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Le Précurseur
que nous avons élevé de nos mains, pour nous écraser sous ses décom-
bres. , ,
Telles sont les réflexions que nos alarmes nous ont suggérées; nous
les soumettons avec pleine confiance à vos lumières, messieurs.et nous
nous flattons que vous ferez la juste appréciation des conséquences de
la loi,, dont l’adoption ne nous laisserait que la perspective d’une af-
freuse misère.
Daignez, messieurs, agréer nos expressions du plus profond respect
avec lequel nous avons l’honneur d’étre.
y os très humbles et très obéissants serviteurs.
(suivent les signatures.)
'Voici la pétition des ouvriers des fabriques de tabac de Menin:
A Sa Majesté, le roi des Belges.
Sire !
La classe ouvrière de la ville de Menin, se voit avec douleur, menacée
dans son existence !
Vos ministres ont présenté à la chambre des représentants un projet
de loi. qui met désormais les chefs des établissements où nous sommes
occupés , dans l'impossibilité patente de continuer à nous fournir le
travail qui nous donne la vie, ainsi qu’à nos nombreuses et malheureu-
ses familles !
Nous venons nous jeter à vos pieds, Sire, pour qu’il vous plaise faire
retirer un projet de loi qui nous accable tous !
Daignez vous rappeler qu’en 1835 et 34, à votre passage à Menin,vous
voulûtes bien visiter l’une des fabriques de tabac importantes de cette
ville, où vous donnâtes des marques de votre munificence, vous avez
dû juger par les cris d’allégresse que votre présence avait fait naître,
combien vous étiez chéri et adoré. Vous promiles une éclatante protec-
tion à une industrie aussi utile que favorable à tant de malheureux !....
Nous osons vous en demander la continuité. Sire. Vous êtes notre Père,
notre bienfaiteur, vous entendrez nos vœux, vous y ferez droit, puis-
que nous faisons appel à votre cœur généreux, qui n’a jamais failli aux
grandes infortunes, et nous sommes dans ce cas, Sire.
Dans cet espoir, nous osons nous dire avec le plus profond respect.
De votre Majesté,
Les très humbles, très obéissants et fidèles sujets.
(Suivent les signatures.)
On mande de Tournai, 31 janvier :
« Samedi 27 courant, a eu lieu à l’auberge dit YEnflè, la réunion de
fabricants, débitants, négociants et cultivateurs de tabac. Cette assem-
blée était fort nombreuse. La plus grande partie des cultivateurs, né-
gociants et débitants de Tournai et des environs s’étaient rendus à l’in-
vitation du comité; l’un des membres du comité, après avoir donné lec-
ture du projet de loi et de ses motifs, a développé succinctement les
craintes qu’il inspirait au commerce; car du projet au monopole il n’y
a qu’un pas.
» Il a énuméré les nombreux griefs du commerce contre la plupart
de ses dispositions : Rétroactivité des'droits; vexations fiscales, plus
odieuses encore que les droits-réunis ; entraves mises à la culture du
tabac, entraves qui ruineront les petits cultivateurs qui n’ont que cette
ressource pour vivre et payer leur fermage: liberté de commerce anéan-
tie pour les petits débitants. En un mot, il a montré que l’adoption de
la loi-Mercier aurait pour résultat la ruine du commerce de la Belgique
au profit de la Hollande et de la France. Des procurations ont été en-
suite déposées et couvertes aussitôt de signatures. Ces procurations
donnent aux membres du comité qui devaient se rendre à Malines le '29
épurant, le droit de représenter les intéressés de Tournai et de ses en-
virons.
« La chambre de commerce s’est réunie aussi le 27 courant versie
soir, pour s’occuper du projet de loi sur les tabacs. Elle a décidé qu'un
mémoire serait adressé au gouvernement, pour critiquer le projet, et
elle a nommé une commission pour se rendre à Bruxelles, s’il est né-
cessaire. »
ASSURAKOE CONTRE LA MISERE.
Sous ce titre, une pétition a été adressée aux Chambres françaises,
par M. Deloin, ingénieur civil. L’auteur propose la création d’un grand
établissementd’individus industriels, principalement consacré à la classe
pauvre et ouvrière. Il fait concourir à son établissement le gouverne-
ment qui est intéressé à l’allégement de la misère, la population aisée,
et enfin les invalides commerciaux eux-mémes, lorsqu’ils auront fait des
économies et qu’ils posséderont un pelitcapital ou le revenu correspon-
dant. C’est là une grande idée dont les résultats peuvent être féconds.
