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J
triche, les scrupules de Victor-Emmanuel seront vite em-
portés et la guerre commencera.
Je ne sais pas si lestravaux que l'on exécute à Rome ré-
pondent suffisamment à l’éventualité qui nous menace.mais
j’essaierai de vous faire connaître l'opinion d’un officier
français des plus compétents.
Cet officier, qui a parcouru avec moi les nouveaux tra-
vaux, résume ainsi ses observations :
“ Une armée ennemie peut attaquer Rome par la rive
gauche ou par la riva droite du Tibre. La ville, en suppo-
sant qu’elle soit défendue par une armée de 50,000 hom-
mes, est dans des conditions admirables et telles que l’on
prolongerait la défense presque indéfiniment.
y> Sur la rive gauche, elle a en première ligne son im-
mense enceinte, consistant ea murs qui, pour dater, du
temps d’Honorius d’Aurélien, n’en sont pas moins sojides
et heureusement disposée ; ea s conde ligne, à l’intérieur,
une suite de hauteurs presque parallèles A cette enceinte
et portant ces grands noms historiques : TAventin, le Pa-
latin, le Capitolin, le Cœlius, TEsquilin, lo Viminal, le Qui-
rinal, ces sept collines, enfin, qui se prêteraient à une dé-
fense formidable moyennant quelques travaux de terrasse-
ment; en troisième ligne, ses monuments et ses palais, dont
le tracé et la construction particulière offrent «Détonnantes
ressources ; en quatrième ligne, le Tibre; en cinquième li-
gne, la Cité léonine ; enfin, le fort Saint-Ange, avec son
carré bastionné comme un retranchement intérieur, et le
mausolée d’Adrien comme réduit incomparable.
» Tel serait le plande résistance contre une attaque ve-
nant par la rive gauche. .
>!. La rive droite est au moina aussi forte. La première
enceinte est formée de bastions dont le tracé est parfaite-
ment entendu ; des constructions anciennes s’y trouvent
mêlées à d’autres qui y sont accumulées depuis le seizième
siècle. ‘ , , ..
» Les hauteurs voisines de Rome et qui la dominent ; —
telles que le Monte-Mario, sur lequel se dresse la villa Mel-
lini ; les monts Della-Creta et des Tre-Casini, — peuvent
être battues parles ouvrages du fort Saint-Ange etdu.jardin
du Vatican: ouvrages faits en prévision d’une attaque venant
de ces hautours : l’ennemi s’en emparerait très-difficile-
ment. ,
» L’attaque du côté de la VilIa-Panfili a été tentés en 1849,
et l’on n’iguore pas que c’est là le point la plus fort de la
ville. Si l’on construisait, à la hauteur culminante du Jani-
cule, dans l’enceinte et autour du castel Corsini, une re-
doute ou tout autre ouvrage fermé, la cité léonine ne
pourrait être abordée par i’onnemi qu’aprè3 la double
prise de l’enceinte de cet ouvrage intéri ur. Il y aurait, en-
core là trois siégea â faire avant d’arriver au fort Saint-
Ange. Cela est si vrai, qu’une brèche à l’enceinte du jardin
du Vatican ne serait pas comprom d.tanto, parce que les
murs de Léon IV et d’innocent III y forment, avec le musée
du Bolvédère, un retranchement intérieur d’une grande
solidité, et dont l’envahisseur devrait s’emparer par des
travaux en régie. » • .
Voilà ce qu’un des officiels les plus compétents. ;e le
répète, de l’armée française, ma disait au sujet de la dé-
fense de Rome par une armée de 50.000 hommes^
Mais, ajoutait mon interlocuteur, il s’agit d’examiner
comment oa peut défendre Rome sans autres ressources
queceltes dont dispose le Saint-Père, en tout 10 à 12,000
hommes. ‘ .
Il faut d’abord reconnaître qu’une défense de la rive gau-
che s rait alors impossible. Le développement immense
des fortifications, le petit nombre d’iiommed et ^insuffi-
sance du matériel d’artillerie ne permettraient même pas
d’y songer. On devrait se borner fl empêcher les coups de
main, à retarder les approches de l’ennemi sans prétendre
le forcer à des travaux réguliers d’attaque. La résistance
ne devrait durer que juste le temps nécessaire à la retraite
des troupes sur la rive droite. Celle observatioa est d’au-
tant plus sérieuse qu’uu mouvement de la ville aurait très
probablement pour but de couper les ponts.
Il n’y a donede défense efficace que sur la rive droite.
Aussi est-ce surcette rive que se doivent concentrer tous les
travaux, qui consisteront : 1° dans le défilement et la mise
en état de défense du fort Saint-Ange ; 2° dans les travaux
de terrassement et de défilement de l’enceinte des jardins
du Vatican; 3° dans l’établissement, en amont eten aval
du Tibre, de deux estocades pour empêcher l’entrée de
barques ou bateaux à vapeur, et d’une série, le long du
fieuve, de petites batteries, battant tous les points qui se
prêtent à un passage militaire ; 4° dans la construction
d’an ouvrage fermé autour du casino Corsini, au Janicule ;
5° dans les travaux préparatoires, — terrassements, cré-
neaux, banquettes épauUments, etc., — sur toute l’enceinte
bastiounnée qui court de la porte Cavaleggieri à la porte
Portèse ; 6° dans des travaux cie défense au bastion et à la
porte du Saint Esprit.
FRANCE.
(Correspondance particulière du Précurseur).
Paris, 6 janvier. — Pour un moment, la fameuse
loi militaire chôme; M. Gressier, le rapporteur, se
concertant avec les membres de la commission, doit
écrire un rapport supplémentaire, car tout est, bien
compliqué dans cette organisation nouvelle.il paraît
que les nouvelles qui arrivent des départements font
voir que le nouveau système ne sera pas aussi bien
accueilli des populations agricoles qu’on l’avait espéré,
il y a une dizaine de jours. lie rapport supplémentaire
s’occupera-t-il de ce point-là? Dans la ville, chez les
gens riches, cluz les gros industriels, chez les bour-
geois, il y a ausèi un mouvement de répugnance très
accentué. — “ Pourquoi la France aurait-elle besoin
« de 1,200,000 hommes armés en temps de paix ? - se
demande-t-on. — On raconte que, dans les salons
de M. E. Rouher, un riche propriétaire de l’Auvergne,
pays du ministre, aurait dit naïvement : — « Ah ça !
» on va donc armer la France comme si nous avions à
redouter l’arrivée d Attila ou de Gengis-Khan? « —
M. E.’Rouher, dit-on, n’a rien répondu. C’est qu’en
UffétrHir.’y avait rien à dire.
Dans une de mes dernières correspondances, je vous
ai parlé de la lettre du F. Philippe, le général des
frères da la doctrine chrétienne. Vous savez que de-
puis le coup d’Etat du 2 décembre les ordres religieux
se sont singulièrement multipliés en France. Il y a à
Paris et dans nos provinces des Dominicains, des
Franciscains, des Jésuites, ah ! des Jésuites surtout.
