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I §44. — HT.0 34.
MVERS, Siisnctii 3 Fési-îer.
(Hvm lènie Année.)
ÖM s'abonna :
A Anvers au bureau du Précur-
seur , Bourse Anglaise, N» 1040 ;
en Belgique el à l’élranger chez
tous les Directeurs; des Postes.
PRÉCURSEU
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTERAIRE.
PAIX. — LIBERTÉ, — PROGRÈS.
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S Février.
BÊFIC1T OFFICIEL.
Depuis quelques jours, nous énumérons avec une douloureuse
exactitude toutes les erreurs ministérielles et toutes les lésions
profondes que fait à notre état moral, commercial, industriel
et financier le déplorable cabinet qui a pris si menteusement
le nom de cabinet d'affaires.
Nous avons démontré, du reste, comment tout périclitait
dans les mains inhabiles de nosgouvernants, et comment il était
urgent que la Ctiambre fit justice enfin d'hommes qui avaient
l’incroyable prétention de faire les affaires du pays, alorsqu ils
portent une sorte de malheur à toutes les queslious qu’ils
touchent.
Voici le Moniteur d’avant-hier qui vient de nouveau justifier
nos prévisions et corroborer nos accusations.
On sait déjà ( et le reproche en a été fait à diverses reprises
à la tribune par l’honorable M. Devaux) qu’un des traits dis-
tinctifs de l'administration de M. Nothomb et de ses premiers
commis est de cacher, sous des revenus fictifs, les déficits pro-
bables des budgets des dépenses.
C’est ainsi, par exemple, qu'à chaque budget on a fait gon-
fler outre mesure le chiffre de chaque branche de revenu
public, afin de n'avoir pas besoin de mécontenter qui que ce soit
et de demander des augmentations d’impôt au budget des
voies et moyens.
Ce système est assez commode pour messieurs les ministres;
ils ne s’exposent pas à voir se renouveler des discussions de la
nature de celle de l’an dernier, par exemple, où ils se sont
levés seuls pour voter des centimes additionnels; mais comme
les lacunes financières ne se comblent point par enchantement,
on en est réduit à venir accuser humblement des déficits. On
n’a rien gagné au fond; au contraire, on a augmenté la dette
flottante, on a obéré nos finances; mais on est resté ministres
un an de plus! C’est beaucoup pour les ministres; c’est peu
pour le pays.
Nous disions donc que 1 e Moniteur d’avant-hier vient appuyer
nos accusations. Il nous révèle dans toute leur triste nudité les
erreurs financières de M. Smits.Si une première fois, la Cham-
bre pouvait en croire l'erreur de ce ministre, alors qu'il vint
déclarer à la tribune qu'il répondrait volontiers de la balance
des budgets sur sa propre fortune, il n’en était plus de même
à une seconde affirmation de la même nature.
Aussi, quand M. Smits a établi son second budget, tout le
monde était d’accord pour lui faire le reproche, déjà mérité,
d’avoir gonflé avec exagération les recettes pour n'avoir pas be-
soin de parer aux dépenses.
Qu’en est-il résulté ?
Ainsi que nous l’indique le Moniteur, l’inexorable Moniteur,
un déficit de près de A millions et demi s’est révélé à la fin du
dernier exercice, et sans quelques revenus insignifiants qui ont
dépassé les prévisions, ce déficit eût encore été d’uu million de
plus.
C’estainsi quele produitdu chemin deferporté à lOmillions,
n’a réellement donné que 9 millions ;
Que les droits d'accise sur les eaux-de-vie indigènes ont été
de plus d'un million au-dessous des prévisions ;
Que les droits de successions que la Chambre avait unanime-
ment trouvé portés à un chiffre trop considérable, tandis quele
ministre soutenait le contraire, ont donné fr. 2,244,600 de
moins que l’évaluation officielle ;
Que l’enregistrement a produit fr. 470,000 de moins, le tim-
bre fr. 118,000, et le produit des barrières fr. 315,000.