L’objet de la pétition de M Deloin tendrait enfin à affranchir la popu-
lation ouvrière de celte lèpre hideuse qui la ronge. Mais nous croyons
aussi que c’est aux gouvernements à prendre l’initiative dans un pareil
projet, et (ju’il demeurerait stérile livré aux mains des spéculateurs Le
soulagement dans le présent et dans l’avenir des classes laborieuses
toucheà detrop hautes questions d’économie sociale,pour qu’elles puis-
sent être résolues par des hommes isolés du mouvement administratif,
et sans autre secours que des capitaux à espéreret les idées généreuses
qui les dirigent. Il ne faut pas se borner à conseiller aux ouvriers de
faire des économies pour l’avenir, il faut trouver le moyen de les con-
traindre, en quelque sorte, a réaliser des moyens d’existence pour leur
vieillesse.
C’est toute une étude à faire : ce sont de vieilles habitudes à rompre
ce sont de vieux préjugés à combattre, c’est la débauche et l’abus des
boissons à chasser de la vie ouvrière, ce sont enfin des bases toutes nou-
velles à fonder dans intérêt de l’avenir des classes laborieuses ; ce n’est
pas là le travail d’un jour. 11 faut avant tout porter ses regards vers
l’industrie agricole qui manque de bras, tandis que l’industrie manu-
facturière en regorge; il faut s’appuyer sur le sol, là est lesalutde toute
population. Il est une vérité dont les gouvernements ne sauraient se
pénétrer trop profondément, c’est celle-ci que nous empruntons à
Raynal :
« Toute puissance qui vient d’ailleurs que de la terre est artificielle et
précaire, soit dans le physique, soit dans le moral. L’industrie et le
commerce qui ne s’exercent pas en premier lieu sur l’agriculture d’un
pays sont au pouvoir des nations étrangères, qui peuvent ou les dispu-
ter par émulation ou les ôter par envie, soit en établissant la môme in-
dustrie chez elles, soit en supprimant l’exportation de leurs malièresen
nature, ou l’importation de ces matières en œuvre. »
S’agit-il de la guerre de Russie et de la levée de 100.000 hommes sous le
litre decohortes, un sénateur, M. de Lacépède, dira que la conscription
qui depuis 1805, a déjà dévoré 900,000 hommes, n’enlève que le luxe de
la population. Il ajoutera, en parlant de nos conscrits : « Parvenus à
l’âge où l’ardeur est réunie à la force, ils trouveront dans l’exercice mi-
litaire des jeux salutaires et des délassements agréables. »
Mais tandis que Napoléon se débattait contre les Russes, Mallet lui
disputait l’empire à Paris, et il faillit réussir. A ce moment, personne
ne se souvenait ni de ses serments ni de la naissance du roi de Rome
héritier de son père. Sans un adjudant de place, c’en était fait du pou-
voir impérial. Napoléon accourt furieux, et le sénat redouble de servi-
lité.
« Sire, lui dit-il, le sénat, premier conseil de l’empereur, et dont l’au-
torité n’existe que lorsque le monarque la réclame et la met en mouve-
ment, est établi pour la conservation decette monarchie et de l’hérédité
de votre trône dans notre quatrième dynastie.
» Dans les commencements de nos anciennes dynasties, sire, on vit
plus d’une fois le monarque ordonner qu’un serment solennel liât d’a-
vance lesFrançais de tous les rangsà l’héritier du trône, et quelquefois,
lorsque l’âge du jeune prince le permettait, unecouronne fut placée sur
sa tête, comme le gage de son autorité future, elle symbole de la per-
pétuité du gouvernement. .