Eh bien, il en sera de toutes ces congrégations comme
des frères ignorantins. — A moins que le rapport sup-
plémentaire de M. Gressier ne fasse exception pour
eux, tous ces saints hommes devront s’exercer à la
charge en douze temps et à manier proprement le
fusil Chassepot.
On prétend que, les influences du parti clérical
agissant, les religieux seront exemptés ; mais, dans
ce cas-là, beaucoup d’autres catégories de citoyens
réclameront. Est-ce qu’un laboureur n’est pas plus
utile à l’Etat qu’un capucin? Est-ce qu’un commis-
voyageur, obligé par état de parcourir les chemins
n’est pas aussi indispensable au mouvement du monde
social quun jésuite? Et combien d’autres réclama-
tions dont je n’ai pas le loisir de vous parler au-
jourd’hui!
On ne parle peut-être plus autant de la guerre,
mais néanmoins les journaux russes font tourner la
tête aux amis les plus zélés du gouvernement impé-
rial. La Gazette de Moscou, VInvalide russe, la Gazette de
Saint Pélersbmrg dressent chaque jour en forme l’ac-
cusation de la France, aux velléités millitaires de
laquelle ils attribuent toute cette furie d’armement
qui s’est emparée aujourd’hui de l’Europe. La Russie
devrait sans doute un peu moins regarder la paille
qu’il y ,a dans, l’œil du voisin et regarder un peu plus
la poutre qu’il y a dans le sien. Ce qu’il y a de réel,
c’est qu’on s’emporte beaucoup ici contre les journaux
moscovites.
A propos de journaux, les poursuites dirigées con-
tre les feuilles ‘ d’ici qui ont osé faire des comptes-
rendus analytiques des séances du Corps législatif
n’ont pas pris une autre tournure. — Je crois que le
procès s’arrêtera au point où il en est.
En parlant de cet incident, le Journal des Débats, qui
estenglo.bé dans ieâ poursuites, a fait observer que le
Moniteur avait', lui aussi, fait de l’analyse et que, par
conséquent, il étaitcoupable comme tous les autres. —
Pourquoi donc la feuille officielle n’est-elle pas pour-
suivie *
M. de Goltz, récemment parti de Paris, vient d’arri-
ver à Berlin. Dans le premier moment, les alarmistes
voulaient que ce départ précipité de l’envoyé du roi
de Prusse eût une haute signification politique. On n’a
pas tardé à savoir qu’il ne s’agissait que d’un voyage
pour raison de santé. M. de Goltz souffre d’une assez
grave maladie des yeux. Il va se faire donner des soins
par le docteur de Geeltz-, — Il n’y a donc rien de plus
à en dire. — Vous voyez que j’use de cette formule.
Depuis une quinzaine de jours, la presse départe-
mentale est inondre d’écrits anonymes, ayant la
forme épistolaire et tendant tous à la glorification de
la politique courante. Ç’a été d’abord une lettre dïm
paysan à un autre : Moucher Simon, etc., etc. On cher-
chait à y réveiller les vieilles haines nationales con-
tre la Prusse ; on y disait que les campagnes devaient
se rappeler les deux invasions de 1814 et de 1815.
Entre nous soit dit, ce mouvement oratoire n’était
pas précisément heureux. Aujourd’hui les lettres en
question reparaissent et elles cherchent à soulever
l’esprit des masses contre l’opposition r «dioale, assez
hostile à la France pour combattre et faire détester
cette loi militaire qui est, endiscussion.
Ces faits, au reste, coïncident avec le bruit qui veut
qu’un bureau de L'esprit pubtic, comme sous Louis-
Philippe, ait été rétabli au ministère de l’intérieur,
depuis l’avènement deM. Pinard. Faut-il dire qu’une
pareille manufacture d’articles officiels serait un cruel
abus ? D’abord cette manière de faire penser la pro-
vince ea lui envoyant de Paris des opinions toutes
faites, serait quelque chose d’odieux. Ensuite ce serait
une grande maladresse, parce qu’on ne l’accepterait
pas.
On assure ici que le Constitutionnel va changer, non
de rédaction, mais de rédacteur. M. Paulin Limayrac
céderait sa place à M. E. Merson, journaliste de
Nantes, littérateur assez mince, msis qui vaudrait
bien, celui qu’il serait appelé à remplacer. Quant à M.
Paulin Limayrac, on lui donnerait une préfecture.
Pourquoi pas ?
On dirait que l’hiver devient de plus en plus âpre.
Non seulement la Seine est prise, mais encore la
neige s’immobilise dans la ville et dans les environs,
ce qui frappe de paralysie la vie sociale. Mais la fri-
volité parisienne ne perd pa-s ses droits. Il y a fêta
aux flambeaux, le soir, au bois de Boulogne, sur les
lacs où les belles et les beaux messieurs du club des
patineurs prennent leurs ébats. On se rend par là en
train de plaisir, grâce au chemin de fer de ceinture. Il
y a de très brillantes toilettes ; il y a lieu de s’y amu-
ser comme au Théâtre Italien ou au jardin Mabile,
l’été. Et cela fait toujours passer une soirée ou deux.
Pendant ce temps-là, les misères des masses sont
indescriptibles ; il n’y a que les philosophes moroses
qui y pensent. Cette société française ne veut que
rire. Pourquoi penserait-elle à des choses sinistres !
zzz.
Le Moniteur racente la cérémonie d’hier.
Le discours de l’Empereur est conforme à la version
publiée par l’Etendard.
M. Linden, de Bruxelles, a obtenu le grand prix
d’horticulture.
M. Van Mackers a obtenu une médaille d’honneur
pour des expériences de sauvetage et de navigation
de plaisance.
M. Ronnberg, organisateur de l’exposition agricole
belge, a été nommé officier de la Légion d’honneur.
M. Morren, membre du jury, aéténommé chevalier.
Le Moniteur publie la liste du nouveau ministère
portugais :
Lecomte de Avila devient président du conseil et
ministre des affaires étrangères, M: Ferreira ministre
des finances, M. Magochaes ministre de la guerre, et
M. Amaras ministre de la marine. _
Aux élections du département de la Somme, M.
d’Estourmel, la candidat indépendant, a été élu par
13,005 voix.
Aux élection de Tours, M. Houssard, candidat indé-
pendant, a été élu par i0,879 voix.M. Gouin a recueilli
7,627 suffrages.
Le Courrier des Ardennes annonce que depuis le mois
de novembre, on a commencé la mise en état de défense
lès villes de Mézières et de Sedan. Les pièces sontrayées
et montées sur affût On dit que ees canons pourraient
foudroyer les assaillants à 6 kilomètres à la ronde. Les tra-
vaux de défense doivent se continuer à Roeroi et à Givet,
lorsqu’ils seront terminés à Mézières et à Sedan.
