le traitement de l'archevêque.
C’était justice et, sous ce rapport, le gouvernement a
bien fait de se rallier aux conclusions de la section cen-
trale, qui ont été adoptées à une très grande majorité,
malgré tous les efforts de MM- Y ancien Rraudede Reeth,
de Mérode, de Haerae. de Theux et de Decker.
Ce dernier, voyant sans doute la partie peidue, en
élait venu à demander que i’ou réduisit de 8,000 francs
seulement la somme allouée et qu on la fixât à 25,000.
Mais cette proposition était inacceptable, parce que,
bien qu’en dise Y Emancipation, ce n’est point une
question de simple économie que la Chambre avait à
résoudre, mais bien une question de principe, mais bien
la question qu’a présenté la section centrale et qu out
défendue MM. Urts, Dellcisse et Dumortier. II s’agissait
de décider qu’aucun traitement fixe, en dehors de la
Couronne, ne pourrait désormais dépasser celui des
ministres du Roi. M; de Decker u eût demandé que
21,500, au lieu de 21,000, que la solution eut dû être la
même Ce n’est pas, comme on l’a lort bien explique,
qu’il v ait daùs celte décision la moindre chose qui sente
Ja politique et soit hostile a Mgr. l’archevêque-cardinal
de Malines, mais c’était de stricte équité et, selon nous,
de droit dans un pays constitutionnel régi comme l’est le
nôtre. Ce sera, nous en sommes convaincus, l’avis d’un
très grand nombre de catholiques et nous ne doutons
ias que celui qui a été i objet de cette réforme ne soit
e premier à reconnaître qu’elle était essentiellement
juste. . nai^pMiii______________
b'Observateur 'défend longuement la mesure votée
avant-hier par. la Chambre, ayant pour but de substi-
tuer les agents de la force publique aux huissiers, peut
la signification et la mise à exécutiou des jugements
rendus en matière criiiimelie , correctionnelle et de
simple police. Les raisons qu’il apporte ne nous sem-
blent pas concluantes, il nous dit, par exemple, ceci :
• Il est de principe,'Jet nous avons entendu répéter à satiété, au
sein de la chambré des repivsvtüuutS: <jut: l'intérêt général doit avoir
le pas sur celui dequelques fonetiphnairéà- Or, jci, les fonctionnai-
res dont il s'agit ottt d’autres moyens d’existence O ailleurs, lés par-
tisans desécouuanestpii vdiéi'etieut toujoifrs inaltéré à réduction sur
tous les traitements, t.-ouveut-its donc indispciisahle qu un huissier
gagne plus qu’un présideut-du tribunal? »
Nous croyons précisément que 1 on doit combattre
cette substilulioQ an uotn de l’intérêt général, parce
que les huissiers oflreiu plus de garanties pour le res-
pect des formalités (égaies que n’en peuvent offrir des
gendarmés ét <Jei* gardes champêtres, dont les derniers
savent à peme lire et écrire- Ce serait la source d énor-
mes abus. ... ,
Quant à cë qui est nés moyens d existence que possè-
dent les huissiers, ce n'est qu’un point très secondaire
EfiüMÀIÏüS Oh PRÉCURSEUR.
Journal Politique, Gomierciâl, Maritime et Littéraire
Fai# — Eibes'ië --
Abonnement p»r Trimestre
Pour Anvers................fr. 12 50
» la province franc déport. * 15
» la France,l’Angleterre et
la Hollande. . . . b 15
Insertions 25 c.‘ la ligne. Réclames 50.
en cette question, et s’il en est do riches, de très riches
môme, ce u’est pas du budget de la justice qu’ils ont
reçu leur fortune, mais bien du commerce et de l’in-
dustrie. .
Rien d’ailleurs n’empêcherait, et ce serait le plus^
sage, croyons-nous, que l’on donnât des appointements’
fixes à un certain nombre d’huissiers qui seraient spé-
cialement chargés de celte besogne dans tout le royau-
me. Ce serait le meilleur moyen de concilier les divers
intérêts. Nous appelons sur ce point l’attention du gou-
vernement.
La sertioii centrale chargée de IVxamen du budget de l’intérieur
s’est réunie hier ; elle a terminé son travail et nommé pour son rap-
porteur M. l’révinaire.