D, L’affection que toute la nation a pour le roi de Rome, prouve, sire !
et rattachement des Français pour le sang de Votre Majesté, et le senti- !
ment intérieur qui rassure chaque citoyen et qui lui montre dans cet I
auguste enfant la sûreté des siens, la sauve-garde de sa fortune, et un
obstacle invincible à ces divisions intestimes, ces agitations civiles et
ces bouleversements politiques, les plus grands des fléaux qui puissent
affliger les peuples. v
» Sire, disait le conseil d’état, Dieu, qui protège la France, la préser-
vera longtemps du plus grand des malheurs ; mais dans celte circon-
stance, tous les cœurs se rallieraient autour du prince qui est l’objet de
nos voeux et de nos espérances, et chaque Francais renouvellerait à
ses pieds les serments de fidélité et d’amour pour l’empereur que la
constitution appelle à lui succéder. »
« Sire s’écriait M. le baron Séguier, premier président de la courim-
Penale de Pans, l’autorité impériale n’aura jamaisde plus fermes appuis
oL'a S magistrats. • Nos pères ont affronté les périls pour maintenir
1 hérédité de la couronne ; leur esprit vit encore parmi nous ; nous
sommes prêts à tout sacrifier pour votre personne sacrée et pour la
perpétuité de votre dynastie. Veuillez, sire, recevoir ce nouveau ser-
ment, nous y serons fidèles jusqu’à la mort. »
x Voilà-certes, de beaux serments, mais ce n’est pas tout. Ce qu’il faut
à Napoléon, ce sont des soldats. Déjà un million a passé successivement
depuis sept ans sous les drapeaux; presque tous sont morts; il faut les
(1) Montgaiilard, Histoire chronologique de France de 1787 à 1818, édi-
i on de 1853, page 300. ’
CHEMIN DE FER.
Nous avons à signaler une nouvelle amélioration dans la célérité ap-
portée à la publication des états mensuels du mouvement de l’exploita-
tion des chemins de fer. Depuis quelques jours le Moniteur a publié le
tableau du mouvement de décembre; c’est un progrès marqué sur ce
qui avait eu lieu pour les mois précédents. Nous persistons à croire
qu’avec un nouvel effort, l’administration parviendra facilement à faire
connaître les résultats d’un mois dans la première quinzaine du mois
suivant. Il suffit pour cela d’exiger des chefs de stations qu’ils fassent
parvenir les tableaux particuliers qu’ils ont à fournir,dans les cinq pre-
miers jours du mois, et ce n’est certes pas leur demander trop. Voici le
résumé du mouvement des transport et des recettes pendant le mois de
décembre :
Diligences.............. • 20,775
Chars-à-bancs............ 59,224
Wagons......... ........ 149,026
Transp. militaires et exlr..
VOYAGEURS.
BAGAGES.
MARCHANDISES, etc.
RECETTTER.
Total.......
Bagages..................kilog.
Marchandises de diligences.colis.
Id. ld.... kilog.
Id. de roulage... »
Finances..........*-----..groups
Voitures..................nomb.
Chevaux...................têtes.
Gros bétail................ •
Petit bétail............... »
Sur les voyageurs.........francs
Sur les bagages............ »
Sur les marchandises....... »
58
220,083
602,215
18,262
2.769,769
42,143,579
2,328
104
31
1,012
3,372
385,309 24
20,397 97
554,623 07
Total.............francs 760,312 28
Contrairement à ce qui a eu lieu à peu près chaque année depuis que
les chemins de fer sont en exploitation, le nombre des voyageurs a été
plus grand en décembre qu’en novembre ; la différence n'est que d’un
millier de voyageurs, mais enfin il y a eu augmentation, tandis qu’il y
a diminution d’ordinaire. Cette augmentation ne s’est pas reproduite
sur les recettes; celle-ciont au contraire été moindres,surles voyageurs
comme sur les marchandises. La recette totale de novembre a été de
788 mille francs; il y a donc eu en décembre une diminution de 28 mille
francs (8,500 fr. sur les voyageurs civils, mille fr. sur les transports mi-
litaires, près de trois mille fr. sur les bagages et un peu plus de 15 mille
surles marchandises). En décembre 1842 la recette totale fut de 547mille
ou de 213 mille au-dessous decelle du mois eorrespondanldel845. Nous
avons déjà dit que cette différence provient de la pari de nouvelles sec-
tions ouvertes dans le courant de l’année dernière.
Le mouvement de l’année entière a été comme il suit :
Diligences......................... 310,306
Chars-â-bancs..... 854,398
Wagons......... 1,906,389
Transports mil.et extraord. 14,256
VOYAGEURS.
MARCHANDISES, elC.