On lit dans VAvenir national :
Ce n’est pas à la Porte-Saint-Martin seulement que le
droit de siffler e t mis en question,et que l’intervention des
agents de police amène de regrettables conflits. Samedi,
au théâtre des Variétés, on jouait la revue de MM. Clair-
ville, Straudin et Blum ; Paris tohu bohu. Au moment où
la statue de Voltaire avançait sur la scène, escortée d’oies
et de canards, des coups de sifflets partirent de différents
points de la salle. Les agents de service se précipitèrent
sur les sifileurs et saisirent au collet trois d'entre eux ;
MM. Ernest Marchand, étudiant en médecine, Eugène et
Evariste Poitevin, étudiants en droit.
Les trois jeunes gens furent violemment enlevés de la
salle et conduit au cabinet du commissaire da police. Là,
un simple agent se mit en devoir de les interroger ; mais il
dut s’arrêter devant l’observation qui lui fut adressée, qu'il
n’était pas juge d’instruction. M. le commissaire intervint
alors, et reconnaissant partiellement le droit de siffler,
offrit aux jeunes gens de les laisser reprendre leurs places,
à condition qu’ils ne recommenceraient plus, proposition
que ces messieurs ne crurent pas devoir accepter, voulant
maintenir leur droit à siffler de nouveau, s’il y avait lieu.
Voilà !e récit des faits, tel qu'il est contenu dans une let-
tre que nous adressent MM. Marchand et Poitevin. Le
point particulier sur lequel ces messieurs insistent, c’ostla
vivacité — nous adoucissons beaucoup l’expression, afin
de ne rien ajouter d irritant à ce débat — avec laquelle ies
agents de police les ont saisis et entraînés. Si un coup de
sifflet est un délit — ce qui est au moins en question — ne
pourrait-on faire cependant, une différence entre des sif-
fleurs et des malfaiteurs, et ne pas employer envers d’hon-
nêtes gens des façons d’agir qui ne sont de mise qu’avec
des coquins avérés. ■
Nous appelons sur ce lujet l’attention de M. le préfet : et
à son enquête sur l’incident delà Porte Saint-Martin, il
pourra joindre une enquête sur l’incident tout aussi regret-
table du théâtre des variétés. -
Le dernier bal de l’Opéra a été très égayé, nous dit-on,
par deux incidents d’une turbulence extrême.
Une danseuse bien connue dans les bals publics, et qu’on
appelle d’un nom de cheval, arriva dans un costume !...
mais un costume si succinct (un maillot et une ceinture) que
le monde fut forcé de la remarquer.
Un iturrah frénétique accueillit son entrée, et la foule des
danseurs se rua sur elle; elle fut enlevée en un clin d’œil
au dessus des têtes, à tours de bras et promenée ainsi dans
la salie du bal, au milieu des cris, des huées et des clameurs
de la cohue. Echevelée, hurlante, déchirée, plus qu’à demi-
nue, cette malheureuse femme criait et pleurait, priant
qu’on la laissât reprendre pied à terre; mais la fouie ne
lâchait pas sa proie, et continuait à la porter en triomphe,
en la tiraillant eten la huant de tous les côtés. On la perdit
de vue dans la cohue et ses cris se perdirent dans le va-
carme.
Ses bourreaux l’ont lâchée sans doute, mais on ne l’a plus
revue de la nuit. '
Hier, au concert populaire du Cirque Napoiéon. un grand
artiste s’est révélé pour la première fois au public de Paris.
C’est Léonard, dont le succès a été éclatant... et b en
mérite du reste, après l’exécution d’un concerto-Stuck,
morceau de concert — dont 11 est l’auteur, et qui est une
très belle chose, vraiment.
Depuis Joachim, aucun violoniste n’a eu à Paris un suc-
cès aussi brillant. On l’a applaudi, acclamé, rappelé ; un
peu plus, si le morceau n’eût pas été aussi considérable, on
eût crié bis.
Léonard vient de recevoir la grande consécration pari-
sienne —• ce baptême ambitionné de tous les artistes au
monde, et donné à un si petit nombre, relativement. On
connaissait bien son nom, on savait ce qu’il vaut, mais son
talent était encore pour les Parisiens à l’état de chose igno-
rée. Ils l’ont entendu hier, et ils ont vu que rien n’était exa-
géré dans les éloges qu’on faisait d’avance de ce grand
artiste.
Il a joué en maître, avec un brio, un style, une expres-
sion et une justesse admirables. Au milieu d’un silence
profond, coupé à plusieurs reprises par des applaudisse-
ments unanimes, la v.oix magique chantait sous son archet,
et les sons les plus doux et les plus faibles résonnaient dans
toutes les âmes. Il a ému tout le monde et forcé l’admira-
tion des moins enthousiasts, à ce point que (chose rare)
l’orchestre lui-même l’a applaudi avec transports.
G’ast ainsi qu’hier un grand artiste nous est né. Voici
Léonard bien vengé des absurdes dédains de la Belgique ,
sa patrie, qui n’a su ni l’apprécier dignement ni le retenir.
Le voici Parisien maintenant, sacré et célèbre désormais ;
il a le style allemand et la grâce française, et le composi-
teur en lui n’est pas inférieur au virtuose.
Paris a eu une fois de plus cette gloire de consacrer un
maître dont la place légitime est entre Joachim et Allard.Il
a la correction de l’un et le charme de l’autre. (Figaro.)
On dirait que le moindre incident devient à Paris sujet à
manifestations. Après les incidents des théâtres de la Porte
St-Martin et du Luxembourg, voilà que la glace amène des
attroupements et cela an milieu de la nuit. Voici ce que
nous lisons dans la Liberté'.
« Cette nuit, vers une heure du matin, un nombreux ras-
semblement s’était formé sur l’emplacement du Château-
d’Eaù, en face de la caserne du Prince-Eugène. Sur le large
trottoir qui sépare en deux laehaussée, on avait organisé
une glissade: l’intervention de la police n’avait pu suffire
à faire évacuer la place, et il fallut recourir à la troupe.
» Un sergent, sorti avec un certain nombre d’hommes,
a essayé de disperser les glisseurg.
» Accueilli par des cris tumultueux, les hommes du poste
ne réussirent à rétablir l’ordre qu’au milieu des plus grandes
difficultés, après avoir opéré plusieurs arrestations. »
— Hier après-midi la police a opéré L’arrestation
de deux individus qui avaient enlevé des quais au
Bassin une caisse de clous.
— Hier soir, pendant l’absence des locataires, un
voleur s’est introduit dans le domicile d’une famille
ouvrière, les époux Wynants, rue de la Madeleine et
y a enlevé les économies faites sur leur travail depuis
15 ans et montant à une somme de 160 francs.
— Les élèves de l’Ecole industrielle ont profité de
l’occasion du nouvel an pour offrir à leur directeur
M7 Henri Altenrath et à leur professeur M. G. P.
Altenratil, un magnifique cadeau.