Les sections se sont occupées de la proposition de M. de Pouhon
ayant pour objet de mettre diverses valeurs à la disposition du gou-
vernement ; quatre rapporteurs i la section centrale ont été nommés,
ce sont JJM- David, Moxhon, Deliége et üesoer. Les deuxième et
qutarième sections ont renvoyé à aujourd’hui la nomination de leurs
rapporteurs.
I, jsection centrale dg budget des finances a approuvé hier malin le
rapport *(§• «e budget dont ii lui a. été donné communication par
M. TKitil-de-Iîayer.
Le Politique annonce que l’on s’occupe au départe-
ment des travaux publics d’établir un convoi de nuit
vers Cologne. Ce convoi partirait de Bruxelles, et la
chose serait même déjà assez avancée, pour qu’il ne s’a-
git plus que de fixer l’heure du départ. Serait-ce G ou
10 heures 1/2 du soir ? Voilà le point sur lequel on se-
rait divisé, si les renseignements que donne le Politique
sont exacts. _
Ce journal pense qu’il serait peu raisonnable de choi-
sir la première de ces heures, et nous sommes complè-
tement de son avis, parce qu’à 6 heures, beaucoup de
convois ne sont point arrivés à Bruxelles, tandis nue
tous le sont avant 10 heures,et que dès lors tous les élé-
ments qui peuvent faire fructifier un convoi de nuit se
trouvent rassemblés, tandis qu’ils seraient incomplets
dans le premier cas. Il n’y a donc pas à hésiter, selou I talions de ce genre qui viennent de France. Il en est de même des
nous, et nous ne pouvons également qu’engager M. le î (^pUealimsda BruxeUes.KMUt ces dentelle» tn fil ne «e trouvent
ministre des travaux publics à trancher la question daus
ce sens, s’il est vrai que cette mesure désirable doive
être prochainement prise. Il va de soi sans aucun doute
qu’il y aurait coïncidence avec un convoi partant d’An-
vers, dont les relations avec l’Allemagne sont si assidues
et si considérables.
On lit dans le Mon iteur :
Si. Muxhel, consul général du Belgique à New York,vient de trans-
mettes les renseignements suivants sur le commerce des dentelle s
aux Etals-Uuis, Les échantillons dont il parle peuvent être exami-
né* au département de l’intérieur, direction de l’industrie.
1IKJir.LLES EN FIES OC EN FILS MÊLÉS DE COTON.
(.'importation aux Etats-Unis, eu 1846, a été d’une valeur de
982 36Ö dollars, répartis entre les pays de provenance suivants :
1» t/Miglelerrp, pour une valeur de 689,806 dollars ;
2-> La France, pour une valeur de 237.577 d° ;
5» Les villes lianséaliqnes, pour 51,652 d®.
La Belgique ne figure que pour une somme de 985 dollars.
Lu plus grande partie des dentelles que l’on vend aux Etats-Unis
sont des dentelles anglaises ; viennent ensuite 1rs imitations de
France. On vend très-peu de véritables dentelles. Dans la plupart
des magasins de New-York, il n’y en a pas, sauf quelques Valen-
ciennes de qualités ordinaires. Les malines véritables y sont pour
ainsi dire inconnues ; mais en revanche, on trouve beaucoup d’t’mt
li résulte des renseignements publiés par VIndépendance et qui
nous8ont confirmés aujourd’hui par nos correspondants de Paris que
la réforme postale en France ne s’applique qu’à l’intérieur du paya
et qu’en vertu d’un arrêté ministériel du 15 décembre et d’une circu-
laire de M. F.tienne Arago, ex-directeur général des postes cil date du
20 du même mois, les lettres venant des pays étrangers ou desti-
nées pour l’étranger continueront à être taxées d’après les anciens
tarifs pour leur parcours en France.
Ainsi une lettre en destination de Marseille est Jetée à la poste à
(Slanc-Misseron. Le port est de 20 centimes.
Mais qu’elle soit jetée à la poste à Quiévrain, à une demi-lieue de
Blanc-Misscron , le port sëra de i fr. 30, c’est-à-dire près de sept fois
plus élevé.
