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IOI
L’ÉMULATION.
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avec une intensité plus grande pour les derniers, l’enjeu étant
plus considérable. Il est de plus à remarquer que les œuvres
dues à l’architecte sont, par leur nature même, d’une apprécia-
tion plus délicate que les œuvres scientifiques. L’architecture
n’est pas une science que l’on résout comme une équation
algébrique et qui possède sa formule menant mathématique-
ment et certainement au but ! L’on peut décider avec précision
si un élève en droit a donné la teneur exacte d’un texte de loi,
si l’élève en médecine a fourni les signes diagnostiques d une
maladie déterminée, si l'ingénieur futur a résolu, suivant les
meilleures règles, une question scientifique. En est-il de
même pour les projets d’architecture? Non évidemment,
il y a ici des questions de goût, de sentiment qui souvent ne
se raisonnent pas ; l’un trouve beau ce qu’un autre déclare
détestable. Et il n’est pas possible, à notre avis, de rendre les
élèves responsables d’une pareille indécision dans un juge-
ment. Aussi, croyons-nous plus juste, plus égalitaire de répar-
tir cette suprême récompense entre les différents élèves d’un
même cours au lieu de la délivrer à un seul, sous prétexte de
lui faire compléter ses études... à Rome!
D’ailleurs quel bénéfice retire-t-il cet élève privilégié de l’oc-
troi de cette faveur spéciale? Il va pendant trois ou quatre des
plus belles années de sa vie étudier des monuments remarqua-
bles, nous le savons, mais vus, revus, reconstruits maintes fois
auparavant, monuments d’une autre époque que celle dans
laquelle il vit, élevés dans un pays complètement différent du
sien ; il rentrera chez lui l’esprit pétri d’idées fausses, et
attendra patiemment, au milieu d’une société qui l’aura perdu
de vue, que l’État continue à lui venir en aide. Tenez compte
que ses 4,000 francs de pension lui auront donné des habitudes
de paresse dont il se débarrassera difficilement. Les concours
de Rome au surplus n’ont pas toujours fait les grands artistes,
et nous pouvons citer bon nombre d’architectes, tant en Bel-
gique qu’à l’étranger, architectes d’un talent reconnu, qui n’ont
pas cru devoir passer tant de temps dans la Ville Éternelle.
Mais, nous dira-t-on, vous voulez donc le renversement de
tout ce qui existe? C’est de l’anarchie,— le mot est à la mode.—
L’enseignement dans les universités vous paraît mauvais ;
celui donné dans les académies ne vous plaît guère d’avan-
tage ; vous trouvez les concours en loge détestables et ceux
de Rome pire encore. Que voulez-vous donc?
Ce que nous voulons, c’est un enseignement architectural,
sérieux et rationnellement conduit. Nous voulons que pour les
architectes, comme pour les autres professions libérales, le gou-
vernement établisse une marche logique des études, qu’il dise
aux jeunes gens qui se sentent une vocation sérieuse pour les
études architecturales : voilà ce que vous devez faire, voilà
les cours que vous devez suivre, voilà jusqu’où vous pousse-
rez vos études, voilà l’établissement créé par moi dans lequel
vous pourrez acquérir toutes les connaissances scientifiques
et artistiques indispensables pour faire un bon architecte.
Disons en passant qu’en agissant ainsi le gouvernement
ferait non seulement acte de justice, mais aussi acte de bonne
administration. Nous sommes convaincu qu’un enseignement
rationnel bien établi produirait immédiatement ses fruits. Les
administrations gouvernementales, provinciales ou commu-
nales trouveraient, dans cette pépinière d’architectes, des artis-
tes réellement capables, qui, au lieu d’édifier péniblement des
projets mal conçus, mal étudiés et d’une exécution ruineuse,
élèveraient sans effort des œuvres vraiment belles dans les-
quelles rien n’aurait été laissé au hasard.
C’est donc indéniable, personne croyons-nous ne nous con-
tredira sur ce point, l’enseignement architectural en Belgique
est mauvais.
La Presse, nous entendons les journaux qui s’occupent par-
fois, à de rares intervalles, de questions d’art architectural, et
parmi eux la Fédération artistique, dont un collaborateur assidu,
qui cache sous le pseudonyme d’EüMOND Louis une person-
nalité officiellement revêtue d’une grande compétence dans
l’enseignement des beaux-arts, la Presse, disons-nous, réclame
avec nous la création d’une école spéciale de hautes études,
où l’on acquerrait, en même temps que les notions du beau,
de l’esthétique, la science indispensable aux constructeurs (3).
Défendue par la presse et par des hommes de la valeur de
MM. Pauli et Wagener devant les hauts corps constitués du
pays, cette grande cause de la réorganisation de l’enseigne-
ment de l’architecture, sur l’insuffisance duquel il semble
que tout le monde soit aujourd’hui d’accord, finira par inté-
resser nos gouvernants.
(3) Voir les articles sur nos expositions de i883 et 1886 dans l Indépen-
dance, la Gazette, la Nation, etc.
(4) Voir l’Émulation, ixe année, col. 129 et i3o. (Procès-verbal del assem-
blée générale de la Société Centrale d’Architecture, du 12 novembre 1884.
Les plaintes, les réclamations que nous avons si souvent
répétées depuis quinze ans dans nos colonnes et ailleurs, ont
déjà du reste été écoutées.