Ce témoignage de reconnaissance prouve que M. le
directeur ainsi que M. G. P. Aitenrath jouissent de
l’estime de leurs élèves.
— M. De Magnus, prestidigitateur, dominera mer-
credi 8 courant, à 8 1/2 heures du soir, grande séance,
à la Taverne Bavaria, rue des Douze-Mois, 2,
a vendue Nouveaux traîneaux et dos voitures clarencagj
n°3, rue de l’Evêque, 5» section d’Anvers» 144
BELGIQUE.
T Janvier.
La commission chargée d’examiner si des pilotes
peuvent être fournis aux navires descendant ou re-
montant l’Escaut, a encore maintenu aujourd’hui sa
décision d'en refuser.
Depuis plus de dix ans nous n’avons vu autant de
glace dans l’Escaut qu’il n’en charrie en ce moment.
Depuis trois jours la navigation est complètement
interrompue. Les navires dans les Bassins sont soli-
dement fixés dans la glace. Tout le mouvement sur le
fieuve se borne au passage de quatre hateaux à rames
qui font le trajet de la rive droite à la rive gauche,
transportant personnes et marchandises.
— Ün ouvrier travaillant dans un magasin au Bas-
sin est tombé hier après-dîner de l’escalier au mo-
ment où il portait un sac de café; il a été relevé dan-
gereusement blessé et transporté à l’hôpital.
faits divers.
La convention intervenue entre la ville de Bruxelles et la
Banque de l’Uniou Jacobs frères «t O a été approuvée par
arrêté royal et l’on annonce que l’emprunt sera offert à la
souscription publique dans les premiers jours de janvier.
Les obligations de 100 fr. rapporteront un intérêt de 3
p. c.; elles seront remboursées en 66 années; le plan
d’amortissement est basé sur une idée nouvelle qui nous
paraît juste et de nature à attirera cette valeur à primes
une catégorie de capitaux pour laquelle l’appât des lots n’est
que secondaire.
Quatre tirages auront lieu chaque année, les primes com-
prendront, à chacun des 40 premiers tirages da 25,000 fr.,
un lot de 2000 fr., deux lots de 1000 fr., deux lots de 500 fr.,
quatre lots de 250 fr.
Les obligations à amortir, au lieu d’être remboursées à
100 fr., comme lo sont les obligations émises par les villes,
sont remboursables à 125 fr. pendant les dix premières
années. .
A ehacun des 224 tirages suivants les primes compren-
dront un lot de 12,500 fr., un lot de 2000 fr.. 3 lots de 225 fr.,
2 lots de 200 fr Toutes les autres obligations indiquées au
plan général d’amortissement seront remboursables par
125 francs.
Dès la première année mille obligations seront rembour-
sées au taux minimum de 125 fr., il y a donc pour le capital
de placement une plus-value certf-ine qui compense large-
ment l’intérêt relativement réduit.
Les nouvelles obligations à prime seront émises au taux
de 94-76 en tenant compte des bonifications pour les ver-
sements non exigibles immédiatement. »
Ces obligations seront, comme nous venons de le dire,
remboursés a 125 fr. si elies sortent aux tirages des dix pre-
mières années. En tenant compte de l’écart entre ce prix
de remboursement et las cours d émission, le taux de pla-
cement ressort à 35 p. c. pour les obligations amorties la
première année, à 19-12 pour les 1,072 obligations sorties la
seconde année, à 13 80 pour celles amorties la troisième
année, etc. ; les obligations remboursées la dixième année
auront rapporté encore 6-35 p. c., tout en ayaat laissé aux
porteurs les chances de quarante tirages.
La rente française, cotée 69 fr. , rapporte aux porteurs
4 1/3 p. c.; c’est moins que le taux offert par les nouvelles
obligations si el es sont remboursées la 17” année: la dette
hollandaise 2 1/2 p. c., cotée 53, offre aux détenteurs 4 2/3
p. c. d a leurs capitaux; les obligations de Bruxelles, rem-
boursées la 15e année, auront rapporté 4.7 p.e. et sontau-
dessus du pair, les nouveaux lots à prime, remboursés la
onzième année, auront donné à leurs détenteurs 5.10 p. c.
Cette comparaison met en relief l’ingéniosité du plan d’a-
mortissement adopté par la ville do Bruxelles.
Un mot pour flair sur la situation financière de la ville de
Bruxelles.
La d8tte consolidée est de 39 millions dont l’intérêt, et
l’amortissement n’exigent qu’une annuité de 1,000,000
francs. La ville de Bruxelles n’a pas de dette flottante.
— On lit dans le Journal de Bruxelles :
« M. Pirmez, D nouveau ministre de l’intérieur, devait
recevoir officiellement aujourd’hui les fonctionnai res et
employés de son département; mais p^r suite d’un acçident
imprévu, cette cérémonie d’installation n’a pu 'avoir lieu.
Au moment où M. Pirmez allait franchir le seuil de l’hôtel
ministériel, il a glissé sur lè trottoir et il s’est fait une en-
torse au pied. M, Pirmez, a dû se faire reconduire chez lui.»
— M. le commissaire de police de Herstal écrit à la Meuse
qu’il n’est pas vrai qu’une femme et trois enfants soient
morts de misère et de froid dans cette commune.
— On annonce le mariage du jeune prince de Ligne, qui
est presque Français, avec Mlle d’Oultremnntde Duras, des-
cendante d’une illustre famille, dont le chef, baron Duras,
passaeu Angleterre, après avoir longtemps servi en France,
Ambassadeur extraordinaire du roi Charles II au congrès
de Nimôgue, il fut ensuite créé comte de Feversham, vice-
roi d’Irlande, premier écuyer de la reine et chevalier de la
Jarretière. Sous Jacques II, il battit et fit prisonnier, à Sed-
gemore, leduc de Monmouth. Il avait alors sous ses ordres
le fameux Church 11, depuis duc de Marlborough.
— Un déplorable accident est arrivé dimanche soir sur
le chemin da fer du Midi, non loin de la station des Bo-
gards, par suite du manque de surveillance d’un garde
barrière.
La barrière n’étant point fermée comme elle eût du l’être,
un individu, qui voulait traverser la voie, plongée dans
l’obscurité, a été renversé par «n train et a eu les deux
jambes broyées.
Le docteur Van Hoeter appelé immédiatement a dû am-
puter les deux jambes du malheureux au-dessus du genoux.
— Samedi matin, à nerf heures et demie, un éboulement
a enseveli un ouvrier puisatier qui travaillait à un puiis en
construction chaussée de Haecht, à Schaarbeek. Les tra-
vaux de sauvetage, dirigés par M DaiUy, bourgmestre, ont
été couronnés de succès. Il a fallu ouvrir une tranchée
latérale pour parvenir au malheureux ouvrier qui se trou-
vait enseveli à plus de cinq mètres da profondeur, et dont
on entendait la'voix. Ce nest qu’à 2 heures de relavée et
après uu travail opiniâtre, que l’on est parvenu à retirer le
malheureux, et à le rendre sam et sauf à sa famille. Les
soins les plus minutieux lui ont été donnés par M. le doc-
teur Desmedt.