El ceci n’est pas le résultat de la convention internationale de 1847,*
car cette convention ne charge la lettre, en sus de la taxe française,
que des 20 centimes dus à l’office belge.C’est donc à dire que, pour es
même parcours de Blanc-Misseron à Marseille, l'administration fran-
çaise perçoit; pour son propre compte, tantôt 20 centimes, tantôt 3
fr. 10, suivant que la lettre vient de Belgique ou est jetée à la poste
à Blanc-Misseron même.
Nous l’avouons, une pareille anomalie nous paraissait impossible.;
nous pensions que la réforme postale opérée en France devait s’ap-.
pliquer à toutes les lettres, même à celles venant de l’étranger, dans
tous les cas où les nouvelles dispositions ne se trouvent pas'en op-
position avec ies conventions internationales. C’était logique, mais'
e’étaït inexact.
Le public est donc prévenu qu’il n’y a absolument rien de changé
depuis le 1" janvier à la taxe des lettres entre la France et ia Belgi-
que.
Seulement, le commerce a un motif de plus de réclamer ia prompte
révision de la convention de 1847, et l’établissement d’uo état de
choses qui fasse disparaître de pareilles anomalies.
pii- exception que dans un ou deux magasins, et pour ainsi dire
comme curiosités, sauf quelques Valenciennes ; la demande géné-
rale se porte sur les dentelles anglaises et sur les imitations de
France. Je joins à ce rapport quelques échantillons de ces dentelles
que j'ai recueillis dans différents magasins ; bien entendu que je ne
les envoie paseomme modèles à imiter, mais simplement pour faire
voir comment l’article va sur le marché. Les prix sont côtés au dé-
tail, c’est-à -dire qu’ils comprennent le bénéfice très considérable que
doit faire le détaillant, à cause de la cherté des loyers, etc. ; il n'y
s, par conséquent, aucune comparaison à en faire, sous le rapport
des piix. Les deux, imitations malines, par exemple côtées à 1 dol-
arleyard, vaudraient tout au plus en Belgique t fr. 50 l’aune;
mais cela ne veut pas dire que le fabricant ou le négociant qui les a
importées de première main, ait gagné beaucoup.
Je suis convaincu que si les bonnes dentelles belges étaient offertes
à des prix raisonnables, les dames américaines qui, en générasse
distinguent par leur bon goût, ne manqueraient pas de les apprécier,
et qu'spcc le temps la demande en deviendrait considérable. Si l’on
veut faire su essai en dentelles belges, que l’on envoie les genres et
les dessins les plus à la mode à Bruxelies, mais dans des prix non
élevés, ne dépassant pas, pour la plus grande partie, 3 à 4 fr. l’aune,
en Belgique; les Valenciennes, étant déjà plus généralement connues,
auraient naturellement les meilleures chances de placement.
Lé druil à l’entrée aux Etats-Unis sur les dentelles pur fil est de 20
ji.c. suivalorem,. comme sur les toiles, et de 25 p. c. sur celles mêlées
de eçffou. Les frais de vente sont aussi les mêmes que pour les toiles.
Gexes 5 décembre — Des lettres que nous recevons des différents
points de la frontière, nous assurent que l’émigration (lombarde prend
de nouveau des proportions extraordinaires. Les fugi tifssont surtout
des jeunes gens qui ont l’âge fixé par Kadetzky pour le service mili-
taire. L infâme despotisme des Tudesques est à son comble. Prépa-
rons-nous'. préparons-nous I car l’heure peut sonner d’un instant à
1 autre et il faut qu’elle nous trouve tous prêts, plus prêts encore
qu en mars 48. — Signé la direction du Carrière Mercantile.
On écrit de Milan, le 1er janvier :
Il se fait ici de grands préparatifs de guerre. Dans toutes les caser-
nes on rassemble des projectiles et des fusées à la congrè.ve. Les
Croates partagent la haine de Uadctzky contre les pauvres Milanais*
On lâche ici de Soulever les basses classes contre les riches. La ter-
reur que cherche à inspirer le vieux maréchal est plutôt imaginaire
que réelle. Les dames de la ville continuent de porter le deuil. Les
jeunes gens ont des crêpes à leurs chapeaux.
(Concordia de Turin du 6 janvier.)
ESff*A6USE.