Total des voyageurs. 3,085,349
Bagages...................kilog. 9.3:3,616
Marchandises de diligences. colis. 192,201
Id. id....kilog. 25,109,122
ld. id.... » 333,455,812
Finances..................groups 23,550
Voitures..................nombre 3,000
Chevaux...................têtes 1,700
Gros bétail............... > 8.609
Petit bétail.............. » 33,639
En 1842 il avait été transporté^,716,775 voyageurs civils et 7,229 voya-
geurs militaires ou extraordinaires, ensemb!e2,724,104; il en a donc été
transporté 361 mille de plus en 1843. Sur les bagages, la différence en
plus a été en 1843de 1,331 mille kilog. Il a été transporté 10 mille kilog.
de petites marchandises de moins et 12 millions de kilog. de grosses
marchandises de plus, augmentation résultant de modifications appor-
tées au tarif. Pour les finances et les voilures, les différences sont assez
insignifiantes. En 1842 il n’avait été transporté que 854 chevaux, 4,107
tètes de gros bétail et 23,790 têtes de petit bétail. La différence la plus
considérable est celle qui a eu lieu sur les grosses marchandises ; le
mouvement de ce transport s’est élevé de 194,185 tonnes à 353,353.
La masse totale des transports effectués en 184-3, en comptant par
wagon, pour les voitures les chevaux et le bétail dont le poids n’est pas
indiqué, dépasse quatre millions de kilogrammes, ou près du doubledes
transports de l’année précédente.Il importe de remarquer que ce mou-
vement de progression n’est pas près de loucher à son terme. A cet
égard le chemin de fer va au-delà de toutes les espérances, d’autant
plus que ces transports s’effectuent à des conditions et à des prixexlré-
mement favorables à l’agriculture, à l’industrie et au commerce.
Les recettes totales de 1843 se sont élevées à 9,061,268 fr.76, savoir :
Voyageurs civils...................... 5,457,962 45
Transports militaires et extraordinaires 24,296 75
Bagages................................. 540,852 21
Marchandises, finances, etc........... 3,207,458 98
Produits extraordinaires................. 10,718 57
Mais de celte somme de 9,041,268-76, il faut déduire cellede46,829-33,
due à l’administration française du chef des recettes effectuées sur les
sections internationales, demanière que le produit des chemins de fer
pour compte du trésor, ont étéde fr. 8,994,459-23, ou de moins de 9 mil-
lions. En 1842, la recette a étéde fr. 7,458,774-29; il y a donc eu l’année
dernière une augmentation de 1,535,665 francs.
Voici comment la recette de 1843 s’est divisée par mois :
Janvier....... 488,683 39 Juillet....... 823,403 55
Février....... 475,736 20 Août.......... 1,057,436 19
Mars........... 593,891 27 Septembre... 1,119,598 00
Avril........... 643,399 62 Octobre....... 902,433 93
Mai............ 668,765 05 Novembre... 788,266 02
Juin.......... 719,542 50 Décembre.... 760,312 28
Depuis 1835, époque de l'ouverture de la première section du chemin
de fer, les recettes ont marché d’après la progression suivante :
1855 ............................ 268,997 50
1856 ............................ 825,132 82
1837 .......................... 1,416,982 94
1838 ...........•............. 5,097,835 40
remplacer. Le sénat se met à l’œuvre et vote, du 1« septembre 1812 au
15 novembre 1813, en six fois différentes, onze cent soixante dix-sepl
mille hommes ! Après la campagne de Leipsick, le sénat s’écrie : « Nous
combattrons pour notre chère patrie entre les tombeaux de nos pères
et les berceaux de nos enfants! » (La fin à un prochain numéro.)
PETITE CHRONIQUE PARISIENNE.