— Un malheureux, qui se trouvait probablement sans
gîte, a trouvé une bien triste mort, vendredi, à diimet. Il
s’était réfugié clandestinement, pendant la nuit, dans l’éta-
blissement de Chaumonceau. Une fois entré, il se glissa, à
la dérobée, sous le foyer de la chaudière de la machine
d’exhaure, et s’y blottit pour attendre le jour. Le foyer
était couvert, le registre baissé. Dans ces conditions une
grande quantité de gaz a dû se dégager.
Quand le mécanicien est arrivé pour reprendre sa tâche,
il aperçut le corps inanimé du pauvre vagabond, qui avait
probablement péri par a phyxie. Ce qui le fait supposer,
c’est que son corps était littéralement couvert de brûlures.
Il paraissait être âgé do 25 a 30 ans.
— Voici une curieuse annonce publiée il y a quatre-vingts
ans dans la Gazette de Liège, et qui donne uue idée de la
manière dont on voyageait autrefois : « Une diligence à six
places part de Liège tous les mardis et arriva à Bruxelles
tous les jeudis au soir de chaque semaine; Eli j repart de
Bruxelles tous les samedis et arrive à Liège les lundis. Les
prix de chaque place sont fixés à 20 florins Brabant-Liége
(fr. 24-31). Les carrosses et les charrettes de la messagerie
arrivent de Liège à Bruxelles tous les vendredis et en re-
partent le dimanche soir pour Gand. Lorsqu’il y a des
places dans cette voiture, le directeur les donne aux voya-
geurs qui se présentent. Le prix est de 36 florins Brabant-
Liége (fr. 43 76). » Et on appelait les voitures qui faisaient
ce service des diligence s !
— les grands hivers en France. — On a pu voir, ditle
Moniteur, bon nombre d’invidus s’aventurer sur l’épaisse
couche de glace qui couvre la Seine et traverser le fleuve
à pied sec. C’est là uu fait qui ne se produit qu’à de rares
intervalles.
Depuis une vingtaine d’années, le fleuve parisien n’avait
pas subi à ce point l’influence du froid. La première men-
tion qu’on trouve dans les historiens 3e la congélation de la
Seine remonte à l’an 821 : elle fut prise pondant un mois, et
H en fut ainsi dans les hivers de 1044, 1067, 1124, 1125,1205,
1216, 1325.
En 1407, le froid fut si rigoureux que la plupart des vi-
gnes et des arbres fruitiers furent détruits.
En 1420, Paris eut à souffrir d’un froid si vif qu’une mor-
talité extraordinaire se déclara et que la ville perdit plus
des deux tiers de ses habitants.
Les loups entraient jusqu’au cœur de la ville pour dévo-
rer les cadavres.
En 1434, la gelée dura, à partir du 31 décembre, deux
mois vingt-et-un jours ; la neige tomba pendant quarante
jours consécutifs. En 1570, le froid dura pendant trois mois
entiers dans toute sa rigueur. En 1608, l’hiver fut si rigou-
reux dès le 21 décembre, que las approvisionnements de
la capitale en combustibles étaient devenus si rares qu’un
cotret se vendait 35 sols. Les troupeaux périrent en grand
nombre dans les étables, ainsi que toutes les espôoes «la
gibier dans les campagnes et les forêts. La Seine fut si
profondément prise, qu’elle portait des chariots pesam-
ment chargés.
En 1683. l’hiver fut si âpre qu’un grand nombre de per-
sonnes moururent de froid ; les gelées durèrent trois se-
maines. En 1709, le froid extrême occasionna une disette
qui fit périr beaucoup de monda. On fabriqua à Paris et à
Versailles du pain d’avoine, qui fut servi sur la table des
prinçes et des riches. En 1740, le froid occasionna une nou-
velle famine : on fit, par ordre du Parlement, des prières
publiques et on promena par les rues les châsses da sainte
Geneviève et de saint Marcel En 1768, les clochas des égli-
ses se brisèrent sous l’action du froid.
L’hiver de 1784 avait changé la physionomie de Paris.
L’amoncellement des neiges et des glaces formait d’insur-
montables obstacles dans les rues, où l’on ne pouvait plus
marcher. Au coin de la rue du Coq-Saint-Honoré, on éleva
une pyramide de neige en l’henneur de Louis XVI. Le 30
décembre 1788, le thermomètre descendit à 18 degrés 1/4
au-dessous de zéro ; l’épaisseur “de la gla -a qui couvrait la
Seine fui de 12 pouces. Enfla, en 1799, 1810, 1811,1812.1814,
1820, 1829, 1846, les hivers furent très-rigoureux et la Seine
fut coDgelée comme elle l’est aujourd’hui.
— On écrit de Nantes t
L’adoucissement qui s’était manifesté avant-hier matin
dans l’étàt de la température n’a pas duré longtemps. Dans
la journée il a gelé de nouveau et le maximum du froid a
été de 10 degrés au-dessous de glace.
Hier matin à îo heures les thermomètres accusaient 9 1/2
degrés au-dessous de glace.
— On écrit de Bordeaux ;
La Garonne continue à charrier d’énormes glaçons^ et
Üotre rade off re l’aspect le plus extraordinaire. Tous les nat
vires entre le pont et la rue Saint-Esprit, à l’exception de
trois, sont amarrés depuis hier le long des quais, et sont
cernés nar une épaisse barrière de glace. La navigation est
complètement interrompue, et un très grand nombre de
curieux contemplent de la rive ce spectacle nouveau pour
la plupart d’entre eux.
— La température rigoureuse de cette semaine a fait
geler complètement les eaux de la Dordogne. On peut tra-
verser, dit le Journal de Berg erre, la rivière sur la glace
(ce qui n’était pas arrivé depuis 1830, et, chaque jour, de
nombreux patineurs se livrent à un exercice rarement pos-
sible dans nos contrées.
—■ Le Natal Mercury annonce ainsi à ses lecteurs la
mort d’un "rand chef africain :
« Le vieux Faku, qui régnait, sur les peuplades d’Ama-
ponda, au sud de Natal, n’est plus! Pendant sa vie, il fut
toujours un allié fidèle du gouvernement anglais. Depuis
cinq jours, il était en proie à un rhume violent, et, le 29
octobre, il a rendu le dernier soupir en prenant une prise
de tabac Le bruit court que l’un de ses fils l’a empoisonné,
car Faku était un souverain trop puissant pour s’éteindre
de mort naturelle. Trois de ses sujets ont déjà été immolés
pour satisfaire les derniers vœux du vénérable monarque.