Mximin. 4 janvier. —On dit que le marquis de Santa-Cruz, Corrc-
8'dor de Madrid, a donné sa démission par suite de la nomination de
M Zaragoza comme chef politique de Madrid.
M. Filial a répondu victorieusement hier, à tons les arguments de
M. Corlina, qui s’était surtout appliqué à critiquer la polit’ique étran-
gère du cabinet. La séance d’hier, dans laquelle M. Pidal a obtenu ce
triomphe parlementaire, s’est prolongé fort avant dans la soirée,
aujourd'hui. la séance ne sera pas moins longue. On croit que l’in-
tention de la Chambre est de terminer le plus promptement possible
la discussion de l’adresse.
Le commencement delà séance d’aujourd’hui a élé occupé par des
vérifications de pouvoirs: M.Sartoriusa pris ensuite la parole pour
achever la réfutation de M. Corlina. MM ~ - ‘
prendront part à la discussion.
pris ensuite la
DouosoCortès ét Benavidcs
SÏAfïiSJB.
Cxtaiogne — Il y a eu un combat sanglant entre le Cabecilla Bor-
ges et quelques autres qui s’étaient réunis à lui, et le général Nouvi-
las. Les premiers avaient pris des positions formidables dans les mon-
tagnes qui avoisinent Vieil, dont ils ont élé chassés, après une
résistance de quelques heures. Les troupes do la reine ont perdu 5
hommes et 42 ont élé plus ou moins blessés. Celle de l’ennemi n’a pu
être exactement constatée; mais elle doit être considérable, d'après
le nombre de morts qu’on a trouvé dans les gorges, le lendemain du
combat. Cette affairea favorablement inauguré le commencement de
la campagne du capitaine-général ; elle présage de nouvelles victoi-
res aux troupes de reine. Il est aujourd'hui certain que Cabrera est
venu à bout de faire assassiner le frère du brigadier Pons (Bel del
Oli) qu'il craignait, comme possesseur des secrets des rebelles.
(Journal des Pyrénées Orientales, du 5 janv.J
BOURSE DE MADRID DU 4 JANVIER.
3 0/0 19 1/S P., (après la bourse 19 5/81.— 5 0/0 9 3/4 au compt ,
après la bourse 9 1/2 A.) — Dette sans intérêt 3 7/8 P., (après la
bourse3 3/4 A.) Coupons 6 P. — Vales non consolidés, 6 P — Dette
négociable 5 0/0 6 P. — Billets du trésor 74 P. — Banque de SL-
Ferdinand58A.,60 P. — Changes: Paris 5-10 A. — Londres, 48
ifsssiƣ,ais.(1)
CHAPITRE >ï.
‘ LE MÉNESTREL
La bonne harmonie mie fois rétablie cuire les hôtes de la taverne
de St-Georges, chacun avait repris.la place qu’il occupait avant l’in-
cident que nous vêtions de raconter. Le chevalier de Wezemael s élait
plaeé nu peu à l’écart auprès «te Jean de Clerc et de Gabriel.
Quoique le Brabant ait et» d« bi une heure scs trouvères, c était
chose rare, à Louvain, que £’<i>< aston d’entendre un de ccs poètes
H est vrai que la rudesse générale fies mœurs était peu favorable au
développement d’une poésie qui manquait précisément des qualités
qui eussent pu la faire goûter de la chevalerie brabançonne. Néan-
moins quand te ménestrel accorda sa harpe,. Il se Et dans cette réu-
nion bruyante tm mouvement d’alimite et de curiosité. Ce sentiment
se peignait surtout avec une vivacité particulière sur la ligure naïve
de Gabriel, Quand I« ménestrel eut fini d’accorder son instrument, il
s’assit sur un escabeau au‘milieu de la salle:
__ Messeigneurs,dit-il, qui: votdez-vousque je vous citante? Une
ballade, un tenson ou un virelai ?
—- Chantez-nous ce que vous .voudrez, répondirent ies ehevauers
qui eussent été fort embarrassés de choisir entre ces differents genres
de poésie, également iiicpnutis de ia plupart d'entre eux.
— Je vais vous dire nue chanson que j’ai faite et que j'ai chantée
à la cour de Monseigneur Raimond Bérenger IV, comte de Provence,
en présence des plus illustres chevaliers de ia Languedoc.