La semaine qui finit a été meurtrière. Nous avons vu passer le convoi
d’un maréchal de France; — nous avons perdu un des nôtres, un écri-
vain de la presse, Charles Froment, un homme d’esprit et de cœur, qui
avait fondé il y a quatre ans un journal de théâtre, et qui le soutenait
seul : il est mort à la peine. — Et puis encore, dans un coin de Paris, ob-
scur et ignoré, s’est éteint un homme qui fut célèbre et qui se nommait
Julien
Qu’était-ce que ce Julien ? vont demander les gens qui ont l’avantage
de ne pas avoirsoixanteanset qui sont peu familiers avec les chroniques
dramatiques ? Consultez une brochure devenue très rare, intitulée les
Deux l’anthëons, pièce d'inauguration, composée par M. de Piis, et re-
présentée à l’ouverture du Vaudeville en janvier 1799, il y a cinquante-
deux ans ; vous trouverez dans la distribution des rôles le nom de Julien,
qui fut acteur fameux, un jeune premier que ses contemporains compa-
raient à Elleviou. A la création du Vaudeville. Julien n’était encore qu’un
tout jeune écolier; sa réputation et ses succès n’eurent lien qu’une dou-
zaine d’années plus tard. Au temps où Julien florissail, les amoureux de
théâtre tenaient une certaine place dans le monde. Il faut se rappeler
qu’à cette époque presque tous les jeunes gens étaient sous les drapeaux;
ceux qui se montraient dans les salons devaient cet avantage à quel-
que infirmité plus ou moins fâcheuse. Les exigences du monde ne
pouvaient guère s’accommoder de ce rebut de la conscription. La qua-
lité d’infirme, officiellement délivrée par un conseil de révision, n’était
pas faite pour tenter les faveurs de la mode. Restaient les hommes d’une
maturité éprouvée, qui ne pouvaient prétendre qu’à de minces triom-
phes. Ainsi donc, hors quelques rares exceptions, les regards qui vou-
laient se reposer sur un jeune merveilleux, élégant, bien tourné, alerte
eL dispos , étaient obligés d’aller chercher au théâtre cette récréation.
Voilà comment et pourquoi l’acteur fit jadis assez de bruit pour
mériter aujourd’hui un souvenir. Il y a quarante ans on parlait de lui
comme on parlerait maintenant d’un deslions les plus brillants du sport.
Entre la répétition du matin et la représentation du soir, il se montrait
au bois de Boulogne sur son cheval Isabelle ou dans son boguey, à moins
que ce ne fût sur son cheval gris de souris ou dans son wiski. Il donnait
le ton et décidait souverainement de la couped’un frac et de la hauteur
d’une cravate. Ce fut lui qui le premier porta un spencer gris de lin sur
un habit bleu barbot. On se piquait alors de bien choisir les couleurs.
Sur la scène on l’applaudissait beaucoup lorsqu’il lirait de sa poche un
petit peigne d’écaille et qu’il peignait les franges de son gilet comme
nos dandys d’aujourd’hui peignent leur barbe avant d’entrer dans un
1859 ............................ 4,249,825 04
1840 ............................. 5,555,167 05
1841 .............................. 6,226,333 06
1842 ............................. 7,458,771 29
1843 .............................. 8,994,439 25
Ce qu’il y a peut-être de plus remarquable dans cet accroissement de
recette, c’est la part de plus en plus grande pour laquelle y figure le
produit du transport des bagages, marchandises, etc. Ce n’est qu’en
1837 que ce transport a commencé à être organisé; dans les années sui-
vantes, il a été élargi, complété, et voici ce qu’il a rapporté :
En 1857.... 16,994 36 ou 1 1[5 p. c. de la recette totale.
1838.. .. 162,015 57 ou 5 1j4 id.
1839____ 615,280 '80 ou 13 1 [4 id.
1840.. .. 1,278,744 54 ou 23 3|4 id.
1841 ----- 2,112,136 03 ou 34 id.
1842 ----- 2,752,756 86 ou 56 1[2 id.
1843.. .. 3,548,291 19 ou 59 id.
On peut déjà prévoir que cette partie de l’exploitation finira par four-
nir la moitié des recettes. C’est là un résultat à la possibilité duquel
l’administration refusait de croire il y a quelques années. Il nous sera
permis de rappeler que nous avons soutenu au contraire, qu’on devait
fonder les plus belles espérances sur le transport des marchandises.
Il a été transporté l’année derniere 3,071,095 voyageurs civils. Leur
répartition entre les différentes classes de voitures a été sur 100 : de 10
en diligences, 28 en chars-à-bancs et 62 en wagons. Les nombres res-
pectifs de l’année précédente ont été de 9 1[2, 25 et 65 1[2. Il y a donc eu
amélioration en 1845.