» Leclelavoulu prendre aussi sa part du deuil général,
et, pendant les trois jours qui ont suivi sa mort, la pluie
n’a cessé de tomber. Un jeûne de quatre jours a été ordonné
à ses si-jets, et les restes mortels de cet illustre chef se-
ront inhumés avec tous les honueurs dus à son rang, »
— C’est le lr janvier qu’est entrée en vigueur la loi votée
le 15 août dernier par !e Parlement anglais pour la régle-
mentation du travail des femmes et des enfants dansles
fabriques et usines. Aux termes de cette loi, aucun enfant
âgé de moins de huit ans ne peut dorénavant être soumis
à un trava.1 devant dépasser six heures et demie par jour
entre six heures du matin et huit heures du soir. De même,
le îravail des jeunes filles ne pourra excéder douze heures
entre cinq heures du matin et 9 heures du soir, y comprii
le temps des repas, qui doit être d’au moins une heure et
demie. - ’
Le travail des enfants et des jeunes filles est absolument
interdit le dimanche toute la journée et le samedi à partir
de deux heures, sauf dans les ateliers où seulement cinq
personnes travaillent à faire ou à réparer des objets devant
être vendus sur place et en détail. Au-dessous de l’âge de
onze ans aucun enfant ne pourra être employé à l’aigui-
sage ni au limage des métaux, ni » l’apprétage des étoffes
feutrées. La loi range dans la catégorie des enfants toute
personne âgée de moins de treize ar-s, et des jeunes filles
les personnes âgées de treize à dix-huit ans. — Chaque en-
fant employé dans un atelier doit fréquenter l’école pendant
au moins dix heures par semaine.
— On a déjà signalé la détresse qui règne en Algé-
rie. Voici le tableau qu’en trace l’archevêque d’Alger
dans une lettre adressée à la France :
» Paris, le l*r janvier 1868.
» Monsieur le rédacteur,
» Veuillez me permettre d’emprunter la voie de votre
journal pour adresser un appel à la charité catholique en
faveur des habitants indigènes de l’Algérie.
» J ai hésité à prendre cette initiative, surtout en pré-
sence des besoins si nombreux du Saint-Siège, de l’Eglise
et de la France; mais le mal s’étend chaque jour davantage,
et prend des proportions plus douloureuses. Je ne crois
pas qu’il me soit permis de me taire plus longtemps.
» C’est, en effet, la famine avec toutes ses horreurs qui
décime la population indigène, déjà si éprouvée par les ra-
vages du choléra Deux années de sécheresse, l’invasion
des sauterelles ont épuisé toutes ses ressources. Depuis
plusieurs mois un grand nombre d’Arabes ne vivent plus
que de l’herbe des champs ou des feuilles des arbres qu’ils
broutent comme les animaux; et maintenant, avec un hiver
plus rigoureux que d’habitude, leurs corps épuisés ne ré-
sistent plus, ils meurent littéralement de faim. Ou les voit
presque nus, à peine couverts de haillons, errer par troupes
sur les routes, dans le voisinage des villes, d’où l’on a éé
obligé de les éconduire pour éviter des désordres de toute
espèce; on les voit attendant les tombereaux qui enlèvent
les immondices pour se les disputer et les dévorer.
» Rien ne les rebute. Jls vont jusqu’à déterrer, pour les
manger, les animaux morts de malalie. I's enlèvent ceux
denos colons qui sont obligés de garder leurs fermes le
fusil à la main. Chose affreuse à dire, plus affreuse encore
à voir, on en trouve chaque matin sur les routes, dans les
champs, étendus morts d’inanition ; on en a trouvé jusqu'à
six, huit, dix et douze ensemble, à côté les uns des antres.
Nos journaux d’Algérie sont pleins de ces lugubres récits.
» Ces pauvres gens, dénués de tout, montrent encore un
courage, une résignation farouche, qui seraient vraiment
admirables, s’ils étaient inspirés par un sentiment chré-
tien, et s’ils ne naissaient pas de leur triste fatalisme mu-
sulman, qui est la première cause de Ieurs maux, parce
qu’il empeche de leur part toute prévoyance. Lorsqu’ils
sentent venir la mort, cette mort lente et affreuse qu’amène
la faim, ils ne se plaignent pas, ils ne se révoltent pas; ils
s'étendent sur la terre au bord de quelque chemin, s’en-
veloppent de leurs haillons, se couvrent la face et attendent
leur dernière heure eu. murmurant le nom d'Allah.
» C’est ainsi qu’ils sont morts du choléra durant tout cet
été, c’est ainsi qu’ils meurent maintenant de faim, littéra-
lement fauchés par ces fléaux, comme la moisson par la
main du moissonneur.
» Des calculsqui ne sont pas exagérés fontmonter jusqu’à
plus de 1(10.000 le nombre des victimes dans ces six derniers
mois ! Jugez par la, monsieur, du nombre des veuves, des
orphelins, des vieillards restés sans ressources.
» Ces malheureux se présentent en Ibngues troupes dans
les cours des fermes, aux portes des cités ; on recueille les
petits enfants sur les chemins quelquefois suspendus encore
au coude leurs môresmortes, quelquefois aussi eux-mêmes
expirants. »
— On écrit d’Arkangel, 8/20 décembre au Times :
I a famine dont le gouvernement d’Arkangel était menacé
depuis l’automne s’est maintenant sérieusemeut déclarée,
et, suivant toute apparence, il est absolument impossible
pour une grande partie de la population d’éviter de mou-
rir de faim.
Le pain est aujourd’hui trois fois au-dessus de sa valeur
ordinaire, et d’ici peu de temps ou n’en pourra plus avoir
pou: de l’argent, car la provision de farine va manquer, et.
l’on ne peut pas en avoir de plus près que Viatka, a la dis-
tance de mille verstes. En faire venir en quantité suffisante
par terre est une entreprise à peine réalisable, sans tenir
compte le moins du monde des frais de transport. „
Et quand bien même on pourrait en faire venir, la masse
de la population serait hors d’état d’en acheter.
Maintenant déjà, il y a des personnes qui sont mortes de
faim, et il y eu a quantités d’autres qui sont dans une dé
tresse telle que leurs jours sont comptés.
Le gouvernement et les particuliers ont pris des mesures
et en prennent encore pour fournir des vivres au peuple ;
mais les besoins deviennent tellement généraux que les
ressources locales, augmentées même de ce que le gouver-
nement peut faire, sont hors d’état d’y faire face.
Théâtre national.
On adonné dimanche un nouveau drame original :
Mina de Zinnelooze, qui a obtenu l’hiver dernier à
Bruxelles un très-grand succès. Nous n’avons pu as-
sister à la représentation ; nous le regrettons, car
différentes personnes nous ont dit que Mina de Zinne-
looze a parfaitement réussi; que ce drame renferme
des scènes d’un très-grand effet et qua le dénouement
en est heureux et neuf; que le public a, par d’unanimes
applaudissements, appelé l’auteur, M. Bruylauts, sur
la scène ; que M119 Beersmans et M. Driessens ont été
superbes, MUesMina Bia et. Kiey fort convenables, etc.,
en un mot, que la soirée de dimanche a été très-bonne.