Après un moment do rècueilU rqunl, il commença, dans le dialede
du Nord de la France qu’on nommait roman ou langue d'oil, un
chant que nous traduirons en prose .moderne, pour 1 intelligence dtl
plus grand nombre de nos lecteurs.
LE LAI DU TROUVÈRE «BRABANÇON.
. Preux chevaliers de la Provence, miroirs de vaillance et de cour-
toisie ; gentils troubadours, maîtres experts en gaie science;
« Belles dames pour lesquelles combattent les preux chevaliers ;
pour lesquelles chantent les gentils troubadours ;
« Ecoutez ie Lai d’un pauvre trouyère qui naquit loin de votre
beau ciel, loin de vos tourne^ brillants et de vu» galantes cours
d'amour. .
« il porte dans son cœur uû nom qu’il aimera tant qu'il vivra,
il n’apprit l’art de poétric que pour porter ce nom dans tous les pays
où le malheur et la beauté sont bouotés. \
« Hélas! celle qu’il chante est moric depuis longtemps.Chevaliers,
troubadours et bellesdames, répétez pyec lui le nom de Mahaud dû
Rivière!
» Il y a loin du Dénier obscur aux rives vantées delà Durance;
H y a loin de la Dyle limoneuse aux eaux H umai es de l’Adour ; il y
a loin du Brabant brumeux at/ciel enchanté t#la Provence ;
« Mais les vers du pauvre trouvère porteront le nom qu’il aime du
Dcmer jusqu’à i’Adour, do la Dyfe à la Durânee, du Brabant, son
froid pays, aux tièdes,rivages de ta Provence.
(1) Voir le Pi'écurseur des M, 2fi, 27 et 29 décembre.
« Mahaud de Rivière, tes malheurs si je les contais, feraient pleu-
rer des statues de marbre. Mais la tombe est discrète et le cœur de
ton fidèle serviteur l’est comme elle.
« Quand la fleur de la beauté brillait aux rives du Demer, les che-
valiers du Brabantse disputaient à qui porterait les couleurs ; les
plus belles dames en pâlissaient dejalousie.
« Un seul avait su te plaire ; c’était un baron riche et puissant ; tu
fus brisée entre ses bras connu : la fauvette aux sftrres de l’épervicr.
• L’ambition et l’orgueil ont effacé dans son cœur jusqu’à (on
souvenir; ton nom ne vit plus aujourd’hui que dans ia mémoire d»
ton serviteur fidèle.
« Chevaliers, troubadours et nobles dames de la Provence, bénisse*
avec le trouvère brabançon le nom de Mahaud de Rivière !
Ce chant mélancolique, qui formait avec l’accompagnement une
sorte de mélopée monotone, produisit sur ses auditeurs une impres-
sion très diverse. •
Les nobles louvanistes l’avaient écouté, sans trop le comprendre,
avec une curiosité mêlée d’étonnement et de dédain. Quand le chan-
teur se tut, ils s’enlreregardèrent comme pour se consulter ; les uns
hochèrent la tête, les autres haussèrent les épaules, tout en faisant
entendre une sorte de murmure qui pouvait passer pour approbatif.
Chez lesconfrères du grand serment, le succès du ménestrel fut en-
core plus douteux. Ils ne témoignèrent d’aucune autre impression
que de l’ennui et du mépris. Iis eussent évidemment préféré au trou-
vère sentimental, un de ces jongleurs bouffons, qui, tout en débitant
des nouvelles licencieuses ou satiriques, faisaient parler di s perro-
quets on sauter des singes à travers des cerceaux. Jean de Clere
semblait radieux, mais il est pelmis de croire que sa satisfaction
était moins due à la poésie du ménestrel qu aux voix susurrantes des
trente deux pièces d’or, qu’il entendait chanter au fond de son escar-
celle. „ „ , . „
Pour Gabriel, ilavait écouté de toute son âme et il admirait sans
réserve Le sens triste et mystérieux des paroles de celte chanson l’a-
vait ému et presque troublé. Aussi ne put-il s’empêcher de battre
des mains à la fin de la dernière strophe ; mais cet applaudissement
fut le seul encouragement que le trouvère recueillit ; car, en même
temps il vit se dresser devant lui la haute taille et la figure menaçante
du sire Godefroid de Wezemael qu; l'apostropha d’une voix cour.rou-
C — Qu’esl-ceque tu viens de chanter là, misérable jongleur ? dsl il.
