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PAIX. — LIBERTÉ. — TROGRÈS.
»4 Juillet.
LAQUELLE MES DEUX LANGUES, MU
FRANÇAIS ©U MU FLAMAND, EST DESTINÉE
A ME VEN UK LA LANGUE NATIONALE ME
LA BELGIQUE?
Celte question est agitée depuis long-temps en Belgique : le conflit
de plusieurs langues s'est souvent rencontré dans le cours des vicissi-
tudes politiques de notre pays. Dans les orages du passé, les habitants
de notre sol foulé souvent par le pied étranger, ont dû s'attacher de
plus en plus à leur langue maternelle, preuve et garantie de leur in-
dépendance. N'étant jamais soumis que par la violence et toujours
prêts à refouler au-de!a des frontières la domination des étrangers,
ils devaient repousser avec la même énergie leurs idées, leurs mœurs,
leur langue; en un mot, tout ce qui pouvait, subitement ou à la longue,
les assimiler à leurs maîtres d’un jour.
À cette époque aussi, le flamand était sur la même ligne intellectuelle
que les autres idiôines ses rivaux. Littérairement parlant, il l'empor-
tait même par son originalité, l’antiquité de son origine et la foule de
dialectes auxquels on prétend qu’il a donné naissance. Néanmoins, il n’a
jamais été une langue savante ; quelques poèmes, quelques légendes ou
histoires nationales, les coutumes de quelques localités ont pu être
écrits eu flamand; mais la langue savante d'alors, la langue par excel-
lence, celle de la littérature, celle de la philosophie, celle des Sciences et
des Arts, c'était le latin. C'est en latin qu'écrivaient les théologiens, lès
poètes, les philosophes, les médecins, les jurisconsultes, les savants
dans toutes les spécialités. Cet idiôme général liait entre eux d'un lien
commun tous les hommes de savoir; la langue latine était leur moyen
de communication ; par elle la Science et les Lettres n'avaient qu ur.e
patrie. Ainsi les savants, qu’ils fussent Italiens, Français, Espagnols,
Flamands pouvaient s’entendre et s’éclairer mutuellement au moyen de
la langue universelle. Les autres idiômes ne servaient qu’aux usages
matériels de la vie et avaient bien de la peine à s’élever au-dessus de
celte sphère, restreints comme ils l’étaient, dans les bornes de leurs
localités.
A quoi tenait celle universalité de la langue laüne au moyen-âge et
jusque dans le dernier siècle ? A une cause bien facile à déterminer et
toute puissante : Les Romains avaient été les maîtres du monde. Héri-
tière de la G rèce, Rome était devenue le foyer des lumières et le centre
de la civilisation qui, grâce à la conquête, rayonnaient sur toute la terre.
L’église qui avait hérité de Rome à son tour avait adopté sa langue.
Tous les monuments scientifiques et littéraires des époques antérieures
avaient été formulés et conservés en latin. Son influence agissant sur
toutes les nations, leur a nécessairement incorporé la langue univer-
selle, au moyen des clercs, les sruls savants de l'époque. Celle influen-
ce s’est fait sentir encore long-temps, et même aujourd'hui, l'étude du
latin est le travail obligatoire et indispensable dans presque tous les
états de l'Europe, pour ceux qui veulent embrasser les professions
dites libérales.
Cependant une autre langue s’est élevée à côté de celle-ci, formée
d’antiques débris, pauvre et naïve à son origine, elle a grandi peu à-
peu, empruntant à toutes les autres quelques-unes de leurs richesses.
Bientôt la rivale du latin, bientôt usurpant tour-à-tour ses privilèges,
FEUILLETON.
L’ORGUE ME BARBARIE.
Il y a, dans la rue de Varennes, à Paris, une élégante maison qui fut,
il y a quelques années, le témoin d’un spectacle douloureux; cette mai-
son porte le n° 14 ; elle appartenait, à l’époque dont il s’agit, à M“>e Clé-
mentine Wilson, la veuve d’un riche marin anglais.
Un soir, en 1855, M°*e Wilson était assise dans son boudoir, souriant,
minaudant, avec un jeune homme qui s’appelait Maurice ; depuis deux
ans, elle le tourmentait ainsi, le plus amoureusement du monde ; elle le
faisait mourir d'impatience, de colère, d’amour et de dépit; depuis deux
ans, elle le piquait avec les mille petites épingles du caprice, du calcul
mondain, de la coquetterie.