Nous comptons assister sous peu à la seconde repré-
sentation de Mina. ■
La représentation, donnée mercredi dernier au bé-
néfice de M. Van Doeselaer, a été excellente tant pour
le public que pour le bénéficiaire, qui a dû refuser un
nombre très-considérable de cartes. Nous espérons
qu’il en sera de même demain, jour de bénéfice de M.
Lenaerts. C’est un artiste de mérite, digne à tous
égards des sympathi is du public. Nous sommes per-
suadé que ce dernier lui en donnera une nouvelle
preuve demain. Le programme porte : DeAbtde l’Epée,
un drame qui a fait beaucoup de plaisir à la première
représentation, et l’amusante charge en 3 actes Luy-
brechts en Spiegels. L.'
* au capital de 9000 fr., au taux de 4 1/2 p. c. Tan, pour
» faire dônner l’instruction primaire gratuitement aux en- ■
» fants par des petits frères de la doctr-iue chrétienVie ; que
» cette rente ne commencera à cour rqu’à formalisation
«de cet enseignent mt dos petits frèrej; qu’ 1 ojeessera
» d’être due pendant toute suppression bu suspension ; »
Attendu que Tadminï-tration communale de Hervo a. Té
26 décembre 1856. résolu de demander au gouvernement
l’autorisation d’accepter le legs prémentionné.'sans être
tenue d’exécuter la condition qui lui imposait, le choix,
comme instituteurs, des petits frères de la doctrine chré-
tienne, et qu’effectivement, par arrêté royal du 27 avril
1857, l'autorisation sollicitée a été accordée « sous la ré-
» serve due TensJgnement primaire serait donné par des
» instituteurs nommés conformément à la loi du 23 s «.plein-
» bre 1842; »
Attendu que, munie de cette autorisation, la commune à,
le 5 février 1866, réclamé judiciairement des réprésentants
de la légataire universelle la délivrance du legs ; que le
premier juge a rejeté la demande, et que la Cour est saisie
d’un appel interjeté au nom de la commune, par quelques
habitants de la ville de Herve, à ce dûment autorisés en
vertu de l’art. 150 de la loi communale; que, poiir faire
droit à cet appel la Cour doit examiner :
1° Si la clause qui astreint la commune à faire donner
l’enseignement primaire par des petits frères de la doctrine
chrétienne est ou non contraire aux lois ; 2° si le testateur
en a fait une condition de rigueur, et 3° si, dans le cas où
1« condition serait illicite, la clause révocatoire, implicite-
ment contenue dans le testament, peut avoir quelque effet ;
Attendu, sur le premier point, que, pour soutenir la
légalité de la condition apposée à la libéralité de Hannot,
les imimés se bornent à établir que l'adoption par la com-
mune d’une école privée est formellement autorisée par la
loi du 23 septembre 1842, ajoutant que, dans les discussions
parlementaires dont cette loi a été l'obier, les orateurs ont
parlé avec une faveur toute particulière de l’enseignement
des petits-frères et ont encouragé l’adoption de leurs
écoles ;
Attendu que ce point de vue, Incontestable d'ailleurs,
n’est pas celui où il faut se placer pour jurer dû caractère
licite ou illicite de la condition; que, de tout temps, ona
considéré comme prohibées par la loi les conditions qui
tendent à gêner, fût-ce dans la personne d’un simple
citoyen, l’exercice d une faculté de droit public ; que
l'infraction est beaucoup plus grave quand il s’agit
d’enchaîner la liberté d’un corps politique ou administra-
tif, comme ilarriverait.dans l'espèce, où la commune serait
entravée dans le choix de ses ins'ituteurs ; qu’au sur-
plus. la loi est expresse ; que, d’après i'ariiclw 4 do
la loi du 23 septembre 1842, les conventions faites à
ce sujet par les c««mtmines ne sont obligatoires que pour
Tannée scolaire ; qu’en effet, cet article réserve au gouver-
nement, le droit de constater annuellement s'il y a lieu de
maintenir ou non l’autorisation nécessaire ; qu’il suit de là
que le testament de Hannot qui impose à perpétuité à la
commune de Herve l’adoption d’une école privée, ■ ontient
une clause foru ellement réprouvée par la loi, et qu’accep-
ta r cette clause serait, de la part de l’autorité communale,
l'abdication d’un droit qui se rattache à ses attributions,et,
par conséquent, à Tordre public ;
Attendu, sur la deuxième question, que l’intention évî-
dentedutestaieuraétêde fsirede cette chmse une condition
sine quâ non et de rigueur ; que cela résulte de ce qu’il
prend soin de déclarer que la rente ne prendra cours qu’à
partir de l'organisation de l’enseignement des petits frères,
et qu’elle cessera d’ê re due pendant toute suppression ou
suspension, ce qui ne peut raisonnablemement s’entendre
de la. suppression ou de la suspension de l’enseignement
public ;
Attendu, sur la troisième question que le principe con-
sacré par l’article neuf cents du Code civil a été puisé dans
les lois jomaines, et qu’il importe d'examiner dans quel
esprit ce principe a toujours été appliqué :
Atten tu que, dans le cas où la condition imposée par le
testateur tendait à engager 1 héritier ou le légataire à en-
freindre une loi d’ordre public, le droit romam la réputait
non écrite et validait l’institution ou le legs, quelques pré-
cautions qu’eût prises à cet égard le disposant, et quand
même il aurait expressément déclaré qu’en cas de non-ac-
complissement de la condition^il entendait que la libéralité
lût révoquée ou transmise à un autre ; que c est ce qui
résulte notamment des lois 22 et 100 du Digeste de condi-
tionibus et demon trationibus (fiv. 35. titre 1) et de la loi
27 ad legem F».lcidiam (livre 35, titre 2) ; que les décisions
formelles de ces lois ont acquis une nouvelle force parla
Constitution «le l’empereur Justinien, mentionnée au § 36,
liv. 2, titre 20, des Institutes. et insérée au Code (liv. 6,
titre 41), que Jus'inien maintient lanûlliiédontétaientfrap-
pées autrefois les dispositions pénales chaque fois que ces
dispositions ont pour but de renforcer des conditions im-
possibles ou réprouvées par la loi ; .
Attendu que ce point de jurisprudence â toujours été
admis par les meilleurs interprètes du droit romain ; que
Mantica le proclamait dans son ouvrage de c.onjecturis
ultimarum voluntatum (livreXL titraXIX, n°4) ajoutant
qu’il se justifiait aux yeux de la conscience ; qu’Averani
(iiv. 2, cb .34 et, 29. n° 9) ; Voet (liv. £8, titre 7, nos 12 et 15) ;
Pothier, Pandectes (liv. 35, titre 1, et livre 34, titre 6),
professaient la môme doctrine, qui est encore enseignée on
Allemagne, où le droit romain est resté en vjgueur(V.