En totalité, enfin, comme nous l’avons indiqué plus haut, il y
a déficit de près de 4 millions et demi.
Comment comblera-t-on ce déficit? Quelles lois financières
le gouvernement d’affaires proposera-t-il? Eh! mon Dieu! rien
de plus facile.
Une première loi sur les naturalisations! Elle rapportera, je
ne sais combien de centaines de francs.
Une seconde loi sur les tabacs ! Oh ! vive cette loi, elle ne pro-
FEUILLETON.
LES GRANDS CORPS DE L’ÉTAT EN FRANCE.
Tant de vicissitudes ont passé sur la France depuis 50 ans, qu’il est
bon de remettre sous les yeux du lecteur l’historique des événements
passés.
En 1789, les députés des Etats-Généraux, réunis à Versailles, s’intitu-
lèrent assemblée nationale. On dépouille les cahiers qui leur ont été
remis par leurs commettants, et on proclame dans la séance du 28 juil-
let le résultat suivant :
Le gouvernement français est monarchique;
La personne du roi est inviolable est sacrée;
La couronne est héréditaire de mâle en mâle;
Le roi est dépositaire du pouvoir exécutif, etc.
On jure fidélité à ces dispositions, et puis le 5 et le 6 octobre le palais
du roi inviolable est envahi; on veut tuer la reine, que son courage
sauve seule; on massacre les gardes-du-corps; on entraîne de force la
famille royale à Paris, et les vainqueurs célèbrent leur triomphe en
portant au bout de leurs piques la tête des vaincus.
La majesté royale n’est point vengée par les représentants de la na-
tion.
Le 4 février 1790, l'assemblée nationale prête un nouveau serment ;
chaque député s’écrie :« Je jure d’être fidèle à la nation, à la loi, au roi,
et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l’as-
semblée nationale, et acceptée par le roi. »
Le roi ne passe déjà plus que le troisième, et le 22 avril l’assemblée
usurpe sur lui le droit de faire la guerre ou la paix.
Le 14 juillet, anniversaire de la prise de la Bastille, 20,000 fédérés re-
présentent l’armée et la garde nationale, prêtent le serment de fidélité
à la nation, à la loi et au roi. Les députés renouvellent celui du 4 fé-
vrier.
Le 13 septembre, nouvelle constitution qui porte :
« La royauté est héréditaire ; au roi seul appartient le pouvoir exé-
cutif; sa personne est sacrée et inviolable. »
Le 16, le roi et les députés prêtent serment.
Le 1’ octobre, l’assemblée législative entre en fonctions et prêle à son
tou r serment à la constitution.
Neuf mois après, éclate le mouvement du 10 août. Louis XVI se réfu-
gie au sein de l’assemblée législative. Cette assemblée engagée envers
lui par un serment solennel, lui répond parl’organede son président
Vergniaud :
« Vous pouvez y compter, sire, sur la fermeté de l’assemblée na-
tionale; ses membres ont juré de mourir en soutenant les droits du
peuple et les autorités constituées. »
Quelques heuresaprès, celte assemblée si ferme et si fidèle s’incline
duira, dit le ministère, que 3 millions, pour couvrir en partie
l'odieux du projet; mais il espère bien au fond qu’elle rappor-
tera davantage. Nous savons qu’il ne compte sur rien moins que
sur 7, 8, 9 millions, peut-être plus !
Mais si une telle loi passe, on aura détruit une grande partie
de notre commerce et de notre navigation. Ou aura démoli une
industrie qui nourrit un grand nombre d’ouvriers ; on aura in-
troduit en Belgique , dans la Belgique libre, une inquisition de
tous les jours el de toutes les heures ; on aura paralysé jusqu’à
la libre culture. On aura soumis de nouveau le sol aux tracas-
series du fisc ! Eh ! qu’importe au gouvernement? En vérité
dans l'espoir d'un tel avenir, et avec l’admiration enthousiaste
que nous inspire M. Nothomb et ses collègues, nous ne pou-
vons que nous écrier itérativement ainsi que nous l'avons déjà
fait avant-hier, vivent les ministères d’affaires !