Qu’est-ce que cette Mahaud de Rivière dont tu parles, et que veux-tu
dire avec ton épervier et (a fauvette ? Réponds I
— 'Messire Godefroid, répondit le ménestrel avec beaucoup de
calme, ne vous mettez point en colère contre moi. Je n’ai pas entendu
vous offenser ni personne de votre illustre famille ; car vous avez
bien compris : Madame Mahaud que je pleure dans mes vers a porté
le nom du très puissant maréchal de Wezemael, voire frère...
La colère du sire Godefroid ne fut nullement apaisée :
— Et qui t’a permis de faire de ce nom le thème d’une méprisa-
ble jonglerie, destinée à servir de risée dans les festins et les taver-
nes ? Sais-tu qu’il me prend l’envie de te couper la langue après t’a-
voir au préalable coupé les deux oreilles ?
Le sire Godefroid avait porté la main à sa ceinture, où brillait un
long poignard dans une gaine d’acier. Mais en même Umps il sentit
une main qui se posait sur son bras pour l’arrêter. Le chevalier se
retourna et vit devant lui la douce et noble figure de l’écuyer de
Jean de Clerc. Gabriel le regardait d’un air timide et suppliant. Lue
vive rougeur colorait son front :
Robe, 5 janvier. — On est dans l’attente d’une troisième proies
talion papale. Ou dît aussi que de grands! dissentimens se sont élevés
entre («s cardinaux et le pontife. Il parai, même que le cardinal Ostini
- aurait éié frappé d'apoplexie foudroyante â la suite d'une discussion
très vive. Lauibrusciiiui et AntoneUi poussent le pape vers une in-
tïrventioîl armée ; ies autres cardinaux désapprouvent cette mesure.
1! parait que la Russie s’est mise d'accord avec l’Angleterre pour
qu’ajifut) empêchement ne soit désormais apporté à l’expédition du
roi Naples contre la Sicile.
Uicf-a eu lieu une grande démonstration en faveur de la Consti-
tuante. Toutes les troupes y ont pris part.
Ltvoctt.vii. i janvier. — O» fait courir ici des bruits alarmans. On
assure,'que, du 4 au 9 courant, la république rouge doit être procla-
mée a Livourne. On cite les noms des chefs ; les cocardes sont prêtes.
CitoyJnSytievous laissez oas égarer; serrons les rangs; pas plus de répu-
blique rouge que de république verte. La constitution italienne et la
x guerr* de l'indépendance, telle est notre unique devise.
■fa——«MO——6—nam—E——mb
- — ‘Messire, dit-il,je vous demande grâce pour ce pauvre homme
Ne savez-vous pas qlie les poètes ont de tout temps joui d’une grande
licence, et qu’aujourd’hui la chevalerie les honore comme les trom-
pettes de la renommée et les dispensateurs de la gloire ? Il n’est ni
dame, ni chevalier qui ne se trouve honoré d’être nommé dans
leurs vers. .
Gabriel avait parlé d’un ton si respectueux que l’orgueilleux che-
vaRet-ne pui s’offenser de cette intervention. Jean de Clerc s’était
levée! s’apprêtait en silence à soutenir son écuyer. Le sire Gode-
frord St du coude un mouvement pour écarter la main du jeune
homme et lépomlit brusquement :
— Cela peut se faire ainsi dans les cours efféminées du Midi où
tes chevaliers désertent la société des hommes de guerre pour celles
des femmes et des baladins ; mais çclà ne peut convenir à des nobles
brabançons,qui méprisent de semblables jongleries. Notre gloire n’a
besoin d'autres trompettes què de celles des liérautsd’armeset je pré-
viens ce jongleur que j’exécdlerai ma menace, la première fois qu'il
s’avisera'de metfre en chanson le nom de l’un des miens.
L-- Mais qui es-lu ajoula-t-il un peu radouci et s’adressant de nou-
ve. au au ménestrel dont le calme ne s’était pas un instant démenti.