Ce soir-là, Maurice agenouillé aux pieds de Clémentine, pâle, défait,
déjà bien malade, lui dit enlln je ne sais quelles paroles tristes qui ému-
rent la jeune femme, qui arrachèrent à son cœur un soupir, à ses lèvres
une douce parole, à ses yeux une larme ; Maurice devint muet, à force
de surprise et d’émotion : il lui sembla que cette larme venait de tom-
ber dans son cœur; il lui sembla qu’il l’avait recueilli, pour la garder
comme un souvenir, comme une espérance, comme un bonheur; une
larme de Clémentine !...—pensa le pauvre Maurice,—et il lui sembla vrai-
ment,qu’une perle d’amour venait dese former dans un coin de son âme!..
Au même instant, les sons d’une orgue de Barbarie se firent entendre
dans la cour de l’irôtel; l’affreux instrument écorcha, d’un bout à l’au-
tre, la sublime élégie que l’on nomme la Dernière pensée de Weber :
l’orgue de Barbarie ressemble à un sot qui, en parlant d’un grand hom-
me, trouve toujours le moyen de le rendre ridicule.
Aux premières notes de cette musique stridente et sauvage, il se pas-
sa, dans l’esprit de Maurice, quelque chose d’étrange et d’incompréhen-
sible : il allait parler à Clémentine de son amour, de sa joie subite et de
ses nouvelles espérances; mais sa bouche tremblante se referma sou-
dain, sans prononcer un seul mot;—il allait pleurer, comme un malheu-
reux, comme un bienheureux, pour la remercier d’une larme tombée de
ses yeux; mais les pleurs de Maurice s’arrêtèrent en route, pour retour-
ner au fond de son cœur; — déjà, il avait pris dans ses mains la main de
Clémentine, pour la porter à ses lèvres; mais il repoussa cette jolie main
que l’on daignait lui laisser prendre;—depuis une heure, il était aux
genoux de Clémentine; il pouvait y demeurer encore, bien long-temps,
toute la soirée peut-être!... Mais l’ingrat se releva tout-à-coup, pour
aller se précipiter dans un fauteuil, avec toutes les apparences de l’a-
battement, du désespoir.
— Qu’avez-vous, Maurice ? s’écria Clémentine effrayée; voyons, mon
ami, répondez-moi : vous souffrez, n’est-ce pas ?
— Oui, répondit Maurice, à voix basse, je souffre ! Madame, ordonnez
a vos gens de chasser ce misérable joueur d’orgue; cette musique dis-
cordante me fatigue,m’irrite et me cause bien du mal !... faites-le chas-
ser, madame ; au nom du ciel, faites-le chasser !
Clémentine, qui était bien bonne, quand elle oubliait qu’elle était,
femme, jolie et coquette, ouvrit elle-même la fenêtre du boudoir et jeta
une pièce de monnaie sur le pavé de ta cour,en adressant un geste im-
périeux à l’artiste indiscret, au musicien de la rue; t’orgue de Barbarie
s éloigna aussitôt, en continuantde déshonorer la dernière pensée et la
mémoire de Weber.
Clémentine vint s’aseoir auprès de Maurice qu’elle se prit à regarder
fort attentivement : à l’aspect de ce jeune homme si faible et si abattu
elle eut presque un remords de sa coquetterie, de sa cruauté; elle se
souvint de l’avoir vu naguère plein de force, d’éclat de santé : elle le
v<»yait bien pâle, bien malheureux èt bien souffrant: elle eut peur d’une
pareille métamorphose qui était, à ses propres yeux, l’ouvrage de sa
enfin la remplaçant dans presque tous les usages auxquels le latin était
naguère appliqué; cette langue, c’est le français. Eiie a emprunté à
l’élément germanique sa construction logique qui en fait le meilleur in-
slrumenl d’analyse; elleaempruntéaux langues méridionales, et particu-
lièrement au latin, ses formes pittoresques, ses expressions énergiques,
ses figures auxquelles elle doit tant d éclat Les grands écrivains du
siècle de Louis XIV en l’adoptant, l’ont répandue dans l'Europe et
l'ont généralisée. Ainsi elle a tenu le sceptre de la littérature.