FIMMET UE LOI SL'Si LES TABACS.
Le Politique a publié hier un article sur la question des ta-
bacs, qu’ou peut résumer par les propositions suivantes :
Nous sommes loin de nous étonuer des oppositions que sou-
lève la loi proposée sur les tabacs ;
Personne ne nie que de nouvelles ressourcessoient indispen-
sables au trésor public ; il est donc juste et convenable de re-
courir aux moyens d’impôt qui n’ont pas encore été exploités ;
L’industrie des tabacs ayant joui jusqu’aujourd'hui, et relati-
vement aux industries similaires , de grands privilèges, l’impo-
sition projetée se réduirait doncà unesimple question d’équité;
L’impôt sur les tabacs ne serait, au reste, qu’un impôt
somptuaire, le tabac étant avant tout un objet de luxe;
Le commerce interlope étant le plus puissant argument con-
tre le projet de loi, il sera bon de faire remarquer que le gou-
vernement ne peut accepter de pareilles considérations sans
s'assimiler aux Etats-Barbaresques de la vieille Europe ;
Le projet de loi est défectueux à nos yeux, en ce sens qu’il ne
consacre pas ouvertement et franchement le monopole...
Tels sont les points ou questions générales que le Politique
a cru devoir aborder et trancher à sa manière. Comme les di-
vers documents, et surtout les mémoires si remarquables de la
Chambre de commerce d’Anvers et des fabricants de tabacs de
Liège, que nous avons publiés, contiennent la réfutation la
plus complète de toutes les propositions sophistiques du jour-
nal ministériel, il deviendra superflu d’en faire nouvelle justice.
Respect aux morts et aux condamnés! Demandons seulement
au Politique de quel côté serait la véritable barbarie,de celui qui
arracherait à des milliers de personnes tout leur avoir et en-
trerait ainsi violemment en possession de ce qui ne lui appar-
tient pas, ou de celui qui laisserait tout le monde jouir eu paix
de biens légitimement acquis ?
Le Politique qui fait si bon marché de toutes les objections
contre le projet de loi de ses patrons, n’a pas pu s’empêcher
pourtant d'admettre que la loi nouvelle changera les conditions
de la production , de la fabrication et de la vente du tabac, et
d'avancer « que l’inquiétude qui se manifeste est motivée; qu’on
sait ce qu’on a, et que les intérêts mis en jeu ont tout au moins
le droit d’être incertains vis-à-vis des éventualités de la légis-
lation nouvelle. »
Il est évident que le Politique, en parlantainsi, oubliait pour
un instant le rôle qu’on l’avait chargé de jouer en cette occasion
devant le pays. Mais c’est ainsi que la vérité se fait jour en dé-
pit même des efforts pour la dissimuler.
C’est toujours du Politique qu’il s’agit. Voici ce qu’on lisait
ce matin dans la feuille muselée de M. Nothomb :
«Nous venons de lire le mémoire rédigé par la chambre de commerce
d’Anvers sur la question des tabacs. Nous nous attendions à ce que le
commerce maritime fît au projet ministériel l’opposition la plus vive.
Mais nous ne soupçonnions pas qu’elle pût se poser sur le terrain où
nous voyons qu'elle s’est établie.C’est dans le seul intérêt du débouché
d’infiltration que le premier corps commercial du pays, comme l’a dit
M.Rogier, fait entendre ses doléances. Nous le regrettons sincèrement,
. ,---■■ 'II.,L.^n.„ ■ .»
devant les ordres des jacobins ; le roi, malgré son inviolabilité, est sus-
pendu de ses fonctions et enfermé au Temple. Ce vote est pris par 284
députés présents sur 745 461 députés onldéserté l’assemblée ou n’osent
paraître. La minorité fait la loi, et la convention nationale sort de cette
séance.
