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Février.
N° 2.
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L’ ÉMULATION.
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SOMMAIRE — I. Architecture. — II. Archéologie. — III. Beaux-
Arts. — IV. Nécrologie. — V. Conservation des monuments. —
VI. Concours. — VII. Société Centrale d’Architecture. — VIII. Er-
ratum.
ARCHITECTURE
Les constructions à grand nombre d’étages
de l’Amérique
es dernières années du xixe siè-
cle ont amené dans le mode
de construction des grandes
bâtisses bourgeoises de l’Amé-
rique une révolution à laquelle
on ne s’attendait guère il y a
quelques années (1).
Jadis on considérait qu’il y
avait déjà, pour l’architecte,
quelques difficultés à surmon-
ter, lorsqu’il s’agissait d’élever
un bâtiment de 5 à 6 étages
ayant 100 pieds de hauteur ;
depuis, on est allé bien au delà,
mais il n’y a pas plus de cinq ans, on considérait comme
impossible de dépasser une limite de 16 étages.
Que dire aujourd’hui ? On a élevé des maisons de 20 étages
et celle qui est en construction actuellement dans Park Row,
à New-York, n’a pas moins de 25 et de 27 étages dans cer-
taines de ses parties, tandis que d’autres en ont jusque 29!
Le bâtiment couvre une espace de 15,ooo pieds carrés ; sa
façade principale a une hauteur de 336 pieds depuis le sol
jusqu’à la corniche ; les deux tours qui la flanquent ont, à
partir du niveau de la rue, une hauteur de 355 pieds sans la
lanterne qui les surmonte et de 386 pieds en y comprenant
cette dernière.
Si l’on ajoute à cette hauteur colossale, celle des fondations
qui est de 34 pieds, on arrive à un total de 420 pieds de hau-
teur pourune construction dont le poids est de 50,000 tonnes.
Chicago et New-York sont les deux cités américaines qui
se disputent la palme pour le nombre et la hauteur de ces
gigantesques bâtiments.
Nous croyons intéressant pour le lecteur de donner la liste
de quelques constructions élevées ou en cours d’exécution à
New-York; ce sont :
Ivins Syndicate Building ... 29 étages 386 pieds de haut.
Manhattan Life Building ... 18 » avec tour 348 «
St Pauls Building............26 » 313 »
American Surety Building. . . 21 » 312 »
American Tract Society Building 21 » 3o6 »
Commercial Cable Building . . 20 » 3oo »
Vingt-trois autres bâtiments ont de 13 à 19 étages avec des
hauteurs variant de 180 à 280 pieds.
A Chicago, on ne compte pas moins de 16 bâtisses de 13 à
20 étages dont la hauteur égale ou dépasse 180 pieds.
La cause de ce développement en hauteur de certaines
bâtisses réside dans le prix énorme qu’atteignent les terrains
par suite de la concentration de grands intérêts commerciaux
sur des espaces restreints.
Telles, à New-York, les parties en front de Broadway et le
quartier des Banques, dans les environs des rues de Wall,
Pine, Nassau et de Park Row.
Pour en donner un exemple, citons ce fait que le lot de
terrain sur lequel a été élevé le bâtiment de Manhattan Life
s’est vendu à raison de 157 liv. st. le pied carré; le n° 141,
à Broadway, a coûté 181 liv. st. et le terrain du Syndicat
American Surety a été payé à des prix variant de 176 à
282 liv. st. le pieds carré.
De pareils prix pour les terrains exigent de la part des pro-
priétaires une construction disposée de manière à contenir
assez d’appartements pour que le prix de location compense
le coût du sol, de là le grand nombre d’étages.
Mais comme il est pratiquement impossible d’user d’esca-
liers pour la montée des locataires lorsque l’on dépasse
5 étages, on voit que pour ces nouvelles constructions l’éle-
vateur mécanique à vapeur ou hydraulique est une néces-
sité.
Une autre considération de la plus haute importance est
intervenue à son tour : l’obligation de garantir le bâtiment
(1) Le n° du 5 décembre 1896 de l'Architecture and Building, publié
à New-York et Chicago, fait une étude intéressante de ces constructions.
Nous en publions quelques extraits.
contre le danger d’incendie, qui a motivé l’emploi exclusif du
fer et de la maçonnerie. Aussi ces grandes constructions à
ossature en fer résument-elles le procédé qui est appelé
aujourd’hui là-bas : Skeleton Constructed Buildings.