Après le règne des écrivains, est venu au 18e siècle;celui des penseurs
qui, parleurs recherches profondes, leurs dissertations éloquentes, l’ont
assouplie à tous les caprices de la pensée, l’ont rendue habile à exprimer
toutes les idées abstraites, comme les poètes en avaient fait l'instrument
docile et brillant de toutes les fantaisies de I imagination Et la langue
française adoptée déjà littérairement eu Europe, s'est répandue avec
les brillantes théories dont elle était l'expression.
Tous nos lecteurs savent que la fin du 18e siècle et le commence-
ment du 19e ont vu deux révolutions simultanées, l'une politique qui
a changé la face du monde, I autre dans l'ordre des sciences qui ne les
a pas moins complètement transformées, leur a fait faire des progrès
immenses et en a créé de nouvelles Le français est la langue exclu-
sive dans laquelle ont écrit les savants modernes qui seuls ont aujour-
d'hui l'autorité dans les Sciences. Le latin étant hors d'usage, elle était
seuie. par Ips travaux des écrivains antérieurs, en état d’exprimer les
nouvelles recherches et les nouvelles inductions. Le plus beau corps
de droit, même en comptant le droit romain, est rédigé en français, la
Belgique l’a adopté complètement. Les plus savants traités de chimie,
science qui doit son immense extension et sesapplications sans nombre
à toutes ies industries aux travaux récents lies Guyton-Morveau,
Lavoisier, etc., sont rédigés en français; Iéconomie politique, la
médecine, les mathématiques, les sciences naturelles, ont tonies pour
organe la langue française* sauf quelques traités allemands ou anglais.
Enfin, la langue française est atijourd hui la langue de la civilisation,
du progrès; elle est la langue universelle.
Il est aisé de voir que ce n'est pas à la conquête ni à la violence
qu’elle doit sa puissance. Elle s’est introduite en Belgique par sa seule
influence, par la force des ciioses; tout comme elle s’est introduite dans
les conférences et les notes diplomatiques et s’est intronisée dans les
salons de Saint-Pétersbourg. Vouloir que nous renoncions au français
pour retourner au flamand ; c'est vouloir que nous reculions bien en
arrière des autres peuples. Ces derniers peuvent s'en [tasser plus que
nous. Ils ont des poètes, des savants, des historiens, etc , qui ont écrit
dans leur langue nationale ; et Ips nôtres, où sont-ils? où sont nos mo-
numents littéraires et scientifiques en flamand? quel médecin, quel éco-
nomiste, quel jurisconsulte belge se décidera à écrire en flamand un
traité de sa science? i! neie saurait dans aucun cas; la langue flamande
n’a jias été cultivée dans ces derniers sens. Elle a toujours été l’instru-'
ment des beoins matériels de la vie; jamais elle n’a servi à ses besoins
intellectuels. Nous savons qu'on peut objecter que quelques poètes
flamands se sont illustrés dans leur langue, mais encore cela suffit-il?
Voyez d’un autre côté les erreurs déplorables auxquelles sont exposés
ceux qui ne lisent nos lois que dans la traduction flamande.
D ailleurs le flamand est aujourd'hui corrompu, il s'est surchargé
d'une foule de mois français. 1! ne peut être qu un idiôme vulgaire pour
; le peuple; il est incapable de s’élever à la hauteurde la société actuelle.
froideur, de son indifférence et de ses caprices; Clémentine eut pitié
de Maurice: elle se reprocha, avec un peu de tristesse et beaucoup d’or-
gueil, d’avoir tué un jeune homme à coups d'épingles, comme on tue
les beaux papillons.
— Maurice ! lui dit-elle, pourquoi votre main est-elle froide, glacée ?
Pourquoi votre cœur bat-il si vite ? vos yeux craignent-ils de me re-
garder ? Pourquoi trembler ainsi ? Où êtes vous, en ce moment ? A quoi
pensez-vous donc?