Le 21 septembre, la convention se réunit,abolit la royautésur la pro-
position du comédien Collot-d’Herbois, et proclame la république sur
la motion de Grégoire, évêque relaps.
Nouveau serment à la république, qui est proclamée éternelle.
Le 24 juin 1793, décret qui ordonne l’envoi aux assemblées primaires
de la constitution de l’an 1««, mais cette constitution n’est point mise
en activité.
Robespierre domine la convention, et s’empare du pouvoir.Tant qu’il
règne, il est proclamé par ses collègues, agenouillés à ses pieds, un
homme pur et intègre... Les protestations vont à lui. Le 25juillet 1791,
Barrère lui décerne, à la tribune de la convention, le titre de Vertueux.
Le 27, Robespierre, vertueux l’avant-veille, tombe aux cris de : A bas
le tyran ! et ce n’est qu’un abominable scélérat, même pour ses cour-
tisans ralliés à la victoire.
Le 23 septembre 1795, on proclame la constitution de l’an III. Désor-
mais il y aura cinq directeurs et deux conseils. Le l« novembre, on
nomme directeurs cinq régicides : Réveiltère-Lépeaux, Letourneur (dit
de la Manche), Rewbell, Barras el Carnot.
Le 21 nivôse an IV (11 janvier 1796), le conseil des cinq-cents prend
une résolution, par laquelle il ordonne que l’on rétablira l’anniversaire
républicain du 21 janvier, que le président de chaque conseil législatif
prononcera un discours et recevra le serment de haine à la royauté et
de fidélité à la république, qui sera prêté simultanément parles mem-
bres des deux assemblées.
Hardy demande que le serment soit prêté individuellement.
Thibaudeau réclame la parole. « Citoyens, dit-il, je sens combien il
y a de défaveur à venir parlera la tribu ne contre la proposition de renou-
veler un serment de fidélité à la république et à la constitution ; ce qui
est la même chose Cependant, nous avons eu tant d’exemples de l’inu-
tilité de serments pareils, que nous avons dû reconnaître combien il
est dérisoire de placer des hommes entre leur conscience et des signes
extérieurs.. Ce n’est point une loi qui peut faire prononcer le serment
de fidélité... Rien,selon moi, ne serait inconvénanl, ne seraitcontraire
à la stabilité du gouvernement, comme une telle profession de foi...
Quelle foi doit-on ajouter aux serments d’un homme qu’une loi oblige
de joindre le sien à celui de l’assemblée dont il est membre ?
La motion de Thibaudeau, quoique vivement appuyée, ne fut pas
adoptée ; celle de Hardy l’emporta ; mais les paroles de Thibaudeau fi-
rent réfléchir les chefs du gouvernement, et à la cérémonie du 1* plu-
viôse (21 janvier), on remarqua la phrase suivante dans la bouche de
Rewbell, président du directoire exécutif ;
« Il ne faut pas vous dissimuler, citoyens, que ce n’est point par de
vains serments, que la bouche prononcerait < t qae le cœur désavoue-
pour l’honneur du pays, et pour l’effet que devra produire à l’étranger
un tel aveu fait à la face de l’Europe. »
Le ministère et ses créatures auront beau se mettre sur leur
cheval de bataille, et soutenir des thèses absurdes sansse dou-
ter du ridicule ou de l’odieux qui s’y attache, ils ne parvien-
dront jamais à implanter dans l'esprit public qu’il y a honte
pour un gouvernement à abriter les intérêts d’une des princi-
pales branches de la fortune du pays. Mais, par contre, l'esprit
public s’est déjà prononcé sur les hommes qui veulent, à tort et
à travers, le sacrifice de cette source de prospérité pour la Bel-
gique.On connaît la justice sévère de son jugement. Le pouvoir
n’en reste pas moins aveugle et sourd. C'est ainsi qu’il courra à
sa perte....