-- Si les paroles que tu viens de chanter ne sont pas une vainc fic-
tion, tu dpis êtfé de ce pays et connaître depuis longtemps ma fa-
milie ? , ...
- C’èStl» vérité, Messire, répondit le ménestrel. Si vous daignez
m'écouter un instant sans colère, vous allez voir que je n’ai nul-
lement mérité votre courroux.Je suis connu parmi les trouvères sous
le nom dç Bçrtbold de Rivière. Je suis né sur cette terre, voisine de
celle de Wezemael. J’ai servi autrefois comme variet le vieux seigneur
de Rivière,, et j’ai suivi Madame Mahaud au château de Wezemael.
A la tnorlde ma belle el infortunée maîtresse, à qui j’avais voué
une tendre et respectueuse affection, j’ai quitté le Brabant, j’ai voyagé
et me suis instruit dans Fan de la gaie-science. Or, comme les cheva-
liers ont ia dame dé leurs pensées, nous autres ménestrels, nous
avons aussi la nôtre, dont le souvenir nous guide et nous inspire. Je
n’en ai point voulu d’autre que la belle et bonne maîtresse que j’ai
perdue, el qui, j’m suis sûr, estassiseau del auprès de mon ange
gardien. Il y a dix-huit ans que je lui garde ce pieux souvenir.
Satisfait de celte explication, le sire Godefroid s’alla rassoir. A son
tenir,-le ménestrel se leva,prit sa harpe qu’il cacha sous son manteau,
salua rassemblée et se disposa à sortir. En passant auprès de Gabriel
qui épütrSsjè dçbout à quelques pas de lui, il lui tendit la main,
pressa edle qn jeune homme, et lui dit : .
— Bd écuyer, merci pour votre généreuse médiation !
j -v oh l’sire ménestrel, répondit Gabriel, j’aime la gaie science, et
j’avais applaudi votre chanson.
— Merci encore. Et baissant la voix, il ajouta : vous êtes l’écuyer
de Messire, Jeaivde Ctere?
— Oui. '
— Et... Votre nom ?
A celte question Gabtiel rougit vivement. Après un moment d’hé-
sitation il baissa les yeux el répondit d’une voix étouffée :
— Je t’ignore.
Gel aveu causa au ménestrel une surprise qui fit place pres-
qu'aussitôlà une profonde émotion. Il fit quelques pas en entraînant
Gabriel à l’écart. Il,fixait sur lui des regards empreints d’une affec-
tueuse cuiiosilé.,; ;
—. Vous êtes l’écuyer du capitaine de Clerc el vous ignorez votre
nom ! Oh I "de grâce, jeune homme, permetlez-moi encore une ques-
tion. Quel est vôtre âge ?
— Dix-huit ans. ./
-VDix-Iiuil ans!... Oui, dit-il, en se parlant à lui-même, il y a
bien dé tela dix-huit ans ! — Et, diles-moi, n’est-ce pas le diacre
Martin de Clerc qui vous a élevé?
— Ouï, dtl Gabriel, étouné de cette question.
AliMSMASAWB.
TRUSSE.
Berlin , 8 janvier. — Le projet d’un tarif douanier commun à
toute I Allemagne élaboré à Francfort pendant l’automne de l’année
dermere par des députés du commerce des villes maritimes et d’au-
tres villes, et présenté à l’assemblée nationale allemande afin qu’elle
y ait égard dans la discussion du tarif douanier qu’elle doit donner à
1 Allemagne, a attiré sur lui toute l’attention de l’industrie et du com-
merce allemand. Comme expression des opinions d’une partie du com-
merce sur la question dtl tarif, ce projet est digne de cet intérêt ;
mais celui-ci est accru par cette circonstance qu’on suppose de diffé-
rents cotés que ce projet n’est pas simplement un travail particulier
et qu il est destiné à servir de base à la rédaction d’dn tarif douanier
général pour toute l’Allemagne. Cette supposition, qui a éveillé de
vives inquiétudes et donné lieu à des réclamations pressantes, n’est
pas fondée. De même que ce projet défend les intérêts d’une partie
du commerce et les représente comme identiques avec l’intérêt com-
mun de l’Allemagne, de même d’autres projets, émanant aussi de
particuliers, ont fait des propositions toutes différentes, en considé-
ration d’inléréts opposés, et ont également été recommandés à l’at-
tention de l’assemblée. Ce projet, comme les autres propositions,
a-ont des matériaux précieux pour l’élaboration d’un tarif nouveau ;
Un éclair de joie brilla dans les yeux du ménestrel.