— Je pense à ce joueur d’orgue que nous venons d’entendre et de
chasser; oh ! ne riez pas ! ne vous moquez par de moi, madame !... Le
bruit de mes plaintes, de mes cris et de mes sanglots d’autrefois se mê-
lait, tout à l’heure, aux sons étouffés de cette lamentable musique;
comme les proscrits malheureux qui retrouvent la patrie absente dans
l’écho d’une chanson lointaine, j’ai retrouvé ma jeunesse, ma vie tout
entière, dans les harmonies confuses de ce vilain instrument; l’orgue
qui gronde à mon oreille, c’est une voix d’en haut qui m’avertit et me
menace; c’est un murmure mystérieux qui m’effraie en me parlant du
passé, qui m’épouvante en me parlant de l’avenir; l’orgue pui pleure,
c’est pour moi un monde tout plein de regrets, de tristes idées et de
pressentiments plus tristes encore; enfin, que vous dirai-je ? l’orgue,
c’est le dies irœ de ma vie ! Je crois à la fatalité, madame, et j’en ai
peur !... — Encore une fois, ne riez pas, Clémentine; je ne suis point
un insensé et je me confesse à vous, sincèrement, de cœur à cœur; te-
nez ! la soirée est affreuse : il pleut à torrens; veuillez m’écouter, Clé-
mentine ; vous comprendrez sans doute ma faiblessesuperstitieuse,mes
folles terreurs de ce soir, au seul bruit d’un orgue de Barbarie !
Je vous écoute, avec bien de l’intérêt, répondit Clémentine; — et
Maurice lui parla ainsi :
— Ce que je vais vous dire est très simple; dans le salon de vos petits
hommes opulents, ambitieux et insatiables; dans le boudoir de vos peti-
tes femmes coquettes, rieuses et frivoles, il n’y aurait pour mes confi-
dences que de l’inattention et de l’ennui; là où l’égoïsme commande,
où la tête domine le cœur, où les choses dirigent les idées, que voulez-
vous que deviennent le sentiment et la passion ? Là où il n’y a plus de
pères, plus de maris, plus d’enfants, plus rien qui ressemble à une fa-
mille, que voulez-vous que signifie un chaste reflet de la vie domestique,
une histoire qui s’est passée loin du bruit, de la mode et de la cohue,
dans un endroit écartéd’une petite ville, dans une maison sévère et si-
lencieuse, dans l'intimité, dans ie mystère douloureux d’un ménage
religieux ?
Si vous êtes un esprit-fort, Clémentine ; si vous appartenez, par les
habitudes, les désirs et ies goûts, à cette classe indifférente et polie, à
cette société travestie et fardée que l’antiphrase a trouvé plaisant d'in-
tituler le beau monde, mon récit vous ennuiera, vous fatiguera, j’en
suis sûr, et je vous conseillede me congédier au plus tôt, sans daigner
m’entendre jusqu’au bout.
Vous le savez déjà : mon père était un honnête et obscur négociant
de Bayonne ; il avait deux enfants : une fille et moi. — J’ai une intelli-
gence médiocre; je suis laid,m’a-t-on dit, et je ne vaux pas grand’ehose;
ma sœur valait des trésors, madame ; elle était spirituelle, elle avait du
génie et ressemblait à un ange, à un bel ange !
Je n’ai jamais été jaloux delà beauté, ni de l’esprit de ma sœur : notre
mère avait pour nous la même tendresse et le même nombre de bai-
sers ; cela me donnait de la fierté, des consolations eL du courage.
Ma sœur se nommait Lazarine, madame, et voici pourquoi : à l'âge
de 3 ans, elle eut le malheur on le bonheur de mourir une fois; en d’au-
tres termes, on la crut morte ; — le médecin, qui était un savant,signa
le procès-verbal mortuaire et tout fut dit ; alors, on entraîna ma mère
désolée bien loin de sa fille que l’on allait ensevelir dans une robe de
lin ; on ceignit la jolie tête de ma sœur d’urie couronne de marguerites
et de roses blanches ; ensuite On la déposa, on l'étendit dans sa petite
Ceux qui voudraient en perpétuer l’usage, paraissent désirer que l'igno-
rance succède à la Science dans les classes aisées, et de voir les classes
inférieures se maintenir dans cette ignorance, et dans l'ilotisme qui en
est la suite.