A ceux qui prétendent que la nouvelle loi sur les tabacs n'a
en vue qu’une question d’équité, le Journal de Bruxelles répond
dans les termes suivants :
« Tout le monde sait que dans la question des Tabacs, le plus impor-
tant ce sont les exportations. Il s’en fait annuellement en France, en
Prusse, en Suisse, etc..etc.,pour plus de 8millions de francs; il s’en faut,
comme on voit, que cela soit insignifiant, ainsi que l'a dit M. le ministre
des finances dans son exposé des motifs Bien loin d’être presque ré-
duites à rien, comme le gouvernement semble le croire, nous pouvons
affirmer que les exportations ont à peu près doublé depuis 1840 ! et c’est
un capital pareil qui est tout bénéfice pour le pays, puisqu’il consiste
avant tout en main-d’œuvre.que le projet vient anéantir sans la moin-
dre compensation (et nous ajouterons, nous, sans le moindre scru-
pule !).., Et cela pourquoi ? dans quel but ? pour rétablir l’équilibre dans
nos finances, tandis qu’il est facile de démontrer qu’avec quelques éco-
nomies et au moyen des nouveaux impôts qui ont déjà été votés et qui
le seront dans la suite, le gouvernement se trouvera en position de faire
marcher tous les services.
n Pour nous, nous le déclarons, nous ne saurions approuver un projet
de loi qui aurait pour résultat de ruiner la seule seule conquête indus-
trielle et commerciale que nous ayons faite depuis 1830. Nous croirions
manquer à tous nos devoirs, si nous ne protestions contre une mesure
qui doit enlever au pays 8 millions de main-d'œuvre, et doubler eti ou-
tre le prix de la marchandise sur le marché inlérieur. «
Il faut avouer qu’il y a un peu loin de ce langage intelligent
et loyal, franc et véridique, aux excentricités du ministère dé-
bitées sous le couvert du Politique.
Le Nouvelliste de Bruges n'entre pas moins franchement en
lice contre le projet de loi sur les tabacs. Vous verrez qu’à la
fin le ministère sera abandonné, sur ce terrain, par ses meil-
leurs amis. Voici ce que dit le Nouvelliste :
« Nous plaignons tout gouvernement en Belgique qui sera réduit à
recourir à des mesures dépuré fiscalité : jamais le caractère national
n’a supporté ce système. Ce fut entr’autres la vexation en matière d’un -
pôts sous le gouvernement hollandais qui lui aliéna les esprits. Avant
lui, la domination française avait éprouvé le même sort, surtout à cause
de la régie du tabac. L’expérience est constante à cet égard ; nos mœurs
ne s'accommodent pas avec la fiscalité...
«La consommation n’est pas seule en caiise;l’impôt concerne en même
temps la culture, l’industrie et le commerce... Nuire à l’agriculture, à
l’industrie, au commerce dans le but d’emplir la caisse publique, c’est
tuer la poule aux œufs d’or. »
Les ouvriers des fabriques de tabac de la ville d’Anvers,
viennent d’adresser à la Chambre des Représentants la pétition
suivante :
A la Chambre des Représentants.
Messieurs,
Lorsqu’une légitime indignation s'exprime de toutes parts contre le
projet de loi sur la fabrication du tabac, lorsque la consternation a frap-
pé les fabricants, souffrez alors messieurs, que l’ouvrier vous dise et
vous expose les anxiétés et les angoisses, auxquelles il est en butte
quand il se voit menacé dans son existence, el qu’il se sent agité par la
crainte de se voir ravir le travail qui doit lui procurer le pain pour sa
famille !
Vous, messieurs. Représentants du peuple, gardiens de ses droits et
de ses intéréts, vous associerez-vous à ceux qui ont préparé et provo-
qué la ruine d’une industrie qui nous a donné le travail et l’existence,et
qui est peut-être la seule qui n’ait jamais eu besoin de l’appui du gou-
vernement pour acquérir une prospérité toujours croissante?