Les réformes apportées au programme de l’Académie d’An-
vers, celles promises par le gouvernement au programme
d’études — qui tarde malheureusement trop à voir le jour —
de l’Institut supérieur des Beaux-Arts, qui comprendra des
ateliers d’architecture ouverts toute la journée, sont des témoignages
évidents de la sollicitude des Ministres et de l’Administration
communale d’Anvers pour l’enseignement architectural.
Le conseil communal de Bruxelles vient aussi récemment
de s’occuper de cette question. En même temps que la créa-
tion d’une école des arts décoratifs, il a voté des réformes très
importantes au programme des classes d’architecture de l’Aca-
démie. Grâce à l’obligeante intervention de M. le bourgmestre
Buis à qui nous avions présenté nos réclamations, ces
réformes nous donneront, en ce qui concerne cet important
établissement, certains apaisements, si, comme nous avons
tout lieu de l’espérer, les membres du nouveau personnel
que l’on va nommer sont à la hauteur de leur mission, si
l’on veille avec un soin constant à la stricte observation du
règlement et du programme suivant, sur lequel la Société
Centrale d’Architecture a été appelée à donner, l’année der-
nière, officieusement son avis (4) :
Académie et École des Arts Décoratifs de Bruxelles
Projet de réorganisation (5)
PROGRAMME DES COURS
PREMIER DEGRÉ
Cours communs aux élèves des deux écoles
(Académie et Ecole des Arts Décoratifs)
COURS DU SOIR
PREMIÈRE ANNÉE
Cours pratique. — Professeur M. Acker
i° Éléments des ordres au trait en géométral. 3 soirées de 2 1/2 heures
par semaine.
20 Dessin à main levée au crayon et à la plume de fragments d’archi-
tecture et d’ornement d’après le relief. 3 soirées de 1 1/2 heure par semaine.
Cours oral. — Professeur M. B... (à nommer).
Géométrie plane et éléments de géométrie descriptive. 3 heures par
semaine. — Des devoirs à domicile à faire le dimanche seront donnés
régulièrement.
DEUXIÈME ANNÉE
Cours pratique. — Professeur M. Naert.
i° Ensemble des ordres et combinaisons d’ordres superposés, au trait
et ombrés, en géométral. 3 soirées de 2 1/2 heures par semaine.
2° Dessin à main levée de fragments d’architecture, d’ornement et de
tête antique. 3 soirées de 1 1/2 heure par semaine.
Cours oral. — Professeur M. B... (à nommer).
Géométrie descriptive. — Tracé des ombres géométrales. — Éléments
de perspective linéaire. 3 heures par semaine. — Devoirs à domicile.
Les cours ci-dessus, se donnant exclusivement le soir de 6 1/2 à 9 1/2),
seront accessibles aux ouvriers et aussi aux élèves des écoles et de
l’Athénée.
DEUXIÈME DEGRÉ
Comprenant deux années d’études
École des Arts Décoratifs
ÉTUDE DE LA DÉCORATION DES
CONSTRUCTIONS
Enseignement artistique
Cours pratiques et théoriques
Cours du soir. — Prof. M. I...
(à nommer).
Application du dessin géométral
aux métiers :
i° Maçonnerie : Appareils di-
vers. — Décorations en briques à
plat et en relief ;
20 Menuiserie : Assemblage di-
vers. — Etude des profils. — Me-
nuiserie mobile. — Menuiserie dor-
mante ;
3° Meubles : Grande décoration
mobilière. — Ensemble d’ameuble-
ments. — Objets divers de mobi-
lier ;
40 Décorations en bois, en pierre
et en métal des couvertures de bâti-
ments ;
5° Charpentes. — Escaliers ;
6° Coupe de pierres ;
7° Marbrerie.
4 soirées de 2 1/2 heures et 2 soi-
rées de 11/2 heure par semaine.
Académie
ÉTUDE DES MONUMENTS DE
l’antiquité
Enseignement artistique
Cours pratiques et théoriques
Cours du jour
Professeur M. Pavot.
Application des ordres d’archi-
tecture d’après croquis et relevés
de monuments.
Rendus au lavis et esquisses.
Dessin des monuments de l’anti-
quité d’après photographies.— Pro-
jets de restauration et compositions
simples dans les styles antiques.
Esquisses et rendus au lavis.
6 jours de 4 heures au moins par
semaine.
Cours du soir (6).
Dessin à main levée de frag-
ments et figures antiques expliqués
dans le cours d’histoire et théorie
de l’architecture.
4 soirées de 2 1/2 heures par se-
maine.
Pendant les deux autres soirées
de 1 1/2 heure, les élèves architectes
iraient à l’école des arts décoratifs,
ou feraient, dans leur atelier, des
études se rapportant aux métiers.
Cours oral. — Prof. M. X...
(à nommer).
Histoire et théorie de l’architec-
ture : Antiquité, en deux ans, à rai-
son de 2 heures par semaine dans
chaque année.
(5) Inséré au Bulletin communal, 1886, t. II, p. 2i5.
(6) Pour ce cours, les élèves architectes se rendront dans les classes
correspondantes des cours de dessin, où ils formeront une section spé-
ciale n’ayant que quatre jours de ces cours par semaine. |