ANGLETERRE.
LoSnr.F.s. 21 juillet. — La reine a donné hier un bal de cérémonie ait
palais Buckingham. La reine a ouvert le bal avec le duc de Nemours
qui avait rendu visite le même jour à la duchese de Kent, à Ingestre-
IIou9e.
— Dans la séance de la chambre des lords du 20 juin, à laquelle le duc
de Wellington a assisté pour la première fois depuis son indisposition,
la troisième lecture du bill des corporations municipales d’Irlande a été
ajournée à lundi, sur la motion de lord Duncanuon.
— Le comité de porteurs de fonds espagnols a publié son rapport;
le paragraphe suivant mérite do fixer l’attention :
il Le comité prend ensuite la liberté de mettre le public en gardccon-
tre toutes tentatives, de quelque pari qu’elles viennent, qui pourraient
être faites afin de lever un nouvel emprunt pour l’Espagne ;le comité
est informé que déjà des agents Soùt partis de Madrid dans ce but. Le
comité renvoie les porteurs d’actions aux faits et aux calculs contenus
dans son second rapport et qui prouvent d’une manière irréfragable
l’impossibilité qu’il y a pour eux d’échapper à une ruine complète de
leurs intéréls si, avant qu’il ait été satisfait à leurs réclamations anté-
rieures, ils se laissent prendre aux efforts qui seront tentés pour leur
arracher de nouveaux fonds. »
— M. Richard Thornton a reçu du ministre des finances de Portugal,
une lettre dont voici la traduction :
Département de comptabilité générale.
« Monsieur, j’ai placé sous les yeux de S. M. T. F. la lettre que vous
m’avez adresséele 27 mai dernier. Les conditions que vous me proposez
dans ladite lettre, coinmela base d’un arrangement au sujet du paiement
des dividendes de la dette étrangère, seront naturellement prises en
considération parle gouvernement de notre auguste reine qui continue
de vouer son attention tout entière à cette question très importante, à
cette fin de pouvoir le plus promptement possible soumettre aux déli-
bérations des Cortès des mesures qui, compatibles avec les ressources
du pays, seront jugées les plus utiles aux intérêts des porteurs defonds
portugais. » (Globe.)
FRANCE.
Pxhis, 22 juillet. — Le it/om/ïcwrcontientlerapport du maréchal Valée
sur l’expédition deMiliana.Ce rapport, comme on le pense bien, ne nous
apprend aucun fait nouveau et n’est que la production régulière et laco-
nique des diverses relations qui sont émanées des correspondances par-
ticulières et qui ont déjà été commentées par mille manières par les
journaux.
— Le Constitutionnel en publiant le rapport du maréchal Valée, le fait
précéder des lignes suivantes :
Le rapport officiel du maréchal Valée est enfin arrivé. S’il est vrai que
le long silence du commandant supérieur d’Alger ait causé des inquié-
tudes au pays et ouvert la voie à d’inexacts commentaires, c’est à lui-
même surtout que le maréchal a fait tort, car la lecture du rapport que
nous publions dissipera bien des préventions, qui n’eussent pas eu le
temps de naître, si la vérité tout entière eût été plus tôt connue, et si
l’ensemble des opérations eût été expliqué.
Quoi qu’il en soit, le pays sait aujourd'hui que nos soldais ont été ce
qu’ils sont toujours sur la terre d’Afrique, admirables de courage et de
discipline, et que le succès a constamment couronné leurs travaux. Il
reconnaîtra dans les noms que le maréchal Valée signale au ministre de
la guerre, les mêmes noms qui déjà ont appelé tout l’intérêt du pays.
Les résultats de la campagne sont clairement indiqués dansle rapport
du maréchal : partout l’armée a été victorieuse: les troupes irrégulières
sont lasses d’Abd-el-Kader, et ses réguliers eux-mêmes se débandent.
bière que l’on avait inondée de fleurs et de verdure ; des cierges odo-
rants furent allumés autour du cercueil que l’on n’osa point refermer
encore, de peur de briser, avec le bruitdu marteau, le cœur d’unepau-
vre mère !