Cette classe ouvrière dont nous sommes les compagnons et les délé-
gués, et dont le nombre s’est augmenté de deux tiers depuis la révolu-
tion , invoque votre bienveillante sollicitude en sa faveur,et elle espère,
que, dans vos graves délibérations, vous ne perdrez point ses intérêts
de vue; enfin que vous ne sanctionnerez pas une loi qui invoque à l’ai-
de du besoin du trésor, non la propriété, non le luxe, mais le travail!
et vous ne tolérerez jamais qu’on renverse le nouvel édifice industriel
rait, mais par vos actions, que vous consoliderez la république. »
On jure donc à la fois fidélité à cette constitution, haine à la royauté,
et, en vertu de ce serment, le 4 septembre 1797, deux directeurs, Bart-
hélémy (il avait succédé à Letourneur Ie20 mars)etCarnot.et cinquante-
trois députés, sont condamnés, par leurs collègues et les deux conseils
à la déportation. Les propriétaires, rédacteurs et imprimeurs de qua-
rante-deux journaux et écrits périodiques, sont également déportés.
Pour justifier ce coup d’état, celte violation de la constitution, le rappor-
teur du conseil des cinq-cents (Girod-Ponzol) s’écrie effrontément :
« On n’a pu se procurer les pièces originales qui serventde preuves con-
tre les conspirateurs. »
On se réunit après la victoire Merlin (de Douai) et François (de Neuf-
château) sont promus directeurs.
Au 18 brumaire (9 novembre 1799), Bonaparte renverse le directoire,
la constitution de l’an VIII, érige le consulat et promulgue la constitu-
tion de l’an VIII, à laquelle on jure, à son tour, fidélité éternelle.
Le consulat pour dix ans ne suffisant pas à Bonaparte, un sénatus-
consulte du 8 mai 1802 le réélit pour dix autres années à l’expiration des
dix premières.
Le 2 août, nouveau sénatus-consulte qui confère à Napoléon Bona-
parte le consulat à vie.
Le 4, autre acte du sénat qui réforme la constitution de l’an VIII,oi>
ganise les colléges électoraux, diminue le tribunal, reconnaît le conseil-
d’état comme autorité constituée, fait le second el le troisième consul,
consuls à vie comme le premier et accorde à Bonaparte le droit de faire
grâce, droit retiré à Louis XVI le 5 juin 1791.
Le 4 mai 1804, le sénat, sur la proposition des tribuns, déclare «qu’il
est du plus grand intérêt du peuple français de confier le gouverne-
ment de la république à Napoléon Bonaparte, empereur des Français. »
Napoléou n’attend pas que le peuple consulté se soit prononcé. Ce ne
sera que le U décembre qu’aura lieu le dépouillement des registres, et
le 17 mai Napoléon accepte l’empire. Le 19, il crée dix-huit maréchaux.
Le 27, le sénat lui prêle serment de fidélité, el au signal du sénat, les
adressespleuvent aux pieds du nouveau trône érigé sur les ruines de
l'immortelle république. A ce sujet, l’historien Moulgaillard s’écrie;
« La cérémonie du serment, cérémonie si vaine pour des hommes
qui se jouèrent de tous les principes, mais qui n’en fut pas moins en
usage à toutes les phases de la révolution, vient consacrer les promesses
de trente-six millions de Français. Les mêmes bouches qui jurèrent fi-
délité à LouisXVI et à quatre constitutions jurent de ne pas devenir
infidèles à l’empereur de la grande nation ; et ce dernier serment sera,
pour le malheur des Français, religieusement observé (1) «
Napoléon, en effet, règne pendant dix ans. Tout se courbe devant lui.
Les régicides deviennent des hommes de cour et prennent leurs titres
au sérieux. A peine a-t-il parlé qu’il est obéi. Les levées d’hommes et
d’argentse succèdent. Veut-il la guerre d’Espagne? Veut-il attenter à
l’indépendance d’un peuple jaloux de sa nationalité? Le sénat s’écrie :
« La guerre d’Espagne est politique, elle est juste, elle est nécessaire. » |