Mülembbruch, Continuation des Pandectes de Gluck. §
1460 ; — de Savigny, Système du Droit romain. § 122);
qu’on s’est en vain prévalu en faveur «Ie Topinion con-
traire de la loi 4, § 1er, au Digeste, de Statu liberis
(livre 40, titre 7). qui réputé nul l’affranchissement décrété
par le testateur pour le temps où l’esclave ne vivra plus, ou
sous ia cond tion de payer une somme énorme qu'il lui est
impossible de se procurer; que o’est vainement encore que
Tou invoque la loi 16 de conàitionibus iustitutionum, qui
annulent les institutions d'héritiers faites sous des condi-
tions perplexes, que, dans les cas prévus par ces lois, la
disposition tout entière est mise au néant, parce qu’il ré-
sulte de la contexture même de l’acte qu'il n'y a pas eu de
la part du testateur intention sérieuse de gratiüor l’justi-
tué; que, dès'lors, comme le fait remarquer Avérant, c’est
le legs et non la condition qui çst impo-sibl*; q«5e c’est par
le même motif que le Code civil, nonobstant Tart 900, an'-
nule complètement, par ses art. 943 a 9(6, les donations
soumises â des eon liiions qui détruisent leur essence même
en supprimant leur irrévocabilité :
Attendu que l'ancienne jurisprudence française s’est
constamment prononcée dans le même sens ; qu’on cite à
tort,comme ayant défendu au 17e siôe'e l’opinion contraire,
Ricard: Dispositions conditionnelles, n°» 225 et 2.6 ; que
Ricard ne s’occupe dans cos passages qua de la condition
impossible ; que l’on conçoit qu’en présence do deux «dispo-
sitions. Tune réalisable et l’autre physiquement irréalisa-
ble, l’auteur puisse dire que la première jsenle doive être
respectée ; mais qu'il ne mentionne les conditions illicites
que dans un passage postérieur, sous le numéro 238 ; qu’à
légard de ces dernières conditions dans une autre partie
de ses ouvrages Traité des donations entre-wfs, n° 1546,
il déclare, en parlant de la clause révocatoire, que, comrno
elle révèle « un esprit d’arrogance et qui se veut élever au-
» dessus da la loi pour empêcher l'exécution d > ce qu’elle
» permet et de ce qu’elle a ordonné, une semblable disposi-
» tiou, qui n’a d’autre but due de détruire la lot, est censée
» non écrite et qu’on n’y a a ucun égard.
Attendu qu’après Rtcardet, dans la siècle suivant, Fur-
gole (Testament, chap. XI, n° 163) condamnait d’une façon
aussi nette les dispositions pénales ajouté's à des condi-
tions illicites; qu’enfla MorliD (Répertoire v. Peine testamen-
taire nos 4 et 5, et Puissance paternelle, section V) est venu
joindre son témoignage a ces graves autorités, témoignage
d'autant plus important que ce jurisconsulte applique les
règles anciennes a la législation actu lie.
Attendu que la loi des 5 12 septembre 1791 a frappé de
nullité certaines clauses impérat've* ou prohibitives insé-
rées dans Ls testaments et les donations, disposition re-
nouvelée nar l’article 1er de la Ici du cinq brumaire an II et
par l’article 12 de la loi du 17 nivôse an II : que cette nullité,
fondée sur des considérations qui tenaient a Tordra poli-
tique, devait être prononcée contre ia volonté manifeste-
ment exprimée du disposant.
Attendu que c’est dans ces loi3, aujourd’hui abrogées,
que le Code civil a trouvé le germe decette partie de l’article
900 qui assimile, quant à des conditions impossibles ou illi-
cites, les dispa-ilions entre-vifs aux dispositions testamen-
taires; que rien dans les travaux préparatoires n’indique que
le législateur du Code ai t voulu autrementinnover;qu'on doit
donc donner au principe consacré par TarticiePOO la portée
qu’il a toujourseiie sous tes diverses législations anciennes;
que, par la généralité de ses termes, cet article ne com-
porte aucune exception ; que l’exception importante qu’on
veut y introduire aujijurd hui se justifie «fautant moins
qu’elle efface compléti ment la règle, et que. si elle était
admise, la clause révocatoire, en cas d’inexécution de la
condition illicite, deviendrait de style :
Attendu que, dans l’espèce soumise à la Cour, la révoca-
tion de la libéralité est précisément subordonnée au cas où
lacondition illégale ne serait pas accomplie; que le testateur
a eu recours au seul moyen de coercition qui fût en son
pouvoir: que la clausr révocaioire n’est, que lasanction de
l’accomplissement de là condition qui, aux termes da l’art.
900 du Co le civil, doit être réputée non écrite :
Chronique judiciaire.
Nous avons résumé les considérants de l’important
arrêt qui a été rendu le 24 décembre 1867 par la Cour
d’appel de Liège dans l’affaire Hannot. En voici le
texte d’après le Journal de Liège :
En cause :
Auguste Garot, échevin et pharmacien et autres, tous
domiciliés à Herve, appelants ;
Contre,
Hubertine-Th.-J. Forgeur, veuve d’Auguste Daamnceau.
sans profession, tant en nom propre que coma* mère et
tutrice légitime de Bertha-Agnès-Justice ÔMÉonceau et
autres, domiciliée à Herve, intimés. .
Dans le droit,
Y a-t-il lieu de réformer le jugement dont est appel ?
Attendu que, par son testament olographe en date du 1*'
novembre 1858, Jean-François Hannot, propriétaire et né-
gociant à Herve. décédé le 6 du même mois, a fait une
institution univers elle au profit de sa sœur; qu’une clause
de ce testament porte que sou héritière « devra payer et
» assurer à la commune de Herve une rente perpétuelle,
Par ces motifs,
La Cour, ouï M. Ernst, premier avocat-général, en ses
conclusions contraires, réforme le jugement dont est ap-
pel ; déc are nulle la condition imposée par le testament as
Hannot au legs fait à la commune de Herve ; condamne les
intimés, en leur qualité d’héritiers de la légataire univer-
selle, Catherine-Joseph Hannot, veuve deN -J. Dumonceau
à faire â ladite commune, aux frais delà suceess-ion, la dé-
livrance du legs dont il s’agit, consistant en une rente an-
nuelle et perpétuelle de quatre cent cinq francs, au capital
de neuf mille francs, avec les arrérages échus depuis la
demande; condamne les intimés aux dépens des deux in-
stances. . .
VARIÉTÉS.
VICTOR HUGO CHEZ LUI.
Ii n’est pas toujours exact decroire que l’habitation d’un
homme d'intelligence soit le moulage de ses pensées en
relief; ou plutôt, il arrive souvent que, selon la nature
plus exclusivement concentrée ou plus absolument ex-
pansive du tàlent, te penseur ne s’attache pas aux murs,
n’y laisse rien de lui et. se contente d’une hospitalité banale.
La maison de Vie.or Hugo ne saurait être la maison d’au-
cun autre. Elle est un repoussé du génie particulier de
celui qui t’habite. Elle est meublée comm e il pense et
i |