La moyenne du produit par voyageur a éprouvé de très faibles varia-
tions Pour les diligences le produit moyen est descendu de 4 fr. 23 à 4f.
20; le produit des chars-à-bancs et des wagons a été exactement le même
dans les deux années, 2 fr, 35 et 1 fr. 12 Mais par l’effet de l’améliora-
tion qu’il y a eu dans la répartition, le produit moyen général s’estélevé
de 1 fr. 72 à 1 fr. 78 par voyageur.
En 1842 la recette opérée sur les voyageurs transportés en diligences
a été de 25 p. c. de la recette totale du transport des voyageurs civils;
la proportion a été de 23 3j4 p. c. en 1845; elle s’est élevée de 34 I|4 à 57
p. c. sur les chars-à-bancs; elle est descendue par conséquent de 42 Sj4
39 1)4 sur les wagons. (Indépendance.)
ESPAGNE.
Madrid, 26 janvier. — Les nouvelles de Saragosse continuent d’être
favorables. La tranquillité est rétablie , et le désarmement de la garde
nationale s’opère sans résistance.
« La révolte, dit le Heraldo, a été vaincue à Saragosse comme partout.
Dieu merci, la ville de Saragosse est maintenant affranchie de la tyran-
nie des assassins et des malveillants. »
Le bruit court que le général Serrano n’accepte pas l’inspection gé-
nérale de cavalerie, et que le général Pezuela n’accepte pas la capitai-
nerie-générale des provinces basques. Le général Amar est nommé ca-
pitaine-général d’Estramadure.
On assure que le général Prim doit être nommé au commandement
de Madrid en remplacement du général Pezuela.
— Le üiario constitucional de Saragosse contient un ordre du jour
du 26janvier, par lequel tous les officiers qui, après la capitulation du
mois d’octobre dernier, ont reçu leurs passeports, en attendant qu’on
leur expédiât leur congé définitif, sont sommés de quitter la ville dans
les vingt-quatre heures. Les contrevenants seront arrêtés immédiate-
ment. L’autorité supérieure a été informée qu’un grand nombre de ces
officiers n’étaient point partis et que d’autres étaient rentrés furtive-
ment dans la ville.
FRANCE.
Paris, 1«r février. — On assure que la chambre des pairs recevra, dans
sa séance de vendredi, communication du projet de loi sur la liberté
d’enseignement. (/. des Débats).
— On annonce que sous peu de jours, la loi des fonds secrets sera pré-
sentée à la chambre des députés. (Constitutionnel.)
— Des lettres de Malte du 15, parlent de troubles qui auraient eu lieu
à Athènes. Les vaisseaux qui se trouvaient dans le port de Malte avaient
reçu l’ordre de mettre à la voile le 16, eton supposait qu’ils se rendaient
à Athènes. (Moniteur parisien.)
— Un journal affirme que la censure a définitivement défendu les
Mystères de Paris, dont la représentation était attendue avec tant d’im-
patience par les habitués du théâtre de la Porte-St-Martin. Le manus-
crita été renvoyé ces jours derniers à M. Eugène Sue, avec invitation
de refaire complètement la pièce, s’il veut échapper à l’interdit.
— Vers deux heures, ce matin , un vent d’ouest a commencé à souf-
fler sur la capitale avec une violence inouïe et cet après-midi la tempête
durait encore.Les drapeaux qui flottaient sur les palais ont été arrachés
de leurs hampes: des cheminées en tôle et des enseignes ont été jetées
sur le pavé; des arbres énormes ont été déracinés sur les promenades;
plusieurs femmes ont été renversées sur le Pont-Royal ; enfin les toits
desTuileries, du Louvre et de plusieurs édificesont encore eu beaucoup
à souffrir de l’ouragan. Nul doute que, dans la Manche et dans tous nos
ports de l’Océan, il n’y ait eu de grands sinistres.
HOLLANDE.
La Haye,2/écner. — Hier matin a eu lieu l’inhumation de la dépouille
mortelle de Son Exc. le lieutenant-général comte Van den Bosch. Le
convoi funèbre était accomjiagnéde ceux de ses fils, qui se trou vent dans
le pays, et de ses nombreux amis. Après que le cercueil fut déposé dans
le tombeau, le prédicateur M. Ruitenschild prononça l’oraison funèbre
du défunt, qui a vivement ému l’auditoire.