Considérées au point de vue artistique, ces tours, car on
peut leur donner ce nom, ne répondent en aucune façon à
nos principes esthétiques. Il paraît que, vues de loin, leur
aspect n’est pas sans grandeur, mais que de pauvretés dans
leurs détails lorsqu’on les aborde de près. Il est vrai que c’est
peut-être le problème le plus difficile à résoudre pour un
architecte que celui d’ordonnancer sur un espace restreint,
29 étages superposés.
Le problème a été résolu par l’ingénieur ; l’architecte par-
viendra-t-il à la solution ; l’avenir le décidera.
La porte de bronze du Palais de Justice
Les travaux d’installation de la porte monumentale du
Palais de Justice de Bruxelles, poursuivis sous la direction
de M. Engels, sont terminés.
On sait que les dessins et plans de cette colossale clôture
de bronze ont été confiés à M. l’architecte Van Mansfeld à la
suite d’un concours institué par le gouvernement. Les
modèles de l’ornementation sont dûs à M. Houtstont, qui a
exécuté tous les modèles de la décoration sculpturale du
Palais. C’est la Compagnie des Bronzes qui a fondu les dif-
férentes parties de la porte, et le travail, en raison des dimen-
sions inusitées de celle-ci, a présenté des difficultés extraor-
dinaires dont les fondeurs ont habilement triomphé. La
hauteur de la porte est, en effet, de 10m40, et sa largeur 4m35.
Ses battants, coulés d’une seule pièce, ont 8 mètres d’éléva-
tion et pèsent chacun 6,000 kilogrammes. L’ensemble atteint
le chiffre fantastique de 15,000 kilogrammes.
Il n’existe, paraît-il, qu’une seule porte dont la hauteur
totale dépasse celle de notre Palais de Justice : c’est la porte
du Panthéon, à Rome. Mais il faut comprendre dans les
dimensions de celle-ci, un abat-jour vitré qui surmonte la
partie mobile.
L’huisserie, entièrement composée de pièces de chêne de
proportions exceptionnelles, a été fournie par la maison
De Waele. L’ossature métallique a été construite par les
frères Tantot, qui ont apporté à ce travail les soins les plus
minutieux et une précision mathématique. Qu’on juge de la
perfection du mécanisme : il suffira de la légère poussée d’un
doigt pour faire manœuvrer les gigantesques vantaux, hermé-
tiquement juxtaposés sans battée. Pour la première fois, on
a fait application aux gonds de l’ingénieux système de roule-
ment sur billes. L’énorme poids de chacun des battants
repose entièrement sur six billes en acier trempé de 17 milli-
mètres de diamètre. Les expériences qui ont été faites don-
nent toute sécurité au sujet de la résistance de celles-ci. Il a
fallu, en effet, une pesée de 20,000 kilos pour en avoir raison!
Le prix total de la porte est de 60,000 francs, et ce prix,
qui semble au premier abord excessif, apparaît comme modéré
quand on songe à la somme de travail qu’il représente et au
développement considérable de la baie, dont l’ouverture
atteint 5o mètres carrés. Le bronze seul de la porte principale
de l’église de la Madeleine, à Paris, a coûté, nous dit-on,
125,000 francs.
Depuis quelques jours, la titanique ostière du Palais de
Justice, avec sa décoration sombre, ses symboles judiciaires
en accord avec l’ornementation du monument, est livrée aux
regards de la ruche judiciaire. Elle demeurera fermée, toute-
fois, durant plusieurs mois encore, pour permettre à l’air
extérieur de lui donner une patine égale et harmonieuse. Il
serait à craindre, en effet, si les battants en étaient chaque
jour ouverts, protégés par le tambour dans lequel ils pivote-
ront, que la partie supérieure, exposée plus directement aux
influences climatériques, reçût une coloration différente de
celle des panneaux.
Octave Maus.
ARCHÉOLOGIE
L’abbaye d’Aulne
Deux découvertes assez importantes viennent d’être faites
à l’abbaye d’Aulne dont on poursuit avec activité depuis
quelque temps déjà les travaux de restauration et de consoli-
dation.
L’une est la statue en marbre, de grandeur nature, d’un |