On verrouilla la porte jusqu’au lendemain, jusqu’à l'heure du convoi,
et bientôt l’on n’entendit, dans toute la maison, que les plaintes d’une
femme éplorée ! — Au milieu de la nuit, l’on n’entendit plus rien : les
cris et les sanglots avaient cessé, comme par enchantement !... Age-
nouillée devant l’image d’une sainte vierge, ma mère qui veillait, en
priant, en pleurant, se leva tout-à-coup, en silence, et se mit à marcher
sur la pointe des pieds : elle voulait revoir une fois, une dernière fois,
sa fille qui était morte; elle ouvrit, je ne sais comment, la chambre mor-
tuaire ; elle s’avança doucement vers le cercueil., .et soudain, elle poussa
un cri à demi étouffé par la surprise, la stupeur et la joie : les cierges
brûlaient encore et, à la lueur de leurs (lammes transparentes, ma mere
crut voir, non, elle vit bien, tout près d’elle, son enfant assise négligem-
ment dans sa bière, les yeux ouverts, la bouche souriante, et qui jouait
avec la draperie de son linceul, avec des branches de verdure, avec les
fleurs de sa couronne ! — Et pour que rien ne manquât à la fête de la
résurrection, un orgue de la rue se mit à jouer un air plaintif qui avait
quelque chose de doux, de pénétrant, de solennel et de mystérieux !
Ma mère crut que Dieu avait fait un miracle, par pitié pour sa dou-
leur ! elle se souvint de Lazare ressuscité parle Christ, et ma sœur reçut
le nom de Lazarine.
A quinze ans, Lazarine était l’âme, la déesse, la bonne fée de la mai-
son ; tout le monde s’empressait de lui obéir, sans qu’elle eût besoin de
commander à personne :on devinait la parole de ses gestes, de ses mou-
vements et de ses regards. — Son intelligence était inépuisable,comme
sa charité : elle répandait ça et là de l’argent et de l’esprit, à pleine»
mains, en véritable prodigue ; dans le monde, elle régnait tout d’abord
par la distinction qui est la royauté du langage, de la démarche et des
manières ; même lorsqu’elle pleurait, ma sœur était gracieuse et dis-
tinguée : les femmes viflgaires qui pleurent n’ont que des pleurs ; les
femmes d’élite ont seules des larmes !
Dans son orgueil, mon père aurait voulu faire de sa fille une reine do
France ; — dans son amour, ma mère voulait en faire une femme heu-
reuse ; — dans ma tendresse, j’aurais voulu en faire une compagne et
une amie pour toujours, mon guide, ma raison et ma conscience, l’Egé-
rie de mon cœur et de mon esprit, le Sentiment, l’admiration,l’enthou-
siasme de toute ma vie !
La beauté de ma sœur était merveilleuse, madame; ma mère disait
que comme elle était morte une fois, elle avait sans doute visité le ciel :
elle en avait rapporté quelque chose de vraiment céleste, une suavité
ineffable répandue sur toute sa figure, un regard qui déjà n’était plus
humain, une majesté qui était déjà tout-à-fait divine.
Pardonnez-moi ce que je vais vous dire, madame : mon dévouement
pour vous est peut-être né de votre ressemblance avec Lazarine; lors-
quej’oublie ma sœur en vous regardant, je ne suis qu’amoureux devons;
mais, lorsque je pense à elle et que je vous regarde, je vous aime !
Pour vous aider à bien comprendre comme notre Lazarine était
respectée, adorée dans toute la ville, il faut que je vous rapporte un acte
de sympathie publique dont elle fut l’objet, elle qui n’était que la fille
d’un bonnéte homme. — lin soir, elle tomba malade : le lendemain, des
amitiés et des mains inconnues vinrent jeter sons les fenêtres de Laza-
rine une immense jonchée fleurie, pour abriter son oreille contre Jte
bruit des voitures et des passants; et tant que dura le mal, madame, la
jonchée fleurie fut renouvelée chaque jour. — En pareil cas, chez les
riches et les puissants de ce monde, on répand à grands frais une vüaiqe
litière de paille ; ma sœur, une simple fille du peuple, eut mieux que
cela,sans le vouloir, s:uis le savoir : elle eut chaque matin,sur le seuil d*s
sa porte, des gerbes éblouissantes, des tombereaux de gasoil et de fleurs ! |