— Uullctin de la bourse d'Amsterdam du * février. — Lesfonds
hollandais plus faibles. Les affaires en général étaient peu animées.
Par contre, on a fait beaucoup d’affaires en actions des chemins de
fer hollandais. Des parties importantes ont été traitées d’abord à 77,
plus tard le prix est resté un peu plus faible. On dit que plusieursachats
ont été faits pour compte de maisons allemandes.
Les espagnols sans variation. Les portugais plus offerts.
Il y avait beaucoup de demande pour obligation de l’Amérique du
Sud. Les colombiens et les grecs recherchés en hausse.
BELGIQUE.
Bruxelles, 3 février. — Hier à midi et demi, ont eu lieu les obsèques
salon.— Permettez-nous une anecdote qui terminera le portrait de Ju-
lien, en montrant jusqu’où pouvaient aller, du temps de nos pères, les
licences accordées à un jeune premier de vaudeville.
Un soir, après la première pièce du spectacle, le public qui se pressait
au Vaudeville eut à subir un entr’acte d’une insolente longueur. On at-
tendait dans la salle M. Guillaume, la pièce en vogue alors, et derrière
le rideau on attendait M. Julien qui jouait le rôle de l'amoureux dans
cet ouvrage. M. Julien avait profité d’une belle journéed’été,pour faire
après son dîner, une petite promenade à cheval dans l’avenue de Neuil-
ly. Les spectateurs avaient témoigné leur impatience d’un façon si
bruyante, qu’on avait été obligé de leur apprendre la cause du retard ;
celte communication fut faite par l’organe du régisseur, dans l’espoir
que le public serait indulgent pour son acteur favori; mais il n’en fut rien,
l’orage conlinua de gronder au parterre et au paradis. La plus grande
agitation régnait dans les coulisses ; Barré, le directeur, ne savait plus
où donner de la tête. On avait expédié de tous côtés les garçons de théâ-
tre et les comparses pour allerà la découverte. Enfin, on voîtdéboucher
de la rueSaint-Honorésur la place du Palais-Royal M. Julien, menant au
petit trot son cheval gris de souris. — Arrivez donc ! arrivez donc ! lui
crie-t-on de toutes parts avec des signaux de détresse; mais lui, impas-
sible et superbe, ne presse pas sa monture ; il arrive tout doucement
sous la voûte du théâtre, descend gracieusement de cheval, et du bas de
l’escalier ordonne que l’on frappe les trois coups.—Mais il faut que vous
preniez le temps de vous habiller ! — Bah ! ne suis-je pas bien ainsi? un
peu poudreux, mais qu’importe ! Allons, un coup de brosse,donnez-moi
mon rouge et faites lever le rideau. — Tout cela était dit avec un admi-
rable sang-froid, malgré la tempête publique dont on entendait le re-
tentissement.
Le rideau se lève. La pièce commençait par un monologue de l’amou-
reux. Julien paraît, leste et souriant: une affreuse bordée de sifflets
accueille son entrée : il ne perd rien deson aplomb ; mille voix furieu-
ses demandent à grands cris que l’acteur fasse des excuses : alors Julien
s’avance d’un pas léger jusque sur le trou du souffleur, et se penche
en avant comme pour annoncer qu’il va parler.— « Chut ! faites silence!
écoulez ! voyons ses excuses ! » s'écrie-t-on de tous les poinlsde la salle,
et aussitôt, comme par enchantement, un sirence profond s’établit. Ju-
lien peut parler; conservant l’attitude qui le melen communication in-
time avec le public , il dit à demi-voix et de l’air dont il aurait fait une
confidence :
— Cécile m’a fait dire qu’elle avait à me parler en particulier.
On se regarde Que signifie cela ? Comment ! il ose venir nous racon-
ter de pareilles choses ? Mais c'est de la dernière impertinence ! c’est
d’une révoltante immoralité !— D’autres spectateurs.qui connaissaient
la pièce, se mettent à rireet applaudissent la spirituelle saillie de Julien
qui continue paisiblement sa tirade,après avoir reculé de quelques pas.
Les mots qu’il avait adressés au public formaient la première phrase de
son rôle dans M. Guillaume , et il avait profité de i’occasion pour les
placer d’une manière avantageuse. |