— Et le diacre, ce digne et vertueux prêtre, vit-il toujours ?
— Dieu merci ! dit le jeune homme.
Le ménestrel semblait en proie à un attendrissement qu’il ne pou-
vait maîtriser. 11 saisit de nouveau la main de Gabriel, la serra for-
tement et lui dit d’une voix altérée par l’émotion :
— Jeune homme, remerciez Dieu comme je le remercie de notre
rencontre. Demain, vous ne direz plus à ceux qui vous demanderont
voire nom .• Je l’ignore I — Adieu !
Avant que Gabriel fut revenu ile la surprise ou l’avaient jeté ces
paroles, le ménestrel avait disparu.
Gabriel, pensif et troublé, demeurait debout au milieu de la salle
La voix du capitaine le lira de sa rêverie :
— Hé I Gabriel, qu’esl-ce que ce jongleur avait donc à te conter?
Lejeune homme revint s’asseoir auprès du capitaine.
— Je vous dirai cela tout-à-l’heure, mon oncle, dit-ii.
Godefroid de Wezemael disait â Jean de Clerc :
— Ha ça ! capitaine, depuis qu’il n’y a plus de guerre, à quoi dia-
ble passez-vous votre temps ?
— Eh eh ! chevalier, à quoi passez vous le vôtre ?
— A m’ennuyer, capitaine.
— C’est comme moi, chevalier.
— C’est que, voyez-vous, capitaine, hors de la guerre, je ne vis
pas.
— Et moi, chevalier, hors delà guerre, je suis comme un poisson
hors de l’eau.
— Noire Duc aime mieux la paix.
— C’est sous .«On père, de glorieuse mémoire, qu’il faisait bon
porter uç.ê armure I
— Oui, et dans ce temps-là, quand le seigneur suzerain ne les me-
nait pas à quelque bonne expédition, les nobles se faisaient la guerre
entre eux. C’était le bon temps pout de braves chevaliers comme
nous.
— Aujourd’hui, les nobles, en temps de paix, n’ont plus que la
ressource des tournois pour empêcher leurs épées de se rouiller.
Wezemael haussa les épaules :
— Ces tournois ! de vaines parades, de ridicules passes-d’armes,
où il n’y a ni vrai danger à courir, ni conséquemment de véritable
honneur à remporter, ni surtout, de profit à retirer. Autant discuter
des niaiseries galantes dans une cour d’amour, ou jouer de la harpe,
du luth, de la citharre, du rebec ou du théorbe, et rimer des fadaises,
comme ce chanteur vagabond qui sort d’ici!
Cette saillie arracha un gros rire au capitaine de Clerc.
___ Eli bien ! capitaine, continue le sire Godefroid, s’il vous déplaît
comme à moi d’avoir toujours l’épée au fourreau, j’ai une petite ex-
pédition à vous proposer. Il y aura plaisir et profit.
— Plaisir et profit! j’aime mieux ça que de la gloire. De quoi
s’agit-il ?
— Voici. Je suis en guerre avec l’abbé de Villers pour certains
droits litigieux. L’abbé a fait occuper par des hommes d’armes à lu/
un domaine dont j’ai seul la garde. Il s’agit d’aller chasser de là ces
chenapans et d’apprendre à ce frocard comment un chevalier de We-
zemael sait se faire respecter.
— Comme nous avons appris à sa grâce l’archevêque de Cologne
à respecter le lion de Brabant I
— Précisément. Et il y aura bien toujours quelque butin au bout
du compte. •
— Chevalier, je suis votre homme. Quand partons-nous?
___Venez me voir demain malin, à dix heures, ici. Bonsoir.
Le capitaine et Gabriel sortirent de la taverne, l’un rêvant â sa fu-
ture expédition, l’autre à l’étrange adieu que lui avait fait le mé-
nestrel.
(La suite prochainement.) E, fcs. |